Chronique de droit du tourisme n° 10 (Janvier 2017 – Février 2018) (1re partie)

Publié le 18/02/2019

L’activité touristique est régie par le Code du tourisme promulgué en 2006, mais elle continue aussi de nécessiter le recours à de nombreuses notions, règles ou principes empruntés à d’autres domaines du droit.

L’année 2017 est encore marquée par une succession d’événements terroristes, que ce soit à Paris, Barcelone, Londres ou Berlin, et par des actes terroristes isolés s’en prenant à des passants. Ils pourraient effrayer les touristes. Pourtant, selon le dernier baromètre de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le tourisme international a progressé de 7 % en 2017 pour atteindre un total de 1,322 milliard1, ce qui représente le résultat le plus haut de ces 7 dernières années. Ce « vigoureux élan » devrait se poursuivre en 2018, à un rythme de 4 % à 5 %2. La France devrait rester la première destination mondiale, avec une fréquentation record comprise entre 88 à 89 millions de visiteurs étrangers, soit 5 millions de plus qu’en 20163.

Le développement du tourisme, s’il n’est pas sensible à l’expansion du terrorisme, semble donc dépendre de questions plus classiques telles que le transport, l’hébergement, les personnels… Cette chronique annuelle est de nouveau l’occasion d’analyser l’actualité juridique concernant ce secteur clé de l’économie française.

I – Les acteurs du tourisme

A – Acteurs publics

Harcèlement moral au Comité départemental de tourisme

Cass. crim., 7 juin 2017, n° 16-84779. L’employé d’un service informatique d’un Comité départemental de tourisme a fait l’objet d’une citation devant le tribunal correctionnel pour harcèlement moral. À la suite de la relaxe prononcée, seule la partie civile a interjeté appel. La cour d’appel saisie de l’affaire allait infirmer la décision des premiers juges aux motifs que le plaignant avait subi de la part du prévenu un ensemble de comportements focalisés sur sa personne, vexatoires ou humiliants, de nature variée, lequel prévenu a cherché à valoriser son propre pouvoir au détriment du poste occupé par la partie civile, en cherchant à l’isoler et à la mettre en difficulté par la perte de ses repères dans un but gratuit, les juges faisant encore état de comportements du prévenu tels que des changement d’humeurs, des intrusions dans la vie privée, de l’autoritarisme, des injonctions paradoxales, pour énoncer que l’intéressé a commis une faute civile entrant dans le cadre des dispositions de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Pour rejeter le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel, la chambre criminelle a considéré qu’il résulte des énonciations des juges du fond que le prévenu a commis à l’égard du plaignant des faits entrant dans le cadre des dispositions de l’article L. 1152-1 précité du Code du travail, la cour d’appel caractérisant ainsi, sans insuffisance ni contradiction, l’existence d’une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite engagée du chef de harcèlement moral.

L’arrêt du 7 juin 2017 offre ainsi un exemple de caractérisation de la faute civile de harcèlement moral au sein des entreprises et entités intervenant dans le secteur du tourisme. Pour rappel, l’article L. 1152-1 du Code du travail précise qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. À ce titre, la Cour de cassation impose à la juridiction saisie de poursuites diligentées pour harcèlement moral de la mettre en mesure d’exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis ne sont pas de nature à faire présumer un tel harcèlement4. C’est ce qu’avait fait la cour d’appel qui a rendu l’arrêt confirmé par la chambre criminelle le 7 juin 2017, qui avait bien établi, par sa motivation, les différentes composantes de la faute civile de harcèlement moral à travers les comportements vexatoires répétés subis par le plaignant, les abus de pouvoir hiérarchique, les tentatives d’isolement, les intrusions dans la vie privée émanant du prévenu, les injonctions paradoxales adressées au plaignant qui étaient nécessairement de nature à générer une atteinte aux conditions de travail de ce salarié susceptible d’attenter à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’arrêt du 7 juin 2017, duquel il ressort une solution tout à fait classique, apparaît dans le prolongement d’un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 27 octobre 2004, dans lequel il avait pu être jugé d’une part, que l’existence d’un harcèlement moral relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, d’autre part, que justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, ayant constaté qu’un salarié avait fait l’objet d’un retrait sans motif de son téléphone portable à usage professionnel, de l’instauration d’une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de son supérieur hiérarchique, de l’attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d’un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, estime, dans l’exercice de son pouvoir souverain, que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral5.

Rodolphe MÉSA

II – Acteurs privés

A – Organisations professionnelles

Irrecevabilité de la constitution de partie civile des syndicats d’entreprises de tourisme pour des infractions de faux et usage de faux

Cass. crim., 18 juill. 2017, n° 15-84859. Les syndicats, et particulièrement les syndicats d’entreprises de tourisme, ont-ils qualité pour exercer l’action civile devant les juridictions répressives, et plus précisément pour exercer les droits réservés à la partie civile s’agissant des faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent à propos d’infractions de faux et usage de faux, et plus précisément à propos du fait poursuivi pénalement, pour le représentant salarié d’un syndicat désigné président de la Commission paritaire nationale de l’emploi des établissements équestres (CPNE-EE), d’avoir adressé des courriers en utilisant frauduleusement l’en-tête de ladite commission paritaire et en se prévalant tout aussi frauduleusement de la qualité de chargé de mission et du développement de la CPNE-EE ? La chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu négativement à cette question par son arrêt du 18 juillet 2017.

Il convient, pour apprécier la portée de cette décision, de rappeler les termes de l’article L. 2132-3 du Code du travail. Il ressort de ce dernier texte que les syndicats professionnels, qui ont le droit d’agir en justice, « peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». Pour censurer les juges d’appel qui avaient, s’agissant des faits susmentionnés, déclaré recevables les constitutions de partie civile de différents syndicats d’entreprises agricoles, équestres et de tourisme équestre, la chambre criminelle a considéré que les faits de faux et usage commis au préjudice de la CPNE-EE dont le prévenu a été déclaré coupable n’étaient pas susceptibles de constituer une atteinte à l’intérêt collectif de la profession que représentent les organismes susmentionnés. Elle a ainsi pris le contre-pied des juges du second degré qui avaient pu retenir, pour déclarer recevables toutes les constitutions de parties civiles qui étaient soumises à leur appréciation et condamner le prévenu à verser des dommages et intérêts à leurs auteurs, que, s’agissant des faits de faux et d’usage, l’un des syndicats, qui se prévalait d’une atteinte à la profession en raison de la confusion causée dans l’esprit de ses membres et du discrédit jeté sur le travail de la CPNE-EE et d’une atteinte à l’image de marque de la profession, les courriers ayant été diffusés à l’ensemble des partenaires, avait subi un préjudice moral et commercial et que les autres, qui défendent les professionnels du monde équestre, avaient subi un préjudice du fait de la mise en cause de leur action.

Dans l’absolu, la solution issue de l’arrêt du 18 juillet 2017, qui accueille de manière restrictive l’action civile des syndicats devant les juridictions répressives, en l’occurrence de syndicats d’entreprises agricoles, d’entreprises équestres et d’entreprises de tourisme équestre, principalement s’agissant des infractions de faux et usage de faux, n’est guère surprenante et mérite l’approbation, ceci pour au moins deux raisons principales.

La première est que les délits de faux et usage de faux des articles 441-1 et suivants du Code pénal sont des atteintes à la confiance publique, donc des délits dont la commission porte directement atteinte à ladite confiance publique et non aux intérêts d’une profession déterminée.

La seconde, qui est une conséquence de la première, est que l’action civile devant les juridictions répressives des syndicats n’est ouverte par l’article L. 2132-3 du Code du travail que pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Or, si un faux et un usage de faux ne peuvent porter qu’une atteinte indirecte à l’intérêt d’une profession, l’atteinte première étant subie par la confiance publique dans son ensemble, c’est à la condition que l’infraction soit commise dans des circonstances permettant la réalisation d’une telle atteinte ou avec la volonté, manifestée par son auteur, de réaliser une telle atteinte. Force est de constater, s’agissant des faits ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juillet 2017, qu’aucun élément ne permettait de conclure à l’existence d’un lien causal, tant matériel que psychologique, entre, d’une part, les falsifications poursuivies, résidant dans l’emploi frauduleux de l’en-tête de la Commission paritaire nationale de l’emploi des établissements équestres et l’usage frauduleux d’une qualité, et d’autre part, l’atteinte aux intérêts collectifs d’une profession.

La chambre criminelle a déjà permis la recevabilité de l’action civile de syndicats, fondée sur l’article L. 2132-3 du Code du travail relativement à des faits de faux, tout en veillant, comme écrit précédemment, à l’existence d’un lien entre l’infraction et l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée. Différents arrêts sont fort clairs sur ce point. Notamment, il ressort d’un arrêt rendu le 7 mars 1996 qu’il suffit, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie fassent apparaître comme possible l’existence d’un préjudice en relation directe avec une infraction à la loi pénale, mais aussi et surtout, s’agissant de la recevabilité de la constitution de partie civile à propos d’infractions de faux, qu’encourt la cassation l’arrêt d’une chambre de l’instruction déclarant irrecevables du chef de faux en écritures publiques les plaintes avec constitution de partie civile de conseillers aux prud’hommes et d’une union locale de syndicats contre un vice-président de conseil de prud’hommes, auquel ils reprochent d’avoir rédigé des jugements non conformes au délibéré, dans un sens défavorable aux salariés, les faits allégués étant de nature, s’ils étaient établis, à porter atteinte tant aux prérogatives et à la dignité des magistrats concernés qu’à l’intérêt collectif des salariés6. Dans cet arrêt, la constitution de partie civile des syndicats plaignants a ainsi pu être considérée comme recevable, malgré la nature d’atteinte à la confiance publique de l’infraction poursuivie, en raison de l’établissement d’un lien causal entre cette infraction et l’intérêt collectif des salariés, donc entre l’infraction et une atteinte à l’intérêt collectif de la profession défendue par le syndicat, lien causal qui n’a pas été relevé s’agissant des faits ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juillet 2017.

La solution issue de l’arrêt du 18 juillet 2017 mérite d’autant plus l’approbation que recevoir, comme l’a fait la cour d’appel censurée par cet arrêt, une constitution de partie civile d’un syndicat pour des faits de faux qui ne portent pas eux-mêmes un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession représentée, ou à propos desquels il n’est pas établi qu’ils aient été commis dans des conditions de nature à générer un tel préjudice, reviendrait, ceci est d’autant plus vrai s’agissant des atteintes à la confiance publique incriminées par le livre IV du Code pénal, à permettre aux syndicats d’agir en défense, non d’un intérêt collectif attaché à une profession donnée, mais plus globalement et généralement en défense de l’intérêt général. Or, il est de jurisprudence constante, la solution se trouvant implicitement confirmée par l’arrêt du 18 juillet 2017, que les syndicats ne tiennent d’aucune disposition de la loi le droit de poursuivre la réparation du trouble que porte une infraction aux intérêts généraux de la société7. Ou encore que si, aux termes de l’article L. 2132-3 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile, c’est à la condition que les faits déférés au juge portent par eux-mêmes un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent8, ce dont il résulte que l’action civile d’un syndicat est irrecevable lorsque les faits ne sont pas de nature à causer un préjudice même indirect aux intérêts collectifs de la profession, distinct du préjudice social dont le ministère public poursuit la réparation9.

Rodolphe MÉSA

1 – Réglementation des professions

Contrats de travail dans le secteur touristique

Ord. n° 2017-647, 27 avr. 2017, relative à la prise en compte de l’ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction10. Le contrat de travail saisonnier et le contrat à durée déterminée d’usage sont les deux types de contrat de travail à durée déterminée (CDD) les plus utilisés dans le secteur touristique. Ils sont définis par l’article L. 1242-2 du Code du travail, lequel prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans certains cas qui sont énumérés dont « … 3° emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs11 ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois »12.

Ces contrats comprennent des dispositions dérogatoires aux modalités classiques du CDD13 s’agissant de leur durée14, de leur renouvellement15, de l’indemnité de fin de contrat16, de leur taxation17 et de leur reconduction pour les contrats saisonniers18. En 2016, le législateur a tenté d’améliorer le statut des travailleurs saisonniers à la fois avec la loi Travail19 et la loi Montagne II20. L’ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017, prise sur habilitation de la loi Travail21, prévoit les mesures supplétives (en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise) pour favoriser des négociations dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé (tourisme par exemple) et définir les modalités de reconduction du contrat saisonnier tout en prenant en compte l’ancienneté du salarié. Deux articles nouveaux sont insérés dans le Code du travail22. L’article L. 1244-2-1 reprend une solution posée par la Cour de cassation23 en prévoyant que « sont considérés comme successifs, pour l’application de l’article L. 1244-2, lorsqu’ils sont conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils ont été interrompus par des périodes sans activité dans cette entreprise ». C’est ainsi que l’ancienneté du salarié concerné devra être calculée pour l’application de l’article L. 1244-2 du Code du travail lequel prévoit notamment que les durées des contrats saisonniers successifs sont cumulées. L’article L. 1244-2-2 reconnaît quant à lui un droit à la reconduction du contrat saisonnier. L’employeur devra informer « le salarié sous contrat de travail à caractère saisonnier, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, des conditions de reconduction de son contrat avant l’échéance de ce dernier ». Par ailleurs, « tout salarié ayant été embauché sous contrat de travail à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat » à la condition que le salarié ait effectué « deux mêmes saisons dans cette entreprise sur deux années consécutives » et que « l’employeur dispose d’un emploi saisonnier… compatible avec la qualification du salarié ». Un arrêté du ministre chargé du Travail établira la liste des branches professionnelles auxquelles s’appliqueront ces textes en l’absence d’accord. L’application de ces dispositions est subordonnée à la publication de cet arrêté. Si ces conditions sont réunies, l’employeur devra informer « le salarié de son droit à la reconduction de son contrat, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information… sauf motif dûment fondé ». Cet article va donc plus loin que la Cour de cassation qui avait jugé que les stipulations conventionnelles ne caractérisent qu’une simple priorité de réemploi24. Néanmoins, aucune sanction n’est envisagée. Il appartiendra aux partenaires sociaux d’introduire des clauses de reconduction contraignantes.

Les contentieux classiques se rapportant à l’utilisation des contrats saisonniers perdurent malgré ces tentatives d’amélioration, tout comme ceux relatifs aux contrats à durée déterminée d’usage (I). L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail offre de son côté de nouvelles perspectives d’utilisation de contrats de travail dans le secteur touristique (II).

I. Contentieux classiques se rapportant à l’utilisation des contrats de travail traditionnels dans le secteur touristique : contrat à durée déterminée d’usage et des contrats saisonniers

La Cour de cassation rappelle les contrôles auxquels doivent procéder les juges en présence de CDD d’usage successifs (A) et les conséquences d’une requalification de CDD en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) (B).

A. Rappels sur les obligations de contrôle des juges

Obligation pour le juge, saisi d’une demande de requalification de contrats à durée déterminée d’usage successifs en contrat de travail à durée indéterminée, de rechercher si pour l’emploi considéré il est effectivement d’usage de ne pas recourir au CDI (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 15-28579). Un salarié a été engagé par une société exploitant un centre de congrès en qualité de maître d’hôtel à la journée à 18 reprises entre mars 2009 et janvier 2011. La société ayant cessé de lui proposer de nouveaux engagements, il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification des contrats à durée déterminée d’usage successifs à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps complet et de demandes relatives à la rupture de ce contrat de travail. La cour d’appel l’a débouté de sa demande en énonçant que le jugement de première instance doit être infirmé en ce qu’il a retenu que l’employeur ne démontrait pas qu’il serait d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l’emploi de maître d’hôtel. Selon les juges de la cour d’appel, il s’agit d’un emploi de la restauration et l’activité réduite à 18 jours en près de deux ans démontre la nécessité de recourir à des emplois à durée déterminée et non à un emploi permanent. La décision de la cour d’appel est censurée par la Cour de cassation au visa des articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du Code du travail. En effet, contrairement à une jurisprudence constante de la Cour de cassation25, la cour d’appel n’a pas recherché, si, pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée.

Vérification par le juge du caractère par nature temporaire de l’emploi occupé en cas de recours à des contrats à durée déterminée d’usage successifs (Cass. soc., 26 janv. 2017, n° 15-26845 ; Cass. soc., 5 juill. 2017, n° 16-21725 ; Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-17241 ; Cass. soc., 18 janv. 2018, n° 16-11504)26. Des contrats à durée déterminée d’usage successifs peuvent être conclus immédiatement avec le même salarié27. Afin de prévenir les abus, l’accord-cadre de niveau communautaire sur le travail à durée déterminée du 18 mars 199928 impose de vérifier que le recours est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler, dans un arrêt du 5 juillet 2017, que la vérification sur la nature temporaire de l’emploi occupé, imposée par les clauses 1 et 5 de la directive n° 1999/70/CE, n’est imposée qu’en cas de CDD successifs.

Elle a par ailleurs appliqué sa jurisprudence classique sur la vérification par les juges du caractère par nature temporaire de l’emploi occupé en cas de recours à des contrats successifs à partir d’éléments concrets et objectifs29.

Dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt du 26 janvier 2017, une salariée a été engagée par un organisme de formation pendant deux ans et demi par le biais de 15 contrats à durée déterminée d’usage successifs. La Cour de cassation confirme la position des juges de la cour d’appel lesquels ont requalifié les contrats de travail de la salariée en contrat de travail à durée indéterminée en vérifiant concrètement le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé à partir d’éléments concrets et objectifs. Pour ce faire, les juges ont relevé que la salariée avait travaillé de manière « quasi continue… pour occuper toujours le même poste » et que ses fonctions correspondaient à l’activité principale de l’employeur et avaient toujours été les mêmes et n’étaient pas « dispersées géographiquement ». En 2008, la Cour de cassation avait déjà eu une position similaire s’agissant d’un salarié qui avait occupé le même emploi de formateur-professeur d’éducation artistique pendant quatorze années scolaires successives30.

L’importance de la vérification du caractère par nature de l’emploi occupé est également rappelée dans un arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2017. Celle-ci juge que l’absence ou le caractère erroné, dans le CDD d’usage, de la désignation du poste de travail n’entraîne pas la requalification en CDI lorsque l’emploi réellement occupé est par nature temporaire. L’article L. 1242-12 du Code du travail prévoit pourtant que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif (…) Il comporte notamment : (…) 4° La désignation du poste de travail ». Néanmoins, la jurisprudence distingue les mentions informatives, dont le défaut n’entraîne pas la requalification du CDD en CDI31 et celles qui impactent les conditions de recours au CDD dont l’absence ou le caractère erroné entraîne requalification du CDD en CDI32. Dans cette affaire, les contrats mentionnaient un poste de comédien alors que le salarié avait occupé des fonctions d’assistant puis de doublure dans le cadre des spectacles. Les spectacles dépendaient des commandes des clients et ne pouvaient faire l’objet d’une programmation stable. Les juges du fond en avaient déduit la nature temporaire des fonctions. Pour le CDD d’usage, la mention de la désignation du poste de travail n’est donc pas prescrite à peine de requalification en CDI. Cette solution ne devrait pas s’appliquer à tous les CDD. La Cour de cassation avait d’ailleurs jugé que l’omission, dans un contrat saisonnier, de la mention du poste occupé, parce qu’elle empêche de déterminer si l’emploi pourvu est temporaire, doit être sanctionnée par la requalification du contrat en CDI33. Il est cependant possible que cet arrêt constitue un revirement de jurisprudence, les régimes des CDD d’usage et saisonniers étant très proches34.

La Cour de cassation fait preuve d’une souplesse identique dans un arrêt du 18 janvier 2018 où une salariée faisait valoir que les fonctions qu’elle exerçait ne correspondaient pas à celles inscrites dans les CDD d’usage successifs qui la liaient à l’employeur. Le secteur visé est celui de l’information, des activités d’enquête et de sondage35. Les contrats énonçaient comme définition de leur motif « la participation de la salariée à l’exécution de contrats d’enquêteur vacataire ». Or, la tâche de la salariée consistait à affecter une valeur numérique aux réponses pour faciliter la saisie et le traitement des données par les enquêteurs. Pour la salariée, l’emploi correspondant à la tâche de codification qui était la sienne ne pouvait être pourvu par un salarié sous CDD d’usage, car cela ne correspondait pas à la définition de l’accord collectif applicable. Cet accord du 16 décembre 1991, annexé à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, définit l’enquêteur vacataire comme celui « qui réalise des enquêtes par sondage à la vacation » et l’objet du contrat d’enquête comme « l’exécution de tâches consistant en interview, comptage ou autres tâches du même type confiées à un enquêteur vacataire sur un sujet donné dans une population définie et dans une zone géographique fixée lors de chaque mission »36. La personne qui effectue la codification ne recueille pas de l’information mais la traite, c’est pourquoi la salariée faisait valoir que la tâche inscrite dans son contrat de travail ne correspondait pas à la tâche effectuée. Pourtant, la cour d’appel affirme que la prestation de codification se rattache à la fonction d’enquêteur et écarte la requalification. La Cour de cassation se fonde ensuite sur l’appréciation souveraine des juges du fond pour rejeter la requalification du contrat demandée par la salariée. Elle confirme également le caractère temporaire de l’emploi établi par la cour d’appel en reconnaissant « le caractère éminemment fluctuant » de l’activité de l’employeur dans la mesure où « le nombre d’enquêteurs travaillant journellement variait considérablement de mois en mois et même de semaine en semaine ». Sur ce dernier point, la Cour de cassation fait aussi preuve d’une grande souplesse, puisqu’elle jugeait jusqu’à présent que la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au CDD d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence des raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné37. En l’espèce, c’est parce qu’il y a beaucoup d’enquêteurs que l’activité varie et que l’emploi est temporaire sans que les raisons objectives ne soient recherchées.

Cette souplesse de la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité de celle retenue par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 201738 qui modifie l’article L. 1245-1 du Code du travail en prévoyant désormais que la violation de l’obligation de transmission du CDD au salarié dans le délai de deux jours ne donne plus lieu à requalification contrairement à ce qu’avait établi la jurisprudence39, mais à une indemnité plafonnée à un mois de salaire.

B. Rappels sur les conséquences d’une requalification des contrats spéciaux en contrats de travail à durée indéterminée

Requalification de CDD d’usage successifs en contrat à durée indéterminée : paiements de salaires pour les périodes d’inactivité séparant les CDD et de la prime de précarité (Cass. soc., 9 juin 2017, n° 16-17634 ; Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-1724140). Dans un arrêt du 9 juin 2017, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence sur la détermination du rappel de salaire consécutif à la requalification de CDD successifs en CDI. En cas de requalification d’un CDD en CDI, le salarié peut demander le paiement de salaires pour les périodes d’inactivité séparant les CDD, s’il prouve qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes non travaillées41. Si la preuve est apportée, l’employeur est tenu de payer le salaire contractuel et il ne peut pas déduire de la créance les sommes qui ont pu être versées au salarié par l’organisme compétent au titre de l’assurance-chômage42. Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle que, du fait de la requalification en CDI, le salarié est « réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche », de sorte qu’il est en droit d’obtenir la reconstitution de sa carrière ainsi que la régularisation de sa rémunération43. La cour d’appel ne pouvait donc pas exclure la prime d’ancienneté de l’assiette de calcul des rappels de salaire et des indemnités de rupture dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2017.

L’article L. 1243-8 du Code du travail prévoit « lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ». L’article L. 1243-10 prévoit quelques exceptions au versement de cette indemnité notamment « lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l’article L. 1242-2 », c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’un CDD d’usage. Dans un arrêt du 21 septembre 2017, la Cour de cassation juge que les CDD, « objets de la requalification en CDI n’ayant pas été conclus par écrit, ils ne pouvaient être considérés comme des CDD d’usage ». L’employeur ne peut en conséquence pas invoquer la dérogation à l’article L. 1243-10. La Cour de cassation confirme une jurisprudence qui n’avait pas été respectée par la cour d’appel44. Le CDD d’usage doit suivre le régime des autres CDD parce qu’il n’a pas été conclu par écrit. La solution est néanmoins contestable dans la mesure où l’absence d’écrit ne requalifie pas le CDD d’usage en un CDD classique, mais en un CDI si le salarié fait une demande en requalification45.

Requalification de contrats de travail saisonniers successifs en CDI : effets sur le terme du contrat et non sur la rémunération des salariés (Cass. soc., 5 oct. 2017, nos 16-13581 à 16-1358446). Des guides-bateliers, recrutés par contrats saisonniers successifs, ont obtenu devant les juges du fond la requalification de leur contrat en CDI et la condamnation de l’employeur au paiement de rappels de salaire. Leur rémunération était fixée par un accord atypique qui prévoyait une rémunération fixe et un complément de salaire variable en fonction du chiffre d’affaire réalisé au cours de chaque saison. Après dénonciation de cet accord, l’employeur avait mentionné dans les contrats conclus ultérieurement que le salaire serait payé selon un taux horaire fixe. Pour faire droit à la demande des salariés, la cour d’appel avait retenu que « l’accord des salariés à la modification de leurs conditions de rémunération ne peut résulter des contrats de travail à durée déterminée signés…, sans effet puisque signés alors qu’un contrat à durée indéterminée était toujours en cours d’exécution ». Autrement dit, la signature du contrat de travail ne prévoyant plus de complément de salaire n’était pas de nature à caractériser l’accord du salarié à la modification de sa rémunération car ce contrat était postérieur au contrat requalifié et ne pouvait produire un quelconque effet. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel pour ce qui concerne les conséquences de la requalification. Elle confirme sa jurisprudence selon laquelle « la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat »47, et en déduit qu’il appartenait au juge du fond « d’apprécier la valeur et la portée sur la rémunération du salarié des différents contrats conclus par les parties »48. En signant un nouveau CDD, même après que le CDD antérieur ait été requalifié en CDI, le salarié a en conséquence donné son accord à une modification de sa rémunération et à la suppression du complément de salaire. Il importe peu que la rémunération ait été modifiée dans la période soumise à requalification.

La Cour de cassation a récemment confirmé également, conformément à cette jurisprudence selon laquelle la requalification d’un CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat, que la requalification « laisse inchangées les autres stipulations relatives à la durée du travail »49.

II. Nouvelles perspectives d’utilisation de contrats de travail dans le secteur touristique par l’ordonnance du 22 sept. 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail50. L’ordonnance n° 2017-1387 prévoit la possibilité d’aménager des dispositions encadrant le recours au CDD par une convention ou un accord de branche étendu afin de pouvoir s’adapter à la spécificité des secteurs d’activité (A) et ouvre le recours au contrat de chantier à tout secteur professionnel, ce qui devrait inclure le tourisme (B).

A. Révision des conditions d’utilisation du contrat de travail à durée déterminée

La possibilité de négocier les cas de recours aux CDD n’est pas envisagée par l’ordonnance n° 2107-1387, alors que la loi d’habilitation n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 l’avait prévue51. L’ordonnance n’a pas retenu cette possibilité d’adaptation afin de maintenir le caractère d’exception des contrats précaires par rapport au CDI. L’ordonnance n° 2017-1387 n’a pas non plus modifié le principe selon lequel le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est « la façon normale et générale de la relation de travail »52, sauf dérogation dans des cas limitativement définis par la loi53.

En revanche, au nom du besoin de prévisibilité et de sécurité, cette ordonnance révise les conditions d’utilisation de certains contrats spéciaux, dont les contrats de travail à durée déterminée54. L’objectif affiché par les auteurs de la réforme est de permettre aux partenaires sociaux de fixer des règles encadrant ces contrats qui correspondent à la spécificité des secteurs d’activité55, ce qui devrait être le cas du secteur touristique.

Les articles 22 à 29 de l’ordonnance n° 2017-1387 prévoient ainsi la possibilité d’aménager des dispositions encadrant le recours au CDD par une convention ou un accord de branche étendu56. Ces dispositions sont celles relatives à la durée maximale du CDD, à la fixation du nombre maximal de renouvellements possibles de CDD et au calcul du délai de carence entre deux CDD destinés à pourvoir un même poste et les cas dans lesquels un tel délai ne s’applique pas.

Ces règles sont mises en place dans le cadre du bloc 1 de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective57, ce qui signifie que, dans ces domaines, la branche a une compétence prioritaire58. La convention ou l’accord de branche étendu prévaut sur l’accord d’entreprise (qu’il soit conclu avant ou après), sauf si l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes dans ces matières59. Il faudra donc étudier les conventions ou accords de branche étendus et non plus se limiter au Code du travail pour connaître du régime juridique du CDD.

À défaut de dispositions expresses ou si aucune convention ou accord de branche n’est conclu, l’ordonnance prévoit que ce sont les règles du Code du travail qui continuent à s’appliquer pour la durée totale du contrat (renouvellement compris)60, le renouvellement du CDD61 ou encore le calcul du délai de carence et les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable62. Le Code du travail comporte en conséquence des dispositions supplétives applicables à défaut de convention ou d’accord de branche. Ces dispositions du Code du travail ne sont pas modifiées par rapport aux dispositions du Code du travail antérieures à la réforme.

Le Code du travail prévoit que le non-respect des règles relatives à la durée totale et au renouvellement du CDD et du contrat de travail temporaire et au délai de carence entre deux CDD ou contrats de travail temporaire est sanctionné par la requalification du contrat en CDI et par une amende voire une peine d’emprisonnement en cas de récidive. Ces dispositions sont adaptées pour tenir compte des nouvelles conditions dans lesquelles ces règles peuvent être fixées.

L’article L. 1245-1 du Code du travail précise désormais que c’est la méconnaissance des dispositions légales supplétives et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus dans ces domaines en application des nouvelles dispositions du Code du travail qui entraîne la requalification du contrat en CDI. Les dispositions du Code du travail concernant l’amende applicable, à savoir 3 750 €, l’amende et la peine d’emprisonnement en cas de récidive, à savoir 7 500 € d’amende et un emprisonnement de 6 mois sont également modifiées en ce sens63.

Par ailleurs, l’ordonnance n° 2017-1387 précise que l’absence de transmission du contrat au salarié dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche64 n’entraîne pas la requalification en CDI65. Elle ouvre droit pour le salarié à une indemnité maximale d’un mois de salaire66, contrairement à la jurisprudence antérieure qui considérait que la transmission tardive au salarié du CDD équivalait à une absence d’écrit entraînant la requalification du CDD en CDI67. Enfin, l’ordonnance n° 2017-1387 modifie le délai de prescription dont bénéficie le salarié pour contester la rupture du contrat de travail et agir en paiement de l’indemnité spéciale de requalification en CDI prévue à l’article L. 1245-2 du Code du travail68. Il était de 24 mois et passe à 12 mois69.

B. L’ouverture du recours au contrat de chantier à tout secteur professionnel

L’ordonnance n° 2017-1387 introduit dans le Code du travail un régime juridique du contrat à durée indéterminée de chantier ou d’opération70. Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée selon l’alinéa 3 de l’article L. 1223-8 du Code du travail. Les salariés ont les mêmes droits que tous les salariés en CDI, qu’il s’agisse de la période d’essai, de la durée du travail, ou de la rémunération. Néanmoins, ce n’est pas un CDI classique. Sa durée et son terme sont incertains dans la mesure où ils sont liés à la durée de réalisation de l’objet du contrat.

Le Code du travail prévoit désormais les modalités de recours au contrat de chantier afin de sécuriser son utilisation dans les secteurs y ayant déjà recours et de le favoriser dans les autres secteurs. Avant l’ordonnance n° 2017-1387, le contrat de chantier était envisagé uniquement sous l’angle de sa rupture71.

L’article L. 1223-8 du Code du travail issu de l’ordonnance n° 2017-1387 laisse aujourd’hui les parties à la convention ou l’accord de branche étendu libres de définir les raisons les autorisant à recourir au contrat de chantier. Tout secteur professionnel peut maintenant recourir à ce type de contrat, même s’il n’existe pas d’usage habituel dans la profession contrairement à ce qui était possible avant l’ordonnance72. La branche ayant une compétence prioritaire, ces mesures font partie du bloc 1 de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective73.

L’article L. 1223-9 du Code du travail fixe la liste des mentions qui doivent être prévues par la convention ou l’accord de branche, sans que celle-ci ne paraisse limitative. Il s’agit de la taille des entreprises concernées, des activités concernées, des mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat, des contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés, des garanties en termes de formation pour les salariés concernés et des modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut se réaliser ou se termine de manière anticipée.

À défaut de convention ou d’accord de branche étendu, le contrat de chantier peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 201774, tels que le BTP, le cinéma…

Avant l’ordonnance de 2017, l’article L. 1236-8 du Code du travail excluait l’application des dispositions du Code du travail relatives au licenciement économique en cas de licenciement à la fin du chantier, sauf dérogations prévues par convention ou accord collectif de travail. Les dispositions relatives au licenciement pour motif personnel étaient les seules applicables75. L’article 31 de l’ordonnance modifie cet article. Quand le chantier ou l’opération pour lequel le contrat est conclu vient à se réaliser, l’employeur peut licencier le salarié, la fin de chantier ou la réalisation de l’opération étant une cause réelle et sérieuse de licenciement76. Une présomption est donc instituée qui pourra être combattue en apportant la preuve que la rupture est intervenue pour un autre motif que la fin du chantier ou la réalisation de l’objet. La procédure applicable est celle du licenciement pour motif personnel77. L’employeur devra verser l’indemnité de congés payés et celle de licenciement. Le salarié n’a en revanche pas le droit à l’indemnité de précarité puisqu’il ne s’agit pas d’un CDD ni d’un contrat de travail temporaire. Les règles de contestation et les sanctions des irrégularités du licenciement pour motif personnel sont applicables78.

L’ordonnance de 2017 ne prévoit pas de solution si l’opération pour laquelle le contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée. C’est aux parties à l’accord ou à la convention de branche de fixer, lors de la négociation de l’accord de branche, les modalités de rupture de contrat79.

Catherine MINET-LETALLE

III – Activités du tourisme

A – Exercice des activités touristiques

1 – Financement des activités

2 – Libertés de circulation (…)

3 – Intermédiaires de voyages

4 – Transports

5 – Hébergements touristiques

B – Aménagement des espaces à vocation touristique

1 – Tourisme durable

2 – Tourisme et patrimoine (…)

(À suivre)

Notes de bas de pages

  • 1.
    http://media.unwto.org/fr/press-release/2018-01-15/les-resultats-2017-du-tourisme-international-au-plus-haut-des-sept-derniere.
  • 2.
    http://media.unwto.org/fr/press-release/2018-01-15/les-resultats-2017-du-tourisme-international-au-plus-haut-des-sept-derniere.
  • 3.
    https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/tourisme/la-place-du-tourisme-dans-l-economie-francaise/.
  • 4.
    Cass. soc., 24 sept. 2008, nos 06-45747 et 06-45794 : Bull. civ. V, n° 175 ; D. 2008, p. 2423, obs. Perrin L. ; D. 2009, p. 590, obs. Wolmark C. ; Dr. soc. 2009, comm. n° 57, note Savatier J.
  • 5.
    Cass. crim., 27 oct. 2004, n° 04-41008 : Bull. civ. V, n° 267 ; Jurisprudence sociale Lamy nov. 2004, p. 8, note Hautefort M. ; Dr. et patr. janv. 2005, p. 105, obs. Cornesse I.
  • 6.
    Cass. crim., 7 mars 1996, n° 95-82659 : Bull. crim., n° 107.
  • 7.
    Cass. crim., 22 déc. 1987, n° 87-81139 : Bull. crim., n° 484 ; D. 1988, p. 355, obs. Pradel J.
  • 8.
    Cass. crim., 16 févr. 1999, n° 98-81621 : Bull. crim., n° 18 ; D. 1999, IR 79 ; Dr. pénal 1999, comm. n° 63, obs. A. Maron.
  • 9.
    Cass. crim., 29 oct. 1969, n° 69-90777 : Bull. crim., n° 274, pour le meurtre d’un chauffeur de taxi – Cass. crim., 27 oct. 1999, n° 98-85213 : Bull. crim., n° 236, en matière d’abus de biens sociaux et de banqueroute.
  • 10.
    JO, 28 avr. 2017 : Tournaux S., « Chronique d’actualité du régime juridique du contrat de travail », Dr. soc. 2017, p. 843 ; Cah. soc. mai 2017, n° CSB120x5, p. 235.
  • 11.
    La loi Travail a modifié cet article afin d’intégrer la définition jurisprudentielle du travail saisonnier (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail, JO, 9 août 2016). V. Minet-Letalle C., « Mise en exergue des difficultés liées à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur touristique », in « Chronique de droit du tourisme janvier 2016 – février 2017 n° 9 », LPA 13 nov. 2017, n° 128d8, p. 8. Sur la jurisprudence antérieure à la loi travail définissant le contrat saisonnier : Cass. soc., 12 oct. 1999, n° 97-40915 : Dr. soc. 1999, p. 1097, obs. Roy-Loustaunau C. ; V. aussi Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44706. Cette solution a été confirmée à de nombreuses reprises : v. notamment Cass. soc., 19 sept. 2013, n° 12-18001 ; Cass. soc., 6 nov. 2013, n° 12-19877.
  • 12.
    Pour une distinction entre ces deux contrats : Cass. soc., 26 avr. 2017, n° 16-15282. La Cour de cassation précise que « le contrat saisonnier se distingue du contrat à durée déterminée d’usage en ce qu’il porte sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ».
  • 13.
    V. Minet-Letalle C., « Le contrat de travail dans le secteur touristique », in Le contrat de travail à durée déterminée : un contrat spécial ?, oct. 2016, L’Harmattan, p. 157. Par exemple, la Cour de cassation rappelle que le CDD d’usage doit répondre aux règles de forme de droit commun et donc être établi par écrit et contenir la mention du motif légal précis de recours au CDD. V. Cass. soc., 2 mars 2017, n° 16-10038 et Cass. soc., 15 mars 2017, n° 15-14141.
  • 14.
    C. trav., art. L. 1242-7, 4°.
  • 15.
    Il n’y a pas de délai de carence (C. trav., art. L. 1244-4).
  • 16.
    Elle n’est pas due sauf si une convention ou un accord collectif la prévoit (C. trav., art. L. 1243-10, 1°).
  • 17.
    Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, art. 11. La modulation des taux de cotisation d’assurance chômage, choisie par le législateur pour inciter les entreprises à ne pas embaucher en recourant à des CDD de courte durée, se fait de manière différente dans ce secteur.
  • 18.
    Ils peuvent être reconduits pour la saison suivante (C. trav., art. L. 1244-2). Pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise sont cumulées.
  • 19.
    La loi Travail (précitée) renforce également le dialogue social : v. Minet-Letalle C., « Mise en exergue des difficultés liées à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur touristique », in « Chronique de droit du tourisme Janvier 2016 – Février 2017 n° 9 », LPA 13 nov. 2017, n° 128d8, p. 8).
  • 20.
    La loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (JO n° 0302, 29 déc. 2016), dite loi Montagne II, a actualisé et complété la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne : v. Lachaise L., « Loi Montagne –Les saisonniers à l’honneur », Juris tourisme 2017, n° 197, p. 41.
  • 21.
    L. n° 2016-1088, 8 août 2016, art. 86. V. Minet-Letalle C., « Vers une amélioration du statut des travailleurs saisonniers », Juris tourisme 2017, n° 194, p. 34.
  • 22.
    Le projet de loi de ratification devant le parlement doit être déposé dans un délai de 6 mois à compter de la publication de l’ordonnance.
  • 23.
    Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-21115.
  • 24.
    Cass. soc., 8 juill. 2015, n° 14-16330 : Minet-Letalle C., « Portée d’une clause de reconduction des contrats saisonniers », in « Chronique de droit du tourisme Janvier 2015 – Mars 2016 n° 8 », LPA 3 oct. 2016, n° 119w9, p. 14.
  • 25.
    Cass. soc., 28 juin 2005, n° 03-43522.
  • 26.
    JCP S 2017, 1346, spéc. n° 44, Lahalle T. ; Dr. soc. 2017, p. 1077, Mouly J. ; Cah. soc. nov. 2017, n° 121v6, page 528, note Icard J.
  • 27.
    C. trav., art. L. 1244-1, 3°.
  • 28.
    Accord figurant en annexe de la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : JO 1999, L 175, p. 43, clauses 1 à 5.
  • 29.
    Cass. soc., 30 nov. 2010, n° 09-68609 : « Le contrat de travail dans le secteur touristique », in « Chronique de droit du tourisme n° 3 », LPA 24 oct. 2011, p. 6, Minet-Letalle C. – Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 12-14844.
  • 30.
    Cass. soc., 23 janv. 2008, n° 06-44197 : « Renforcement du contrôle du juge en matière de succession du contrat d’usage », in « Chronique de droit du tourisme n° 1 », LPA 27 juill. 2009, p. 10, Minet-Letalle C.
  • 31.
    C’est le cas de la mention de la convention collective. V. Cass. soc., 26 oct. 1999, n° 97-42255.
  • 32.
    Il s’agit par exemple des noms et qualification du salarié remplacé : Cass. soc., 28 sept. 2005, n° 03-44757.
  • 33.
    Cass. soc., 19 avr. 2000, n° 98-45688.
  • 34.
    Minet-Letalle C., « Le contrat de travail dans le secteur touristique », in Le contrat de travail à durée déterminée : un contrat spécial ?, oct. 2016, L’Harmattan, p. 157.
  • 35.
    C. trav., art. D. 1242-1, 8°.
  • 36.
    Art. 43 et 44.
  • 37.
    Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 15-15764 : « Mise en exergue des difficultés liées à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur touristique », in « Chronique de droit du tourisme n° 9 », LPA 13 nov. 2017, n° 128d8, p. 8, Minet-Letalle C.
  • 38.
    Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail : JO n° 0223, 23 sept. 2017.
  • 39.
    Cass. soc., 17 juin 2005, n° 03-42596.
  • 40.
    JCP S 2017, 1346, spéc. n° 44, Lahalle T. ; Dr. soc. 2017, p. 1077, Mouly J. ; Cah. soc. nov. 2017, n° 121v6, p. 528, note Icard J.
  • 41.
    Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 09-43385 : « Conséquences de la requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée », in « Chronique de droit du tourisme n° 4 », LPA 12 nov. 2012, p. 5, Minet-Letalle C.
  • 42.
    Cass. soc., 16 mars 2016, n° 15-11396. V. également Cass. soc., 9 juin 2017, n° 16-17634 et Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20460.
  • 43.
    Cass. soc., 6 nov. 2013, n° 12-19953.
  • 44.
    Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 09-43385, préc.
  • 45.
    En ce sens, Cah. soc. nov. 2017, n° 121v6, p. 528, note Icard J.
  • 46.
    Mouly J., « La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat », Dr. soc. 2017, p. 1089 ; Cah. soc. nov. 2017, n° 121v6, p. 528, note Icard J.
  • 47.
    Cass. soc., 9 oct. 2013, n° 12-17882.
  • 48.
    Dans le même sens : Cass. soc., 27 avr. 2017, n° 15-15940 : « La requalification du contrat à durée déterminée (…) ne rendait pas pour autant nulle la clause du contrat (…) fixant une nouvelle rémunération, en sorte que cet accord postérieur devait s’appliquer sauf démonstration par le salarié d’un vice du consentement ».
  • 49.
    Cass. soc., 7 sept. 2017, n° 16-16643.
  • 50.
    JO n° 0223, 23 sept. 2017
  • 51.
    L. n° 2017-1340, 15 sept. 2017, art. 3, 3°, b.
  • 52.
    C. trav., art. L. 1221-2, al. 1.
  • 53.
    Le contrat de travail peut comporter « un terme fixé avec précision dès sa conclusion ou résultant de la réalisation de l’objet pour lequel il est conclu dans les cas et dans les conditions mentionnées au titre IV relatif aux contrats de travail à durée déterminée (CDD) » (C. trav., art. L. 1221-2, al. 2).
  • 54.
    C’est aussi le cas du recours au travail temporaire, au prêt de main-d’œuvre ou encore du télétravail.
  • 55.
    Les adaptations prévues par l’ordonnance ne sont possibles que pour les CDD postérieurement à la publication du texte au journal officiel, c’est-à-dire le 24 septembre 2017 à condition qu’un accord soit signé et étendu dans la branche (Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 40).
  • 56.
    C. trav., art. L. 2253-1.
  • 57.
    JO n° 0223, 23 sept. 2017.
  • 58.
    C. trav., art. L. 2253-1. Le deuxième bloc recense les matières dans lesquelles la convention ou l’accord de branche est impératif s’il le prévoit expressément au moyen d’une clause de verrouillage ou d’impérativité. Le troisième bloc est constitué des matières dans lesquelles l’accord d’entreprise prévaut.
  • 59.
    C. trav., art. L. 2253-1.
  • 60.
    C. trav., art. L. 1242-8-1.
  • 61.
    C. trav., art. L. 1243-13-1.
  • 62.
    C. trav., art. L. 1244-3-1.
  • 63.
    C. trav., art. L. 1248-5 ; C. trav., art. L. 1248-10 et C. trav., art. L. 1248-11.
  • 64.
    L’article L. 1242-13 prévoit qu’il doit être transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant son embauche ou sa mise à disposition.
  • 65.
    Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2018, art. 4.
  • 66.
    C. trav., art. L. 1245-1, al. 2. Comme avant l’ordonnance, la non transmission au salarié du CDD au plus tard deux jours ouvrables suivant l’embauche ou la mise à disposition est punie d’une amende de 3 750 € et la récidive est punie d’une peine de 7 500 € d’amende et d’un emprisonnement de 6 mois (C. trav., art. L. 1248-7).
  • 67.
    Cass. soc., 17 juin 2005, n° 03-42596.
  • 68.
    Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2018, art. 6.
  • 69.
    C. trav., art. L. 1471-1. Ce nouveau délai s’applique aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de l’ordonnance.
  • 70.
    Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2018, art. 30.
  • 71.
    C. trav., art. L. 1236-8. V. Dechristé C., « Le contrat de chantier ou d’opération : le grand retour ? », RDT 2017, p. 633.
  • 72.
    L’article 40, VIII de l’ordonnance n° 2017-1387 prévoit que ces nouvelles dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus après la publication de l’ordonnance, soit à compter du 24 septembre 2017. Il faut aussi attendre qu’une convention ou un accord de branche ait été signé et étendu pour pouvoir recourir au CDI de chantier ou d’opération.
  • 73.
    JO n° 0223, 23 sept. 2017.
  • 74.
    Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2018, art. 30. C. trav., art. L. 1223-8, al. 2.
  • 75.
    C. trav., art. L. 1236-8, al. 2.
  • 76.
    C. trav., art. L. 1236-8.
  • 77.
    C. trav., art. L. 1236-8, al. 2. V. C. trav., art. L. 1232-2 à C. trav., art. L. 1232-6.
  • 78.
    C. trav., art. L. 1236-8, al. 2.
  • 79.
    C. trav., art. L. 1233-9, 6°.
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