Seine-Saint-Denis (93)

Focus sur le mécénat de compétences : l’exemple de la basilique Saint-Denis

Publié le 17/12/2021
Mécénat, dons
Vectormine/AdobeStock

Le mécénat de compétences permet de redonner du sens au travail pour les entreprises qui souhaitent s’engager. Le chantier de la Basilique de Saint-Denis en est un témoignage emblématique. Afin de leur faciliter la tâche, les pouvoirs publics viennent de rédiger un guide dédié à cet engagement au service de l’intérêt général.

Démontée en 1845, après un orage qui avait fragilisé la tour nord et la flèche culminant à 86 mètres de haut, de la basilique de Saint-Denis, ce joyau de l’architecture médiévale n’a jamais été remontée. Depuis plus de 30 ans ce chantier colossal est en projet dans les esprits. L’État a donné son feu vert en février 2017. En avril dernier, une accélération de ce chantier a été annoncée afin de tenir compte du calendrier de la candidature de la ville de Saint-Denis pour obtenir le label « Capitale européenne de la culture » 2028. Les premières fouilles et travaux de fondation ont démarré en septembre. Le remontage de la flèche en lui-même ne démarrera pas avant 2022 voire 2023. Si la région doit participer à hauteur de cinq millions d’euros à ce projet et le Fonds de solidarité et d’investissement interdépartemental à hauteur de 20 millions d’euros, l’appel au mécénat doit contribuer à financer ce chantier. Un chantier d’envergure sur lequel la ville compte capitaliser dans le cadre du développement touristique national et international du territoire, notamment lors des Jeux Olympiques de 2024.

Une initiative soutenue par le mécénat

En 2016, une association Suivez la flèche est créée pour le remontage de la flèche de ce joyau de l’art gothique. Un fonds de dotation « Pour la flèche » permettant le financement participatif du projet est créé dans la foulée. En mars 2018, du fait de la nature spécifique du bâtiment appartenant à l’État, dont la gestion touristique est assurée par le Centre des monuments nationaux, établissement public d’État et dont l’affectation cultuelle est confiée au diocèse de Seine-Saint-Denis, une convention cadre relative à la reconstruction de la tour et de la flèche nord de la basilique de Saint-Denis est signée à Saint-Denis par Françoise Nyssen, ministre de la Culture, Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, Monseigneur Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis, et Patrick Braouezec, président de Plaine Commune et président de l’association Suivez la flèche, en présence de Laurent Russier, maire de Saint-Denis.

Des nombreuses actions de mécénat de compétences

Les études préalables au projet puis à l’installation du chantier, de nature technique et juridique ont été largement financées par le mécénat financier, de compétences ou, en nature, apporté par des entreprises privées ou publiques, attachées à faire rayonner à nouveau la nécropole des rois de France. Dès 2016, le groupe Icade a ainsi signé une convention de mécénat avec le fonds de dotation « Pour la flèche », un soutien décisif pour la réalisation de l’étude de faisabilité. Cette action de mécénat témoigne de l’engagement d’Icade sur le territoire, aux côtés des élus, pour le rayonnement économique et culturel de Plaine Commune. Depuis 2017, le cabinet d’avocats Seban & Associés, participe à ce projet culturel en réalisant les études juridiques requises pour la mise en œuvre opérationnelle du projet (qualification des missions à accomplir et des contrats à conclure, détermination des intervenants aux côtés de l’État, propriétaire de la basilique et maître d’ouvrage du projet). Un mécénat de compétences logique pour ce cabinet d’avocats dédié aux acteurs publics qui se dit fier de participer à ce projet innovant qui fera vivre un des monuments emblématiques de l’histoire de France. En décembre 2020, une convention de mécénat de compétences a été signée entre le courtier en assurances Verspieren, installée au cœur de la Plaine-Saint-Denis et le fonds de dotation « Pour la flèche ». L’entreprise devient le conseil en assurances des entités en charge du pilotage de ce projet. Une mission qui comprend tant l’analyse des risques que la mise en place des couvertures d’assurance spécifiques.

L’intérêt du mécénat de compétences

Une entreprise mécène peut apporter non pas des financements en numéraire mais un don en nature à la cause qu’elle entend soutenir. Dans le cadre du mécénat de compétences, l’entreprise met ses collaborateurs à la disposition d’un organisme d’intérêt général, lesquels vont mobiliser à son profit pour un temps leurs compétences ou leur force de travail. Cette mise à disposition se fait sur le temps de travail, dans des conditions fiscales favorables pour l’entreprise. Ce type de mécénat tend à se développer. D’après la dernière édition du Baromètre du mécénat de compétences (IFOP, Opinion pour l’Alliance pour le mécénat de compétences, janvier 2021), 54 % des grandes entreprises pratiquent le mécénat de compétences. Il en est de même pour 22 % des ETI et 18 % des PME. Ce type de mécénat est plébiscité par les organismes qui en bénéficient. 97 % d’entre eux sont satisfaits au sortir de l’expérience et 98 % sont prêts à renouveler ce type de missions. Pour les entreprises, le pari est gagnant. 97 % des salariés estiment que les entreprises ont un rôle à jouer sur les questions d’intérêt général. Le mécénat de compétences qui crée des formes de collaboration innovante entre les organisations d’intérêt général et les entreprises est une excellente réponse à ce vœu. D’ailleurs, 37 % des salariés ayant exercé une mission de mécénat de compétences estiment que cette expérience les a remotivés dans leur travail. 57 % d’entre eux considèrent qu’ils ont acquis de nouvelles compétences professionnelles. Surtout, ils sont 78 % a considérer que leur compréhension des valeurs de l’entreprise a augmenté au cours de leur mission d’intérêt général. Et 78 % déclarent que leur attachement à leur entreprise a été augmenté. Cette adhésion renforcée est particulièrement nette chez les moins de 35 ans. Pour 80 % d’entre eux une mission de mécénat de compétences constitue un moyen de sortir de leur routine professionnelle. Et pour 75 % d’entre eux, elle constitue un moyen d’acquérir de nouvelles compétences.

Un avantage fiscal

À la clé, un avantage fiscal pour l’entreprise. L’entreprise mécène peut bénéficier d’une réduction d’impôt sur les sociétés égale à 60 % du montant de l’action de mécénat (CGI, art. 238 bis). La loi n’impose aucun montant minimal de chiffre d’affaires. De même, aucun montant minimal n’est requis pour le don effectué par l’entreprise. En revanche, le dispositif est plafonné. En effet, les dépenses ne sont retenues que dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise ou 20 000 euros. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants. En 2019, le taux de réduction fiscale a été limité pour les grandes entreprises à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an à l’exception des dons affectés à l’aide aux personnes en difficultés.

Valoriser le mécénat de compétences

Pour calculer cet avantage fiscal, le mécénat en compétences doit être valorisé à son prix de revient. Il faut prendre en compte l’ensemble des coûts salariaux des personnels qui auront œuvré au titre du mécénat de compétences (§50 du BOI 4 C-5-04, n° 112 du 13 juillet 2004). La loi de finances pour 2020 (L. n° 2019-1479 du 28 décembre 2019) a à cet égard précisé que le coût de revient à retenir dans la base de calcul de la réduction d’impôt correspond, pour chaque salarié, mis à disposition, à la somme de sa rémunération et des charges sociales afférentes dans la limite de trois fois le montant du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du Code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 241-3). Afin de pouvoir permettre un contrôle de cette contribution, il est préconisé de faire en sorte que le mécène et la structure bénéficiaire du mécénat se concertent sur une procédure claire et contrôlable. À cette fin, il est recommandé que les parties s’entendent sur une liste de personnes, un détail nominatif des jours travaillés par les personnes au service du projet de mécénat. Ces listes nominatives et la validation de la présence de ces personnes étant assurées conjointement entre les deux parties de la convention.

Bonnes pratiques

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, et Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable ont publié en novembre dernier un guide pratique du mécénat de compétences à destination des entreprises, notamment les TPE et PME, qui souhaitent s’engager à travers ce dispositif encore mal connu. Il recense un certain nombre de bonnes pratiques à adopter. La définition de la mission constitue une étape clef dans le processus de mécénat de compétences, souligne le guide. Il appartient à chacune des parties prenantes de définir clairement ses besoins et ses attentes pour trouver ensemble la meilleure façon de les satisfaire. Afin de cadrer la mission, il est généralement conseillé que les parties rédigent une convention de mécénat, laquelle détaillera avec le maximum de précision les caractéristiques techniques de l’action de mécénat de compétences. Elle comprendra notamment un échéancier de livraison des services. Le guide préconise en outre d’assurer un suivi par les ressources humaines de la mission afin qu’il soit en capacité de gérer ses missions en entreprise et ses missions au sein de l’association ou, sur un temps long, son retour en entreprise. Le management de l’entreprise doit être impliqué dans l’expérience de mécénat, recommande le guide. Le mécénat de compétences doit être un engagement collectif pour qu’il puisse être une réussite. Le salarié doit être soutenu par sa hiérarchie avec laquelle il devra définir les modalités de son absence, les ressources dont il pourrait avoir besoin ou encore sur l’accompagnement dont il pourrait bénéficier. La démarche de mécénat s’inscrivant dans une démarche RSE de l’entreprise, la direction stratégique de l’entreprise doit jouer le jeu. Le guide recommande également de rendre accessible à tous les salariés le mécénat de compétences, qui ne doit pas être réservé aux seuls cadres. Dernier conseil : identifier des organismes proches de la sphère d’activité de l’entreprise et en accord avec ses valeurs. Cela permet de continuer l’engagement du salarié via de nouveaux outils de travail et donne encore plus de valeur aux compétences utilisées. C’est également un moyen d’ouvrir un partenariat plus large avec l’organisme dans le futur.