La propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation

Publié le 31/03/2020

La Cour de cassation vient de rendre public son rapport annuel sur le thème de la propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

La propriété s’inscrit, dans nos sociétés occidentales, comme le grand paradigme du lien qu’entretiennent les personnes avec les choses. Elle s’impose comme l’un des piliers du pacte social et du fonctionnement de l’économie de marché.

La Cour de cassation a, au fil de ses décisions et en rapport avec la doctrine, construit et orienté la compréhension de la notion « moderne » de propriété.

Le Code civil français en a manifesté l’importance, au sein de son livre II, « Des biens et des différentes modifications de la propriété ». La propriété s’y trouve plus précisément traitée au titre II, au sein duquel l’article 544 compose l’un des textes les plus célèbres : « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi et les règlements ».

Le livre III du code recense, lui, les « différentes manières dont on acquiert la propriété » et énumère à ce titre les successions, les libéralités et les contrats. Il attire ainsi vers la propriété des actes d’une importance sociale cruciale. Par ailleurs, des propriétés « spéciales » se déclinent dans nombre d’autres codes désormais (codes de commerce, de l’environnement, du patrimoine, etc.).

Sur ces fondements, la Cour de cassation a, au fil de ses décisions et en rapport avec la doctrine, construit et orienté la compréhension de la notion « moderne » de propriété. Elle a accompagné le développement de son domaine ainsi que de sa puissance, faisant une place aux changements sociaux, politiques et économiques qui les ont influencés, voire affrontant ses « crises ».

Elle a participé à sa majesté dans le passé ; articule aujourd’hui son expansion à nombre d’objets et la limitation de sa puissance ; et devra certainement, dans l’avenir, en identifier la place et le rôle face à des évolutions considérables tenant en la crise écologique majeure ou en la concurrence des figures de l’accès et de l’usage.

Bien plus que d’un accompagnement et d’une construction linéaire, toutefois, la jurisprudence de la Cour a souvent témoigné, et témoigne encore, d’une coexistence de plusieurs courants, de sorte que la vision simpliste d’un passé majestueux, d’un présent agité et d’un avenir incertain, pour synthétique qu’elle soit, doit en réalité être accueillie avec précaution et nuances.

Le domaine de la propriété

Le domaine de la propriété n’a cessé de croître : vers les intangibles (chapitre 1er), le vivant (chapitre 2), les droits (chapitre 3). Cette évolution traduit pleinement l’emprise de la propriété comme paradigme de la relation des personnes aux choses, emprise telle que l’on peut se demander s’il demeure un domaine pour l’inappropriable (chapitre 4).

Il demeure néanmoins des questions relativement à certains éléments de valeur, à l’instar de l’information ou de composantes de la personnalité. Les difficultés viennent notamment du fait que la frontière des personnes et des choses se brouille : par exemple, des éléments traditionnellement attachés à la personne sont réifiés (image, données personnelles) ; l’animal, dont le statut est resté celui d’un meuble corporel, n’en est pas moins reconnu comme « être vivant doué de sensibilité ».

Ce titre réunit en conséquence les dernières évolutions de la jurisprudence de la Cour de cassation traitant de la reconnaissance d’une appropriation.

La puissance de la propriété

L’extension du domaine de la propriété ne va pas sans nuance à la puissance du propriétaire. Aux facteurs de la « crise » déjà diagnostiqués aux début et milieu du XXe siècle s’ajoutent de nouvelles limites, tandis que d’anciennes se renouvellent.

Quant aux limites inédites, dont l’adoption se trouve encore à un point d’oscillation, on compte l’adoption d’un contrôle de proportionnalité dans le jeu des sanctions des atteintes à la propriété ou des pouvoirs du propriétaire (chapitre 1er).

Quant aux renouvellements de limites connues, on peut relever la recomposition de la teneur de l’intérêt général venant poser des bornes à l’exercice de la propriété (chapitre 2) ou celle des droits des tiers, relus à l’aune des droits fondamentaux des personnes et de la préservation de leur dignité (chapitre 3).

De façon plus ample, il faut guetter, au sein même de la propriété, les nouvelles articulations du propre et du commun, notamment avec la reconnaissance par la Cour de cassation depuis 2012 de droits réels innomés de jouissance spéciale (chapitre 4).

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