Seine-Saint-Denis (93)

Le dispositif Monuments historiques au service de l’aménagement des territoires : l’exemple de Saint-Denis

Publié le 14/12/2021
Plaque Monument historique
Brad Pict / AdobeStock

Le régime des Monuments historiques permet d’associer les propriétaires privés à la préservation du patrimoine national. Il s’insère naturellement dans le développement et le rayonnement d’un territoire. Son utilisation dans le département de Seine-Saint-Denis a permis de faire revivre un bâtiment historique et d’accroître le parc de logements.

D’après les chiffres du ministère de la Culture, on dénombre en France environ un peu plus de 43 000 immeubles qui du fait de leur intérêt historique, artistique, architectural bénéficient du statut de monuments historiques. Classés ou inscrits au titre des bâtiments historiques, ils bénéficient à ce titre d’une protection juridique spécifique. Environ la moitié d’entre eux appartiennent à des propriétaires privés. Des dépenses fiscales permettent de soutenir le financement privé du patrimoine monumental. Il s’agit notamment du régime fiscal des monuments historique. Ce régime-clé dans l’économie du patrimoine permet aux collectivités publiques de s’appuyer sur l’initiative privée pour protéger et faire rayonner leur patrimoine. L’exemple de la ville de Saint-Denis dans le département de Seine-Saint-Denis en est une bonne illustration.

Un patrimoine important

Le département de Seine-Saint-Denis est riche en ouvrages remarquables. Il ne comporte pas moins de 75 ouvrages d’intérêt architectural, artistique ou historique. 17 d’entre eux sont situés dans la ville de Saint-Denis dont le plus remarquable est sans contexte la Basilique, un des chef-d’œuvres de l’art gothique, et un des tous premiers monuments classés monuments historiques en 1862. Mais le patrimoine de la ville est très diversifié. On y trouve un ouvrage remarquable de l’architecte Oscar Niemeyer, l’ancien siège du journal L’Humanité, une église dessinée par Viollet Le Duc, Saint-Denys-de-l’Estrée, un vestige de l’ancienne manufacture d’indiennes, la maison des arbaletriers, créée en 1772, la maison des masques, un ouvrage du début du XVIIIe siècle également appelée maison des quatre saisons, la première maison en béton française, la maison de l’industriel et chimiste François Coignet, la maison des ouvriers et le pavillon de l’usine Coignet ou encore celui de l’usine Christofle.

Préserver et rénover les quartiers historiques

La ville de Saint-Denis a développé une politique pilote dans le domaine du patrimoine architectural et urbain. Cette politique innovante s’attache à préserver et faire vivre les bâtiments et les lieux racontent l’histoire du territoire et la formation de la banlieue autour de Paris. Patrimoines du logement social ou individuel, industriel, patrimoine des lieux de mémoire : ils constituent des traces historiques, urbaines et architecturales à mieux faire connaître. La rénovation urbaine des quartiers est également au cœur des priorités de la ville. À cet égard, le quartier de la basilique est emblématique. Dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, la ville réfléchit à la rénovation de cette zone avec un habitat dégradé, dense et sans vraie unité. A la fin des années 70, la ZAC Basilique est devenue le laboratoire d’une « nouvelle urbanité », dans laquelle toute une génération d’architecte a imprimé sa marque. Aujourd’hui, le centre-ville, cœur de Plaine-Commune compte plus de 22 000 habitants et 17 715 logements dont 1 500 logements sociaux. 3 500 logements sont à rénover. La ville s’emploie à rénover le secteur basilique dans le respect de son patrimoine architectural. Le calendrier de ce projet de renouvellement urbain s’étend de 2019 à 2024.

La rénovation de l’immeuble François Coignet

Le régime des monuments historiques a permis à un des édifices majeurs de l’histoire de Saint-Denis, la maison des ouvriers de l’Usine Coignet, d’être réintégré au parc immobilier de la ville. Le bâtiment se situe dans le quartier Gare Confluences entre le quartier historique et la cité du cinéma de Luc Besson. Une pierre deux coups pour la municipalité qui grâce à l’initiative privé accroît son parc de logements et voit son patrimoine préservé et mis en valeur. Deux ans auront été nécessaires pour réhabiliter ce bâtiment inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1998. Il s’agit du premier immeuble en béton aggloméré construit en France en 1856 par François Coignet, l’un des pères de la construction en béton massif, soucieux d’améliorer les conditions de vie de ses ouvriers. Se composant de trois immeubles datant du milieu du 19e siècle, cette structure en forme de U s’articule autour d’une cour intérieure pavée. Témoignage du passé industriel de la ville, le bâtiment comportait initialement 72 logements pour les ouvriers de l’usine Coignet. Dégradé, squatté, incendié, la renaissance du bâtiment s’est faite avec un grand souci du détail dans le respect des techniques originelles de construction et en utilisant de la recette historique du béton aggloméré Coignet. Les aménagements intérieurs incluent notamment l’escalier en béton moulé et son garde corps en fer forgé. Ce projet de réhabilitation a été réalisé dans le cadre d’un programme « monuments historiques » avec à la clé, pour les investisseurs, une belle incitation fiscale. Au final pour la ville 58 nouveaux logements, allant du studio au trois pièces, de 24 à 60 mètres carrés. Un beau symbole pour Saint-Denis qui outre un patrimoine urbain remarquable peut s’enorgueillir d’une politique de rénovation de la ville innovante.

Déduction des charges foncières

En matière d’impôt sur le revenu, les investisseurs qui font l’acquisition de ce type de biens immobiliers bénéficient d’un régime fiscal particulièrement avantageux, puisqu’ils peuvent déduire leurs déficits fonciers sur leurs revenus globaux, conformément à l’article 156 du Code général des impôts (CGI, art. 156). Ils peuvent donc déduire l’ensemble de leurs charges foncières (frais de réparation, d’entretien, primes d’assurance, intérêts d’emprunt d’acquisition…). Cet avantage est ouvert pour les immeubles classés monuments historiques, ou inscrits à l’inventaire supplémentaire, ainsi qu’aux immeubles faisant partie du patrimoine national en raison de leur caractère historique ou artistique particulier et qui auront été agréés à cet effet par le ministère chargé du Budget, ou en raison du label délivré par la Fondation du patrimoine, dans la mesure où ce label a été accordé sur avis favorable du Service départemental de l’architecture et du patrimoine. Il est en revanche encadré. Ainsi le propriétaire du bien doit prendre l’engagement de le conserver pendant au moins 15 ans à compter de son acquisition. Le bien doit également en principe être détenu en direct et en l’absence de mise en copropriété.

Modalités de déduction

Si le bien ne génère aucune recette, les charges foncières qui s’y rapportent sont déductibles du revenu global, en totalité si l’immeuble classé ou inscrit est ouvert à la visite au moins 50 jours par an, et à hauteur de la moitié seulement si l’immeuble classé ou inscrit est ouvert à la visite, ou encore s’il s’agit d’un immeuble simplement agréé mais ouvert à la visite. Pour les biens qui ne bénéficient que du label de la Fondation du patrimoine, la déduction est limitée aux charges afférentes à leur réparation et à leur entretien, à concurrence de la moitié de leur montant, et à condition d’être visibles de la voie publique. Dans le cas d’un immeuble non occupé mais qui génère des recettes, la totalité des charges foncières peut s’imputer sur les revenus fonciers, et au-delà, sans limitation, sur le revenu global si le bien est loué. Si l’immeuble n’est pas loué, mais génère des recettes accessoires, telles que les visites payantes, ces dernières sont soumises au régime de droit commun après déduction des charges, telles que la rémunération du personnel lié à la visite. À cela s’ajoute un abattement forfaitaire qui est de 1 525 euros s’il n’y a ni parc ni jardin, et de 2 290 euros dans le cas contraire. Dans le cas d’un bien occupé et qui génère des recettes, les charges foncières qui se rapportent à la partie de l’immeuble dont le propriétaire se réserve la jouissance sont imputables en totalité sur le revenu global. Les autres charges, et notamment celles qui sont liées au droit de visite, ou dues à l’occupation partielle, sont prises en compte pour la détermination du revenu net foncier. Si le bien est ouvert à la visite, la fraction correspondant à l’ouverture est réputée représenter 75 % du total des charges, les 25 % restant revenant au propriétaire qui les déduit de son revenu global. Enfin, dans tous les cas de figure, les primes d’assurance afférentes aux monuments ouverts au public sont déductibles pour leur montant réel, que l’immeuble soit ou non productif de revenus.

En outre, et cela majore l’intérêt de ce régime, ce mécanisme de déduction d’impôt n’est ni plafonné ni soumis au plafonnement global des niches fiscales de 10 000 euros, au plafond dérogatoire de 18 000 euros.

Droits d’enregistrement : une fiscalité favorable

Ces biens immobiliers, ainsi que les biens meubles et immeubles par destination qui en constituent le complément historique ou artistique, peuvent bénéficier sous condition d’une exonération des droits de mutation pour leurs héritiers, donataires ou légataires, conformément à l’article 795 A du CGI (CGI, art. 795 A). L’exonération s’étend aux biens meubles et immeubles par destination qui en constituent le complément historique ou artistique. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à l’ouverture au public 60 ou 80 jours par an, suivant la période choisie. Elle est également soumise à la signature d’une convention à durée indéterminée entre le demandeur et chacun des ministères chargés respectivement des finances et de la culture. En cas de rupture de la convention, le propriétaire doit s’acquitter des droits d’enregistrement et est en outre redevable d’intérêts de retard dus sur cette imposition. D’après les chiffres du ministère de la Culture 77 conventions sont actuellement en vigueur et 79 autres dossiers sont en cours d’instruction. Les propriétaires d’un monument historique peuvent, le cas échéant, bénéficier d’une décote en matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ils sont réputés peu liquides, car réservés à un marché réduit d’acheteurs et soumis à des charges d’entretien lourdes, et à des contraintes liées à leur statut de monument historique (notamment en matière d’ouverture au public). Autant de facteurs de dépréciation qui les rendent potentiellement éligibles à une décote pour apprécier leur valeur. Précisons, en outre, que du point de vue de l’administration fiscale, ces biens sont peu aisés à évaluer en raison du manque de biens comparables.