Laboratoire d’Europe
L’exposition au musée des Beaux-Arts.
Musées de Strasbourg, M. Bertola
Musées de Strasbourg, M. Bertola
Projet ambitieux et réussi que celui initié par Roland Recht, professeur honoraire au Collège de France, de faire revivre en collaboration avec les musées de la Ville, la période artistique 1880-1930, à Strasbourg. Des années importantes pour cette cité, alors capitale du Reichsland d’Alsace-Lorraine, annexée à l’Empire allemand.
Cette importante manifestation pluridisciplinaire se déroule dans divers musées ; elle témoigne des échanges culturels entre cette région et l’Allemagne et même l’Europe. La ville devient laboratoire d’idées et ne tarde pas à rayonner grâce à ses artistes, chercheurs, créateurs divers. Cinquante années au cours desquelles la culture a connu un dynamisme particulier s’ouvrant au futur sans négliger le passé. Quatre ans de réflexion ont été nécessaires pour mener à bien ce travail scientifique réunissant musées et universités.
L’intéressante scénographie réalisée au Musée d’Art moderne et contemporain par le studio Aline Rispal avec une frise de photographies fait revivre l’atmosphère de l’époque et un agencement des salles permet la découverte facile des œuvres. L’exposition débute par l’art graphique, très vivant à Strasbourg, les affiches inventives disent la maîtrise des artistes. Fort développés en Europe les arts décoratifs proposent un art de vivre.
En cette fin de XIXe siècle, certains créateurs souhaitent la réunion des arts plastiques avec la musique notamment. On peut voir un charmant salon de musique décoré par Charles Spindler avec un mobilier au décor de marqueterie. Il s’inspire parfois de Böckhlin dans sa décoration ; vases et vitraux complètent l’ensemble. Ce sont encore des sculptures en cire polychrome et des poteries. Au fil des salles apparaît le dynamisme de l’art qui trouve sa place dans l’expansion de la ville, l’art décoratif en particulier. On découvre l’importance d’une université européenne regroupant des collections depuis les moulages de sculptures antiques jusqu’à des modèles : méduse, éponge, insectes. Zoologie, botanique, médecine sont largement représentés en marge de l’art.
Meurtrie durant la guerre de 1870, Strasbourg a vu ses musées souvent dévastés. Dans la décennie suivante leur réhabilitation est entreprise par l’Allemagne qui souhaite faire de la ville une vitrine artistique. Wilhelm Bode, directeur des musées de Berlin, est chargé de reconstituer les collections. Il acquiert de nombreux tableaux, souvent des copies, Léonard de Vinci, Le Titien, Botticelli, Rembrandt, Le Greco ; l’art ancien germanique est aussi représenté : Hans Baldung Grien ainsi que des gravures de Dürer notamment. Les œuvres d’artistes connus revivent : Sedler, Settler, Illzach ainsi que de fines gravures de Max Klinger sur le thème de la nature et d’Emil Nolde.
Au fil du parcours c’est encore l’évocation de la vaste exposition d’art français contemporain en 1907 au Palais de Rohan ; un événement important réunissant peintres et sculpteurs éclectiques : Auguste Rodin avec Le Penseur, Edmond Aman-Jean, Carolus-Duran, Forain analystes de la vie moderne ; des coloristes dont certains sont inspirés par l’Orient et d’autres par la Bretagne : Vuillard, Vallotton et les impressionnistes, Claude Monet, Auguste Renoir, Alfred Sisley, Berthe Morisot et les autres. Un ensemble significatif du dynamisme de la création française.
Il est impossible d’évoquer tous les aspects abordés dans cette exposition dont une partie est réservée au « savoir » ses sources, ses lieux, ses figures, ses institutions. Fondé à Zurich en 1916, le mouvement Dada se veut l’expression de la liberté dans les divers domaines artistiques, Théo Van Doesburg, Hans Arp et SophieTaeuber-Arp y participent, c’est l’époque où le couple Arp entreprend le chantier de l’Aubette, symbole d’art total.
Au musée des Beaux-Arts est présentée la modernité plurielle et les grands collectionneurs qui ont redonné leur éclat aux musées.