NUPES devant le Conseil d’Etat : « Alliance de circonstance » ou nouvelle nuance ?

Publié le 03/06/2022

La NUPES demande au Conseil d’État de suspendre la circulaire sur les nuances politiques qui ne reconnait pas son existence en vue de la comptabilisation des résultats lors des prochaines élections législatives. Le ministère de l’Intérieur lui rétorque qu’elle n’est qu’une simple « alliance de circonstance » et pas une nouvelle nuance politique. 

Façade du Conseil d'Etat
Photo : ©AdobeStock/Pixarno

Comment va-t-on comptabiliser les votes NUPES au soir du premier tour des élections législatives le 12 juin prochain dans les préfectures ? En tant que NUPES, puissante nouvelle force de gauche ou bien selon la nomenclature des partis d’avant l’alliance et donc éparpillés en une multitude de partis politiques ? En matière électorale aussi, le diable est dans les détails. Dans sa circulaire du 13 mai relative à la définition des nuances (ou courants) politiques qui va précisément fonder le comptage officiel, le ministère de l’intérieur ne reconnait pas la NUPES. C’est la raison pour laquelle celle-ci a saisi le Conseil d’Etat. Lors de l’audience qui s’est tenue ce vendredi matin, elle a réclamé la suspension de la circulaire et l’obligation pour le ministère de reconnaitre la nuance NUPES en vue des prochaines élections.

Ensemble est reconnue, pas NUPES !

Me Frédéric Thiriez qui représente les 8 partis requérants * composant la NUPES attaque d’entrée de jeu. « Ce qui nous a choqué et amené à déposer cette requête c’est la discrimination évidente entre le sort réservé à la NUPES et la majorité présidentielle regroupée sous le vocable Ensemble ». Si la première n’existe pas en effet, la seconde, elle, est bien reconnue comme une nouvelle nuance. Or, l’avocat a un argument massue : les deux nouvelles formations ont été créées le même jour, soit le 5 mai.  Le 13 mai suivant, une  circulaire rectificative admet Ensemble comme nuance politique mais pas la NUPES, « c’est cette différence de traitement qui nous a profondément choqués » assène l’avocat. En clair, souligne-t-il les 577 candidatures communes sous la bannière NUPES seront invisibles au soir du premier tour. Or, rappelle-t-il, le but de la circulaire c’est de rendre les résultats lisibles au public.

Alliance de circonstance

Pascale Léglise directrice des liberté publiques et des affaire juridiques au Ministère de l’intérieur convient que l’objectif est celui-là, mais qu’il y en a un autre : assurer la comparabilité des résultats sur la durée « D’où la nécessité d’éléments comparables, ce n’est pas formaliste, cela permet de distinguer le nouveau programme de l’alliance de circonstances » précise-t-elle. Elle est d’autant plus à l’aise au soutien de sa position qu’en 2017, rappelle-t-elle, l’alliance entre En Marche et le Modem avait connu le même sort que la NUPES.  Le ministère souligne également la différence entre NUPES et Ensemble. Le parti du président est une association politique, dotée d’un statut juridique, d’un financement autonome et qui a fait une demande de temps de parole sous cette étiquette quand, à  l’inverse, NUPES est un simple accord entre partis qui se déclarent sous cette dénomination commune, mais en ordre dispersé, avec des financements et des temps de parole autonomes. « C’est si vrai, souligne non sans cruauté Pascale Léglise, que dans certains circonscriptions, le candidat NUPES est opposé au candidats PS alors qu’ils appartiennent à la même coalition ». Pour le ministère ce n‘est donc pas  une discrimination mais « une différence objective de situation ».

« — Vous retenez donc trois critères, l’autonomie des organisations, l’accès de chacune à la campagne de manière séparée et le financement autonome  pour ne pas reconnaitre la NUPES, pourtant le courant écologiste a le même profil et vous retenez un néanmoins un nuançage écologiste, » objecte le président.

— Il y a un autre critère qui est l’ancienneté », répond Pascale Léglise.

En clair, bien que la mouvance écologiste soit composée de plusieurs partis autonomes, le courant existe depuis avant le 5 mai. Preuve en est qu’il a présenté un candidat unique à l’élection présidentielle.

« Par trois fois Madame la directrice a qualifié la NUPES d’alliance de circonstance, c’est un peu méprisant et surtout quelle légitimité a le ministère pour porter un jugement sur la pérennité de cette alliance ? » s’indigne Me Thiriez.  On pourrait retourner le compliment à Ensemble ! » Quant à savoir comment s’organise le financement ou qui investit les candidats, cela n’a aucune importance, estime-t-il. « Les partis se fondent librement et nul n’est tenu de se plier à des procédures, ces critères de forme ne valent rien », tempête l’avocat.

Tentative de compromis

Puisque chacun campe sur son analyse, le président tente de s’extraire de ces positions irréconciliables par un retour à l’esprit du texte. « Dans le cadre de la présentation des résultats est-ce que la non prise en compte de la NUPES répond à l’objectif de la circulaire ? » demande-t-il au représentant du ministère. Lequel s’empresse de retourner la situation à son avantage :  « Si nous créons NUPES ont fait disparaitre le PS, le PCF… et on scinde en deux la mouvance écologiste.  Les électeurs ne comprendront pas ! ».

En 50 minutes, on a fait le tour de la question, le président s’apprête à lever l’audience quand Me Thiriez reprend la parole. « Vous avez la possibilité de concilier les parties, c’est tout l’intérêt de cette procédure. À titre subsidiaire si vous ne suspendiez pas la circulaire en enjoignant au ministère d’intégrer la NUPES, je propose qu’il modifie sa position en mettant NUPES et en ajoutant entre parenthèses le parti du candidat concerné ». Cela donnerait par exemple NUPES (PS), et permettrait à la fois de prendre en compte la nouvelle nuance et d’assurer la comparabilité.  « Ce n’est pas parfait, loin de là, mais puisque le ministère semble accroché à sa position, ce serait un compromis acceptable » souligne l’avocat, plein de bonne volonté.

Las ! Pascale Léglise n’a absolument pas l’intention de saisir la main tendue. « Cela montre bien que ce n’est pas une nuance, s’il faut expliciter » triomphe-t-elle. « Dans ces conditions, je retire ma proposition et nous maintenons notre demande de suspension » tacle l’avocat, furieux.

La décision sera rendue publique mardi.

*LFI, EELV, Génération S, Génération Ecologie, les Nouveaux Démocrates, PCF, PS, Nouvelle union populaire économique et sociale.

 

Mise à jour 7 juin 17h05 :  Le juge des référés du Conseil d’État enjoint aujourd’hui au ministre de l’Intérieur de prendre en considération la NUPES comme une nuance politique à part entière dans la présentation des résultats qui sera faite des élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Il estime en effet que comptabiliser les partis politiques de cette coalition séparément peut porter atteinte à la sincérité de la présentation des résultats électoraux. Nous publions la décision en intégralité ci-dessous.

CE Référé NUPES 7 juin

 

 

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