Val-de-Marne (94)

À Cachan, une coopérative citoyenne veut bâtir des centrales solaires entre le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine

Publié le 13/05/2022

Depuis sa mise en service 21 avril 2021, la centrale solaire de Cachan, dans le Val-de-Marne, produit de l’électricité, distribué ensuite aux habitants alentour. 600 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur le toit d’une école élémentaire. À l’initiative de ce projet, un groupe de citoyens constitué en coopérative depuis 2019 afin de développer des centrales de panneaux photovoltaïques. Thomas Le Roux, président de la coopérative citoyenne Sud Paris Soleil, revient sur les origines de cette aventure citoyenne et sur la structure juridique du projet.

Actu-Juridique : Qu’est-ce que la coopérative citoyenne Sud Paris Soleil ?

Thomas Le Roux : C’est une structure de production d’énergie renouvelable photovoltaïque créée en 2019 et basée à Cachan. Elle a vocation à animer un mouvement de mobilisation citoyenne envers les énergies renouvelables. Nous couvrons un territoire de proximité situé dans le Val de Bièvre allant de Gentilly à Antony. La coopérative repose sur un principe démocratique. Chaque sociétaire à une voix, indépendamment des parts détenues. Les parts sont à 100 €. Nous sommes 200 sociétaires et donc 200 votants aux assemblées générales. Toutes les décisions importantes sont prises dans ce cadre-là. Le conseil de gestion élu par l’AG a un rôle de conseil d’administration. Je préside cette institution renouvelée tous les trois ans. Le conseil de gestion actuel sera renouvelé au mois de juin 2022 lors de la prochaine assemblée générale. Ensuite, nous avons un principe non-lucratif. Nous sommes une Société coopérative à intérêt collectif (SCIC) société à actions simplifiées (SAS). Les bénéfices sont bloqués à hauteur de 57,5 % pour être provisionnés et destinés à des investissements futurs. Ils ne peuvent pas être redistribués. En revanche, 42,5 % des bénéfices peuvent être redistribués en fonction de la décision prise en assemblée générale. Avec la production d’énergie commencée l’année dernière, nous avons un bénéfice. Mais pour le moment, nous souhaitons consolider le capital de la coopérative.

AJ : Comment est née la coopérative Sud Paris Soleil ?

T. L. R. : Nous sommes un groupe de citoyens vivant à Cachan à l’origine de ce projet. Au départ, nous organisions des cafés citoyens. Durant un de ces événements, en parallèle de la Cop 21, nous avons échangé sur l’énergie solaire. À l’issu de ces échanges, nous avons constaté l’insuffisance de l’action publique. Nous avons donc choisi l’action associative citoyenne, par rapport à l’énergie solaire. Nous avons créé l’association Cachan Soleil, qui préfigurait la coopérative. Elle nous a permis d’avoir une personnalité morale, des adhésions, d’organiser des conférences et de rechercher des partenaires pour s’engager avec nous. Progressivement, nous avons eu l’opportunité de réaliser un équipement à Cachan. La ville a adhéré à ce projet en proposant un toit d’école. Nous avons aussi candidaté à un appel à projet citoyen de la région Île-de-France et nous avons obtenu une subvention. Ensuite, nous avons créé la coopérative pour réaliser le projet car cette structure juridique nous permet de collecter un capital et d’investir.

AJ : En quoi consiste le premier projet de centrale solaire de Cachan ?

T. L. R. : La première centrale solaire de la coopérative est installée sur le toit de l’école élémentaire La Plaine à Cachan. C’est un toit terrasse de 1 000 m2. Nous avons équipé ce toit de panneaux photovoltaïques sur 600 m2. Nous arrivons à une puissance de 100 kilowatt-crête. Nous réinjectons l’électricité dans le réseau, et celle-ci était rachetée initialement par EDF-OA (Obligation d’Achat). Mais depuis le 1er janvier, un changement de contrat nous permet de revendre à Enercoop, une coopérative fournisseur d’énergie 100 % renouvelable. Concernant cette réalisation, nous avons voté en assemblée générale les choix du toit, du fournisseur des panneaux photovoltaïques et de l’installateur. Nous avons fait le choix d’acheter le plus localement possible. En France, il y a une seule usine de production de cellules photovoltaïques qui représentent l’unité centrale du panneau. C’est Photowatt, basée à Bourgoin-Jallieu (38). Ce fournisseur a aussi fait l’assemblage des cellules les unes aux autres, le raccordement filaire et la structure en aluminium et en verre. Puis, nous avons fait appel à un installateur de Montrouge (92). L’équipement nous a coûté environ 100 000 € HT. Pour financer ce projet, nous avons collecté 60 000 € d’épargne citoyenne. C’est un investissement militant, à but non lucratif. Enfin, nous avons profité de ce projet construit sur le toit d’une école pour travailler avec les élèves et les enseignants sur les questions des énergies renouvelables et du réchauffement climatique en faisant un travail de sensibilisation éducatif.

AJ : À qui bénéficie cette énergie produite sur le toit de l’école de La Plaine à Cachan ?

T. L. R. : Nous ne sommes pas dans un mode d’autoconsommation. L’école ne consomme pas directement l’énergie produite sur son toit. Les électrons produits partent dans le réseau. Ils vont dans le point de distribution le plus proche, puis vers les points de consommation de proximité sur Cachan. En fait, l’énergie est mise dans le pot commun du réseau, mélangé à d’autres sources de production.

Centrale solaire installée sur le toit de l’école élémentaire La Plaine à Cachan

Frankie Nikki

AJ : Comment avez-vous été accompagné par les collectivités territoriales ?

T. L. R. : Au départ, les collectivités locales n’étaient pas forcément réceptives à notre démarche. Tout comme d’autres collectifs en région parisienne, qui ont créé leur coopérative sur le territoire francilien entre 2018 et 2020. Ces démarches locales sont coordonnées par l’association Énergie partagée. C’est un fonds d’investissement pour les énergies renouvelables et une structure d’accompagnement, de conseil et de coordination de projet. Ils nous ont aidé dans notre démarche pour la rendre plus crédible. À partir de là, le département du Val-de-Marne a commencé à nous soutenir. Notre association a été subventionnée, ce qui a porté notre action associative. Puis, le département nous a attribué 5 000 € pour créer la coopérative. Cette subvention nous a permis de couvrir les frais de création et d’avoir une couverture financière. Cette aide du Val-de-Marne a renforcé notre crédibilité. Puis, la ville de Cachan, dans un contexte de changement de maire et suite à des échanges, nous a proposé la toiture de l’école de La Plaine, qui nous convenait. La ville est aussi devenue sociétaire de la coopérative Sud Paris Soleil, tout comme le département. Enfin, nous avons pu répondre à l’appel à projet de la région Île-de-France sur le financement de projet citoyen pour l’énergie renouvelable. Nous avons obtenu ce financement de la région ce qui représente environ 50 % de l’investissement.

AJ : Quel est l’objectif pour un particulier de rejoindre la coopérative Sud Paris Soleil ?

T. L. R. : C’est rentrer dans une démarche militante. Il faut souscrire une part, à travers un apport financier de 100 € minimum. Cet argent va permettre d’équiper des toits en panneaux photovoltaïques et participer au développement de l’énergie renouvelable de proximité. Concernant l’intérêt financier, il est très faible. Ce type de projet commence à être rentable sur 15 à 20 ans. Il faut apporter une mise au départ et le remboursement se fait sur la durée grâce à la production électrique. Cependant, la personne qui a investi 100 € peut être remboursée de sa part sur demande. Concernant les bénéfices, la redistribution se décide lors de l’assemblée générale jusqu’à 42,5 %. Nous prévenons d’ailleurs dès le début les nouveaux sociétaires qu’il n’y a pas de grand intérêt en termes de rentabilité dans notre coopérative.

AJ : Quels sont les futurs projets de la coopérative Sud Paris Soleil ?

T. L. R. : Nous avons plusieurs projets envisageables à Cachan, à Fresnes, à Antony et à Arcueil. Depuis le mois d’octobre, nous avons une difficulté : l’arrêté tarifaire a été réformé à travers un arrêté pris le 6 octobre 2021, dit S21 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044173060). Depuis cet arrêté, nous pouvons obtenir des tarifs d’achat au-delà de 100 kilowatt-crête. En revanche, l’article 13, conformément à une directive européenne à propos de la concurrence, interdit de cumuler le tarif d’achat, vu comme une subvention, avec d’autres subventions. Dans notre démarche, les subventions des collectivités et le tarif d’achat nous permettent d’équilibrer notre modèle économique. Pour nos futurs projets, du fait du nouvel arrêté tarifaire, nous devons choisir entre le tarif d’achat ou la subvention de la région Île-de-France. Ce qui n’est pas possible pour nous. Les quatre projets sont donc pour le moment bloqués. Des négociations sont en cours pour excepter les projets citoyens de cette réglementation, du fait de notre but non-lucratif.

Parallèlement, nous travaillons sur un autre modèle basé sur l’autoconsommation. L’idée serait de revendre directement aux particuliers. Nous recherchons notamment des bâtiments qui ont un volume de consommation important en journée, y compris le week-end. Ce qui permettrait d’injecter toute la production dans la consommation et donc d’optimiser le flux. Dans ces cas-là, nous n’aurions plus besoin du tarif d’achat et nous pourrions nous contenter d’une subvention publique, et négocier le prix directement avec le consommateur. Ce type de modèle limite les bâtiments sur lesquels nous pouvons réaliser les projets. À Cachan et dans les communes voisines, nous étudions cette possibilité sur des bâtiments accueillant notamment une société d’informatique qui possède plusieurs serveurs ou encore les supermarchés avec leurs frigos, qui consomment de l’énergie en permanence.

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