Droit au recours et obligation de quitter le territoire français

(À propos de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juin 2018)
Publié le 20/09/2018

La question du droit au recours est essentielle à la protection des droits fondamentaux. Depuis le célèbre arrêt Dame Lamotte, le droit français s’est enrichi du bloc de constitutionnalité mais aussi de l’appartenance française à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Appliquée aux obligations de quitter le territoire français, la question revêt une acuité particulière quant à son effectivité. Par une réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel conclut à une censure partielle de la loi faute de prévoir des délais suffisants pour l’exercice du droit au recours.

Une nouvelle démonstration de la pertinence d’un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori vient d’être apportée par la décision du Conseil constitutionnel en date du 1er juin 20181. La question posée est relative à la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit du paragraphe IV de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

C’est à une non-conformité partielle, sans modulation dans le temps des effets de sa décision, que le juge constitutionnel statue. Ce dernier avait été saisi par le Conseil d’État qui avait estimé que la demande, qui portait sur des questions de délai de recours d’un étranger, placé en détention et faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, eu égard à la brièveté du délai de recours et aux contraintes résultant de la détention, posait une question qui présente un caractère sérieux.

Par sa décision du 14 mars 20182, le Conseil d’État avait en effet estimé que les dispositions du IV de l’article L. 512-1 sont ainsi applicables aux litiges au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 19583 ; qu’elles n’ont pas été déclarées conformes à la constitution par les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte au droit à un recours effectif découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen soulève, eu égard à la brièveté du délai de recours et aux contraintes résultant de la détention, une question qui présente un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées à l’encontre de ces dispositions4.

Deux espèces étaient portées devant le juge administratif, l’une visant à mettre en cause directement, via une QPC, des dispositions relatives à l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), l’autre suscitée précisément par une espèce ayant vu un étranger, faisant l’objet d’une mesure d’OQTF être frappé de forclusion faute de respecter les délais applicables à sa situation. Ainsi, s’agissant de la première saisine, la section française de l’Observatoire international des prisons, la Cimade, le Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s (GISTI) demandent au Conseil d’État, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de leur requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande d’abrogation des dispositions des articles R. 776-29 à R. 776-32 du Code de justice administrative, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution des dispositions du IV de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. S’agissant de la deuxième saisine, la cour administrative d’appel de Douai, avant de statuer sur l’appel de M. B. tendant à l’annulation du jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté comme tardif son recours dirigé contre un arrêté du 15 février 2017 du préfet de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français, a décidé, par application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution des dispositions du IV de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Rappelons en premier lieu les conditions de la saisine du Conseil constitutionnel par le juge ordinaire. À l’échelle de l’histoire de la Cinquième République, ce recours est récent. Adopté par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ce nouveau recours, a posteriori, décentralisé et concret a, après moins de 10 ans d’application, permis de réviser plusieurs lois déjà en vigueur, dont l’application concrète a pu révéler des manquements aux obligations constitutionnelles de protection des droits. Depuis son entrée en vigueur en mars 2010, de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont conduit à des censures. Ainsi par exemple de matières aussi sensibles que celles du droit de la garde à vue, dans sa décision du 30 juillet 20105.

Désormais, selon les dispositions des articles 23-4 et 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’État a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la constitution d’une disposition législative, ou lorsqu’une telle question est soulevée à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État en application de l’article 23-5 de cette même ordonnance, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. La même procédure existe à l’initiative des juridictions judiciaires.

En l’espèce, les deux affaires portées devant le Conseil d’État, l’une par la contestation du refus d’abroger les dispositions litigieuses, l’autre par la saisine par la cour administrative d’appel6 de la question portant sur les mêmes dispositions, conduisent le Conseil constitutionnel à prononcer une censure de la loi, au regard des conditions d’exercice des recours dans le cadre des obligations de quitter le territoire français (I), dessinant encore plus précisément les contours de l’exercice effectif du droit au recours des personnes frappées par une mesure d’OQTF (II).

I – Les conditions d’exercice des recours dans le cadre des obligations de quitter le territoire français

La loi définit plusieurs cas d’obligation de quitter le territoire (A), le Conseil constitutionnel étant, en l’espèce, saisi d’un cas en particulier (B).

A – Les cas d’obligation de quitter le territoire français

Il faut noter en premier lieu que l’obligation de quitter le territoire français est la principale mesure d’éloignement d’un étranger du territoire national. Cette formulation se trouve dans la loi du 24 juillet 2006 qui la substitue à celle de reconduite à la frontière7. L’OQTF est prise par le préfet du département de résidence de l’intéressé ou le préfet de police à Paris (CESEDA, art. R. 512-1). Elle doit être motivée.

La notification peut être faite par voie postale ou administrative. Cette dernière est exigée en cas d’OQTF sans délai, en vertu du premier alinéa du paragraphe II de l’article L. 512-1 du CESEDA. Ses bases juridiques se trouvent dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et le droit d’asile modifié plusieurs fois. Le titre 1er du livre V du CESEDA comporte les cas d’OQTF et les procédures y afférentes.

En deuxième lieu, il importe de rappeler que, même en situation irrégulière, certaines circonstances font que l’étranger ne peut faire l’objet, dans certains cas, d’OQTF. En application de l’article L. 511-4 du CESEDA, il en est ainsi de l’étranger mineur de 18 ans ; de l’étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans ; de l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ; de l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans ; de l’étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du Code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; de l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; de l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage ; de l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %. Il en va aussi ainsi de l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays de renvoi ; ainsi que du ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l’article L. 122-1. En outre, ne peut faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière pour l’un des motifs prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l’article L. 511-1 l’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre, tel que défini à l’article L. 121-3, de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

Ces précisions étant apportées, il convient d’observer qu’il existe plusieurs cas de figure de l’OQTF8, chacune appelant un encadrement juridique adapté à la situation donnée. Le paragraphe I de l’article L. 511-1 du CESADA dans sa rédaction en vigueur prévoit huit cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Le premier cas prévu est celui de l’étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité. Le deuxième cas est celui de l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré. C’est encore le cas si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré. Il en va de même, et c’est le quatrième cas de figure, si l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre. Le cinquième cas concerne la situation où le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. Le CESEDA prévoit aussi le cas si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l’étranger ou si l’étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l’article L. 743-2, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité. Un autre cas prévu concerne le cas où le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public. Enfin le dernier cas concerne l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois et qui a méconnu l’article L. 5221-5 du Code du travail9.

Selon le paragraphe II de l’article L. 511-1 du CESEDA, l’OQTF est normalement assortie d’un délai de départ volontaire. Ce délai est en principe de 30 jours et court à compter de la notification de l’OQTF. Il est accordé pour que l’étranger organise son départ et peut être prorogé sur demande de l’intéressé.

Cependant, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français dans trois cas.

Elle peut en décider ainsi, premièrement si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public. Il peut également en aller ainsi lorsque l’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse. Enfin le troisième cas est prévu s’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans une série de cas : si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ; si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ».

En vertu de l’article L. 512-3 du CESEDA, l’OQTF ne peut être exécutée qu’à l’expiration du délai de départ volontaire ou, lorsqu’aucun délai n’a été accordé, qu’après l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de sa notification et après que le tribunal administratif a statué. Enfin, pour garantir l’exécution effective de la mesure d’éloignement, l’administration peut assortir l’OQTF d’une mesure de surveillance. Elle peut ainsi placer l’étranger en rétention lorsque celui-ci ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite (CESEDA, art. L. 551-1), lequel est présumé lorsque l’étranger se trouve dans les six cas de risque de soustraction énumérés à l’article L. 511-1. Dans certaines hypothèses prévues aux articles L. 561-1 et L. 561-2 du CESEDA, l’étranger objet d’une OQTF peut également être assigné à résidence10.

Il apparaît donc que les dispositions législatives mettent en place plusieurs cas de figure selon les cas d’OQTF, selon les mesures de surveillances prises à l’égard de la personne concernée. L’espèce déférée au juge constitutionnel portait quant à elle, sur le cas spécifique d’exercice du droit de recours en situation de détention.

B – Le cas d’espèce soumis au Conseil constitutionnel

La disposition litigieuse est issue du IV de l’article L. 512-1 du Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article 27 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : « Lorsque l’étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure et dans les délais prévus au III. Dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger est informé, dans une langue qu’il comprend, qu’il peut demander l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil » ; le III de l’article L. 512-1 organise la procédure selon laquelle l’étranger placé en rétention peut demander au tribunal administratif, dans un délai de 48 heures, d’annuler l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français.

Selon cet article, précisément dans sa rédaction telle que déférée au juge constitutionnel et donc avant censure, l’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l’article L. 511-1 ou sur le fondement de l’article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l’article L. 511-3-1 peut, dans le délai de 30 jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III de ce même article.

L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l’article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

L’étranger qui fait l’objet d’une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de 15 jours suivant sa notification, demander l’annulation de cette décision.

Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du Code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine.

L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.

L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.

Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 de ce code ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III de ce même article.

L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les 48 heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III de cet article.

En cas de placement en rétention en application de l’article L. 551-1, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, dans un délai de 48 heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de 48 heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V de ce même livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu’il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l’article L. 552-1.

L’étranger faisant l’objet d’une décision d’assignation à résidence prise en application de l’article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa de ce même III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu’elles sont notifiées avec la décision d’assignation.

Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du Code de justice administrative statue au plus tard 72 heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si celui-ci est retenu en application de l’article L. 551-1 de ce même code. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il peut statuer dans cette salle. Sauf si l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend, s’y oppose, l’audience peut se tenir dans cette salle et le juge siéger au tribunal dont il est membre, relié à la salle d’audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d’audience située à proximité du lieu de rétention et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public.

Il est également statué selon la procédure prévue à ce même III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de 72 heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation.

Lorsque l’étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure et dans les délais prévus au III11. Dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger est informé, dans une langue qu’il comprend, qu’il peut demander l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil. La nouvelle version intègre, sans délai, la décision du Conseil constitutionnel puisque ce dernier décide de ne pas différer dans le temps les effets de sa décision.

Ces dispositions avaient trouvé à s’appliquer par le passé et donné lieu à des décisions de justice. La cour administrative d’appel de Paris du 31 décembre 201312, par exemple avait eu l’occasion de juger sur ce fondement « qu’après avoir considéré que Mme A ne justifiait pas d’une communauté de vie avec son mari et qu’elle ne pouvait donc pas bénéficier de la protection instituée par les dispositions du 2° de l’article L. 521-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de police a pris l’arrêté d’expulsion attaqué au motif que, compte tenu de l’ensemble du comportement de l’intéressée, sa présence sur le sol français constituait une menace grave à l’ordre public ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux établis pendant l’enquête qui a conduit à l’interpellation et à la condamnation de Mme A pour proxénétisme aggravé, que la communauté de vie entre les époux A aurait cessée depuis leur mariage le 29 juin 2004 ; que, par suite, le préfet de police ne pouvait pas prononcer l’expulsion de Mme A en application des dispositions de l’article L. 521-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précitées, sans apprécier l’existence d’une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique au sens de l’article L. 521-2 de ce même code »13. Précisons que dans cette espèce, n’étaient pas mises en cause les questions relatives aux délais de recours en matière d’OQTF, mais que les visas comprenaient une référence à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Outre cette décision, le juge administratif a été amené à avoir une conception restrictive de la forclusion dans le cadre de ces dispositions. Le Conseil d’État a ainsi considéré que la forclusion était inopposable lorsqu’il était établi que la transmission tardive de la requête incombait à l’administration pénitentiaire, alors que le détenu l’avait communiquée dans le délai légal au greffe du centre de détention14. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence administrative que l’étranger détenu doit être informé de la possibilité, prévue au premier alinéa de l’article R. 776-19, de déposer son recours contre l’OQTF auprès du chef de l’établissement pénitentiaire. Il a été jugé qu’en l’absence de cette voie de saisine, la notification ne peut avoir pour effet de déclencher le délai de recours de 48 heures15. La cour administrative d’appel de Douai a également jugé que le délai de recours de 48 heures ne commençait à courir qu’à partir du moment où l’étranger placé en détention se trouvait dans des conditions lui permettant d’exercer un recours effectif16.

Le Conseil constitutionnel, saisi de ces dispositions, en prononçant la censure partielle des dispositions législatives déférées, précise les conditions d’existence du droit au recours en cas d’obligation de quitter le territoire français.

II – Les conditions d’existence effective du droit au recours en cas d’obligation de quitter le territoire français

Les conditions d’existence, au sens fort du terme « existence », ou d’effectivité se voient renforcées par la décision du Conseil constitutionnel du 1er juin 2018. On soulignera d’emblée un double étonnement à la lecture tant de la décision du Conseil d’État – celle de renvoi en QPC – que du Conseil constitutionnel prononçant la censure partielle des dispositions contestées. D’une part, il semble que le laconisme traditionnel de la jurisprudence administrative, qui semblait s’estomper par les réformes successives de la rédaction des décisions de justice, non seulement soit présent dans la décision de renvoi – ce qui, en l’espèce, n’est somme toute pas surprenant vu la nature de la décision – mais aussi dans la décision du Conseil constitutionnel – ce qui est plus gênant, compte tenu de la censure prononcée. D’autre part, et c’est la deuxième cause d’étonnement, l’absence totale de mention de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales apparaît quelque peu surprenante. Ce faisant, le juge constitutionnel s’inscrit néanmoins dans la continuité de sa jurisprudence en matière de délais (A), et s’en tient, en l’espèce à une censure partielle sans davantage de précision, ni différé dans le temps des effets de sa décision (B).

A – La jurisprudence constitutionnelle en matière de délai ou l’absence de délai absolu

Deux éléments doivent être relevés au préalable au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit au juge. En premier lieu, de jurisprudence constante, c’est dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen que le juge constitutionnel trouve la base constitutionnelle du droit au juge. Dans sa décision n° 96-373 DC du 9 avril 199617, le Conseil constitutionnel a fait découler le droit au recours juridictionnel effectif de l’article 16 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Le Conseil juge qu’« il résulte de cette disposition qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ». En second lieu, si l’absence de recours est un facteur d’inconstitutionnalité, le Conseil ne définit pas de délai en soi, qui serait inconstitutionnel. Certaines situations exigent une brièveté des délais, tandis que d’autres au contraire, appellent de laisser un temps d’organisation de défense, sans que, ni dans un sens ni dans un autre, un délai a priori ne puisse être assurément constitutionnel.

Ainsi la jurisprudence constitutionnelle en matière de délai se lit au regard de situations qui, selon les cas, appellent, soit une brièveté des délais, soit au contraire, des délais plus larges, visant, comme en l’espèce, à assurer un temps minimal et suffisant pour préparer sa défense. Plusieurs matières ont ainsi été jugées sur ce point par le juge constitutionnel que ce soit en droit des étrangers (2) ou dans d’autres secteurs (1).

1 – Les précisions apportées par la jurisprudence constitutionnelle en matière de délai dans des domaines divers

En matière de police administrative, le Conseil a, dans une récente décision de 2018, censuré un délai jugé trop bref. Les dispositions déférées étaient relatives à la mesure d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme. Le Conseil a jugé qu’en limitant à un mois le délai dans lequel une personne peut demander l’annulation d’une mesure d’assignation à résidence, le législateur a opéré une conciliation déséquilibrée entre la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée, le droit de mener une vie familiale normale et le droit à un recours juridictionnel effectif et l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public18. Le Conseil précise ainsi que la mesure prévue à l’article L. 228-2, qui peut faire l’objet d’un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative, est susceptible d’être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, dans un délai d’un mois après sa notification ou la notification de son renouvellement, devant le tribunal administratif. Ce dernier doit alors se prononcer dans un délai de deux mois. Toutefois, compte tenu de l’atteinte qu’une telle mesure porte aux droits de l’intéressé, en limitant à un mois le délai dans lequel l’intéressé peut demander l’annulation de cette mesure et en laissant ensuite au juge un délai de deux mois pour statuer, le législateur a opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées et l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. Par conséquent, les mots « dans un délai d’un mois » figurant à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 228-2 du Code de la sécurité intérieure et la deuxième phrase du même alinéa doivent être déclarés contraires à la constitution. En outre, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d’annulation de la mesure dans de brefs délais19.

Dans une autre décision relative à la mesure d’interdiction de fréquenter des lieux à raison de la nature ou de la densité de fréquentation, le délai de recours de deux mois, qui correspond à celui de droit commun, a été jugé conforme à la constitution par le juge constitutionnel20, qui, précise, semble-t-il désormais systématiquement que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d’annulation de la mesure dans de brefs délais21.

Dans un autre domaine, le Conseil a jugé que l’obligation de former un recours pour excès de pouvoir contre les délibérations de l’assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente dans le délai de quatre mois suivant la publication de la délibération attaquée, lorsque la solution du litige conduit à apprécier s’il a été fait par ces délibérations une exacte application de la répartition des compétences entre l’État, le territoire et les communes méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif eu égard à l’importance qui s’attache au respect de la répartition des compétences entre ces autorités22. Il a ainsi précisé qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 113 : « Sans préjudice du recours pour excès de pouvoir dirigé contre les délibérations de l’assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente qui demeure, quant à sa recevabilité, régi par le droit commun, le recours pour excès de pouvoir formé contre les actes pris en application de ces délibérations doit, à peine de forclusion, avoir été introduit dans le délai de quatre mois suivant la publication de la délibération attaquée, lorsque la solution du litige conduit à apprécier s’il a été fait par ces délibérations une exacte application de la répartition des compétences entre l’État, le territoire et les communes ».

Le Conseil constitutionnel souligne que cette disposition a pour effet de priver de tout droit au recours devant le juge de l’excès de pouvoir la personne qui entend contester la légalité d’un acte pris en application d’une délibération de l’assemblée territoriale, plus de quatre mois après la publication de cette délibération, lorsque la question à juger porte sur la répartition des compétences entre l’État, le territoire et les communes ; qu’eu égard à l’importance qui s’attache au respect de la répartition des compétences entre ces autorités, le souci du législateur de renforcer la sécurité juridique des décisions de l’assemblée ne saurait justifier que soit portée une atteinte aussi substantielle au droit à un recours juridictionnel ; que, dès lors, le 1er alinéa de l’article 113 est contraire à la constitution23.

Dans un autre domaine encore, le Conseil a censuré des dispositions n’imposant pas au juge de statuer dans un délai déterminé : « ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition n’imposent au juge d’instruction de statuer dans un délai déterminé sur la demande de restitution d’un bien saisi formée en vertu du deuxième alinéa de l’article 99 du Code de procédure pénale ; que, s’agissant d’une demande de restitution d’un bien placé sous main de justice, l’impossibilité d’exercer une voie de recours devant la chambre de l’instruction ou toute autre juridiction en l’absence de tout délai déterminé imparti au juge d’instruction pour statuer conduit à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété »24.

Le droit au recours juridictionnel effectif donne ainsi lieu à des appréciations différenciées selon les situations données. Il faut retenir à la fois le rappel itératif de l’importance pour le juge de décider dans un délai resserré dans des cas spécifiques. Le domaine du droit des étrangers entre évidemment dans ces champs spécifiques, compte tenu du caractère sensible et proche de l’ordre public du sujet.

2 – L’appréciation des délais en matière d’éloignement des étrangers par le juge constitutionnel

En matière de droit des étrangers, le Conseil constitutionnel a été régulièrement saisi des lois relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers. Il a ainsi déclaré conforme à la constitution l’article 22 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant de la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990 modifiant cette ordonnance, lequel prévoyait que l’étranger, objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, peut contester celui-ci devant le tribunal administratif dans un délai de 24 heures et qu’il appartient au tribunal de statuer dans les 48 heures25. Rappelant le principe d’égalité catégorielle, il indique alors que les conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers sont soumises en vertu de l’ordonnance du 2 novembre 1945 à un régime juridique qui confère à l’autorité administrative des pouvoirs étendus ; que le refus de carte de séjour ou le refus de renouvellement de cette carte entraîne la reconduite à la frontière ; qu’en vertu de l’article 35 bis de l’ordonnance précitée l’étranger qui n’est pas en mesure de déférer immédiatement à une décision de reconduite à la frontière peut être maintenu, s’il y a nécessité absolue, par décision écrite et motivée du préfet dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ ; qu’après 24 heures, le maintien de cette mesure de surveillance ne peut être décidé que par l’autorité judiciaire, pour une durée qui n’excède pas six jours, dans les conditions et suivant les modalités définies par la loi ; que, dans ce cadre juridique où les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux, la loi déférée a, dans le dessein d’assurer l’exécution effective de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière tout en sauvegardant les droits des intéressés, organisé une procédure spécifique leur permettant de contester devant la juridiction administrative la légalité de la mesure d’éloignement qui les frappe ; et qu’eu égard tant à la situation particulière dans laquelle se trouvent les étrangers tombant sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière qu’aux raisons d’intérêt général poursuivies par le législateur et qui sont en rapport avec l’objet de l’article 1er de la loi, les règles spécifiques instituées par ce texte ne portent pas atteinte au principe d’égalité.

Plus récemment, le Conseil constitutionnel a validé l’article L. 512-1 du CESEDA dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-911 du 24 juillet 2006, lequel prévoyait alors un délai de recours d’un mois à l’encontre de l’OQTF et un délai de jugement de 72 heures lorsque l’étranger est placé en rétention administrative26. Le Conseil constitutionnel avait alors jugé que l’article 57 de la loi déférée rétablit dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un article L. 512-1 instituant de nouvelles règles de procédure contentieuse devant le tribunal administratif à l’encontre des refus de séjour assortis d’une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ; qu’il dispose en particulier que l’intéressé peut, dans le délai d’un mois suivant la notification, demander l’annulation de ces décisions au tribunal administratif ; qu’aux termes du deuxième alinéa du nouvel article L. 512-1 : « Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l’étranger avant qu’il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l’article L. 512-2, sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard 72 heures à compter de la notification par l’administration au tribunal de ce placement » ; il avait alors considéré que ces dispositions ne modifient pas les règles en vigueur du Code de justice administrative relatives au principe de la collégialité des formations de jugement des tribunaux administratifs et à ses exceptions ; et que, par suite, les griefs fondés sur un abandon de ce principe manquent en fait27.

Récemment encore, le Conseil constitutionnel a été saisi de la question de la constitutionnalité du délai de recours contre la décision de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande d’asile. Les requérants soutenaient que ce délai, réduit par le législateur de 15 à 7 jours lorsque l’étranger ne fait pas l’objet d’une mesure de placement en rétention ou d’assignation à résidence, ne permettait pas à un étranger de préparer utilement son recours contre la décision de transfert (la loi maintenait en revanche le délai de quinze jours dans lequel il appartenait au juge de se prononcer).

Dans sa décision n° 2018-762 DC du 15 mars 2018, le Conseil a validé ce délai au regard du droit à un recours effectif en estimant que : « D’une part, la décision de transfert mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d’avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou tout autre personne de son choix. Lorsque l’intéressé n’est pas assisté d’un avocat, les principaux éléments de cette décision lui sont communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend. D’autre part, lorsque l’étranger ne fait pas l’objet d’une mesure de placement en rétention ou d’assignation à résidence, le second alinéa de l’article L. 742-5 prévoit que la décision de transfert ne peut pas faire l’objet d’une exécution d’office avant l’expiration d’un délai de quinze jours. Enfin, ces mêmes dispositions confèrent au recours contre cette décision un caractère suspensif. Ainsi, les dispositions contestées ne portent pas d’atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif »28.

Ces bases jurisprudentielles apparaissent à la fois nombreuses et cherchant à s’adapter selon les situations et les textes déférés. Il en résulte une absence de délai qui, en soi, serait inconstitutionnel, ou qui serait, en soi, constitutionnel. Dans le cas de figure qui lui était soumis, donnant lieu à la décision de censure partielle du 1er juin 2018, le juge constitutionnel juge trop bref le délai de recours de l’étranger placé en situation de détention.

B – La censure du délai en l’espèce et la perspective de nouvelles précisions législatives

Au regard des dispositions déférées, le Conseil constitutionnel raisonne en plusieurs étapes, sans pour autant expliciter, au-delà de la notion d’excès de brièveté au regard des exigences du droit constitutionnel de la défense. Rappelant au préalable, et selon sa jurisprudence constante qu’au terme de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution » et qu’il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction, il examine le paragraphe III de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Ce paragraphe prévoit que, lorsqu’un étranger se voit notifier une obligation de quitter le territoire français en même temps que son placement en rétention administrative ou son assignation à résidence, il peut demander l’annulation de cette obligation dans un délai de 48 heures à compter de sa notification. Le juge administratif statue alors sur ce recours au plus tard 72 heures à compter de sa saisine. Le paragraphe IV de ce même article applique ces délais à l’étranger en détention auquel a été notifiée une obligation de quitter le territoire français.

Le Conseil constitutionnel estime qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français et éviter qu’un étranger détenu, objet d’une telle mesure, doive, à l’issue de sa détention, être placé en rétention administrative le temps que le juge se prononce sur son recours. On observe donc la philosophie retenue par le législateur, tendant à éviter des rétentions administratives que l’on pourrait qualifier de superflues ou inutiles.

Cependant, tout en explicitant la philosophie retenue par le législateur, il en invalide les modalités. En effet, il souligne que, d’une part, les dispositions contestées prévoient un délai maximum de cinq jours entre la notification d’une obligation de quitter le territoire à un étranger détenu et le moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de cette mesure s’il en est saisi. Il estime dès lors que l’étranger dispose donc d’un délai particulièrement bref pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.

Il souligne ensuite d’autre part, que l’administration peut notifier à l’étranger détenu une obligation de quitter le territoire français sans attendre les derniers temps de la détention, dès lors que cette mesure peut être exécutée tant qu’elle n’a pas été abrogée ou retirée. Elle peut donc, lorsque la durée de la détention le permet, procéder à cette notification suffisamment tôt au cours de l’incarcération tout en reportant son exécution à la fin de celle-ci.

Il conclut son raisonnement en jugeant qu’en enserrant dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l’étranger détenu afin de former son recours et au juge afin de statuer sur celui-ci, les dispositions contestées, qui s’appliquent quelle que soit la durée de la détention, n’opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur d’éviter le placement de l’étranger en rétention administrative à l’issue de sa détention, tel qu’il a été analysé au paragraphe 6.

Le Conseil constitutionnel procède donc à une censure partielle en jugeant que les mots « et dans les délais » figurant à la première phrase du paragraphe IV de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doivent être déclarés contraires à la constitution.

Il ne décide pas de différer dans le temps les effets de sa décision. Soulignons sur ce point que c’est dans les décisions n° 2010-108 QPC et n° 2010-110 QPC rendues le 25 mars 2011 que le juge constitutionnel adopte la méthode du possible différé dans le temps. Il indique ainsi que : « si, en principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration »29.

C’est donc la somme des cinq jours, incluant le délai de recours ajouté au délai de jugement qui se voit censurée. La référence au délai concerné se voit donc censurée dans la loi rectifiée, le journal officiel en ligne le supprime. L’article se lit désormais comme suit, comprenant un nota bene : « Article L. 512- ; Modifié par décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 – art. 1, v. init. L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l’article L. 511-1 ou sur le fondement de l’article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l’article L. 511-3-1 peut, dans le délai de 30 jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.

L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l’article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

L’étranger qui fait l’objet d’une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de quinze jours suivant sa notification, demander l’annulation de cette décision ».

Comme on l’a déjà souligné plus haut, le juge statue dans un délai de six semaines à compter de la saisine, l’étranger pouvant demander l’assistance d’un interprète et la communication du dossier et des pièces pertinentes.

« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 du présent code ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.

L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les 48 heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis.

Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.

En cas de placement en rétention en application de l’article L. 551-1, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, dans un délai de 48 heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de 48 heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu’il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l’article L. 552-1.

L’étranger faisant l’objet d’une décision d’assignation à résidence prise en application de l’article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu’elles sont notifiées avec la décision d’assignation.

Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du Code de justice administrative statue au plus tard 72 heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si celui-ci est retenu en application de l’article L. 551-1 du présent code. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il peut statuer dans cette salle. Sauf si l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend, s’y oppose, l’audience peut se tenir dans cette salle et le juge siéger au tribunal dont il est membre, relié à la salle d’audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d’audience située à proximité du lieu de rétention et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public ».

Là encore, les droits de la défense tels que décrits plus haut sont organisés de telle sorte que l’individu ait accès aux pièces du dossier et à un interprète.

« Il est également statué selon la procédure prévue au III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de 72 heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation.

Lorsque l’étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure prévue au III. Dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger est informé, dans une langue qu’il comprend, qu’il peut demander l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil ».

Conclusion

Dans sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré les mots « et dans les délais » figurant à la première phrase du paragraphe IV de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, contraires à la constitution. La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet à compter de la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, soit à compter du 1er juin 2018.

Le travail du juge constitutionnel a posteriori, in concreto est donc effectué et la loi immédiatement rectifiée. Cependant, un certain sentiment d’insatisfaction peut ressortir de la lecture de la décision du 1er juin 2018.

Le juge constitutionnel, en effet, brille par un triple silence par cette décision. Le premier est l’absence d’indication sur le délai qui serait acceptable. Ne voulant en aucun cas se substituer au législateur, le Conseil constitutionnel le charge dès lors implicitement de trouver le bon équilibre entre la nécessité de ne pas perdre de temps en pareille situation d’OQTF. Certes le délai restreint censuré est supprimé de la nouvelle version de la loi. On en déduira logiquement, comme, d’ailleurs les commentaires aux Cahiers30 le confirment, que le délai de droit commun est désormais applicable. Cependant, il reviendra sans doute au législateur de remettre l’ouvrage sur le métier et de réfléchir à un délai équilibré, entre nécessité de juger rapidement en pareille situation et temps nécessaire à l’organisation d’une défense dans cette même situation. Le deuxième silence concerne la mise en œuvre du nouveau dispositif qu’impose une décision de censure. Le Conseil ne décide pas de différer dans le temps les effets de sa décision d’annulation, sans pour autant donner de délai au législateur pour adopter les nouvelles dispositions. La mise à jour de la nouvelle version de la loi ne donne pas de précision sur le délai, puisque la référence au délai censuré est supprimée. Enfin, le troisième, le plus curieux, regrettable même, est le silence sur la convention européenne des droits de l’Homme. Pourtant, ce qui était en jeu n’était rien moins qu’une question relative au droit au procès équitable. Or si la référence à la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen est évidente et traditionnelle, l’on aurait pu s’attendre à une référence à la convention mais aussi à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ce silence est d’autant plus étonnant que d’une part, le juge constitutionnel a déjà eu l’occasion de viser la convention et même la jurisprudence de la cour et que d’autre part, le droit du procès équitable est un terrain d’excellence d’expression de la jurisprudence européenne en matière de droits fondamentaux.

Rappelons ainsi sur le premier point, la décision du 19 novembre 2004, décision d’importance majeure, puisque portant sur le traité établissant une constitution pour l’Europe. Cette décision est allée jusqu’à citer dans ses visas un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme : « Vu l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme n° 4774/98 (affaire Leyla Sahin c/ Turquie) du 29 juin 2004 ». Dès lors, la présence de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme dans les visas aurait pu renforcer tant le poids du droit au juge que la marque de la rencontre des droits constitutionnels et européens sur des éléments aussi décisifs que ceux de délais suffisants pour reconnaître le respect du droit au juge. S’agissant de la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil constitutionnel a aussi admis le principe du renvoi préjudiciel et a effectué son premier renvoi à la CJUE en 201331.

Il n’est donc plus possible d’estimer que le juge constitutionnel serait rétif au droit européen. Pour autant, sur un droit aussi décisif que celui du droit au juge, et dont les renforcements successifs dans la deuxième moitié du XXe siècle sont en partie dus au droit européen, la mention de la CEDH, dans les visas, serait bienvenue.

Plusieurs affaires ont pu être jugées par la Cour européenne des droits de l’Homme s’agissant des délais de recours. On citera ainsi par exemple, une jurisprudence datant de 2012, dans laquelle les mesures d’éloignement des étrangers Outre-Mer ne répondent pas aux exigences inhérentes au droit au procès équitable32. La Cour estime que l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention « exige que l’État fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la décision d’expulsion ou de refus d’un permis de séjour et d’obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d’indépendance et d’impartialité ».

La mention de la Déclaration des droits de l’Homme, indubitablement essentielle dans la construction de la conception française du droit au recours est nécessaire. Est-elle suffisante après plus de 60 ans d’application de la Convention européenne des droits de l’Homme, à l’heure d’une européanisation croissante des droits nationaux ? Le droit au juge, le droit du procès équitable, sont des droits, non seulement solennellement inscrits dans les textes européens, qu’il s’agisse de la Convention EDH, ou de la plus récente Charte européenne des droits fondamentaux, mais aussi précisés, ciselés, au gré des jurisprudences. Sans se confondre, les ordres juridiques et les jurisprudences s’enrichissent mutuellement et leur visa simultané semblerait un signal favorable et une lisibilité renforcée pour le citoyen.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-709 QPC.
  • 2.
    CE, 14 mars 2018, n° 416737 ; CE, 14 mars 2018, n° 417314.
  • 3.
    Selon cet article, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Il ne peut être relevé d’office.
  • 4.
    En tout état de cause, le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit, lorsqu’il est saisi de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la constitution et, d’autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
  • 5.
    Le Conseil d’État ou la Cour de cassation dispose d’un délai de trois mois à compter de la présentation du moyen pour rendre sa décision. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
  • 6.
    Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d’État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu’à ce qu’il se soit prononcé. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation est tenu de se prononcer en urgence, il peut n’être pas sursis à statuer.
  • 7.
    Point 5 de la décision citée note précédente.
  • 8.
    Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC. Le Conseil constitutionnel a jugé que, compte tenu des évolutions survenues depuis près de 20 ans, les dispositions attaquées n’instituent pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite de la garde à vue. La conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infraction et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée. Le Conseil a donc jugé que les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du Code de procédure pénale sont contraires à la constitution.
  • 9.
    Par un arrêt n° 17DA00603 du 14 décembre 2017, enregistré le 15 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la cour administrative d’appel de Douai, avant de statuer sur l’appel de M. Boubacar Bathily tendant à l’annulation du jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté comme tardif son recours dirigé contre un arrêté du 15 février 2017 du préfet de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français, a décidé, par application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution des dispositions du IV de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
  • 10.
    L. n° 2006-911, 24 juill. 2006, relative à l’immigration et l’intégration.
  • 11.
    Repris dans les commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel sur la présente décision.
  • 12.
    Selon cet article, un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de travail mentionnée au 2° de l’article L. 5221-2. L’autorisation de travail est accordée de droit à l’étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. L’autorisation de travail peut être retirée si l’étranger ne s’est pas fait délivrer un certificat médical dans les trois mois suivant la délivrance de cette autorisation.
  • 13.
    Eléments rappelés dans les commentaires aux Cahiers.
  • 14.
    Ce passage en gras est celui censuré par la décision du 1er juin 2018.
  • 15.
    CAA Paris, 4e ch., 31 déc. 2013, n° 13PA01291.
  • 16.
    Considérant 3 de cette décision.
  • 17.
    CE, 24 mars 2004, n° 258155.
  • 18.
    CAA Marseille, 6e ch., 4 juin 2012, n° 11MA04009.
  • 19.
    CAA Douai, 1re ch., 19 mai 2016, n° 15DA00676. Décisions citées dans les commentaires aux Cahiers précités.
  • 20.
    Cons. const., 9 avr. 1996, n° 96-373 DC, loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 83.
  • 21.
    Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, M. Farouk B., Mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme, § 18.
  • 22.
    Point 18 de la décision citée en note précédente.
  • 23.
    Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, M. Rouchdi B. et a., Mesures administratives de lutte contre le terrorisme, § 53.
  • 24.
    Décision citée en note précédente, point 53 : En dernier lieu, d’une part, la mesure prévue à l’article L. 228-5, qui peut faire l’objet d’un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative, est susceptible d’être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, dans un délai de deux mois après sa notification ou la notification de son renouvellement, devant le tribunal administratif. Ce dernier doit alors se prononcer dans un délai de quatre mois. Toutefois, compte tenu de l’atteinte qu’une telle mesure porte aux droits de l’intéressé, en laissant au juge un délai de quatre mois pour statuer, le législateur a opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées et l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. Par conséquent, la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 228-5 du Code de la sécurité intérieure doit être déclarée contraire à la constitution. En outre, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d’annulation de la mesure dans de brefs délais.
  • 25.
    Cons. const., 9 avr. 1996, n° 96-373 DC, loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 85.
  • 26.
    Points 84 et 85 de la décision citée note précédente.
  • 27.
    Cons. const., 16 oct. 2015, n° 2015-494 QPC, Consorts R., Procédure de restitution, au cours de l’information judiciaire, des objets placés sous main de justice, cons. 7. Exemples cités dans les commentaires aux Cahiers.
  • 28.
    Cons. const., 9 janv. 1990, n° 89-266 DC, loi modifiant l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, cons. 8.
  • 29.
    Cons. const., 20 juill. 2006, n° 2006-539 DC, loi relative à l’immigration et à l’intégration, cons. 29.
  • 30.
    Décision citée en note précédente.
  • 31.
    Cons. const., 15 mars 2018, n° 2018-762 DC, loi permettant une bonne application du régime d’asile européen, § 22. Cités dans les commentaires aux Cahiers, précités.
  • 32.
    Cons. const., 25 mars 2011, n° 2010-108 QPC ; Cons. const., 25 mars 2011, n° 2010-110 QPC.
  • 33.
    Commentaires aux Cahiers sur la décision ici étudiée, précités.
  • 34.
    Cons. const., 4 avr. 2013, n° 2013-34 QPC.
  • 35.
    CEDH, 13 déc. 2012, n° 22689/07, Ribeiro de Souza c/ France.
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