Le Conseil d’État enjoint au ministre chargé de la Santé de prendre des mesures pour rendre disponibles des vaccins correspondant aux seules obligations de vaccination

Publié le 16/02/2017

Communiqué du CE sur CE, 8 févr. 2017, n° 397151.

La législation française (Code de la santé publique) crée trois obligations de vaccination pour les enfants de moins de dix-huit mois : la vaccination antidiphtérique, la vaccination antitétanique et la vaccination antipoliomyélitique.

Or, depuis plusieurs années, aucun vaccin correspondant à ces seules obligations légales n’est commercialisé en France. Le vaccin permettant de satisfaire aux obligations vaccinales des enfants de moins de dix-huit mois qui peut être le plus aisément trouvé est un vaccin hexavalent qui comporte, outre les vaccinations obligatoires, celles contre la coqueluche, l’haemophilus et l’hépatite B. Les vaccins tétravalents et pentavalents, qui comportent, outre les trois vaccinations obligatoires, pour les premiers celle contre la coqueluche et, pour les seconds, celles contre la coqueluche et l’haemophilus, connaissent des tensions d’approvisionnement qui ont conduit à restreindre leur distribution. Et le « kit spécifique » comportant les seules trois vaccinations obligatoires, que les médecins peuvent obtenir auprès du laboratoire titulaire des autorisations de mise sur le marché, est réservé uniquement aux enfants présentant une contre-indication au vaccin contre la coqueluche.

Dans ce cadre, plusieurs dizaines de personnes ont demandé au ministre chargé de la Santé de prendre les mesures permettant de rendre disponibles des vaccins correspondant aux seules vaccinations que la loi rend obligatoires. Par une décision du 12 février 2016, le ministre a rejeté leur demande. Ces personnes ont alors demandé au Conseil d’État d’annuler la décision du ministre et de lui enjoindre de prendre les mesures nécessaires.

Par la décision du 8 février 2017, le Conseil d’État a fait droit à leur demande.

Le Conseil d’État écarte tout d’abord l’argumentation des requérants sur les risques allégués des vaccinations non obligatoires : il juge qu’aucun élément sérieux n’est apporté sur l’existence d’un risque d’atteinte à l’intégrité de la personne et de mise en danger d’autrui. Il relève d’ailleurs que les vaccinations non obligatoires sont recommandées par le Haut Conseil de la santé publique en raison de la gravité des affections considérées, compte tenu de l’ensemble des données scientifiques disponibles.

Le Conseil d’État juge cependant que les dispositions législatives créant trois obligations de vaccination impliquent nécessairement que les personnes qui doivent exécuter ces obligations puissent le faire sans être contraintes de soumettre leur enfant à d’autres vaccinations, auxquelles elles n’auraient pas consenti librement.

Or le ministre chargé de la Santé dispose de plusieurs pouvoirs qui sont de nature à garantir que cette possibilité soit offerte : il peut sanctionner les laboratoires et entreprises qui ne respectent pas leur obligation d’élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des pénuries de vaccins et leur obligation de prévenir les risques de rupture de stock ; il peut demander au ministre chargé de la Propriété intellectuelle de soumettre le brevet d’un médicament au régime de la licence d’office afin d’assurer sa mise à disposition en quantité suffisante ; il peut saisir l’Agence nationale de la santé publique, qui a le pouvoir de procéder à l’acquisition, la fabrication, l’importation et la distribution de médicaments pour faire face à leur commercialisation ou production insuffisante.

Dans ces conditions, le Conseil d’État estime que le ministre chargé de la Santé ne pouvait pas refuser de faire usage de ses pouvoirs pour permettre de rendre disponibles des vaccins ne contenant que les trois vaccinations obligatoires.

Le Conseil d’État annule donc le refus du ministre. Il lui enjoint, par conséquent, dans un délai de six mois, et sauf à ce que la législation évolue en élargissant le champ des vaccinations obligatoires, de prendre des mesures ou de saisir les autorités compétentes pour permettre de rendre disponibles des vaccins correspondant aux seules obligations de vaccination prévues par le Code de la santé publique.

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