Le mécénat privé au service du rayonnement des monuments historiques de l’Essonne

Publié le 17/10/2023

Le mécénat privé au service du rayonnement des monuments historiques de l’Essonne
Calips, Domaine de Chamarande

Le département de l’Essonne s’appuie largement sur l’action privée pour mettre en valeur son patrimoine. Et cette politique innovante se révèle efficace. Lors d’une soirée organisée au centre Pompidou à Paris, la collectivité locale a réuni ses généreux donateurs et en a profité pour dresser le bilan de ces relais de générosité. En cinq ans depuis 2018, plus de 250 dons ont afflué pour un montant de 600 000 euros. « En France, on n’aime pas parler d’argent. Mais, que diable ! que croyons-nous vraiment ? Jadis, les rois de France avaient des mécènes. Les plus grandes œuvres n’ont pas été financées par la cassette royale uniquement », a résumé à cette occasion le préfet de l’Essonne, Bertrand Gaume. Grâce aux dotations des entreprises mécènes et à celles des particuliers, le département peut agir davantage pour mettre en valeur ses sites, sans se substituer à l’action publique ni au soutien des traditionnels partenaires en la matière, l’État et la région.

Un patrimoine remarquable

Le département de l’Essonne recèle en effet plusieurs joyaux patrimoniaux au premier rang desquels les domaines départementaux de Chamarande (XVIIe) ou de Méréville (XVIIIe), qui abritent deux des plus beaux jardins d’Île-de-France. Le château de Chamarande, propriété du département depuis 1978, classé au titre des Monuments historiques, abrite le plus grand jardin public de l’Essonne, labellisé Jardin Remarquable, et fameux pour son jeu de l’oie géant, réalisé en 1741. Le domaine de Méréville accueille, quant à lui, l’un des rares modèles de jardin anglo-chinois recensé en France. Le patrimoine culturel du département est également riche en maisons d’artistes, comme la Maison Cocteau de Milly-la-Forêt ou la Maison-atelier du peintre Léonard Tsuguharu Foujita à Villiers-le-Bâcle et des monuments d’exception comme Le Cyclop, une œuvre démesurée de Jean Tinguely et de Niki de Saint Phalle, dans la forêt de Milly. Il abrite quelques ouvrages architecturaux remarquables comme l’église Saint-Sulpice de Favières, la chapelle Saint-Blaise des simples, le cimetière et l’église orthodoxe de Sainte-Geneviève-des-Bois, l’église Saint-Médard de Brunoy, la cathédrale de la résurrection, dernière cathédrale bâtie en France et des musées renommés comme le musée français de la photographie de Bièvres ou le Conservatoire national des plantes à parfum, médicinales, aromatiques de Milly-la-Forêt.

S’appuyer sur le mécénat privé

Pour conduire sa politique culturelle mécénale, le département de l’Essonne a fait le choix d’une fondation abritée dédiée à la protection, à la restauration du patrimoine de l’Essonne ainsi qu’à l’acquisition d’œuvres d’art destinées à étoffer les collections des musées départementaux. Essonne Mécénat est la première fondation lancée par un département à être abritée sous l’égide de la Fondation du patrimoine. Reconnue d’utilité publique, la Fondation du Patrimoine est dédiée à un objectif d’intérêt général, la préservation du patrimoine de proximité non protégé. Si on ne retient que les seuls chantiers de restauration de l’atelier du peintre Foujita, du château de Chamarande et de celui de Méréville, les investissements à prévoir avoisinent les 20 millions d’euros. Cette politique de recours au mécénat porte ses fruits. À titre d’exemple, le Domaine de Méréville a déjà pu bénéficier de 170 000 euros de dons privés pour sa restauration. Et en juin dernier, une œuvre du plasticien Jean-Michel Othoniel, une passerelle ornée de 28 boules d’or et de 3 000 perles miroirs est venue remplacer la passerelle en bois ornée de boules dorées construite par le marquis de Laborde en 1784… Un passage de relais à travers le temps.

Une fiscalité favorable au mécénat

« Le mécénat, c’est de la dépense publique, car il y a une réduction d’impôt, rappelle le préfet de l’Essonne. C’est une autre manière pour l’État d’aider à la préservation du patrimoine, en l’espèce, ou d’autres causes ». Les dons effectués par les particuliers sont déductibles de leur impôt sur le revenu (IR) à hauteur de 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable du donateur. Ainsi, un don de 100 euros ouvre droit à une réduction d’impôt de 66 euros. Le don effectué ne coûte donc en réalité que 34 euros à son auteur. Les dons ouvrent également droit à une réduction de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) à hauteur de 75 % du don dans la limite de 50 000 euros (le seuil est donc atteint avec un don de 66 666 euros), excepté pour les collectes de dons organisées en faveur de bâtiments privés protégés au titre des monuments historiques ou labellisés par la Fondation du patrimoine. Ainsi, un don de 100 euros représente une réduction d’impôt de 75 euros. Le don effectué ne coûte donc que 25 euros. Les entreprises mécènes bénéficient, quant à elles, d’une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (art. 238 bis du Code général des impôts). Cependant la loi limite le taux de réduction fiscale de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an. La loi n’impose aucun montant minimal de chiffre d’affaires. De même, aucun montant minimal n’est requis pour le don effectué par l’entreprise. En revanche, le dispositif est plafonné. En effet, les dépenses ne sont retenues que dans la limite de 20 000 € ou de 5 % du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants.

L’exemple de la restauration du Cyclop de Milly-la-Forêt

La restauration du Cyclop achevée au printemps 2022 est un excellent exemple de cette alliance conclue entre particuliers, entreprises et acteurs publics au service du rayonnement du patrimoine départemental. Il s’agit d’une œuvre sculpturale monumentale de sept étages, nichée dans les bois de Milly-la-Forêt. L’œuvre a été réalisée par Jean Tinguely avec le concours de sa femme Niki de Saint Phalle et d’un certain nombre d’artistes de leurs amis, comme Bernhard Luginbühl, Rico Weber, Daniel Spoerri… Le Cyclop mesure 22,50 mètres de haut et pèse 350 tonnes. La structure en acier recouverte de miroirs figure une immense tête sans corps, avec un œil unique et une bouche d’où ruisselle de l’eau sur une langue toboggan. À l’intérieur de l’œuvre des sculptures sonores, un petit théâtre automatique, une machinerie aux engrenages de ferraille qui se dévoile dans un parcours aux allures de labyrinthe. L’œuvre est initiée dès 1969 sans autorisation par l’artiste, son épouse et ses amis sur un terrain qui ne leur appartient pas. Elle est financée sur les deniers propres de Jean Tinguely. En 1987, pour assurer sa protection et sa conservation, ses auteurs ont fait don de l’œuvre à l’État français. Elle est entrée dans les collections du Centre national des arts plastiques (Cnap). En 1988, le ministère de la Culture en a délégué la gestion à l’association Le Cyclop qui a pour mission d’entretenir, d’assurer les visites et de promouvoir l’œuvre. En 1991, la sculpture a enfin été achevée sous la direction de la veuve de Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle. Elle a été inaugurée et ouverte au public en mai 2014. Le Cnap a lancé en mars 2021 le chantier de restauration du Cyclop et a commencé une campagne de mécénat participatif. Avec près de 325 mètres carrés de miroirs, la Face aux miroirs de Niki de Saint Phalle a constitué l’enjeu majeur de la restauration du Cyclop. Elle a bénéficié du mécénat de compétence de l’entreprise 3DO Reality Capture qui a réalisé le relevé 3D de « La Tête », ainsi que de celui de Saint-Gobain, qui dans le cadre de cette collaboration a mis à disposition 628 m2 de miroirs solaires nécessaires et le joint-colle fabriqué par la filiale Weber de Saint-Gobain pour fixer les miroirs. Clairefontaine a fourni de son côté le papier pour la création des gabarits. Crédit Agricole d’Île-de-France Mécénat et la fondation du Crédit Agricole-Pays de France ont également largement contribué au financement des ces opérations de restauration. La restauration de l’Hommage aux déportés d’Eva Aeppli d’un wagon de la SNCF des années 1930 suspendu sur une plateforme à plus de 13 mètres de haut, à l’intérieur duquel se trouvent 15 figures en soie blanche et velours marron a également concentré toutes les énergies.

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