Le juge des référés du Conseil d’État confirme l’injonction de reprendre les soins d’une enfant d’un an

Publié le 15/03/2017

Communiqué du CE sur CE, 8 mars 2017, n° 408146.

Une enfant d’un an, placée dans le service de réanimation pédiatrique de l’hôpital de La Timone, à Marseille, a été diagnostiquée comme ayant des lésions neurologiques graves, entraînant une paralysie des membres, de la face et une dépendance à une respiration et une alimentation artificielles.

Le médecin en charge a alors décidé d’engager la procédure collégiale prévue par le Code de la santé publique, aux termes de laquelle il peut être décidé d’interrompre les traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté. Cette décision peut être prise lorsque les traitements traduisent une obstination déraisonnable : lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris.

En l’espèce, à l’issue d’une réunion collégiale, il a été décidé à l’unanimité d’arrêter les traitements prodigués à l’enfant, au motif du caractère irréversible des lésions neurologiques et d’un état de conscience difficile à évaluer mais probablement fortement altéré. Les parents de l’enfant, informés des conclusions de cette réunion, ont alors exprimé leur opposition à l’arrêt des traitements et saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille.

Par une première ordonnance du 16 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu provisoirement l’exécution de la décision et ordonné une expertise médicale.

Par une seconde ordonnance du 8 février 2017, il a suspendu la décision d’arrêter les traitements et enjoint à l’équipe médicale de continuer à prodiguer à l’enfant les soins appropriés.

L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille a fait appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d’État.

Dans l’ordonnance du 8 mars dernier, le juge des référés du Conseil d’État commence par rappeler qu’il doit exercer un office particulier s’agissant d’une décision d’arrêt de traitements.

En principe, le juge du référé-liberté, qui se prononce dans un très bref délai, ne peut faire cesser une atteinte à une liberté fondamentale que lorsqu’elle est manifestement illégale. Toutefois, s’agissant de la décision d’interrompre ou de ne pas entreprendre un traitement au motif qu’il traduirait une obstination déraisonnable, dont l’exécution porte atteinte à la vie de manière irréversible, le juge des référés ordonne les mesures de sauvegarde dès lors qu’il estime que cette décision ne relève pas des hypothèses prévues par la loi.

Le juge des référés du Conseil d’État examine ensuite si les conditions posées par la loi pour interrompre les traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté (procédure appliquée par l’hôpital) étaient remplies.

Il se place dans le cadre de sa jurisprudence récente (CE, Assemblée, 24 juin 2014, Mme Rachel L. et a.), qui prévoit que le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d’éléments médicaux et non médicaux dont le poids respectif dépend des circonstances particulières à chaque patient.

En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’État estime qu’au vu des éléments médicaux et non médicaux, les conditions posées par la loi n’étaient pas remplies.

Il relève, d’une part, que des éléments d’amélioration de l’état de conscience de l’enfant ont été constatés et qu’il existe, aujourd’hui, une incertitude sur l’évolution future de cet état. Dans ces conditions, malgré le pronostic extrêmement péjoratif établi par les experts médicaux, il juge que l’arrêt des traitements ne pouvait être regardé comme pris au terme d’un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences des lésions neurologiques.

Le juge des référés relève, d’autre part, que faute de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de l’enfant, qui avait moins d’un an à la date de la décision, l’avis de ses parents revêt une importance particulière. Or ceux-ci s’opposent de manière unanime à l’arrêt des traitements.

Au vu de ces éléments, le juge des référés estime que la poursuite des traitements, dans les circonstances de l’espèce, ne caractérisait pas une obstination déraisonnable, n’ayant pour d’autre effet que le maintien artificiel de la vie. La décision d’arrêter les traitements de l’enfant ne relevait donc pas de l’hypothèse d’interruption de traitement prévue par la loi à l’égard des personnes hors d’état d’exprimer leur volonté.

Dès lors qu’il constate que la décision ne pouvait pas être prise par le médecin dans le cadre de cette procédure, le juge des référés ne se prononce pas sur la question de savoir si cette procédure était applicable ou bien si, s’agissant d’un mineur, le consentement des parents à l’arrêt de traitement était nécessaire.

Le juge des référés du Conseil d’État rejette donc l’appel de l’AP-HM. Celle-ci demeure ainsi tenue, en vertu de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille, de poursuivre les soins de l’enfant.

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