Le temps des tempêtes
Éditions de l’Observatoire
L’écriture des « mémoires » est un exercice difficile voire casse-pipe. L’attente du lecteur est souvent déçue. On est donc allé vers ce Temps des tempêtes comme avec les autres du genre : sur la pointe des pieds et avec un certain doute. La surprise est bonne. Explications.
L’art de décider. Un des intérêts de ce genre de livre est de comprendre ce qui, dans l’esprit d’un président confronté aux situations les plus inédites ou au contraire récurrentes, lui fait décider dans un sens ou un autre. Pourquoi le discours de Dakar et comment a été rédigé celui prononcé devant l’ONU en 2007, pourquoi un comité Balladur, comment gère-t-on une crise (question d’actualité), comment agir dans l’affaire des infirmières bulgares, pourquoi l’idée d’aller à Guilvinec avant de partir pour Washington, comment aborder la Chine ?
Avec le besoin de devoir gérer aussi les conséquences : peut-on toutes les prévoir, certainement pas ou pas complètement : le livre fourmille d’exemples. L’ancien président convient au passage d’erreurs et donne des clés pour mieux comprendre le passé.
Ce tome 1 couvre la période 2007-2008. Les autres viendront compléter l’histoire.
Galerie de portraits. L’autre utilité du livre est évidemment la galerie de portraits que propose l’ancien président. La psychologie des décideurs de ce monde est en effet à connaître pour mieux les aborder, les convaincre, les séduire, avec en ligne d’horizon le but d’une politique à faire admettre, les ressorts d’une action internationale et diplomatique dont il faut les convaincre. Les portraits d’Angela Merkel, de Poutine, de José Manuel Barroso, de Bush Jr. sont particulièrement instructifs.
Au niveau interne, l’ancien président rend des hommages appuyés (Christine Lagarde, Hortefeux mais aussi à des plus discrets comme son médecin), tresse des lauriers à son équipe rapprochée, tels entre autres Jean-David Levitte. Lucide sur pas mal de ses ministres et proches (Albanel pas vraiment à sa place, Guaino n’a pas vraiment la cote dans le bouquin), il n’est pas tendre avec Bayrou, Kouchner, Anne Sainclair, De Villiers et dit ses regrets de s’être trompé parfois sur les personnes ou sur des actions (soutien à David Martinon). Pour en savoir plus et pourquoi il faut lire le livre.
La politique comme combat. Cette conception est au cœur du livre, tempérament oblige. Nicolas Sarkozy, dans une belle introduction, dit d’ailleurs pourquoi il aime tant les tempêtes, d’où le titre du livre. Le combat et l’adversité n’exclut pas l’ouverture, chère à l’ancien président et sur laquelle il revient et s’explique à plusieurs reprises.
Le livre décode les tactiques et les stratégies de pouvoir. Il revient sur la question si difficile politiquement de respecter les territoires entre le président et ses ministres, dont le premier, en somme la question de « l’hyper présidence » sur laquelle il s’explique.
Le livre fonctionne aussi comme un manuel vivant de droit constitutionnel et de science politique et administrative. Puisque gouverner c’est croire : on comprend mieux les ressorts qui ont conduit la présidence face à la question de la Turquie et l’Europe, au Traité simplifié européen, à la diplomatie en Afrique ou au Maghreb.
Une des tempêtes fut le divorce du président, suivi de la rencontre avec Carla Bruni. Ce qui peut paraître anecdotique ne l’est pas. Le livre que l’on sent sincère montre que la part de l’humain dans la politique est de tous les instants et de quasiment toutes les décisions.