État d’urgence et constitution
L’état d’urgence n’est pas consacré par la constitution. Le projet de loi constitutionnelle ne modifie pas la donne sur ce point : le lecteur n’y trouvera aucune trace de l’état d’urgence. Toutefois, la constitution consacre implicitement ce dernier en ce sens qu’elle détermine les principes qui régissent l’action du législateur dans le cadre de ce régime d’exception. Dès lors, se pose la question de l’« effet utile » d’une révision constitutionnelle tendant à inscrire l’état d’urgence dans la constitution.
En 1955, et depuis la « Toussaint rouge » de 1954, « le désordre », « l’insécurité permanente », et la « psychose »1 règnent en maître en Algérie. « Des assassinats sur la personne de musulmans connus pour leur loyalisme »2 sont perpétrés par le Front de libération nationale (FLN). La menace d’une insurrection générale hante les esprits et interroge la capacité de l’État à assurer la sécurité, soit ce qui constitue l’objet même de l’engagement sociétal. C’est dans ce contexte qu’est institué l’état d’urgence par la loi n° 55-385 du 3 avril 19553. Il reste que, conçu pour régler la crise algérienne, l’état d’urgence avait, dès l’origine, un cadre territorial bien plus vaste que l’Algérie puisqu’il pouvait être « déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain (…) ou des départements d’outre-mer »4. En d’autres termes, il n’était pas question de doter l’Algérie d’un régime d’exception. D’ailleurs, si l’état d’urgence a été déclaré pour la première fois5 en Algérie, il a par la suite reçu trois applications en Outre-mer6 et quatre applications en métropole. S’agissant de ces dernières applications, l’état d’urgence a été mis en œuvre en 1958 à la suite du mouvement du 13 mai à Alger et pour prévenir le risque d’une opération aéroportée (dénommée symboliquement « Résurrection ») sur la Corse et sur le continent7, en 1961 en réponse au « putsch des généraux » en Algérie8, en 2005 consécutivement aux violences urbaines constatées depuis le 27 octobre 2005 dans plusieurs centaines de communes9 et, dernièrement, en 2015 à la suite des attentats parisiens du mois de novembre. En particulier, déclaré le 14 novembre 201510, l’état d’urgence a été prorogé par le législateur à six reprises, soit jusqu’au 1er novembre 201711. C’est inédit et inquiétant. Inédit, car c’est la plus longue application de l’état d’urgence : quasiment 2 ans ! Inquiétant, car l’état d’urgence doit demeurer une réponse temporaire à un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public »12. En effet, l’état d’urgence confère au ministre de l’Intérieur et aux préfets des pouvoirs de police particulièrement étendus. Pour s’en convaincre, il suffit de citer, par exemple, le pouvoir d’ordonner des perquisitions 24h/24 en tout lieu (y compris dans un domicile)13, d’assigner à résidence toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics14 ou encore de fermer provisoirement des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion15. Toutes ces mesures constituent autant d’atteintes aux droits et libertés, tels que l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée, ou encore les libertés d’aller et venir, de réunion et d’expression. De fait, par une lettre adressée au secrétaire général du Conseil de l’Europe le 24 novembre 2015 en vertu du paragraphe 3 de l’article 15 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH) – article ayant fait l’objet d’une réserve lors de la ratification de ladite convention par le gouvernement de la République française16 –, la France a fait savoir que certaines des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence « sont susceptibles d’impliquer une dérogation aux obligations résultant de la convention »17. Cet article 15 qui est consacré aux mesures dérogeant aux obligations prévues par la convention européenne tranche – à tout le moins à première vue – avec le silence constitutionnel relatif à l’état d’urgence. Dans l’ordre juridique interne, aucune disposition constitutionnelle n’est effectivement consacrée à l’état d’urgence. Ce dernier est consacré par la loi (I). Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace18 ne modifie pas la donne sur ce point : le lecteur n’y trouvera aucune trace juridique de l’état d’urgence. Toutefois, la constitution consacre implicitement l’état d’urgence en ce sens qu’elle détermine les principes qui régissent l’action du législateur dans le cadre de ce régime d’exception (II).
I – L’absence de consécration constitutionnelle explicite de l’état d’urgence
Dans la constitution du 4 octobre 1958, l’état d’urgence demeure introuvable. Il ne fait pas partie du droit constitutionnel des temps de crise19. Ce silence constitutionnel (A) est cependant un silence approbateur : il vaut acceptation de la législation relative à l’état d’urgence (B).
A – Le silence constitutionnel
L’état d’urgence est dépourvu de tout ancrage constitutionnel à la différence des pouvoirs exceptionnels du président de la République et de l’état de siège prévus respectivement par les articles 16 et 36 de la constitution. D’une part, l’article 16 confère « au président de la République, pour les circonstances exceptionnelles, des pouvoirs qui le sont aussi (…). C’est évidemment (…) le souvenir de ce qui s’est produit dans notre pays, à des heures difficiles, qui a conduit à l’élaboration de cette [disposition]. Il est apparu à certains de ceux qui, pendant cette période, ont joué les rôles les plus importants, qu’avec une disposition de cette nature, aurait pu être évitée une scission de la nation qui fut grave ; qu’avec une disposition de cette nature le président de la IIIe République, investi de cette mission de continuité et de légitimité aurait eu la possibilité constitutionnelle et, par conséquent, l’obligation morale de prendre sur lui de transférer le siège de nos institutions et d’assurer la pérennité du gouvernement légitime »20. D’autre part, l’article 36 de la constitution prévoit les conditions relatives à la déclaration et à la prorogation de l’état de siège. Ce dernier est décrété en conseil des ministres et sa prorogation au-delà de douze jours doit être autorisée par le Parlement. Destiné à faire face à un péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée, l’état de siège permet de transférer les compétences de l’autorité civile à l’autorité militaire21. Alors que l’article 16 a été mis en œuvre du 23 avril 1961 au 29 septembre 1961 – durée évidemment excessive –, l’état de siège n’a jamais été décrété sous la Ve République et souhaitons qu’il en soit toujours ainsi.
Les articles 16 et 36 font ainsi la somme des pouvoirs de crise consacrés par la constitution. Les raisons de ce mutisme constitutionnel relatif à l’état d’urgence sont connues. D’une part, le général de Gaulle a été très attaché à l’insertion dans la constitution des pouvoirs exceptionnels du chef de l’État. En ce sens, le 29 juillet 1958, le général de Gaulle présente l’avant-projet de constitution au Comité consultatif constitutionnel en indiquant : « le troisième point qui nous a guidés, c’est l’état du monde, la situation de notre pays dans ce monde, son état intérieur et les possibilités de danger extérieur très grave, immensément grave qui le menace et qui nous ont obligés, pour que puissent survivre dans tous les cas la légitimité de la République, l’indépendance, l’intégrité du territoire et la fidélité aux engagements internationaux, à prévoir des dispositions exceptionnelles pour les circonstances exceptionnelles »22. D’autre part, l’état de siège est quant à lui maintenu puisque l’article 7 de la constitution du 27 octobre 1946 disposait déjà que « l’état de siège est déclaré dans les conditions prévues par la loi »23. Pourtant, par deux fois, en 1993 et en 2007, des comités d’experts ont suggéré en vain d’inscrire dans la constitution les règles qui figurent dans la loi réglementant l’état d’urgence24. Faisant écho à ces orientations, le président François Hollande, dans un discours prononcé devant le Parlement réuni en Congrès25 trois jours après les attentats commis à Paris le 13 novembre 2015, a proposé une révision constitutionnelle destinée à faire figurer l’état d’urgence dans la constitution. En ce sens, et alors même que l’état d’urgence a été déclaré depuis le 14 novembre 2015 sur le territoire métropolitain et en Corse26, un projet de loi constitutionnelle de protection de la nation a été déposé devant l’Assemblée nationale le 23 décembre 201527. Outre l’insertion dans la constitution d’un article 36-1 consacré à l’état d’urgence, ce projet de loi constitutionnelle prévoyait de permettre la déchéance de la nationalité française des criminels condamnés pour atteinte grave à la vie de la nation28. Après 4 mois de débats parlementaires, et faute d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur un même texte – en particulier sur la question de la déchéance de nationalité des terroristes binationaux nés français –, le président de la République a finalement décidé de « clore le débat constitutionnel »29, l’état d’urgence demeurant ainsi privé d’assise constitutionnelle.
Interprétant le silence constitutionnel relatif à l’état d’urgence, le Conseil constitutionnel a jugé que les constituants de 1958 n’ont pas entendu exclure la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence.
B – Le silence valant acceptation de la législation relative à l’état d’urgence
Créé en 1955 dans le contexte ci-dessus rappelé, l’état d’urgence est depuis toujours consacré exclusivement par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955. Le 25 janvier 1985, le Conseil constitutionnel est saisi de la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances. Les parlementaires requérants font notamment valoir qu’« en l’état du droit positif, la loi prorogeant l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, pour porter une atteinte exceptionnelle aux libertés doit se fonder sur la constitution. (…) Or, la constitution prévoit exclusivement l’état de siège (article 36) »30. En d’autres termes, « la mise en vigueur de la constitution et du préambule de la constitution, tels qu’ils sont interprétés par la jurisprudence du Conseil, [aurait] rendu caduques, ou abrogé implicitement, les dispositions de la loi du 3 avril 1955 qui leur étaient contraires »31. Par une décision rendue le même jour que les saisines – cette célérité s’explique par l’objet de la loi et a été rendue possible par l’implication personnelle du secrétaire général du Conseil constitutionnel32 –, le Conseil constitutionnel juge qu’en ne consacrant pas l’état d’urgence dans la constitution, le constituant de 1958 n’a pas entendu pour autant abroger la législation sur l’état d’urgence. C’est aux termes d’un raisonnement ternaire que le Conseil admet le maintien de la législation du 3 avril 1955. Primo, le Conseil rappelle qu’en vertu de l’article 34 de la constitution – aux termes duquel « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » –, le législateur est compétent pour « opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré »33. Secundo, « si la constitution, dans son article 36, vise expressément l’état de siège, elle n’a pas pour autant exclu la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence pour concilier (…) les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public »34 qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Tertio, « la constitution du 4 octobre 1958 n’a pas eu pour effet d’abroger la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, qui, d’ailleurs, a été modifiée sous son empire »35.
Cette solution a été confirmée par la jurisprudence administrative et réaffirmée par le Conseil constitutionnel. D’une part, dans une ordonnance de référé Boisvert du 21 novembre 200536, le Conseil d’État juge que « la consécration du régime de l’état de siège sur le plan constitutionnel aussi bien par le second alinéa ajouté à l’article 7 de la constitution du 27 octobre 1946 par la loi constitutionnelle du 7 décembre 1954 que par l’article 36 de la constitution du 4 octobre 1958 ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que le législateur, institue, dans le cadre des compétences qui lui sont constitutionnellement dévolues, un régime de pouvoirs exceptionnels distinct du précédent reposant, non comme c’est le cas pour l’état de siège sur un accroissement des pouvoirs de l’autorité militaire, mais, ainsi que le prévoit le régime de l’état d’urgence, sur une extension limitée dans le temps et dans l’espace des pouvoirs des autorités civiles, sans que leur exercice se trouve affranchi de tout contrôle ». Le Conseil d’État ajoute qu’« il n’y a pas entre le régime de l’état d’urgence issu de la loi du 3 avril 1955 et la constitution du 4 octobre 1958 une incompatibilité de principe qui conduirait à regarder cette loi comme ayant été abrogée par le texte constitutionnel ». D’autre part, saisi de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives à différentes dispositions de la loi du 3 avril 1955, le Conseil constitutionnel a constamment réaffirmé que « la constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence »37.
Maintenue malgré l’avènement de la Ve République, la loi du 3 avril 1955 a été modifiée à plusieurs reprises. L’ampleur de ces modifications et, en particulier, de celles résultant des lois des 20 novembre 2015 et 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence38, est telle que la physionomie du régime juridique de l’état d’urgence de 1955 s’en est trouvée transformée. En témoigne le fait, par exemple, que, depuis 196039, ce n’est plus le Parlement, mais le président de la République qui déclare l’état d’urgence. Par ailleurs, tandis que les régimes des perquisitions administratives et des assignations à résidence ont été consolidés, de nouvelles mesures de police administrative susceptibles d’être prises dans le cadre de l’état d’urgence ont été instituées dernièrement, soit, notamment, la dissolution par décret en conseil des ministres des associations ou groupements de fait participant à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent40, la fermeture provisoire des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes41, ainsi que l’interdiction des cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique lorsque l’autorité administrative justifie ne pas être en mesure d’en assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose42.
Bien que consacré explicitement par la loi, l’état d’urgence reçoit une consécration implicite par la constitution.
II – La consécration constitutionnelle implicite de l’état d’urgence
Si la constitution du 4 octobre 1958 n’exclut pas l’état d’urgence, elle ne l’ignore pas non plus. En effet, l’état d’urgence est « saisi » par la constitution comme en atteste le récent contentieux constitutionnel en la matière (A) à tel point que la question se pose de l’effet utile d’une révision constitutionnelle tendant à inscrire l’état d’urgence dans la constitution (B).
A – L’état d’urgence « saisi » par la constitution
Dans le cadre de l’état d’urgence, la constitution impose au législateur de concilier « les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public »43. C’est précisément ce qui ressort de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel depuis la décision du 25 janvier 1985 précitée. Dans le dernier état de sa jurisprudence, le Conseil rappelle que « la constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République »44. Il en résulte que la constitution fixe le cadre dans lequel le législateur doit inscrire l’état d’urgence sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Bien sûr, le constat doit être dressé : le contentieux constitutionnel de l’état d’urgence a été tardif. La loi du 3 avril 1955 n’a fait l’objet d’aucun contrôle de constitutionnalité sous la IVe République, et pour cause, le contrôle de constitutionnalité des lois y était alors « symbolique »45, sinon inexistant. Sous la Ve République, la loi du 3 avril 1955 a certes été modifiée par une ordonnance de 196046. Pourtant, faute de ratification législative expresse de cette ordonnance, aucune saisine du Conseil constitutionnel n’a été possible. En 1985, la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances est déférée au Conseil constitutionnel, mais ce dernier n’a pas saisi cette occasion pour contrôler la constitutionnalité de la loi du 3 avril 1955. Plus récemment, le vote de la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a fait naître l’espoir d’une saisine du Conseil constitutionnel. Cet espoir a été rapidement déçu, le Premier ministre, Manuel Valls, déclarant au cours du débat parlementaire : « je suis extrêmement dubitatif quant à la saisine du Conseil constitutionnel. Je souhaite que les dispositifs que vous allez adopter soient mis en œuvre rapidement. Or il est toujours risqué de saisir le Conseil constitutionnel »47. Faut-il rappeler, comme l’avait fait en 2005 le président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, en réponse à des propos similaires du garde des Sceaux, Pascal Clément, que « le respect de la constitution n’est pas un risque mais un devoir »48 ? De fait, la loi du 20 novembre 2015 n’a fait l’objet d’aucune saisine du Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori de constitutionnalité des lois. C’est finalement par le biais de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) que le Conseil constitutionnel a été saisi des dispositions de la loi du 3 avril 1955 relatives aux assignations à résidence49, aux perquisitions et saisies administratives50, à la police des réunions et des lieux publics51, à l’interdiction de séjour des personnes cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics52, aux contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans les zones dans lesquelles l’état d’urgence a été déclaré53, ainsi qu’à l’institution de zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé54. En ce sens, il a rendu pas moins de 9 décisions en réponse à ces QPC. Sans proposer un commentaire détaillé de ces décisions, trois remarques peuvent être formulées.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a validé l’éviction de la tutelle de l’autorité judiciaire sur les mesures de police prises dans le cadre de l’état d’urgence. Cette validation est redevable d’une conception restrictive de la notion de liberté individuelle. Il faut rappeler que dans la jurisprudence constitutionnelle, la distinction entre la police administrative et la police judiciaire dessine une sorte de « cartographie » des rapports entre les droits et libertés constitutionnellement garantis et les dispositifs policiers55. En effet, à partir du moment où l’opération de qualification juridique révèle la nature administrative ou judiciaire d’un dispositif policier, le Conseil constitutionnel en déduit l’application d’un certain standard de limites constitutionnelles s’imposant au législateur quel que soit l’objet du dispositif policier (contrôle d’identité, garde à vue, fouille des véhicules, etc.) et quels que soient les droits et libertés fondamentaux en cause. Aussi, un dispositif de police administrative relève-t-il toujours « de la seule responsabilité du pouvoir exécutif »56. C’est dire qu’à la différence d’un dispositif de police judiciaire, il n’a pas à être placé « sous la direction ou la surveillance de l’autorité judiciaire »57. Il reste que, par-delà sa nature policière, lorsqu’un dispositif de police administrative porte atteinte à la liberté individuelle, c’est-à-dire qu’il emporte une privation de liberté, l’article 66 de la constitution58 fait obligation au législateur d’organiser l’intervention de l’autorité judiciaire. A contrario, l’absence d’atteinte à la liberté individuelle affranchit le législateur de cette obligation. C’est précisément ce qu’a rappelé le Conseil constitutionnel à propos des assignations à résidence et perquisitions administratives en considérant qu’elles n’affectaient pas la liberté individuelle59. Ce retrait de l’autorité judiciaire pour contrôler les mesures de police prises dans le cadre de l’état d’urgence est symptomatique d’une logique bien plus vaste qui consiste à admettre dans le domaine sensible de la sécurité intérieure une grande liberté d’agir au pouvoir exécutif60.
En deuxième lieu, et alors même que la mise en œuvre de l’état d’urgence a suscité de vives inquiétudes, le Conseil constitutionnel a fait montre d’une certaine prudence en exerçant à plusieurs reprises un contrôle restreint sur les mesures susceptibles d’être prises dans le cadre de l’état d’urgence. Par exemple, c’est un tel contrôle destiné à ne sanctionner que les atteintes manifestement disproportionnées aux droits et libertés qui a été exercé à propos des dispositions législatives permettant au ministre de l’Intérieur et au préfet d’ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones à l’intérieur desquelles l’état d’urgence est entré en vigueur. Le Conseil a effectivement jugé qu’en prévoyant de telles dispositions le législateur n’a pas opéré une conciliation qui est manifestement déséquilibrée entre, d’une part, le droit d’expression collective des idées et des opinions et la liberté d’entreprendre et, d’autre part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public61. Toutefois, malgré ce contrôle parfois restreint, le Conseil constitutionnel a formulé plusieurs réserves d’interprétation et a rendu sept décisions de censure partielle ou totale.
En troisième lieu, dans le contexte des attentats terroristes commis en France, il faut savoir gré aux décisions du Conseil constitutionnel d’avoir précisé le cadre juridique dans lequel s’inscrivent certaines des mesures de police prises pendant l’état d’urgence. En particulier, le Conseil constitutionnel a précisé l’office du juge administratif à l’égard des mesures de police administrative susceptibles d’être prises dans le cadre de l’état d’urgence. À trois reprises, il a indiqué que ce dernier est chargé de s’assurer que la mesure contrôlée « est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit »62. Par suite, le juge administratif est invité à exercer un entier contrôle de proportionnalité sur les mesures policières prises en application de la loi relative à l’état d’urgence.
Consacré implicitement par la constitution, l’état d’urgence doit-il dès lors être inscrit formellement dans la constitution ? C’est dire que la question de l’effet utile d’une telle révision constitutionnelle doit être posée.
III – L’« effet utile » de l’inscription de l’état d’urgence dans la constitution
À partir du moment où l’état d’urgence repose déjà matériellement sur la constitution, une révision constitutionnelle destinée à le constitutionnaliser pourrait paraître inutile. Tel n’est pas le cas, à tout le moins, si la constitutionnalisation s’accompagne d’un nécessaire encadrement afin notamment de renforcer le rôle du Conseil constitutionnel et de « sécuriser » juridiquement le contrôle parlementaire des mesures prises en application de la loi du 3 avril 1955.
En premier lieu, le rôle du Conseil constitutionnel pourrait être opportunément renforcé tant au moment de la déclaration de l’état d’urgence que pendant la durée de sa prorogation. D’une part, le constituant pourrait utilement reconnaître au profit du Conseil constitutionnel une compétence consultative relative à la déclaration de l’état d’urgence. En effet, à l’instar de ce que prévoit le premier alinéa de l’article 16 de la constitution, le constituant pourrait imposer que l’état d’urgence ne puisse être déclaré par le président de la République qu’après consultation officielle du Conseil constitutionnel. Il s’agirait ainsi de limiter l’important pouvoir discrétionnaire dont dispose le chef de l’État pour déclarer l’état d’urgence en qualifiant telle ou telle situation de « péril imminent » ou de « calamité publique ». D’autre part, au cours de la durée de prorogation de l’état d’urgence, le constituant pourrait permettre au Conseil constitutionnel de constater par un avis public que les conditions de déclaration de l’état d’urgence sont toujours réunies. Il s’agirait alors de reprendre mutatis mutandis les dispositions relatives au contrôle par le Conseil constitutionnel de la durée d’application de l’article 16 de la constitution (v. le dernier alinéa de l’art. 16 de la constitution). Cette nouvelle compétence consultative s’ajouterait avantageusement à la compétence contentieuse du Conseil constitutionnel qui peut être saisi de la loi de prorogation de l’état d’urgence sur le fondement de l’article 61, alinéa 2, de la constitution. En effet, faut-il rappeler que le Conseil n’a jamais été saisi des lois de prorogation de l’état d’urgence ? Par ailleurs, l’étendue du contrôle se pose, car au moment de confronter la loi de prorogation à la constitution, le juge devra faire face au silence constitutionnel relatif à l’état d’urgence. Il reste que, sauf à priver d’effet utile la saisine du Conseil constitutionnel à propos d’une telle loi, ce dernier devrait s’estimer compétent pour contrôler la durée de prorogation de l’état d’urgence. Cette interprétation peut d’ailleurs se revendiquer de la décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 rendue à propos des assignations à résidence prononcées dans le cadre de l’état d’urgence. Dans cette décision, le Conseil indique par une formule incidente que la durée de prorogation de l’état d’urgence ne « saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence »63.
En second lieu, la constitutionnalisation de l’état d’urgence pourrait permettre de « sécuriser » juridiquement le contrôle parlementaire des mesures prises en application de la loi du 3 avril 1955. En ce sens, la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions64 a inséré un article 4-1 après l’article 4 de la loi du 3 avril 1955 afin d’instituer un contrôle parlementaire des mesures prises par le gouvernement pendant l’état d’urgence65. Cet article 4-1 dispose : « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le gouvernement pendant l’état d’urgence. Les autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de la présente loi. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». En instituant ce nouveau contrôle, qui s’ajoute au contrôle juridictionnel, le législateur a entendu renforcer « les garanties offertes (…) dans la mise en œuvre des prérogatives confiées à l’autorité administrative »66. L’institution de ce contrôle parlementaire en temps réel des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence – qui s’exerce en sus du contrôle classique a posteriori de l’action du gouvernement prévu au titre de l’article 24 de la constitution – est une novation de la pratique parlementaire de la Ve République. Toutefois, ce droit de regard du Parlement sur les mesures mises en œuvre durant l’état d’urgence sous la responsabilité de l’exécutif interroge le juriste quant au respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. En effet, si au Portugal, l’Assemblée de la République (Parlement monocaméral) contrôle l’application de l’état d’urgence – le gouvernement lui adressant un rapport détaillé des mesures prises sous l’empire de l’état d’urgence (estado de emergência)67 –, le b) de l’article 162 de la constitution portugaise prévoit expressis verbis ce contrôle parlementaire. Or, tel n’est pas le cas de la constitution française qui ne prévoit aucun contrôle parlementaire de l’application de l’état d’urgence (v. I). Il n’est d’ailleurs pas anodin de relever que les dispositions de l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955 instituant le contrôle parlementaire de l’état d’urgence figuraient dans le projet de loi constitutionnalisant l’état d’urgence adopté par l’Assemblée nationale68. Faute pour le Conseil constitutionnel de s’être prononcé sur la question de la conformité à la constitution du contrôle parlementaire ainsi institué, le statu quo pourrait être maintenu. Cette solution n’est guère satisfaisante cependant et la constitutionnalisation permettrait donc de lever l’équivoque.
En définitive, l’essai tendant à inscrire l’état d’urgence dans la constitution pourrait être utilement transformé à l’occasion de la révision constitutionnelle à venir. Le contexte est favorable : l’état d’urgence n’est plus en application et la crainte, exprimée par certains, d’une « constitutionnalisation de la frénésie sécuritaire »69 est, semble-t-il, écartée d’autant que le vote de la loi Collomb du 30 octobre 201770 rend plus exceptionnel le recours à ce régime d’exception.
Notes de bas de pages
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1.
Exposé des motifs du projet de loi n° 10478 instituant un état d’urgence.
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2.
Ibid.
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3.
L. n° 55-385, 3 avr. 1955, instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie. Le 1° du paragraphe IV de l’article 176 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a modifié l’intitulé de la loi du 3 avril 1955 en remplaçant les mots : « instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie » par les mots : « relatif à l’état d’urgence ».
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4.
L. n° 55-385, 3 avr. 1955, instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie, art. 1er.
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5.
L. n° 55-385, 3 avr. 1955, art. 15, al. 1er.
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6.
En premier lieu, l’état d’urgence a été déclaré en Nouvelle-Calédonie et dans ses dépendances par l’arrêté n° 85-35 du 12 janv. 1985 du haut-commissaire de la République. En deuxième lieu, il a été déclaré sur l’ensemble du territoire des îles de Wallis et Futuna par deux arrêtés de l’administrateur supérieur n° 117 et 118 en date du 29 oct. 1986. En troisième lieu, l’état d’urgence a été déclaré dans les communes de la subdivision des Îles du Vent en Polynésie française par deux arrêtés du haut-commissaire de la République n° 1214 CAB et 1215 CAB en date du 24 oct. 1987.
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7.
L’article 1er de la loi n° 58-487 du 17 mai 1958 déclarant l’état d’urgence sur le territoire métropolitain prévoit que l’état d’urgence est déclaré « pour une durée de 3 mois ».
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8.
D. n° 61-395, 22 avr. 1961, portant déclaration de l’état d’urgence et D. n° 61-396, 22 avr. 1961, relatif à l’application de l’état d’urgence.
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9.
D. n° 2005-1386, 8 nov. 2005, portant application de la loi n° 55-385 du 3 avr. 1955 et D. n° 2005-1387, 8 nov. 2005, relatif à l’application de la loi n° 55-385 du 3 avr. 1955.
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10.
L’art. 1er du décret n° 2015-1475 du 14 nov. 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avr. 1955 a déclaré l’état d’urgence, à compter du 14 nov. 2015, à zéro heure, sur le territoire métropolitain et en Corse. L’art. 1er du décret n° 2015-1493 du 18 nov. 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avr. 1955 a étendu l’application de l’état d’urgence au territoire des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
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11.
L’état d’urgence a été prorogé en dernier lieu par la loi n° 2017-1154 du 11 juill. 2017.
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12.
L. n° 55-385, 3 avr. 1955, art. 1er, préc. L’état d’urgence peut également permettre de répondre à des « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » (ibid.). Toutefois, l’état d’urgence n’a jamais été déclaré sur ce fondement. En pratique, d’autres procédures d’urgence sont mobilisées en cas de catastrophes d’une extrême gravité tel que le plan ORSEC (CSI, art. L. 741-1, commenté et annoté, 2018, Dalloz).
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13.
Ibid., art. 11.
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14.
Ibid., art. 6.
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15.
Ibid., art. 8.
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16.
« Le gouvernement de la République (…) émet une réserve concernant le paragraphe 1 de l’article 15 en ce sens (…) que les circonstances énumérées (…) par l’article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 pour la déclaration de l’état d’urgence, et qui permettent la mise en application des dispositions de ces textes, doivent être comprises comme correspondant à l’objet de l’article 15 de la convention » : réserve consignée dans l’instrument de ratification, déposé le 3 mai 1974, disponible en ligne sur www.coe.int.
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17.
Lettre adressée le 24 nov. 2015 au secrétariat général du Conseil de l’Europe par Jocelyne Caballero au nom de la représentation permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe.
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18.
Projet de loi constitutionnelle n° 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2018.
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19.
Sur la question théorique relative à l’introduction dans la constitution des pouvoirs de crise, v. en part. Camus G., L’état de nécessité en démocratie, thèse, 1965, Paris, LGDJ, p. 427 et Nguyen T. H., La notion d’exception en droit constitutionnel français, thèse, 2013, Université Panthéon-Sorbonne, p. 643.
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20.
Janot M., Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la constitution du 4 octobre 1958 (séance du 31 juill. 1958 du Comité consultatif constitutionnel), vol. II, 1988, Paris, La Documentation française, p. 69.
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21.
En l’état actuel du droit, les dispositions législatives relatives à l’état de siège sont codifiées aux L. 2121-1 à L. 2121-8 du Code de la défense.
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22.
de Gaulle C., Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958 (séance du 29 juill. 1958 du Comité consultatif constitutionnel), op. cit., p. 43.
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23.
C’est seulement à compter de la révision constitutionnelle de 1954 que l’article 7 mentionne l’état de siège : loi constitutionnelle du 7 déc. 1954 tendant à la révision des articles 7 (addition), 9 (1er et 2e alinéas), 11 (1er alinéa), 12, 14 (2e et 3e alinéas), 20, 22 (1re phrase), 45 (2e, 3e et 4e alinéas), 49 (2e et 3e alinéas), 50 (2e alinéa) et 52 (1er et 2e alinéas) de la constitution.
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24.
Deux rapports peuvent être consultés : Comité consultatif pour une révision de la constitution, présidé par le doyen Vedel, Propositions pour une révision de la Constitution, 1993, La Documentation française, et Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par É. Balladur, Une Ve République plus démocratique, 2007, La Documentation française.
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25.
Discours du président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, Versailles, 16 nov. 2015, disponible en ligne sur www.elysee.fr.
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26.
D. n° 2015-1475, 14 nov. 2015, préc., art. 1er. Il faut relever qu’à la différence des constitutions d’autres États européens, la constitution française ne fait pas obstacle à une révision constitutionnelle lorsqu’est mis en œuvre l’état d’urgence. En effet, les périodes au cours desquelles une révision de la constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie sont limitativement énumérées par le Conseil constitutionnel : elles « résultent des articles 7, 16 et 89, al. 4, du texte constitutionnel » (Cons. const., 2 sept. 1992, n° 92-312 DC, traité sur l’Union européenne).
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27.
Projet de loi constitutionnelle n° 3381 de protection de la nation, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 23 déc. 2015.
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28.
Projet de loi constitutionnelle n° 3381, art. 2, préc.
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29.
Décl. du président de la République au sujet de la révision constitutionnelle, 30 mars 2016, disponible en ligne sur www.elysee.fr.
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30.
Saisines du Conseil constitutionnel par 60 députés et 60 sénateurs concernant la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, 25 janv. 1985.
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31.
Saisines du Conseil constitutionnel par 60 députés concernant la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, 25 janv. 1985.
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32.
Le secrétaire général du Conseil « a passé la nuit de jeudi à vendredi dans les locaux du Conseil constitutionnel, afin d’être à même de recevoir immédiatement les recours qui ont été déposés entre 5h30 et 6h00 du matin » : délibération du Conseil constitutionnel, séance du 25 janv. 1985, relative à la décision n° 85-187 DC du 25 janv. 1985, disponible en ligne sur www.conseil-constitutionnel.fr.
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33.
Cons. const., 25 janv. 1985, n° 85-187 DC, loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, cons. 3.
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34.
Ibid., cons. 4.
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35.
Ibid.
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36.
CE, ord., 21 nov. 2005, n° 287217, Boisvert.
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37.
V. en dernier lieu Cons. const., 11 janv. 2018, n° 2017-684 QPC, assoc. La cabane juridique, Legal Shelter et a. (Zones de protection ou de sécurité dans le cadre de l’état d’urgence), § 3.
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38.
L. n° 2015-1501, 20 nov. 2015, prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions et n° 2016-987 du 21 juill. 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
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39.
Ord. n° 60-372, 15 avril 1960, modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence, art. 1er. Sur cet aspect historique, v. Heymann-Doat A., « L’état d’urgence, un régime juridique d’exception pour lutter contre le terrorisme ? », Archives de politique criminelle 2016/1, n° 38, p. 68 et s., et Rolin F., « L’état d’urgence », in Mathieu B. (dir.), Cinquantième anniversaire de la Constitution française, 2008, Dalloz, p. 613 et s.
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40.
Article 6-1, al. 1er, de L. n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Cette disposition est issue de l’article 4 de la loi n° 2015-1501 du 20 nov. 2015, préc.
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41.
Article 8, al. 1er, de L. n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Cette disposition est issue du 1° de l’article 3 de la loi n° 2016-987 du 21 juill. 2016, préc.
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42.
Article 8, al. 3, de L. n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Cette disposition est issue du 2° de l’article 3 de la loi n° 2016-987 du 21 juill. 2016, préc.
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43.
Cons. const., 25 janv. 1985, n° 85-187 DC, préc., cons. 4.
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44.
Cons. const., 11 janv. 2018, n° 2017-684 QPC, préc., § 3.
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45.
Vedel G., in Louis Favoreu et a. (dir.), Droit constitutionnel, 14e éd., 2012, Dalloz, p. 309.
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46.
Ord. n° 60-372, 15 avr. 1960, modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence.
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47.
Valls M., compte-rendu des débats du Sénat, séance du 20 nov. 2015.
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48.
Propos tenus par Pierre Mazeaud en réponse aux propos du ministre la Justice, Pascal Clément, en 2005 concernant l’institution d’un régime de « surveillance judiciaire » permettant, à leur libération, de soumettre des condamnés présentant un risque élevé de récidive à diverses obligations, not. le placement sous surveillance électronique mobile : Mazeaud P., « L’erreur », colloque à l’Institut de France organisé les 25 et 26 oct. 2006, disponible en ligne sur www.conseil-constitutionnel.fr.
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49.
Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, M. Cédric D. (assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence) et Cons. const., 16 mars 2017, n° 2017-624 QPC, M. Sofiyan I. (assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence II).
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50.
Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-536 QPC, Ligue des droits de l’homme (perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l’état d’urgence) ; Cons. const., 23 sept. 2016, n° 2016-567/568 QPC, M. Georges F. et a. (perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence II) et Cons. const., 2 déc. 2016, n° 2016-600 QPC, M. Raïme A. (perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence III).
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51.
Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-535 QPC, Ligue des droits de l’homme (police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence).
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52.
Cons. const., 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC, M. Émile L. (interdiction de séjour dans le cadre de l’état d’urgence).
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53.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC, Ligue des droits de l’Homme (contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l’état d’urgence).
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54.
Cons. const., 11 janv. 2018, n° 2017-684 QPC, préc.
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55.
Granger M.-A., Constitution et sécurité intérieure. Essai de modélisation juridique, 2011, Paris, LGDJ, Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, t. 138, p. 41.
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56.
Cons. const., 19 janv. 2006, n° 2005-532 DC, loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 5.
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57.
Ibid.
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58.
Constitution, 4 oct. 1958, art. 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu./ L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
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59.
Pour davantage de développements, v. Granger M.-A., « The state of emergency in France : which controls ? », in Security and Human Rights, 2018, Hart Publishing.
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60.
Granger M.-A., Constitution et sécurité intérieure. Essai de modélisation juridique, op. cit., p. 191 et s.
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61.
Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-535 QPC, préc., cons. 10 et 13.
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62.
Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, préc., cons. 12 ; Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-535 QPC, préc., cons. 8, et Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-536 QPC, préc., cons. 10.
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63.
Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, préc., cons. 13.
-
64.
L. n° 2015-1501, 20 nov. 2015, art. 4, 1°, prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.
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65.
Les dispositions de l’article 4-1 ont ensuite été modifiées par l’article 2 de la loi n° 2016-987 du 21 juill. 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
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66.
Exposé des motifs du projet de loi n° 3225 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.
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67.
L. org. n° 44, 30 sept. 1986, modifiée, sur l’« état de siège » (estadode sítio) et l’« état d’urgence » (estado de emergência), art. 17. V. la note de législation comparée du Sénat sur le régime de l’état d’urgence, mars 2016, p. 59-60, disponible en ligne sur www.senat.fr.
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68.
Projet de loi constitutionnelle n° 3381, préc.
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69.
Collectif de juristes universitaires, « Contre la constitutionnalisation de la frénésie sécuritaire », Le Monde 21 déc. 2015.
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70.
L. n° 2017-1510, 30 oct. 2017, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.