Le financement des primaires à l’élection présidentielle

Publié le 03/02/2017

Laissé à la discrétion des partis politiques, le mode de financement des primaires à l’élection présidentielle connaît toutefois quelques règles communes prévues par les lois relatives au financement des campagnes électorales. En raison de la grande liberté qui régit ce mode d’investiture, les variations financières restent nombreuses et peu contrôlées en dépit des enjeux financiers considérables pour la vie politique.

Le système des primaires a déjà fait couler beaucoup d’encre. Les réflexions se sont focalisées sur les effets démocratiques de cette pratique ainsi que corollairement sur l’impact pour les partis politiques qui perdent, depuis plusieurs décennies, une part de leur force mobilisatrice auprès des citoyens. Si l’organisation des primaires a retenu l’attention des observateurs attentifs qui souhaitaient connaître les moyens mis en œuvre pour éviter les fraudes, la question de leur financement a été largement occultée.

Les primaires qui se dérouleront en vue de l’élection présidentielle de 2017 répondent à de nouvelles exigences qui n’étaient pas applicables à la première expérience du genre en 2011. Le traitement des dépenses afférentes à cette nouvelle procédure d’investiture est primordial puisqu’elle détermine, par hypothèse, le mode de financement autorisé. Ce point avait indirectement retenu l’attention du Conseil constitutionnel lors des élections de 2002, à propos du traitement des dépenses liées aux congrès d’investiture, pour lesquelles il avait opéré une distinction entre la première phase du congrès destinée à la désignation du candidat, en principe réservée aux adhérents et hors présence de la presse, et la deuxième phase du congrès, après désignation du candidat, celle du lancement de la campagne qui, quant à elle, était publique. Seules les dépenses correspondant à ce deuxième temps avaient, selon le Conseil, un caractère électoral et devaient figurer dans le compte de campagne. Faute de critères fixés a priori, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) examinait la vraisemblance des propositions faites par les mandataires financiers, le plus souvent en fonction de la durée respective des deux phases.

Dans un deuxième temps, la CNCCFP a estimé que les dépenses engagées, dans le cadre de manifestations internes au parti aux fins de désigner son candidat, visaient uniquement à obtenir les suffrages des militants, des adhérents et des personnes intéressées par le vote. Elles ne présentaient pas le caractère de dépenses engagées en vue de recueillir le suffrage des électeurs, et n’avaient donc pas à figurer au compte de campagne du candidat désigné. Le mémento du candidat à l’élection présidentielle de 2012 donne une liste non limitative de ce type de dépenses à caractère électoral, par exemple les frais afférents à des réunions publiques organisées par le candidat pour son compte ou encore les frais d’édition et de promotion d’ouvrages ou de brochures développant son programme. Toutefois, si ce candidat avait engagé des dépenses dont la finalité était l’obtention du suffrage de tous les électeurs, ces dépenses devaient être considérées au cas par cas comme dépenses électorales à inscrire au compte de campagne. Les dépenses engagées par les autres candidats aux primaires n’avaient pas à figurer au compte de campagne1.

Ces quelques règles ont régi la primaire socialiste de 2011, qui a coûté 3,8 millions d’euros au parti. Alors que sa campagne lui avait coûté 250 000 €, le candidat désigné a finalement dû intégrer 400 000 € de dépenses après contrôle de la CNCCFP. La distinction opérée par la CNCCFP entre les dépenses d’investiture et celles visant à obtenir le suffrage des électeurs pour l’élection présidentielle n’est pas tenable pour les primaires ouvertes, où tous les électeurs sont invités à voter. Aucun critère discriminant ne permet donc d’établir une différence entre les dépenses.

Dans un troisième temps, le Conseil d’État a rendu un avis, en date du 31 octobre 2013, à propos des élections municipales, qui clarifie le régime de contrôle, et donc de financement, en distinguant les primaires ouvertes et fermées2. Lorsque les dépenses sont effectuées par un candidat à l’occasion d’une élection primaire ouverte à l’ensemble des électeurs de la circonscription de l’élection, celles-ci doivent être regardées comme engagées en vue de l’élection, ce qui implique l’inscription des dépenses des primaires ouvertes dans le compte de campagne du candidat désigné. La position du Conseil d’État a pour conséquence d’imposer aux candidats le respect des règles de financement à la fois des partis politiques et des campagnes électorales. Il en ressort, toutefois, que les primaires fermées, qui ne sont plus pratiquées, ne sont pas soumises aux règles du financement des campagnes électorales, lesquelles ne s’appliquent pas non plus aux candidats malheureux.

Or, dans la mesure où certains candidats à la primaire se rallient à celui qui est désigné, et qu’ils soutiennent solidairement des idées, voire des actions communes, lors des débats, l’exclusion de la totalité des dépenses engagées par les candidats malheureux dans le compte de campagne paraît excessive. On ne peut exclure qu’un candidat à la primaire se présente moins pour être désigné que pour défendre la politique d’un autre candidat qui a toutes les chances d’être investi et dont il obtiendra les faveurs dans un futur Gouvernement. Pourtant, ce type de ralliement calculé n’est pas pris en compte d’un point de vue financier, alors qu’il détourne les règles de financement des campagnes électorales.

Quid des primaires fermées qui sont financées par un parti ou plusieurs mais dont le financement n’apparaît pas dans les comptes de campagne ? Certes, ce mode de désignation d’un candidat n’est plus pratiqué par les partis, et le respect du financement de la vie politique est contrôlé via les comptes des partis politiques qui doivent être déposés auprès de la CNCCFP. Dans l’hypothèse où ces primaires sont intégralement assurées par les partis politiques, le régime reste identique à celui des primaires ouvertes (plafond des dons des personnes physiques, interdiction du financement des personnes morales, etc.)3. En revanche, si chaque candidat assure financièrement une part de sa campagne pour l’investiture du parti, rien ne garantit le respect des règles de financement puisque, selon l’avis du Conseil d’État, les recettes et les dépenses engagées n’apparaissent ni dans les comptes de campagne du candidat désigné ni dans les comptes du parti. Dès lors, les candidats à la primaire peuvent être financés par des personnes physiques au-delà des plafonds autorisés, voire par des personnes morales autres que les partis politiques. Toutefois, dans cette hypothèse, on appliquerait la position exprimée en 2011 par la CNCCFP, à savoir que toutes les dépenses destinées aux électeurs, et non aux seuls adhérents du parti, seraient intégrées au compte de campagne du candidat désigné, exigeant de la part de la Commission un contrôle très poussé sur la nature de la dépense et son influence présumée sur l’électorat. De nombreuses zones d’ombres persistent encore dans le financement des primaires, et le droit hésite à régir un mécanisme interne au parti où règnent, en vertu de l’article 4 de la Constitution, une liberté et une autonomie structurelles et financières.

S’il existe désormais un socle commun de règles de financement à respecter (I), des variantes existent entre les trois partis concernés (PS, LR, EELV) en raison de leur situation financière très différente (II), ce qui nécessite l’instauration de contrôles aujourd’hui insuffisants (III).

I – Les règles communes de financement des primaires à l’élection présidentielle

Un socle commun de règles doit être respecté par l’ensemble des participants à la primaire, qui repose sur le « paquet législatif » adopté entre 1988 et 1995, modifié en 20134.

La loi du 19 janvier 1995 a proscrit toute participation des personnes morales au financement des campagnes électorales et des groupements politiques. De même, la CNCCFP, comme le Conseil constitutionnel, refuse qu’un parti ou qu’une campagne électorale soient financés par l’indemnité représentative de frais de mandat (CSS, art. L. 136-2) qui est destinée à couvrir des dépenses liées à l’exercice du mandat de député5. L’article L. 52-8-1 du Code électoral, énoncé dans la loi du 11 octobre 2013, prévoit désormais qu’« aucun candidat ne peut utiliser, directement ou indirectement, les indemnités et les avantages en nature mis à disposition de leurs membres par les assemblées parlementaires pour couvrir les frais liés à l’exercice de leur mandat ». Cela exclut aussi bien l’usage de la réserve parlementaire que le remboursement des frais de transport (voire de bouche) par le Parlement pour assurer les déplacements de la campagne ou encore l’usage de locaux appartenant à une Assemblée, etc. Toutefois, l’usage de certains avantages en nature est difficile à apprécier, et le statut d’élu reste une position favorable, financièrement, pour le candidat à une primaire. Par ailleurs, si le candidat à l’élection présidentielle peut recevoir des dons des personnes privées dans un plafond de 4 600 €, un candidat à la primaire n’est encore qu’un postulant. Cette source de financement est donc interdite et ne bénéficiera qu’au seul candidat désigné.

L’apport personnel peut être important, surtout lorsque le parti est fortement endetté, comme EELV dont les candidats à la primaire ont puisé dans leurs propres ressources, et fait personnellement appel aux dons, par le biais de sites comme Leetchi.com, pour des montants dérisoires (environ 800 € pour la candidate du second tour, et moins de 2 000 € pour la favorite éliminée au premier tour, etc.). Afin de cumuler les dons des personnes physiques, les candidats des deux grands partis (PS, LR) ont pour la plupart recours à un micro-parti qui recueille des fonds en vue de leur campagne. Ces micro-partis reçoivent des dons de personnes physiques à hauteur de 7 500 € maximum. Désormais, en vertu de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988, tel que modifié par l’article 15 de la loi du 11 octobre 2013, cette somme est versée par personne et par an, à un ou plusieurs partis politiques (15 000 € par foyer fiscal). Un candidat à la primaire socialiste pourra, s’il a créé son micro-parti avant le 31 décembre 2016, recevoir deux fois la somme de 7 500 € : une fois en 2016 puis, une seconde fois, en janvier 2017.

Les candidats peuvent, par ailleurs, souscrire des prêts pour financer la campagne des primaires. Toutefois, ce mode de financement est limité pour l’élection présidentielle et donc, par ricochet, les primaires qui les précèdent. En effet, sur les recommandations du Conseil constitutionnel, l’article 3, II, alinéa 3, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée par la loi organique n° 2001-100 du 5 février 2001, interdit les prêts ou avances remboursables consentis par des personnes physiques aux candidats6. A contrario, les prêts peuvent être consentis par une personne morale, à condition de respecter les conditions du marché, ou par les partis politiques. Concernant la primaire du parti Les Républicains (LR), un micro-parti a été créé pour l’occasion, lequel a lui-même souscrit les prêts pour avancer les fonds nécessaires à l’organisation des débats et du scrutin de la primaire. Ce micro-parti se remboursera sur la participation financière des votants qu’il est chargé de recueillir.

Il est à noter, par ailleurs, que la déduction des prêts des partis de l’apport personnel du candidat n’a pas été retenue pour le calcul du remboursement forfaitaire de l’État. Dès lors, lorsqu’un emprunt est contracté, les intérêts ouvrent droit au remboursement forfaitaire de l’État uniquement si la formation politique a elle-même souscrit un emprunt bancaire spécifique pour financer la campagne d’un candidat et ne fait que répercuter sur ce dernier les intérêts afférents, ce qui ne sera pas le cas concernant les prêts de la primaire républicaine puisqu’ils ne financent pas les candidats7. Les prêts souscrits par le micro-parti créé pour l’organisation de la primaire LR ne seront donc pas compris dans le calcul du remboursement forfaitaire de l’État, et n’apparaîtront pas dans les comptes de campagne du candidat. Il n’en sera pas de même pour la primaire socialiste, puisque les prêts souscrits par le parti serviront à financer la campagne de chaque candidat. Il conviendra donc de déduire la part qui est revenue au candidat désigné, sous réserve des conditions précisées plus haut.

Il en ressort que sont donc autorisés les financements en provenance des candidats à la primaire ainsi que l’aide des partis politiques et celle, dans un plafond strictement limité, des personnes physiques. Les dons sont, enfin, complétés par des prêts que les candidats ne peuvent souscrire qu’auprès de personnes morales de droit privé. À l’intérieur de ce cadre général, de nombreuses variantes subsistent en fonction des choix discrétionnaires de chaque parti.

II – Les variantes entre les partis dans le financement des primaires à l’élection présidentielle

Les partis politiques, comme les candidats, disposent d’une marge de manœuvre importante dans le choix du financement des primaires. Chaque groupement politique détermine les priorités, fixe le montant de la participation des votants et privilégie certaines ressources plutôt que d’autres. En dépit de cette souplesse, de nombreux points communs apparaissent entre les partis dans les modes de financement retenus.

Tout d’abord, une liberté est laissée aux partis politiques pour définir leur propre participation financière ainsi que celle des électeurs. Le parti Les Républicains (LR), ou plus spécifiquement le micro-parti créé pour l’occasion, ne finance pas directement les candidats mais seulement l’organisation des primaires à hauteur de 6 millions. Cet argent est, par exemple, utilisé pour financer les salaires des huissiers chargés de contrôler le scrutin, l’impression des bulletins de vote ou encore les frais de communication. Il sert aussi à dédommager les municipalités pour la mise à disposition de bureaux de vote, un certain nombre de villes demandant au parti de payer la location des locaux mais aussi d’assumer le paiement du personnel municipal. Cette somme doit être remboursée par les votants qui devront payer deux euros à chaque tour de scrutin pour voter à la primaire.

En 2011, le PS avait dépensé trois millions d’euros pour l’organisation et le soutien matériel des candidats (déplacements, moyens d’étude, salles de presse, etc.) et alloué 50 000 € à chacun. Chaque électeur avait, par ailleurs, payé un euro par tour de scrutin. Des modalités similaires de financement sont retenues pour 2016, puisque le PS va mettre à la disposition des candidats socialistes une dotation d’un montant équivalent, prendre en charge la diffusion des professions de foi, mettre à disposition les locaux situés au sein du siège ainsi que le service d’ordre du parti. La participation des électeurs sera la même (un euro pour chaque tour de scrutin). Ce montant reste faible au regard des 5 € exigés aux non-adhérents pour voter à la primaire écologique, dont la campagne a été qualifiée de low-cost, le parti EELV n’ayant dépensé que 40 000 € pour l’investiture de son candidat (cette somme ayant principalement servi à l’organisation du vote à distance).

Ensuite, les avances financières versées par les partis constituent un véritable enjeu pour les petits candidats. La question se pose pour les seuls candidats à la primaire socialiste, LR ne les finançant pas directement mais avançant les fonds par le biais de prêts conclus auprès d’organismes privés pour l’organisation matérielle. Toutefois, alors que la campagne de plusieurs candidats a commencé depuis plusieurs mois, le PS refusait d’accorder une avance avant la date de validation des candidatures par l’autorité compétente, la Haute autorité des primaires citoyennes, qui a eu lieu le 15 décembre, pour un commencement officiel de la campagne le 17 décembre.

Le refus d’avancer les fonds se justifie par la volonté de respecter l’égalité entre les candidats. Pour les candidats ayant déjà réuni les parrainages exigés, une telle situation s’avère préjudiciable, alors qu’elle se justifie vis-à-vis des candidats déclarés qui ne réuniront finalement pas les conditions pour se présenter à la primaire. Tandis que le financement des seconds ferait perdre des ressources aux partis, l’absence d’avances pour les premiers leur impose de rechercher d’autres financements, et notamment de souscrire des emprunts auprès des banques, ce qui n’est pas toujours aisé.

Enfin, chaque parti politique peut définir un plafond de dépenses afin de ne pas grever trop lourdement le financement de la campagne ultérieure. L’enjeu est dorénavant plus important qu’en 2011, puisque la totalité des dépenses de la personne investie doit être intégrée au compte de campagne, ce qui se répercute sur le financement de la campagne du candidat à l’élection présidentielle. Durant les deux mois de la campagne officielle, le plafond des dépenses a été fixé à 1,5 million d’euros par candidat pour la primaire LR. Le Comité national d’organisation des primaires ne s’est, en revanche, pas prononcé au Parti socialiste, le plafond retenu en 2011 ayant été de toute façon dépassé sans qu’aucune conséquence n’en découle expressément. La fixation du plafond des dépenses engagées par les candidats n’est assortie d’aucune sanction, son dépassement n’ayant aucune conséquence sur les résultats de l’investiture. Le financement de la primaire reste, en grande partie, à la discrétion des partis qui encadrent cette pratique de règles qui s’avèrent peu contraignantes.

III – Le contrôle inachevé du financement des primaires à l’élection présidentielle

Tous les partis politiques ont prévu une procédure de contrôle interne des primaires en créant une Haute autorité chargée de les organiser et d’en garantir le bon déroulement. Ainsi, par exemple, chaque candidat de la primaire républicaine établit un compte de campagne, qui est remis au plus tard le 20 décembre 2016 auprès de la Haute autorité, et qui doit être rendu public. La Haute autorité des primaires du parti socialiste s’assure du bon déroulement du scrutin et contrôle les comptes des candidats. À cette occasion, elle a prévu de s’associer les services d’un expert-comptable. Toutefois, ces autorités affiliées à un parti, et incompétentes en matière comptable, ne garantissent pas le respect des règles législatives. Les moyens et la durée de leur instruction ne permettent de vérifier ni la provenance des recettes et la nature des dépenses, ni l’exhaustivité des comptes.

Par ailleurs, la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle a maintenu le délai d’un an pour le recueil des fonds par le mandataire financier en vue de la campagne présidentielle. Par conséquent, le vainqueur de la primaire devra inclure dans son compte de campagne toutes les dépenses effectuées à partir du 1er avril 2016, et notamment les ouvrages publiés, les tracts distribués dans la rue ou encore les meetings publics pendant la campagne de la primaire. Mais le compte de campagne ne retrace que les recettes et les dépenses à compter de cette date, alors que certains candidats entament leur campagne plusieurs mois, voire années, auparavant. Or, tous les frais engagés avant le 1er avril ne sont pas intégrés au compte de campagne, et ne font donc l’objet d’aucun contrôle.

Toutefois, le respect de ce délai combiné à l’intégration des dépenses dans les comptes de campagne du candidat désigné exige, de manière indirecte, que chaque candidat à la primaire désigne un mandataire financier pour recueillir les fonds et distribuer les reçus-dons aux contributeurs, centraliser les factures et les justifications de paiement afin de motiver chaque dépense, d’un point de vue comptable, au moment du dépôt auprès de la CNCCFP. Par contre, un candidat outsider n’est pas contraint par le droit de désigner un tel mandataire, seuls les vainqueurs potentiels ont intérêt à suivre les règles de financement des campagnes électorales. En effet, dans la mesure où le contrôle des comptes ne porte que sur le candidat désigné, les outsiders qui n’ont aucune chance d’obtenir l’investiture, et qui se présentent dans le seul but de faire entendre une voix dissonante, peuvent ne pas respecter les règles de financement de la vie politique sans encourir de sanction, puisque la provenance de leurs recettes et la nature de leurs dépenses feront l’objet d’une traçabilité comptable quasi nulle. Hormis le contrôle d’une autorité sui generis, interne au parti, les comptes des candidats non désignés ne sont contrôlés ni par un commissaire aux comptes, ni par la CNCCFP.

Par ailleurs, les dépenses d’organisation prises en charge par les partis ne figurant pas dans le compte de campagne, la CNCCFP ne les contrôle alors qu’ultérieurement, à partir du dépôt des comptes des partis. La Commission prend donc connaissance d’une partie du financement des primaires après l’élection présidentielle. De plus, les informations contenues dans les comptes ne sont pas suffisamment détaillées pour que le contrôle de la Commission soit efficace, même si la loi Sapin 28 oblige désormais les partis à indiquer les montants consolidés des emprunts souscrits par le candidat pour financer sa campagne, ventilés par types de prêts et pays d’origine des prêteurs, ainsi que l’identité des personnes morales. Elle prévoit également que les partis annexent à leurs comptes les montants et les conditions d’octroi des emprunts souscrits ou consentis, ainsi que les flux financiers entre partis et entre les partis et les candidats9. Toutefois, les comptes d’ensemble des partis doivent être déposés à la CNCCFP au cours du premier semestre de l’année suivant celle de l’exercice (L. 1988, art. 11-7). Les comptes du parti ne sont donc pas connus avant le dépôt des comptes de campagne (le 10e vendredi suivant le premier tour) et vice versa. Dès lors, l’article 30 de la loi s’avère inopérant en ne rendant possible un contrôle de réciprocité entre les comptes qu’a posteriori.

In fine, les primaires semblent bénéfiques aux deux grands partis qui en tirent des ressources substantielles pour financer les campagnes électorales10. L’excédent obtenu par les différents partis grâce aux participations des votants est reversé au compte de campagne du candidat désigné, permettant à celui-ci d’obtenir de nouvelles recettes, à moindre coût pour le parti, qui entreront dans le calcul du remboursement forfaitaire de l’État (un million d’euros pour le PS en 2011 et six millions d’euros de bénéfice attendus pour LR en 2016). Un meilleur contrôle des participations financières et des dépenses s’avère donc indispensable, tant l’enjeu financier devient capital.

Notes de bas de pages

  • 1.
    www.cnccfp.fr/docs/presidentielle/cnccfp_presidentielle_2012_memento_v20120322.pdf, p. 25.
  • 2.
    CE, 31 oct. 2013, n° 388003, avis sur les modalités d’imputation dans un compte de campagne des dépenses liées aux campagnes dans le cadre de primaires ouvertes organisées par des partis politiques : v. Camby J.-P., « Élections primaires et financement des campagnes électorales », LPA 13 févr. 2014, p. 6 ; AJDA 2014, p. 321, note Rambaud R. V. CNCCFP, déc. 7 avr. 2016 ; rapp. 2014, p. 89.
  • 3.
    CE, 23 juill. 2009, n° 322424, Élections d’Argenteuil ; CE, 21 oct. 2013, n° 370555, Front national : AJDA 2013, p. 2126, obs. de Montecler M.-C.
  • 4.
    L. n° 88-227, 11 mars 1988 : JO, 12 mars 1988, p. 3290 – L. n° 90-55, 15 janv. 1990, relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques : JO, 16 janv. 1990, p. 639 – L. n° 93-122, 29 janv. 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques : JO, 30 janv. 1993, p. 1588 – L. n° 95-65, 19 janv. 1995 : JO, 21 janv. 1995 – L. n° 2013-907, 11 oct. 2013, relative à la transparence de la vie publique : JO, 12 oct. 2013, p. 16829.
  • 5.
    Cons. const., 1er mars 2013, n° 2013-4795 AN, A.N., Bouches-du-Rhône (14e circ.) ; Cons. const., 1er mars 2013, n° 2013-4793 AN, A.N., Yvelines (6e circ.) ; Cons. const., 1er mars 2013, n° 2013-4795 AN, A.N., Bouches-du-Rhône (14e circ.).
  • 6.
    V. D. n° 2001-213, 8 mars 2001, portant application de la L. n° 62-1292, 6 nov. 1962, relative à l’élection du président de la République au suffrage universel : JO, 9 mars 2001, p. 3772 (art. 10 à 21).
  • 7.
    Pour les autres élections, le Conseil d’État retient une approche plus souple en autorisant les partis à prêter leurs propres ressources avec intérêts, ceux-ci devant figurer dans les dépenses du compte de campagne (CE, 24 juill. 2009, n° 323679 : AJDA 2010, p. 111, note Maligner B.).
  • 8.
    Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
  • 9.
    On peut s’interroger sur l’application de cette mesure à l’élection présidentielle, du moins concernant le compte de campagne du candidat (et non celui du parti), dans la mesure où c’est la loi organique n° 2016-506, 25 avr. 2016, qui régit cette question (et non une loi ordinaire).
  • 10.
    Plus de 4 millions de votants ont payé 2 € au micro-parti républicain contre 1 € pour les 2,66 millions de votants, en 2001, à la primaire socialiste.
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