Le Conseil constitutionnel, esclave de la montre ?
La loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 met en place la suspension des délais de jugement en matière de question prioritaire de constitutionnalité (QPC), tant devant les juges du filtre que sont le Conseil d’État et la Cour de cassation, que devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier est alors confronté à l’examen de la constitutionnalité du « temps du jugement » en contrôle a posteriori. S’il rend une décision de conformité, il laisse ouverte les perspectives quant à l’avenir du contentieux constitutionnel et son éventuelle réorganisation, libérée des délais de jugement.
Cons. const., 26 mars 2020, no 2020-799 DC
Avec la QPC, la doctrine a volontiers présenté le Conseil constitutionnel comme « maître des horloges »1. Cette opinion a pu être largement nuancée, car si parfois le temps est une « ressource », il est d’abord et avant tout une contrainte pour le Conseil constitutionnel2. Le poids de cette contrainte s’exprime dans la décision du 26 mars 2020, relative à la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-193. Et, pour une fois, il est possible d’en prendre pleinement la mesure, car la décision est entièrement tournée vers la question temporelle : celle des délais de jugement devant le Conseil constitutionnel et devant les cours suprêmes des deux ordres de juridiction que sont le Conseil d’État et la Cour de cassation.
Le Conseil constitutionnel y juge conforme à la constitution la loi organique qui prévoit, dans son article unique, qu’« afin de faire face aux conséquences de l’épidémie du virus Covid-19, les délais mentionnés aux articles 23-4, 23-5 et 23-10 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont suspendus jusqu’au 30 juin 2020 ». Ce faisant, le juge constitutionnel accepte que la QPC ne soit enfermée dans aucun délai de jugement. Selon les termes de la décision, l’article déféré « ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période ». Simplement, à partir de l’entrée en vigueur de la loi, à chaque fois que le Conseil d’État ou la Cour de cassation, d’une part, ou le Conseil constitutionnel, d’autre part, sera saisi, le traitement de la question prioritaire constitutionnalité pourra prendre plus de 3 mois. Selon l’extrait du compte rendu du Conseil des ministres à l’origine du projet de loi4, deux raisons justifient cette mesure, qui ne sont pas toutes du même ordre.
L’une d’elles est que « l’épidémie de Covid-19 fait obstacle à ce que ces juridictions se réunissent en formation collégiale et, par conséquent, à ce que les délais de jugement impartis puissent être respectés »5. Le gouvernement nous rappelle que la justice est littéralement, « incarnée », qu’elle est faite par des juges, qui sont humains6. Il laisse cependant sous-entendre que la fonction juridictionnelle, et particulièrement l’office de juge des droits et libertés, ne serait pas une des activités essentielles à la nation, puisqu’il est possible d’en suspendre le cours pendant la durée de l’épidémie.
L’autre raison est procédurale, et tient à l’architecture du contentieux a posteriori : « l’absence d’examen, dans un délai de 3 mois, des questions prioritaires soulevées dans le cadre d’un litige devant le Conseil d’État et la Cour de cassation entraîne le dessaisissement de ces juridictions, le Conseil constitutionnel en étant saisi d’office »7. Le Palais-Royal et le quai de l’Horloge n’étant pas en mesure d’assumer pleinement leur office, le Palais Montpensier se trouverait submergé par les questions de constitutionnalité, qu’il ne pourrait traiter lui-même dans les 3 mois impartis par l’article 23-10 de l’ordonnance régissant ses pouvoirs8.
La brièveté de la décision est inversement proportionnelle à l’ampleur de son influence, tant sur la procédure de la QPC que sur l’office du juge des droits et libertés, que cet office soit rempli par le Palais Montpensier, le Palais-Royal ou le quai de l’Horloge. Elle questionne, 10 ans après la mise en vigueur du contrôle a posteriori, le bien-fondé des choix opérés et leur efficacité dans la protection des droits fondamentaux, dans une période où ceux-ci sont mis en état de particulière fragilité.
À travers le prisme du temps juridique, la décision du 26 mars 2020 invite ainsi à repenser l’ensemble de ce système, la nature du délai de jugement (I) permettant de questionner l’articulation du contentieux constitutionnel français (II).
I – La nature du délai de jugement
Tout le paradoxe tient dans le fait que le gouvernement fait ici subir un traitement similaire à des délais fort différents dans leur nature. Alors que devant les juges du filtre ou devant le Conseil constitutionnel, les délais n’ont pas la même force (A), le gouvernement réorganise de la même manière le « temps du jugement ». Ce faisant, il démontre qu’il est le seul « maître du temps » en la matière (B).
A – Une nature différemment appréhendée par les juges de la QPC
Quand bien même les durées des délais de jugement sont identiques dans leur durée devant le Conseil constitutionnel et les cours suprêmes des deux ordres de juridiction, leur nature est différente. En effet, le délai de jugement QPC est indicatif (1), quand il est impératif devant le Conseil d’État et la Cour de cassation (2).
1 – Un délai indicatif devant le Conseil constitutionnel
Depuis quelques années, l’idée que le délai de jugement QPC devant le Conseil constitutionnel était seulement « indicatif » a fait son chemin9. L’idée d’un délai de 3 mois « impératif » devant le Conseil constitutionnel avait été largement battue en brèche par l’affaire Jérémy F. À cette occasion, le Conseil constitutionnel avait dépassé ce délai pour poser une question préjudicielle à la CJUE, sans qu’aucun effet ne soit attaché à un tel dépassement. Depuis lors, deux autres indices sont venus s’ajouter, confirmant l’idée d’un délai simplement « indicatif ».
Le Conseil constitutionnel a, tout d’abord, modifié son considérant de principe relatif au contentieux des lois « ayant pour objet de transposer en droit interne une directive de l’Union européenne »10. Alors qu’il estime qu’en contrôle a priori, il ne peut poser une question préjudicielle à la CJUE, il a ôté cette limite temporelle en contrôle a posteriori. La mention selon laquelle il doit « statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l’article 61 de la constitution »11 dans le premier cas a ainsi disparu. Cela est justifié, car lorsque le Conseil constitutionnel statue sur le fondement de l’article 61-1 de la constitution, a posteriori donc, il ne peut plus faire valoir la promulgation de la loi comme limite temporelle à son contrôle. Mais surtout, le Conseil constitutionnel ne crée pas de considérant « parallèle », faisant état d’une éventuelle limite temporelle en contrôle « QPC ». L’effacement de la limite temporelle dans ce contentieux est le signe que le Conseil cherche à s’affranchir du délai de jugement en matière de question préjudicielle à la CJUE et qu’il prépare le terrain pour les avis consultatifs à la Cour européenne des droits de l’Homme. Chemin faisant, il affirme, par touches successives, que le délai de jugement de 3 mois était purement indicatif. Selon notre analyse, cela devait le mener in fine à se libérer d’un tel délai, en adaptant le « temps du jugement » à l’affaire portée devant lui12.
Ce fut chose faite avec la décision sur l’exclusion de certaines plus-values mobilières du bénéfice de l’abattement pour durée de détention en date du 3 avril 202013. Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 19 décembre 2020 par le Conseil d’État de certaines dispositions fiscales présentes dans la loi de finances pour 201414. Il aurait dû, à suivre la lettre de l’article 23-10 de l’ordonnance relative à ses pouvoirs, rendre sa décision au plus tard le 19 mars. La date constituait le terme du délai de jugement pour le Conseil, mais un jeudi, jour où les membres du Conseil se réunissent habituellement pour délibérer. Entre-temps, le lundi 16 mars, l’exécutif a annoncé le confinement de l’ensemble de la population française, cette mesure prenant effet le 17 mars à midi. Dans l’intervalle, le Conseil constitutionnel a choisi d’annuler sa séance du 19 mars : agissant de la sorte, il savait que la décision portant sur la constitutionnalité du paragraphe III de l’article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 serait rendue hors délai. Il a donc fait le choix d’assumer le retard de sa décision sans que ne soit en cause une question préjudicielle. Il confirmait, en conséquence, le caractère indicatif du délai de 3 mois en QPC.
Dans la loi, puis dans la décision qui lui est relative, le délai de jugement devant le Conseil constitutionnel est mis sur le même plan que les délais de jugement devant le Conseil d’État et la Cour de cassation. Or s’ils ont la même durée, ces délais n’ont pas la même force, de telle sorte que les cours suprêmes des deux ordres de juridiction ne sont pas mis dans la même posture que le Conseil constitutionnel.
2 – Un délai impératif devant le Conseil d’État et la Cour de cassation
La loi organique soumise au Conseil constitutionnel aborde, ensemble, le délai de jugement devant le Conseil d’État et la Cour de cassation, d’une part, et devant le Conseil constitutionnel, d’autre part. Cette lecture aurait pu être nuancée par le Conseil constitutionnel dans sa décision. Or c’est tout l’inverse qui se produit, le Palais Montpensier insistant sur le parallélisme entre le premier et le second lorsqu’il affirme que « l’article 23-10 de la même ordonnance prévoit que le Conseil constitutionnel statue dans un même délai de 3 mois après saisine »15. Que se cache-t-il derrière cette emphase, bien peu nécessaire au raisonnement du juge constitutionnel ?
Il semble que le Conseil constitutionnel ait cherché à maintenir l’idée que le parallélisme temporel en matière de délais de jugement reflétait un parallélisme fonctionnel. L’assimilation du temps conduit à assimiler les fonctions : attribuer un temps de jugement comparable aux cours suprêmes et au Conseil constitutionnel revient d’une certaine façon à admettre qu’elles exercent un rôle similaire à ce dernier. Autrement dit, un véritable contrôle de constitutionnalité16. Mais si l’exercice est le même, Conseil d’État et Cour de cassation agissant comme des juges constitutionnels « négatifs »17, la force du délai est bien différente.
Comme le souligne la députée Marie Guévenoux dans son rapport devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, « il s’agit d’un délai impératif, à peine de dessaisissement : à défaut, la question est automatiquement transmise au Conseil constitutionnel »18. L’article 23-7 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit en effet que le manquement des juges du filtre produise un effet. Bien entendu, cela ne signifie pas que les juges du filtre acceptent ce qui pourrait apparaître comme une sanction de leur manque de diligence. En témoigne ainsi la jurisprudence du Conseil d’État par laquelle ce dernier s’est réservé le droit de dépasser le délai de 3 mois dans le cas où il est saisi contre un refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité19. Dans ce cas, il faut prévaloir son action de renvoi sur l’automaticité de la saisine20. Mais elle vaut dans les autres configurations au Palais-Royal et systématiquement devant la Cour de cassation21. L’accent mis sur le « même » délai de jugement par le Conseil constitutionnel ne saurait donc gommer la différence qui subsiste quant à la force du délai pour les juges du filtre, d’une part, et pour le Conseil constitutionnel, d’autre part.
Il faut alors considérer qu’en soulignant cette trompeuse identité, le Conseil constitutionnel ne s’adresse pas aux autres juges de la QPC, mais au gouvernement à l’origine de la loi organique et de la saisine, par la voie du Premier ministre. Ce délai serait le « même », car modelé par le gouvernement de la même manière. Car il ressort de la loi organique que c’est ce dernier – et lui seul – qui est le maître du temps, et que le Conseil constitutionnel se soumet à cette lecture.
B – Une nature pareillement maîtrisée par le gouvernement
La loi organique prévoit que tous les délais « QPC » soient suspendus jusqu’au 30 juin. Avec cette loi, c’est donc le gouvernement qui autorise le Conseil constitutionnel et les hautes juridictions des deux ordres à dépasser leur délai de jugement. Ce faisant, il insiste sur le parallélisme entre le premier et les secondes, en niant l’émancipation qui a été celle du Palais Montpensier. Dans la décision du 26 mars 2020, le Conseil constitutionnel paraît se soumettre à cette lecture (1), mais cela pourrait n’être qu’une tactique de sa part (2).
1 – Une maîtrise explicitement acceptée par le Conseil constitutionnel
La loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 « se borne à suspendre »22 les délais mentionnés aux articles 23-4, 23-5 et 23-10 de celle-ci. Le ton employé par le Conseil constitutionnel témoigne de ce qu’il ne s’en émeut guère, car les délais du contrôle de constitutionnalité a posteriori ont toujours été considérés comme modelables.
Contrairement à l’article 61 de la constitution, l’article 61-1 de la norme fondamentale ne fixe pas la durée qui doit être accordée au jugement. Et le Conseil constitutionnel fait, depuis toujours, la différence entre ce qui a été fixé par la constitution et ce qui a été posé la loi : de manière constante il s’est conformé au délai énoncé à l’article 61 de la constitution, quand il n’a pas mis plus de 3 ans à dépasser le délai fixé par la loi organique dans l’affaire du mandat d’arrêt européen. Comme l’exprimait l’ancien président du Conseil constitutionnel, si le Conseil constitutionnel a pu dépasser le délai de jugement lorsqu’il a statué sur le fondement de l’article 61-1 de la constitution, il en irait différemment s’il s’était agi d’une décision « DC », car c’est « alors la constitution elle-même qui fixe le délai d’1 mois qu’il statue. Il en va de la promulgation de la loi »23. Tout n’est donc pas question de sanction attachée à la méconnaissance d’une règle car, en contrôle a priori comme en contrôle a posteriori, aucune sanction n’est prévue en cas de dépassement du délai.
La détermination d’un délai par la constitution, quand celle-ci est rigide comme l’est celle de la Ve République, a vocation à le mettre à l’abri, à le sanctuariser, ce qui explique que le Conseil constitutionnel l’ait respecté jusqu’ici. Réserver à un délai un rang législatif implique que l’on puisse y revenir et le modifier. Jusqu’à présent, l’hypothèse la plus probable résidait dans une éventuelle adaptation du délai à l’efficacité de la QPC elle-même. Avec l’appropriation du contentieux a posteriori par les juges, le pouvoir politique aurait pu estimer que le délai de 3 mois n’était plus adéquat au regard de l’office du juge. C’est finalement par un autre biais que la question a fini par se poser, un événement tout à fait exceptionnel sur lequel le Conseil constitutionnel insiste dans sa décision n° 2020-799 DC, « l’épidémie du virus Covid-19 »24.
Le façonnage du délai ne passe pas, ici, par une modification de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : pour répondre aux « circonstances particulières »25, le dispositif mis en place se veut ponctuel. Du point de vue du droit transitoire26, il faut comprendre qu’à partir de l’entrée en vigueur de la loi organique la suspension du délai a un effet immédiat. En conséquence, elle s’applique à toutes les affaires pendantes devant les juges du filtre et devant le Conseil constitutionnel. Toute question qui arrivera devant un prétoire entre le 1er avril et le 30 juin 2020 pourra être traitée en plus de 3 mois.
On pourra reprocher au Conseil constitutionnel de ne pas avoir cherché à évaluer la pertinence de ce changement au regard de normes constitutionnelles, comme il l’avait fait lorsque lui avait été déférée la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la constitution27. Il est vrai que le Conseil constitutionnel n’avait visé aucune exigence en particulier. Il n’en demeure pas moins qu’il aurait pu a minima confronter cette suspension à la bonne administration de la justice, principe qui a sous-tendu tous les débats parlementaires lors de la mise en place du délai de 3 mois lors de l’adoption de la loi organique de 2009, et qui figure dans le rapport de la députée Marie Guévenoux sur la présente loi organique28. Ne tentant même pas de paraître opposer la constitution au gouvernement, le Conseil constitutionnel se soumet à la maîtrise de son « temps du jugement ». Il opère ainsi un coup tactique.
2 – Une maîtrise tactiquement acceptée par le Conseil constitutionnel
La notion de « tactique » a été définie par Michel de Certeau, en opposition à celle de « stratégie »29. La tactique est « l’action calculée que détermine l’absence d’un propre. Alors aucune délimitation de l’extériorité ne lui fournit la condition d’une autonomie. La tactique n’a pour lieu que celui de l’autre. Aussi doit-elle jouer avec le terrain qui lui est imposé tel que l’organise la loi d’une force étrangère »30. Le Conseil constitutionnel sait que le délai de la QPC n’est pas « isolable »31 de l’emprise du législateur. Le fait que, contrairement aux autres cours constitutionnelles, il soit soumis à un délai de jugement en contrôle a posteriori est bien la marque de l’« absence d’un propre ».
Dans ce cadre, quel est le coup le plus habile à jouer ? Soulever une norme de contrôle comme, par exemple, la bonne administration de la justice, pour finalement conclure à l’absence de contrariété à la constitution ou alors admettre que le délai de jugement ressort du pouvoir discrétionnaire du pouvoir législatif ? Le Conseil constitutionnel choisit une voie médiane, en affirmant, pour conclure à la conformité à la constitution de l’article unique de loi organique d’urgence que celui-ci « ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période »32. D’une certaine façon, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il existe un « droit de poser une QPC »33, mais il ne préfère pas le viser expressément pour ne pas marquer d’opposition à l’endroit du pouvoir politique. Car, finalement, pour ce qui est de son office, la suspension du délai ne fait que conforter l’évolution de sa propre pratique.
En témoignent – peut-être – les visas de la première décision « QPC » rendue postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Le Conseil constitutionnel y fait mention, parmi les normes de procédure, de la constitution, de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de son règlement intérieur, mais pas de la loi organique du 30 mars 2020, et ce, alors qu’il rend la décision Marc S. 15 jours après le terme du délai fixé par l’article 23-10 de l’ordonnance relative à ses pouvoirs.
Il semblerait donc que l’acceptation de la suspension du délai, sans argumentation de la part du Conseil constitutionnel, lui permette de développer in vivo ce que pourrait être un contrôle a posteriori libre de toute limite temporelle. S’il met à profit cette « occasion », ce kairos34, il pourrait alors tenter de dessiner une nouvelle articulation du contentieux constitutionnel.
II – L’articulation du contentieux constitutionnel
La décision du 26 mars 2020 appelle, au travers du prisme du temps, à repenser l’articulation des rapports juridictionnels (A) et, en conséquence, la répartition de la protection des droits et libertés (B).
A – L’articulation des rapports juridictionnels
Les questions temporelles que fait surgir la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et la décision du 26 mars 2020 qui lui est relative appellent à repenser l’articulation des rapports entre juge du filtre et Conseil constitutionnel (1) et, devant le Conseil constitutionnel, l’articulation entre contrôle a priori et contrôle a posteriori (2).
1 – L’articulation entre juges du filtre et Conseil constitutionnel
Les travaux préparatoires de la loi organique du 3 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la constitution n’expliquaient pas le choix du délai de 3 mois, ni pour le Conseil constitutionnel, ni pour le Conseil d’État et la Cour de cassation. Le choix du délai de 3 mois pour les cours suprêmes ne se comprenait qu’au regard d’un élément : la mise en relation du traitement de la QPC « sans délai » par les juges du fond et la justification afférente, d’une part, et la durée adoptée pour les cours suprêmes, d’autre part. S’il est admis qu’un traitement sans délai se justifie par le rôle minimal des juges du premier et du second degré, a contrario, un délai de 3 mois manifeste le rôle considérable qui est imparti au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et ce d’autant plus qu’est soulignée l’identité de durée avec le « temps du jugement » devant le Conseil constitutionnel.
Le choix du gouvernement a été de maintenir ce parallélisme, en ôtant les bornes du délai de jugement devant les juges du filtre que sont les cours suprêmes et devant le Conseil constitutionnel. À cet égard, le rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale souligne que « les juridictions faîtières ont déjà été conduites à annuler des séances de jugement et à réordonnancer leurs travaux. Elles sont susceptibles de rencontrer des difficultés pour respecter le délai organique d’examen en 3 mois des QPC qui leur sont soumises »35. Il souligne, en creux, la difficulté que pose le fait d’être enserré dans un délai de jugement : nulle véritable possibilité de réordonnancer les travaux et a fortiori nulle capacité à approfondir un contrôle. Il met aussi en perspective ce que pourrait être un contrôle temporellement ouvert.
Or ce parallélisme ne tient pas ou plutôt, ne tient plus, ni en circonstances exceptionnelles, ni en temps normal. En réalité, le problème ne se pose pas que d’un point de vue temporel. C’est parce que le Conseil constitutionnel n’est pas une institution dotée de suffisamment de moyens humains et matériels qu’existe un système de filtrage aussi sophistiqué qu’est le nôtre. C’est parce que l’essentiel du contradictoire se déroule devant les hautes juridictions de chacun des deux ordres, que le Conseil constitutionnel peut se contenter d’une contradiction aussi fruste. C’est parce que le Conseil d’État et la Cour de cassation font un énorme travail préparatoire que le Conseil constitutionnel peut se permettre de juger en 3 mois. Le maintien du parallélisme temporel ne fait que maintenir le Conseil constitutionnel dans une posture de faiblesse vis-à-vis du contrôle qu’il doit effectuer.
En effet, les nouveaux arguments sont rares devant le Conseil. À bien y regarder, la procédure en contrôle a posteriori est largement déléguée : d’une part, toute la documentation recueillie par les cours suprêmes est transmise au Conseil constitutionnel et d’autre part, les nouveaux éléments présentés au Conseil par les parties elles-mêmes sont nécessairement limités, dans la mesure où le contrôle effectué par ce dernier est abstrait. Or d’une certaine manière, ce contrôle reste cantonné à l’abstraction parce qu’il ne peut pas, eu égard aux contraintes temporelles, matérielles et humaines, être autre chose qu’un contrôle « abstrait », serait-il, éventuellement, « concrétisé ».
Une nouvelle articulation des rapports entre juges du filtre et Conseil constitutionnel ne passerait donc pas le maintien d’un délai de jugement pour les premiers et de la libération du second des entraves du temps. À cela, il faut ajouter un réajustement du contrôle a priori et du contrôle a posteriori.
2 – L’articulation du contrôle a priori et du contrôle a posteriori
La loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ne concerne que le contrôle a posteriori et, par conséquent, la décision du 26 mars 2020 ne traite que des délais de jugement en QPC. L’hypothèse peut être faite que leur suspension – et leur prévisible ralentissement – ira de pair avec une accélération du « temps du jugement » lorsque le Conseil constitutionnel statue sur le fondement de l’article 61 de la constitution.
Les quelques lois qui vont être adoptées durant l’épidémie auront, il faut le présumer, pour but d’adapter le cadre normatif à cette situation exceptionnelle. Ces « circonstances particulières » conduisent le gouvernement à brandir le drapeau de l’urgence, comme cela était d’ailleurs le cas pour la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Et le Conseil constitutionnel fait sienne cette urgence, sans d’ailleurs que le Premier ministre ait à la faire valoir au contentieux. Ainsi, la lettre de transmission ne fait pas mention, comme le prévoit l’article 17 de l’ordonnance sur les pouvoirs du Conseil constitutionnel, d’une « urgence » à statuer36.
Or même sans cette mention, le Conseil constitutionnel fait application du délai d’urgence prévu à la deuxième phrase de l’article 61, alinéa 3 de la constitution qui prévoit un délai spécial de 8 jours37. En l’espèce, le Conseil constitutionnel va d’ailleurs, de son propre chef, plus loin, puisqu’il statue en 3 jours. De ce fait, il assure le primat de la promulgation de la loi. Cela ne change pas de sa pratique habituelle : il a été montré que le respect du délai fixé par la constitution avait été l’une des tactiques du Conseil constitutionnel pour être complètement accepté dans le jeu institutionnel38. Si l’on compare le comportement du Conseil constitutionnel, d’une part, et celui du Tribunal constitutionnel espagnol à ses débuts39, le premier a maintenu son contrôle a priori quand le second s’en est vu privé précisément parce que l’un a su respecter la contrainte temporelle qui lui était imposée, quand l’autre s’en était affranchi.
Il y a un intérêt à maintenir le contrôle de constitutionnalité a priori : c’est un contrôle qui s’exerce au regard de normes de contrôle plus larges que celles employées en QPC, qui permet, si tant est qu’il soit bien employé, de faire respecter les règles de procédure tout en évitant que des inconstitutionnalités manifestes pénètrent dans l’ordre juridique. Mais pour qu’il y ait intérêt, encore faut-il repenser l’articulation des protections juridictionnelles.
B – L’articulation des protections juridictionnelles
La décision relative à la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 nous confronte à ce qu’il est possible d’attendre des diverses protections juridictionnelles devant le Conseil constitutionnel : la circonscription de la portée des contrôles de constitutionnalité quand ceux-ci sont temporellement limités (1) et leur extension dans le cas inverse (2).
1 – La circonscription de la portée des contrôles de constitutionnalité temporellement limités
La décision du 26 mars 2020 est l’exemple même d’une confusion entre vitesse et précipitation. Le Conseil constitutionnel qui est le gardien – juridictionnel – de la constitution40 n’a pas hésité à « déchirer »41 celle-ci. Car si l’appréciation des délais de jugement laissait au gouvernement un large pouvoir discrétionnaire et, corrélativement, une faible marge de manœuvre au Conseil constitutionnel, il en allait tout à fait autrement d’une question de procédure qui se posait au préalable à ce dernier.
L’article 46 de la constitution, qui fixe les règles d’adoption des lois organiques, est particulièrement clair, caractère que pointent tous les commentateurs42. Si la procédure accélérée a été engagée, comme tel est le cas pour la loi déférée au Conseil constitutionnel, « le projet ou proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de 15 jours après son dépôt ». Ce qui n’a pas été fait en l’occurrence. Le Conseil constitutionnel écarte pourtant de manière péremptoire cette inconstitutionnalité manifeste en jugeant que « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la constitution »43.
Si un contrôle de constitutionnalité dans un délai aussi contraint que celui réalisé sur le fondement de l’article 61 – particulièrement lorsque le Conseil statue en urgence – est nécessairement limité, il faut cependant qu’il réponde à certaines exigences. Durant la première période du contrôle de constitutionnalité, quand le Conseil constitutionnel agissait seulement en « régulateur de l’activité des pouvoirs publics »44, celui-ci avait un objectif limité et une ambition restreinte : permettre la promulgation de la loi dans la mesure où elle reste cantonnée au domaine défini à l’article 34 de la constitution. Avec l’ajout d’un contrôle a posteriori, il serait envisageable de revenir à un contrôle de la loi avant sa promulgation restreint à cette ambition. Cela serait, à notre sens souhaitable, pour autant que deux grandes conditions soient respectées.
La première d’entre elles tient à ce que le contrôle a priori sert avant tout à faire respecter la constitutionnalité de la procédure législative. C’est d’ailleurs précisément ce qui peut être reproché au Conseil constitutionnel. Trop pressé, trop pris dans le « temps politique » il a clairement dévoyé le contrôle de constitutionnalité effectué en ne faisant pas respecter cette exigence minimale et, pire encore, en n’apportant aucune véritable tentative de justification45. La mention des « circonstances particulières de l’espèce », dont on se doute qu’elle pourrait avoir partie liée avec les « circonstances exceptionnelles » du Conseil d’État46, aurait a minima dû être explicitée. La seconde de ces conditions concerne l’organisation du contrôle a posteriori : il faudrait que celui-ci prenne plus d’ampleur.
Or l’une des limites à l’expansion du contrôle de constitutionnalité réalisé sur le fondement de l’article 61-1 de la constitution réside dans la contrainte du délai de jugement. Cette contrainte étant levée pour la période en cours et jusqu’au 30 juin, reste à savoir ce que le Conseil constitutionnel fera, maintenant qu’il est libéré de ses entraves.
2 – L’extension de la portée des contrôles de constitutionnalité non temporellement limités
Deux interprétations peuvent être faites de la suspension des délais « QPC » par la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. La suspension des délais serait une mise entre parenthèses de la protection des droits et libertés. Or comme le fait remarquer Paul Cassia, « en situation de grave crise sanitaire, l’application des droits et libertés constitutionnels est au moins aussi importante qu’en période normale »47. On peut donc craindre que le gouvernement ait cherché à éviter que soient posées durant l’état d’urgence sanitaire des questions relatives à la constitutionnalité de celui-ci. Mais l’on peut aussi se dire que les juges utiliseront la nouvelle maîtrise du temps qui leur est offerte pour trier entre l’urgent – avec, notamment, les questions liées à l’état d’urgence sanitaire – et l’ajournable.
La période qui s’ouvre sera peut-être l’occasion pour les juges de la QPC de se servir de cette suspension comme d’un laboratoire, d’abord pour réordonnancer leurs travaux. Le même jour, le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions, l’une « en retard » sur l’exclusion de certaines plus-values mobilières du bénéfice de l’abattement pour durée de détention48, l’autre en « avance » sur la communicabilité et publicité des algorithmes mis en œuvre par les établissements d’enseignement supérieur pour l’examen des demandes d’inscription en premier cycle49. Or dans cette seconde décision, le Conseil constitutionnel émet une réserve d’interprétation par laquelle il affirme que « les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le droit d’accès aux documents administratifs, être interprétées comme dispensant chaque établissement de publier, à l’issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme d’un rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen »50. L’effet immédiat associé à la réserve conduit rend alors possible l’exercice de recours contre les établissements qui y contreviendraient. L’enjeu est donc plus important que pour l’affaire des plus-values mobilières, qui s’est conclue par une décision de conformité à la constitution.
Au-delà d’une meilleure gestion de l’agenda, on peut aussi espérer que le Conseil constitutionnel accroisse la portée du contrôle de constitutionnalité « QPC ». Il pourra ainsi, éventuellement, mieux peser les conséquences de sa décision51, concrétiser son contrôle52, améliorer le contradictoire qui a lieu devant son prétoire, surseoir à statuer pour fixer les effets dans le temps de ses décisions. Si le Conseil constitutionnel saisit cette opportunité, et que l’expérience se révèle concluante, il aura alors quelques arguments de poids pour démontrer que le contrôle a posteriori gagnerait à être entièrement libéré de la contrainte temporelle qui pèse sur son délai de jugement. Bien évidemment, de retour à la normale, il faudrait alors consolider cette institution en la dotant de moyens, humains et matériels, propres à en faire une « Cour constitutionnelle de référence »53.
III – Conclusion
Ni « maître des horloges », ni « esclave de la montre », le Conseil constitutionnel peine à trouver le temps juste pour réaliser des jugements de qualité. La loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 fait peser une menace certaine sur la protection juridictionnelle des droits et libertés par la suspension du délai de jugement des juges de la QPC. Mais, en ôtant à ces derniers toute entrave temporelle, elle leur laisse également l’opportunité d’améliorer leur contrôle, pour le présent autant que pour l’avenir.
Notes de bas de pages
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1.
Rousseau D., « Le Conseil constitutionnel, maître des horloges », N3C 2017, n° 54, p. 7. Dans le même sens : Disant M., « Les effets dans le temps des décisions QPC. Le Conseil constitutionnel, maître du temps ? Le législateur, bouche du Conseil constitutionnel ? », N3C 2013, n° 40, p. 63.
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2.
Kamal M., Le Conseil constitutionnel et le temps, 2020, à paraître, Mare & Martin, Bibliothèque des thèses.
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3.
Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 : JO n° 0078, 31 mars 2020, texte n° 5.
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4.
Assemblée nationale, Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 18 mars 2020 in Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dossier législatif, en ligne : www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/loi_organique_urgence_epidemie_covid-19.
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5.
Assemblée nationale, Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 18 mars 2020 in Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dossier législatif, en ligne : www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/loi_organique_urgence_epidemie_covid-19.
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6.
Sur les rapports entre l’épidémie, la justice et la protection de ses acteurs : Garnerie L., « Organisation sanitaire de la justice : le bâtonnier de Paris engage une action en référé liberté pour dénoncer les carences de l’État », Gaz. Pal. 28 août 2014, n° 176e2, p. 5.
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7.
Assemblée nationale, Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 18 mars 2020 in Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dossier législatif, en ligne : www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/loi_organique_urgence_epidemie_covid-19.
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8.
Ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : JO, 9 nov. 1958, p. 10129.
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9.
Kamal M., Le Conseil constitutionnel et le temps, 2020, à paraître, Mare & Martin, Bibliothèque des thèses. Cette idée est également reprise dans le rapport de Marie Guévenoux devant la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale (Rapp. AN n° 2765, déposé le 20 mars 2020).
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10.
Les premières décisions datent de 2004 : Cons. const., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC : Rec. Cons. const., p. 101, cons. 7 – Cons. const., 1er juill. 2004, n° 2004-497 DC : Rec. Cons. const., p. 107, cons. 18 – Cons. const., 29 juill. 2004, n° 2004-499 DC : Rec. Cons. const., p. 126, cons. 7.
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11.
Pour la première formulation de cette limite : Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC : Rec. Cons. const., p. 88, cons. 20.
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12.
Kamal-Girard M., « Le Conseil constitutionnel, les questions préjudicielles et le délai de jugement : vers l’infini et au-delà ? », Gaz. Pal. 10 déc. 2019, n° 365m7, p. 22.
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13.
Cons. const., 3 avr. 2020, n° 2019-832/833 QPC, M. Marc S. et a. [Exclusion de certaines plus-values mobilières du bénéfice de l’abattement pour durée de détention] : JO n° 0082, 4 avr. 2020, texte n° 33.
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14.
CE, 19 déc. 2019, nos 423118 et 423044.
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15.
Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 : JO n° 0078, 31 mars 2020, texte n° 5, cons. 4. Nous soulignons.
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16.
Kamal M., Le Conseil constitutionnel et le temps, 2020, à paraître, Mare & Martin, Bibliothèque des thèses.
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17.
Aguila Y, « Le traitement des premières questions prioritaires de constitutionnalité par le Conseil d’État », in Philippe X., Stéfanini M., Question prioritaire de constitutionnalité : premiers bilans, 2011, Les cahiers de l’institut Louis Favoreu, PUAM ; Roblot-Troizier A. parvient à une conclusion identique, affirmant pour sa part que « c’est bien sur ces deux cours suprêmes que pèse la mission d’être juge constitutionnel de droit commun ; de fait, en renvoyant au Conseil constitutionnel les questions de constitutionnalité qui posent une difficulté sérieuse, celui-ci devenant une juridiction constitutionnelle d’exception » (Roblot-Troizier A., « La QPC, le Conseil d’État et la Cour de cassation », N3C 2013, n° 40, p. 58). V. aussi : Fatin-Rouge Stéfanini M., « Filtrage des QPC et système de justice constitutionnelle », in Long cours. Mélanges en l’honneur de Pierre Bon, 2014, LGDJ, p. 195 et p. 206.
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18.
Rapp. AN n° 2765, déposé le 20 mars 2020.
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19.
CE, 17 oct. 2012, n° 356983, Sté Parimall Ulis 2 et a., concl. Von Coester S. : « La procédure de la QPC », N3C 2013, n° 40, p. 7, note Jacquelot F.
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20.
CE, 10 avr. 2015, n° 384972, Époux Palhon, concl. Bohnert B.
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21.
Cass. ass. plén., 23 juill. 2010, n° 10-85505.
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22.
Cons. const., n° 2020-799 DC, préc., cons. 5.
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23.
Jean-Louis Debré, « Le Conseil constitutionnel et le droit de l’Union européenne. Entretien accordé par J.-L. Debré, président du Conseil constitutionnel », Europe, n° 7, 2013.
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24.
Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, cons. 5 : JO n° 0078, 31 mars 2020, texte n° 5.
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25.
Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, cons. 3 : JO n° 0078, 31 mars 2020, texte n° 5.
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26.
Au sein de la « science particulière dont l’objet sera de régler l’application des lois, de telle manière que les conflits soient aplanis, résolus », le droit transitoire constitue l’aspect temporel (Roubier P., Le droit transitoire (conflits de lois dans le temps), 2e éd., 2008, Dalloz, p. 3). Son « but technique », pour reprendre les mots du doyen Roubier, est de « trancher les conflits de lois, en recherchant la loi la plus compétente pour régler une situation juridique » (Roubier P., Le droit transitoire (conflits de lois dans le temps), 2e éd., 2008, Dalloz, p. 5).
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27.
Cons. const., 3 déc. 2009, n° 2009-595 DC, cons. 30 : JO, 11 déc. 2009, p. 21381, texte n° 2.
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28.
Rapp. AN n° 2765, déposé le 20 mars 2020 : « La conciliation que propose le gouvernement entre l’obligation posée par l’article 61-1 de la Constitution pour les juridictions suprêmes de statuer sur les QPC “dans un délai déterminé” et les exigences de bonne administration de la justice, dans les circonstances exceptionnelles que notre pays affronte, est équilibrée ».
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29.
De Certeau M., L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, 1990, Folio essais, p. 59-61.
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30.
De Certeau M., L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, 1990, Folio essais, p. 61.
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31.
De Certeau M., L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, 1990, Folio essais, p. 59 : « J’appelle stratégie le calcul (ou la manipulation) des rapports de forces qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir (une entreprise, une armée, une cité, une institution scientifique) est isolable ».
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32.
Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, cons. 5 : JO n° 0078, 31 mars 2020, texte n° 5.
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33.
Cons. const., 3 déc. 2009, n° 2009-595 DC, cons. 4.
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34.
Détienne M. et Vernant J.-P., Les Ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, 1974, Flammarion ; Castoriadis C., L’institution imaginaire de la société, 1975, Seuil, p. 277 et s.
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35.
Rapp. AN n° 2765, déposé le 20 mars 2020.
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36.
Ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, art. 17, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Les lois organiques adoptées par le Parlement sont transmises au Conseil constitutionnel par le Premier ministre. La lettre de transmission indique, le cas échéant, qu’il y a urgence ».
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37.
Constitution, art. 61, al. 3 : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à 8 jours ».
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38.
Kamal M., Le Conseil constitutionnel et le temps, 2020, à paraître, Mare & Martin, Bibliothèque des thèses, n° 265.
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39.
Initialement, la loi organique relative au tribunal constitutionnel espagnol prévoyait un contrôle a priori des lois avant leur entrée en vigueur, commandant à celui-ci de rendre ses jugements dans un délai de 10 jours pouvant être porté à 30 jours. La brièveté du délai se justifiait d’autant plus que divers contrôles a posteriori étaient – et sont d’ailleurs toujours – possibles, l’ordre juridique pouvant in fine être épuré d’une loi inconstitutionnelle.
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40.
À ce sujet, v. not. : Beaud O. et Pasquino P., La controverse sur « le gardien de la Constitution » et la justice constitutionnelle : Kelsen contre Schmitt, 2007, éd. Panthéon-Assas.
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41.
Pour reprendre la métaphore de Paul Cassia : Cassia P., « Le Conseil constitutionnel déchire la Constitution », https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog, 27 mars 2020.
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42.
Cassia P., « Le Conseil constitutionnel déchire la constitution », https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog, 27 mars 2020 : « La constitution du 4 octobre 1958 comporte quelques rares dispositions d’une limpidité de nature à exclure toute interprétation contraire à leur lettre même. Tel est le cas de l’article 46 » ; Gicquel J.-É., « La loi organique Covid-19 et l’irrespect non sanctionné de la constitution », Gaz. Pal. 7 avr. 2020, n° 377e4, p. 27.
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43.
Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, cons. 3 : JO n° 0078, 31 mars 2020, texte n° 5.
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44.
Cons. const., 6 nov. 1962, n° 62-20 DC : JO, 7 nov. 1962, p. 10778.
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45.
En ce sens : Gicquel J.-É., « La loi organique Covid-19 et l’irrespect non sanctionné de la constitution », Gaz. Pal. 7 avr. 2020, n° 377e4, p. 27.
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46.
CE, 28 juin 1918, Heyriès : Lebon, p. 651 – CE, 28 févr. 1919, Dames Dol et Laurent : Lebon, p. 208. Plus récemment à propos de l’état d’urgence sanitaire, v. : CE, 22 mars 2020, n° 439674 ; CE, 27 mars 2020, n° 493720 ; CE, 1er avr. 2020, n° 493762 ; CE, 8 avr. 2020, n° 439827.
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47.
Cassia P., « Le Conseil constitutionnel déchire la constitution », https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog, 27 mars 2020
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48.
Cons. const., 3 avr. 2020, n° 2019-832/833 QPC.
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49.
Cons. const., 3 avr. 2020, n° 2020-834 QPC, Union nationale des étudiants de France [Communicabilité et publicité des algorithmes mis en œuvre par les établissements d’enseignement supérieur pour l’examen des demandes d’inscription en premier cycle]. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision 13 jours avant le terme du délai de jugement.
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50.
Cons. const., 3 avril 2020, n° 2020-834 QPC, cons. 17.
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51.
Sur ce thème : Salles S., Le conséquentialisme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, 2016, Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, LGDJ.
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52.
V., parmi beaucoup de travaux : Bonnet J. et Roblot-Troizier A., « L’office du juge de la loi », RFDA 2017, p. 821.
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53.
Fabius L., Discours à Science Po Paris, 14 sept. 2016, www.sciencespo.fr ; Vœux au président de la République, 5 janv. 2017, www.conseil-constitutionnel.fr. Pour une critique de cette qualification : Hochmann T., « Et si le Conseil constitutionnel était une “Cour constitutionnelle de référence” », RDLF 2019, chron. n° 32, dossier « Le droit des libertés en question(s) – Colloque n° 2 de la RDLF ».