L’élection présidentielle et le temps : primaires, temps électoral, choix des électeurs

Publié le 16/03/2017

Le parquet « bouge », l’édifice tremble, la « clé de voûte » est-elle encore en place ?

Ce numéro spécial est écrit au moment où un candidat, issu d’une primaire mobilisatrice, après avoir annoncé sa convocation devant les juges vient d’être mis en examen et maintient sa candidature. Au regard de l’histoire de la Ve République, la situation est donc doublement inédite. D’une part le président en place ne se représente pas, alors qu’il aurait pu briguer un second mandat, alors que ses prédécesseurs ont fait le choix inverse. D’autre part, une procédure judiciaire est ouverte, au moment où un candidat est déclaré, à l’encontre de celui-ci. Deux autres candidats font également l’objet de procédures. Le juge « entre » donc pour la première fois dans l’élection présidentielle proprement dite. Il en devient un acteur, notamment par le calendrier qu’il maîtrise.

Il n’est pas besoin non plus d’insister sur le caractère largement inédit de la situation politique actuelle : pour la première fois, parmi les candidats potentiels les plus en vue, au moins deux d’entre eux ne s’inscrivent pas dans la logique bipolaire droite / gauche, telle qu’on la connaît depuis 1974, mais se veulent des candidats de rupture par rapport aux clivages classiques. Les écoles de pensée, les appartenances électorales, et sans doute nombre de nos concitoyens ne se retrouvent donc plus dans des candidatures qui rassemblent des aspirations éclatées et des attentes contradictoires.

Au plan institutionnel, l’image du prochain président, mais aussi sa fonction, s’en ressentiront inévitablement : on est loin de la logique de la « clé de voûte » défendue par Michel Debré en 19581, plus loin encore du président « au-dessus des partis » appelé de ses vœux par le général de Gaulle dans le discours de Bayeux.

Le débat politique, le corps judiciaire, les médias, les réseaux sociaux mais aussi le rythme des consultations ont eu largement raison de cette stature et de ce statut présidentiel.

Le droit peut-il encore s’y retrouver ?

On souhaite en tout cas que les articles du présent numéro permettent au lecteur de se faire une impression dégagée du tumulte ou de visions polémiques.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Discours devant le Conseil d’État, 27 août 1958 : « Si vous me permettez une image empruntée à l’architecture, je dirai qu’à ce régime parlementaire neuf, et à cette Communauté qui commence à s’ébaucher, il faut une clef de voûte. Cette clef de voûte, c’est le président de la République.
  • 2.
    Chaque fois, vous le savez, qu’il est question, dans notre histoire constitutionnelle, des pouvoirs du président de la République, un curieux mouvement a pu être observé : une certaine conception de la démocratie voit, a priori, dans tout président de la République, chef de l’État, un danger et une menace pour la République. Ce mouvement existe encore de nos jours. N’épiloguons pas et admirons plutôt la permanence des idéologies constitutionnelles.
  • 3.
    Le président de la République doit être la clef de voûte de notre régime parlementaire. Faute d’un vrai chef d’État, le gouvernement, en l’état actuel de notre opinion, en fonction de nos querelles historiques, manque d’un soutien qui lui est normalement nécessaire. C’est dire que le président de notre République ne peut être seulement, comme en tout régime parlementaire, le chef d’État qui désigne le Premier ministre, voire les autres ministres, au nom de qui les négociations internationales sont conduites et les traités signés, sous l’autorité duquel sont placées l’armée et l’Administration. Il est, dans notre France, où les divisions intestines ont un tel pouvoir sur la scène politique, le juge supérieur de l’intérêt national. À ce titre, il demande, s’il estime utile, une deuxième lecture des lois dans le délai de leur promulgation (disposition déjà prévue et désormais classique) ; il peut également (et ces pouvoirs nouveaux sont d’un intérêt considérable) saisir le Comité constitutionnel s’il a des doutes sur la valeur de la loi au regard de la Constitution. Il peut apprécier si le référendum, qui doit lui être demandé par le Premier ministre ou les présidents des assemblées, correspond à une exigence nationale. Enfin, il dispose de cette arme capitale de tout régime parlementaire qui est la dissolution.
  • 4.
    Est-il besoin d’insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l’instrument de la stabilité gouvernementale. Elle peut être la récompense d’un gouvernement qui paraît avoir réussi, la sanction d’un gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l’État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive.
  • 5.
    Ce tableau rapidement esquissé montre que le président de la République, comme il se doit, n’a pas d’autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir : il sollicite le Parlement, il sollicite le Comité constitutionnel, il sollicite le suffrage universel. Mais cette possibilité de solliciter est fondamentale ».
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