Chronique de droit du tourisme n° 11 (janvier 2018 – février 2019) (Suite et fin)
Le secteur touristique est un secteur essentiel à l’économie française et devrait le rester. Le Conseil mondial du voyage et du tourisme (World Travel & Tourism Council) le confirme dans une étude publiée en mars 2018 consacrée à l’impact économique de l’activité touristique en France qui traite notamment de l’impact sur la croissance et l’emploi à l’horizon d’une dizaine d’années.
Cette perspective est confirmée par la hausse de la fréquentation touristique étrangère qui devrait avoisiner 90 millions de visiteurs internationaux en 2018. Les événements qui auraient pu freiner cette fréquentation ont pourtant encore été nombreux : trois attentats, grèves à la SNCF, mouvement des « gilets jaunes », etc.
Cette chronique annuelle du Laboratoire de recherche juridique met de nouveau en exergue la variété des contentieux qui découle de cette activité et nécessite l’intervention de nombreux droits.
I – Les acteurs du tourisme
A – Acteurs publics
B – Acteurs privés
1 – Organisations professionnelles (…)
2 – Réglementation des professions
II – Activités du tourisme
A – Exercice des activités touristiques
1 – Financement des activités (…)
2 – Libertés de circulation (…)
3 – Intermédiaires de voyages (…)
4 – Transports
5 – Hébergements touristiques
Un homicide involontaire dans un camp de vacances
Cass. crim., 26 juin 2018, n° 17-81950. En l’espèce, un mineur âgé de 17 ans est décédé lors d’un voyage d’études en Corse, électrocuté après avoir touché un lampadaire extérieur d’un village de vacances. À la suite de cet accident, les gérants des sociétés propriétaires ainsi qu’un électricien à la retraite qui avait effectué des travaux d’électricité dans le village de vacances considéré ont été poursuivis pour homicide non-intentionnel. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Bastia le 22 février 2017 confirmant les condamnations prononcées en première instance a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Un des cogérants poursuivis contestait sa condamnation du chef d’homicide involontaire, alors que les juges d’appel avaient relevé, notamment, que l’électrocution avait été rendue possible par une défectuosité majeure et flagrante de l’installation électrique, elle-même due à des défaillances majeures dans la prise en compte du risque électrique, mises en évidence par les constatations des enquêteurs et l’expertise électrique, ceci alors qu’il n’avait été ni sollicité ni obtenu d’attestation de conformité de l’installation électrique du village vacances construit en zone inondable, au bord de mer, qu’il n’y avait pas de plan général du réseau, que l’installation n’avait fait l’objet d’aucune rénovation globale, d’aucun contrôle périodique complet par du personnel qualifié, le choix ayant été fait au mépris de la sécurité la plus élémentaire de faire procéder à des travaux de bricolage électrique peu coûteux, par le personnel d’entretien non qualifié du domaine, et un ami électricien en retraite plus ou moins bénévole. Les juges d’ajouter que même dans la circonstance où le disjoncteur différentiel installé par l’électricien à la retraite avait été branché de manière erronée, le rendant inopérant, le disjoncteur EDF aurait dû se déclencher, ce qui n’a pas été le cas en raison de son état, et de relever l’opportune disparition des feuillets du carnet de doléances relatifs à la période antérieure au drame qui est encore en faveur d’une connaissance effective et réelle de l’origine du problème et de l’indifférence du prévenu pour le résoudre. La cour d’appel de conclure que le prévenu qui n’a pas fait appel, l’année de l’accident, à des électriciens pour procéder au changement des têtes de lampadaires du village vacances, confiant ce travail à des salariés n’ayant aucune compétence en matière d’électricité, n’a pas pris conseil auprès de personnes qualifiées avant de procéder à cette rénovation, n’a pris aucune mesure immédiate alors qu’il était informé des dysfonctionnements électriques récurrents, n’a pas fait procéder à un entretien et à un contrôle de l’installation d’éclairage, et a fait appel à un électricien à la retraite et aux interventions non facturées, ce qui est la marque de l’existence d’une faute caractérisée en relation de causalité directe et certaine avec l’électrocution à l’origine de la mort de la victime.
Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la chambre criminelle, qui a approuvé les juges d’appel d’avoir considéré que le prévenu, gérant du camp de vacances, qui avait contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’avait pas pris les mesures permettant de l’éviter, avait commis, au sens de l’article 121-3 du Code pénal, une faute caractérisée, qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer.
Cet arrêt permet de rappeler qu’en toutes matières, la responsabilité pénale des personnes physiques du chef d’une infraction d’imprudence contre les personnes n’est pas d’une portée générale, mais voit son domaine dépendre de la nature du lien causal entre la faute et le dommage. Si, en effet, et conformément aux textes issus de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, n’importe quelle faute d’imprudence, quelles que soient sa nature et sa gravité, permet l’engagement de la responsabilité pour homicide et violences non-intentionnels en présence d’un lien causal direct, il n’en va pas de même, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, lorsque le lien de causalité est distendu. En pareille hypothèse, la consommation de l’infraction et l’engagement de la responsabilité pénale de la personne physique auteure de l’acte imprudent sont subordonnées à l’existence d’une faute qualifiée, en l’occurrence soit une faute de mise en danger délibérée, soit une faute caractérisée.
S’agissant, en premier lieu, du lien de causalité, il ne peut être nié que les agissements reprochés au prévenu ne sont pas la cause directe du dommage. Le décès de la victime a en effet été directement causé par l’électrocution, qui en est à la fois la cause première et déterminante. De la sorte, devait être examinée la possibilité de caractériser une causalité indirecte au sens de l’article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, ce qu’ont fait tant la cour d’appel que la chambre criminelle. Par ses choix de gestion hasardeux, ainsi que par sa décision de confier l’entretien et les réparations de l’ouvrage à l’origine du dommage à des personnes autres que des professionnels qualifiés, le cogérant mis en cause avait bien créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ce qui correspond à la première hypothèse de causalité indirecte visée par l’article 121-3, alinéa 4, du Code pénal. En ne prenant pas les mesures de sécurisation du lampadaire, en n’en interdisant pas l’accès et en ne faisant pas procéder aux réparations nécessaires, l’agent n’avait pas pris les mesures permettant d’éviter le dommage, ce qui correspond à la seconde hypothèse de causalité indirecte visée par le même article 121-3, alinéa 4, du Code pénal. De la sorte, il est tout à fait compréhensible que la chambre criminelle ait approuvé la cour d’appel d’avoir visé ces deux hypothèses.
La causalité étant indirecte, il en résulte, en second lieu, la nécessité d’établir une faute qualifiée pour la constitution du délit d’homicide involontaire. En l’absence d’obligation particulière de prudence ou de sécurité d’origine légale ou réglementaire relevée, les juges du fond, ne pouvant retenir la faute délibérée, se sont naturellement rabattus sur la faute caractérisée, approuvés en cela par la chambre criminelle. Les éléments relevés pour l’établissement de cette faute sont intéressants. Si, en effet, cette faute non-intentionnelle se distingue des autres, normalement et au vu de l’article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, par sa particulière gravité, force est de constater que ce n’est pas principalement à travers ce critère d’une faute unique et lourde que l’existence de la faute caractérisée semble avoir été établie. La chambre criminelle a en effet approuvé les juges d’appel d’avoir retenu cette faute à partir d’une pluralité de manquements imputables à la personne mise en cause. De la sorte, une pluralité de fautes, y compris de fautes simples, n’équivaut pas à une pluralité de fautes, mais à une grosse faute. Ce n’est pas la première fois que la chambre criminelle procède de la sorte pour permettre la mise en œuvre de la responsabilité pénale de l’auteur d’un acte imprudent1. Notamment, à propos d’un décès provoqué par une installation électrique non conforme, et dans un sens proche de l’arrêt commenté, la chambre criminelle avait considéré, dans un arrêt rendu le 7 septembre 2010, qu’est coupable d’homicide involontaire la personne qui a donné en location une chambre de service dont l’installation électrique n’était pas conforme à la réglementation en vigueur, n’avait jamais été vérifiée depuis qu’elle en était propriétaire, et dont l’unique fusible avait été modifié par remplacement du fil de plomb par un fil de cuivre, ceci alors que ce mauvais état de l’installation a joué un rôle déterminant dans l’incendie du téléviseur qui s’est propagé à la pièce, et a créé les conditions d’apparition de la boule de feu ayant causé la mort des cinq sapeurs-pompiers lors de l’ouverture de la porte de la chambre, le prévenu, qui n’avait pris aucune des mesures nécessaires pour la mise aux normes et la vérification de la sécurité de l’installation électrique dans la chambre qu’il louait, ayant contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’ayant pas pris les mesures permettant de l’éviter, et ayant commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, au sens de l’article 121-3, alinéa 4, du Code pénal2. À ceci près que, s’agissant des faits ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juin 2018, certains agissements du prévenu apparaissent d’une gravité telle qu’ils peuvent, pris isolément, chacun être qualifiés de faute caractérisée, ne serait-ce parce que l’agent, qui avait la qualité de professionnel, avait connaissance des risques et les a pris volontairement, uniquement à des fins mercantiles.
À noter, enfin, que même en l’absence de faute caractérisée, et malgré le lien de causalité indirect, la société propriétaire de l’établissement au sein duquel l’accident s’est produit peut voir sa responsabilité pénale engagée pour homicide involontaire. Les restrictions issues de la loi du 10 juillet 2000 ne sont en effet applicables qu’aux personnes physiques, ce dont il résulte qu’une personne morale peut être condamnée pour un délit non-intentionnel en présence d’une faute simple commise pour son compte par ses organes ou représentants et d’une causalité distendue, ceci alors qu’en pareille hypothèse, aucune condamnation de la personne physique n’est concevable.
Rodolphe MÉSA
6 – Responsabilités et assurances
La preuve du droit à réparation de la victime d’un retard de vol à l’arrivée de plus de 3 heures
Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 16-23205. Depuis son entrée en vigueur3, le règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CE) n° 295/914, draine un contentieux important. Si ce contentieux a un temps semblé se limiter aux conditions de mise en œuvre de la protection offerte aux passagers victimes, il se révèle aujourd’hui bien plus divers. Les juridictions de l’Union européenne comme nationales doivent en effet répondre aux nouvelles questions probatoires comme procédurales que pose l’application de ce texte.
À ce titre, l’arrêt rendu le 14 février 20185 par la première chambre civile de la Cour de cassation fournit une illustration topique de l’émergence du contentieux probatoire suscité par l’application du règlement (CE) n° 261/2004, devant les juridictions nationales. L’affaire concerne un voyage aller-retour Paris-Miami. Le vol de retour ayant subi un retard à l’arrivée supérieur à 5 heures, les passagers victimes ont fait valoir leur droit à indemnisation6 résultant de l’article 7 du règlement (CE) n° 261/20047. Devant la juridiction de proximité d’Aulnay-sous-Bois8, l’action échoue pour des raisons probatoires. Les juges du fond retiennent en effet que les passagers victimes n’avaient pas rapporté la preuve de leur présence à bord du vol litigieux.
L’affaire est portée devant la Cour de cassation. Au soutien de leur pourvoi, les passagers victimes développent deux arguments d’ordre probatoire consistant à déplacer la charge de la preuve de leur embarquement à bord du vol litigieux. Les demandeurs soutiennent en effet que s’ils devaient établir la réservation des places sur le vol litigieux, il revenait à la compagnie aérienne de rapporter la preuve de leur absence à bord de ce vol. En outre, ils soutiennent que la preuve de l’embarquement et de la présence du passager à bord ne peut résulter que de l’enregistrement électronique de la carte d’embarquement ou du billet électronique du passager par le personnel de la compagnie aérienne aux portes de l’avion. Or le transporteur est le seul à détenir le listing informatique résultant de cet enregistrement.
Plus largement, le pourvoi soulève la question de la charge de la preuve de la présence du passager à bord du vol ayant subi un retard de plus de 3 heures à l’arrivée, ce dernier étant bénéficiaire du droit à indemnisation prévu à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004.
La réponse à cette question est apportée par l’arrêt rendu le 14 février 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation. Dans cet arrêt, la première chambre civile rejette le pourvoi en se fondant sur l’article 3, § 2, sous a) du règlement (CE) n° 261/2004 ainsi que sur l’ancien article 1315 du Code civil9. L’article 3 du règlement (CE) n° 261/2004 définit en effet le champ d’application de ce texte. Il prévoit à ce titre que le règlement s’applique « à condition que les passagers : a) disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d’annulation visée à l’article 5, à l’enregistrement (…) ». En d’autres termes, le droit à indemnisation reconnu au passager victime d’un retard de vol supérieur à 3 heures10 suppose que ce dernier dispose d’une réservation confirmée sur le vol litigieux et qu’il se soit présenté à l’enregistrement. Cela étant posé, il reste la question de la charge de la preuve. Sur ce point, le règlement (CE) n° 261/2004 ne prévoit rien. La difficulté est donc réglée par application des règles du droit interne – et en l’occurrence, l’ancien article 1315 du Code civil. Il revient donc à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et, réciproquement à celui qui se prétend libéré de justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Or la première chambre civile de la Cour de cassation retient que les juges du fond ont, dans l’affaire en cause, caractérisé l’absence de preuve de l’obligation d’indemnisation dont les passagers réclamaient l’exécution dans la mesure où les éléments versés aux débats ne « démontraient pas que ceux-ci s’étaient présentés à l’enregistrement ». Il revient donc aux passagers d’établir leur présence à l’enregistrement, étant précisé que la production d’une réservation électronique comme celle de l’attestation de retard non nominative, signée par la compagnie aérienne, sont insuffisantes.
Cette affaire est l’occasion pour les juridictions de rappeler que le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 doit bénéficier aux seuls passagers réellement victimes du retard de vol, à l’exclusion de ceux qui, munis d’une réservation, n’ont pas embarqué. Néanmoins, comme l’ont souligné de nombreux auteurs, la solution retenue suscite quelques réserves. Elle se révèle en effet particulièrement rigoureuse pour les passagers victimes. Elle leur impose d’anticiper le risque d’une demande d’indemnisation en prenant soin de conserver leur carte d’embarquement ou à défaut, de se préconstituer la preuve de leur présence à bord de l’avion notamment en cas d’enregistrement à distance. Cette solution apparaît d’autant plus rigoureuse que les compagnies aériennes peuvent, quant à elles, facilement établir la présence ou non d’un passager à bord d’un vol dans la mesure où elles disposent de ces données.
Si ces réserves n’ont pas convaincu la Cour de cassation11, il n’en va pas de même des juridictions du fond. Des décisions récentes manifestent en effet le souhait des juges du fond de rééquilibrer la charge de la preuve. Dans un jugement rendu le 7 décembre 201812, le tribunal de grande instance de Paris retient ainsi que le passager victime d’un retard de vol peut, dans certaines circonstances, bénéficier d’une présomption de présentation à l’embarquement. Le 3 décembre 2018, le tribunal de grande instance d’Aulnay-sous-Bois a quant à lui posé deux questions préjudicielles relatives à l’objet de la preuve et aux modes de preuve admis en matière d’indemnisation du retard de vol13. La CJUE a en effet été saisie des deux questions suivantes :
« – L’article 3, § 2, sous a), du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2014 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 (ci-après le « règlement n° 261/ 2004 »), doit-il s’interpréter en ce sens que, pour se prévaloir des dispositions du règlement, les passagers doivent prouver leur présence à l’enregistrement ?
– Dans l’affirmative, l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 261/2004 s’oppose-t-il à un système de présomption simple selon lequel la condition de présence du passager à l’enregistrement serait considérée comme établie, dès lors que ce dernier disposerait d’une réservation acceptée et enregistrée par le transporteur aérien effectif, au sens de l’article 2 sous g) ? ».
Valérie DURAND
La détermination de la prescription extinctive applicable à l’action en paiement de l’indemnité prévue à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004
Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-15378. L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt rendu le 14 mars 201814 par la première chambre civile de la Cour de cassation concernait une annulation de vol survenue le 12 janvier 201415. Afin d’obtenir réparation, la passagère a saisi la juridiction de proximité d’Aulnay-sous-Bois le 4 mars 2016, soit plus de 2 ans après l’annulation du vol et la date prévue de son arrivée. La compagnie aérienne a alors opposé la prescription de l’action en réparation. Devant la juridiction de proximité, la compagnie aérienne a obtenu gain de cause. Pour déclarer l’action prescrite, les juges du fond ont exclu l’application du délai de prescription de droit commun pour retenir celle du délai spécial prévu à l’article L. 6422-5 du Code des transports16. Ce faisant, les juges du fond ont « réduit » de manière significative le délai pour intenter l’action permettant au passager victime d’obtenir l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004. Celui-ci ne dispose plus de 5 ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »17, mais d’un délai de 2 ans « à compter de l’arrivée à destination du jour où l’aéronef aurait dû arriver ou de l’arrêt du transport »18. Pour justifier le choix de ce délai, les juges du fond ont retenu que l’article L. 6422-5 du Code des transports est un délai dérogatoire au droit commun. En d’autres termes, il doit primer la disposition de droit commun, à tout le moins pour ce qui relève de son champ d’application. Or, selon les juges du fond, cet article « pose une règle spécifique au transport aérien » justifiant qu’il s’applique « aussi bien en cas de retard que d’annulation de vol, que ce retard ou cette annulation entre ou non dans le champ d’application du règlement ».
Saisie de l’affaire, la première chambre civile de la Cour de cassation censure le jugement au visa de l’article 2224 du Code civil, ensemble les articles 5 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004. Il est à noter que la Cour de cassation se réfère également à l’arrêt rendu par la CJUE le 22 novembre 201219. Et pour cause, cet arrêt apporte deux précisions importantes concernant la détermination du délai pour agir applicable au droit à indemnisation. De manière positive, cet arrêt indique que le délai applicable aux actions tendant à obtenir le versement de l’indemnité prévue aux articles 5 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 est déterminé par application du droit interne. De manière négative, il exclut l’application du délai biennal prévu par la convention de Montréal20 aux « actions introduites, en particulier, au titre des articles 5 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 qui envisagent une mesure d’indemnisation se situant hors champ d’application de cette convention ».
La première chambre civile de la Cour de cassation en conclut que l’action permettant au passager victime d’obtenir l’indemnité prévue à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 est soumise au délai de prescription de droit commun – soit le délai de 5 ans – lequel est incontestablement plus favorable aux passagers victimes que celui retenu par les juges du fond. En l’occurrence, ce choix permet de sauver l’action exercée par la passagère victime de l’annulation de vol.
Sur le fond, la solution n’est pas surprenante. La Cour de cassation ne fait que reprendre la solution déjà formulée dans un arrêt rendu le 17 mai 201721.
Il est également intéressant de noter que, de la même manière que dans l’arrêt rendu le 17 mai 201722, la Cour de cassation prend soin d’indiquer la nature de l’action en cause. Il s’agit, pour reprendre les termes de l’arrêt, d’une « action en paiement de l’indemnité forfaitaire ». L’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 détermine en effet par avance le montant forfaitaire de l’indemnité due au passager et l’on peut considérer que son paiement est réalisé dans le cadre de l’action engagée par le voyageur.
Mais la portée attachée à la qualification retenue par la Cour de cassation est tout autre lorsque cette qualification est mise en regard des dispositions du Code des transports. Il est en effet permis de douter de l’application de l’article L. 6422-5 du Code des transports à l’action exercée par un passager en vue d’obtenir l’indemnisation prévue par le règlement (CE) n° 261/200423. Ce texte est inséré dans un chapitre II consacré au contrat de transport aérien de marchandises, ce qui paraît éloigné du type de contrat de transport en cause en matière de droit à indemnisation. Le choix de cet article est d’autant plus contestable que le Code des transports contient également des dispositions relatives au contrat de transport aérien de personnes et de bagages, dont deux – les articles L. 6421-3 et L. 6421-4 du Code des transports – concernent directement la responsabilité du transporteur aérien. La censure du jugement aurait donc pu être prononcée en raison de l’inapplicabilité de l’article L. 6422-5 du Code des transports au contrat de transport en cause. Partant, en retenant la qualification d’action en paiement d’une indemnité forfaitaire, la première chambre civile de la Cour de cassation exclut non seulement l’application de l’article L. 6422-5 du Code des transports, mais encore de tous les textes retenant des délais spéciaux en matière d’action en responsabilité. Sont donc également concernés les articles L. 6421-3 et L. 6421-4 du Code des transports. La raison de ce choix est probablement à rechercher du côté des délais retenus aux articles L. 6421-3 et L. 6421-4 du Code des transports. Ces dispositions soumettent en effet l’action en responsabilité exercée contre le transporteur aérien selon les cas au délai prévu dans la convention de Montréal24 ou à celui prévu dans la convention de Varsovie25. Par conséquent, en qualifiant l’action d’action en paiement, la Cour de cassation évite tant l’application d’un court délai que le retour aux textes internationaux par le truchement des dispositions de droit interne dont l’application a été expressément exclue par la CJUE.
Le choix d’un retour aux dispositions du droit interne en matière de délai pour agir en paiement suscite néanmoins deux réserves. Tout d’abord, le retour aux dispositions du droit interne est de nature à permettre un traitement différencié des victimes d’annulation de vol dans la mesure où chaque législation nationale dispose de son propre système de délais pour agir26. Ensuite, comme cela a été souligné27, ce choix est facteur de complication pour le passager victime. En effet, l’application du délai quinquennal de prescription n’est retenue que pour l’action en paiement de l’indemnité prévue à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004. En d’autres termes, échappent à ce délai de prescription les autres actions exercées par le passager victime. L’on pense par exemple aux actions en indemnisation exercées sur le fondement de la convention de Montréal28.
Valérie DURAND
La détermination de la juridiction compétente pour connaître de l’action en paiement de l’indemnisation due au passager victime en cas de retard ou d’annulation de vol dans le cadre d’un trajet avec correspondance
CJUE, 7 mars 2018, n° C-274/16, Flightright GmbH c/ Air Nostrum, Linéas Aéreas del Mediterraneo SA; CJUE, 7 mars 2018, n° C-447/16, R. Becker c/ Hainan Airlaines Co. Ltd et CJUE, 7 mars 2018, n° C-448/16, M., A., Z, N., Barkan et S. Asbai c/ Air Nostrum, Linéas Aéreas del Mediterraneo SA. L’actualité jurisprudentielle relative à l’application du règlement (CE) n° 261/2004 a été marquée par les arrêts rendus par la CJUE au sujet de la détermination de la juridiction compétente pour connaître du recours exercé contre un transporteur aérien en cas de retard de vol survenu pendant un trajet avec escale. La CJUE a en effet eu à connaître de trois questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 5, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et l’article 7, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale29.
La première question concerne l’application de l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement (CE) n° 44/200130 à un transporteur aérien domicilié dans un État tiers. Cette question est posée à l’occasion d’une affaire31 concernant un trajet avec escale reliant Berlin à Pékin via Bruxelles. Ce trajet comprenait deux vols successifs. Or lors du second vol – vol reliant Bruxelles à Pékin –, le passager est refusé à l’embarquement. Le passager victime fait donc valoir le droit à indemnisation prévu à l’article 7, § 1, sous c) du règlement (CE) n° 261/2004. Il assigne la compagnie aérienne chinoise – compagnie avec laquelle il avait conclu le contrat de transport aérien – devant une juridiction allemande. À l’occasion de ce litige, la question de la juridiction territorialement compétente pour connaître de l’action exercée par le passager victime est soulevée, étant précisé que la compagnie aérienne assignée est domiciliée dans un État tiers.
Cette particularité conduit la CJUE à se prononcer sur l’applicabilité de l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement (CE) n° 44/2001. À ce titre, elle retient que cet article doit être interprété en ce sens qu’il « ne s’applique pas à un défendeur domicilié dans un État tiers tel que le défendeur au principal »32. La juridiction territorialement compétente doit être déterminée, conformément aux dispositions de l’article 4, § 1, du règlement (CE) n° 44/2001, la Cour indiquant toutefois que « conformément au principe d’effectivité, les règles de droit national ne peuvent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (…), tels que ceux découlant du règlement n° 261/2004 »33. La compétence doit donc être déterminée dans chaque État membre par la loi de cet État membre34.
La seconde question porte sur la notion de « matière contractuelle » telle qu’elle résulte de l’article 5, point 1, sous a) du règlement (CE) n° 44/2001. La question est posée à l’occasion d’une affaire35 concernant un trajet intracommunautaire avec correspondance comportant deux vols successifs. La particularité de cette affaire réside dans le fait que le premier vol a été assuré par un transporteur aérien n’ayant pas conclu le contrat de transport avec le passager. L’incident donnant lieu à l’action fondée sur les dispositions du règlement (CE) n° 261/2004 ayant eu lieu à l’occasion du premier vol, le passager assigne le transporteur aérien effectif ayant assuré ce vol devant une juridiction du lieu d’arrivée du vol avec correspondance (une juridiction allemande en l’occurrence). Est alors soulevée la question de savoir si l’action exercée par un passager victime contre le transporteur aérien effectif tiers au contrat de transport relève de la « matière contractuelle » au sens des dispositions précitées.
Dans la décision rendue le 7 mars 2018, la CJUE a répondu par l’affirmative. Elle retient en effet que la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001, doit être interprétée en ce sens qu’elle « couvre l’action des passagers aériens en indemnisation pour le retard important d’un vol avec correspondance, dirigée sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 contre un transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant du passager concerné »36. Pour ce faire, la CJUE rappelle tout d’abord que cette notion « doit être interprétée de manière autonome en vue d’assurer l’application uniforme de celle-ci dans tous les États membres »37. Elle retient ensuite que l’application de la règle spéciale prévue en matière de compétence n’exige pas la conclusion d’un contrat entre deux personnes. En revanche, l’application de cette règle « présuppose, (…), l’existence d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur »38. La CJUE en déduit que la règle de compétence spéciale en cause « repose sur la cause de l’action et non pas sur l’identité des parties »39. Or, en l’espèce, un contrat de transport aérien a bien été conclu et il constitue, en quelque sorte, la cause de l’action du passager victime. Tout au plus ce contrat n’a-t-il pas été conclu avec le transporteur ayant réalisé le vol donnant lieu à l’action. Cela conduit la CJUE à identifier le statut juridique du transporteur aérien effectif. À ce titre, elle se fonde sur l’article 3, § 5, du règlement (CE) n° 261/2004, lequel article retient que le transporteur aérien effectif, s’il n’a pas conclu le contrat avec le voyageur, est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné40. Par conséquent, le transporteur aérien effectif « doit être considéré comme remplissant des obligations librement consenties à l’égard du cocontractant des passagers »41 et l’action engagée contre lui sur le fondement des dispositions du règlement (CE) doit être considérée comme étant introduite en matière de contrat de transport aérien conclu entre le passager et le transporteur contractuel. La juridiction territorialement compétente peut donc être déterminée en application des dispositions de l’article 5 du règlement (CE) n° 44/2001.
La troisième question concerne la notion de « lieu d’exécution » au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement n° 44/2001 et l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) n° 1215/2012. À l’occasion des affaires nos C-274/16 et C-448/16, la CJUE est en effet interrogée sur le point de savoir si les dispositions susmentionnées doivent être interprétées « en ce sens que, dans le cas d’un vol avec correspondance, constitue le “lieu d’exécution” de ce vol, (…) le lieu d’arrivée du second vol, lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation pour le retard important de ce vol avec correspondance en vertu du règlement (CE) n° 261/2004 est fondé sur un incident ayant eu lieu sur le premier desdits vols, effectué par le transporteur aérien qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés ». Dans l’affirmative, l’action exercée contre le transporteur aérien effectif peut être portée devant la juridiction du lieu de destination du vol avec correspondance.
La CJUE se prononce en ce sens. Selon la Cour, en cas de vol avec correspondance, le lieu d’arrivée du second vol constitue le « lieu d’exécution » au sens des dispositions invoquées lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation pour le retard important de vol est fondé sur un incident survenu sur le premier vol effectué par le transporteur aérien non contractant.
Pour ce faire, la Cour rappelle notamment la solution retenue dans l’hypothèse d’un vol direct réalisé par le transporteur aérien ayant conclu le contrat de transport avec le voyageur. Dans cette hypothèse, la juridiction compétente pour connaître de l’action en indemnisation fondée sur le règlement (CE) n° 261/2004 est au choix du demandeur « le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, tels que ces lieux sont convenus dans ledit contrat »42. La Cour retient ensuite que cette solution peut s’étendre aux vols par correspondance comportant deux vols dont l’un est assuré par un transporteur aérien effectif tiers au contrat de transport conclu par les passagers concernés43. Pour ce faire, elle se réfère au contenu du contrat de transport aérien en rappelant que les contrats en cause étaient « caractérisés par une réservation unique pour la totalité du trajet »44. Elle note à cet égard qu’un tel contrat comporte pour le transporteur aérien l’obligation de transporter un passager d’un point A à un point C, ce qui constitue « un service dont l’un des lieux de fourniture principale se trouve au point C »45. Le fait que le premier vol soit assuré par un transporteur effectif tiers au contrat de transport est sans incidence sur l’obligation du transporteur46. Par conséquent, le lieu d’arrivée du second vol constitue pour la CJUE « l’un des lieux de fourniture principale des services faisant l’objet d’un contrat de transport aérien ».
En présence d’un vol avec correspondance, le transporteur aérien effectif tiers au contrat de transport aérien peut donc être assigné devant la juridiction du lieu d’arrivée. En pratique, ces solutions inciteront probablement les transporteurs aériens effectifs47, tiers au contrat de transport et assurant un vol antérieur à celui qui parvient à la destination finale du trajet, à se tenir informés de la nature du trajet exécuté – trajet avec escale – et de sa destination finale afin d’identifier par avance les juridictions territorialement compétentes pour connaître d’un litige relatif à leur prestation de transport.
Valérie DURAND
La complémentarité des dispositions du règlement (CE) n° 261/2004 et de la convention de Montréal du 28 mai 1999 en matière d’indemnisation du passager victime d’un retard de vol
Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 16-20354. Plusieurs instruments distincts protègent les passagers victimes de défaillance des transporteurs aériens dans l’exécution de leur prestation de transport en instaurant des régimes de protections propres. Il en va ainsi de la convention de Montréal du 28 mai 199948 et du règlement (CE) n° 261/2004. La coexistence de ces deux textes a suscité deux questions : celle de leur compatibilité d’abord, celle de leur complémentarité, ensuite. La CJUE s’est d’abord prononcée en faveur de la compatibilité de la convention de Montréal avec le règlement (CE) n° 261/200649 en retenant que chacun de ces textes instaure un droit à indemnisation correspondant à une catégorie de préjudices distincts. La coordination des deux régimes de protection a ensuite été organisée dans l’arrêt rendu par la CJUE le 13 octobre 201050. Dans cet arrêt, la CJUE a en effet consacré la complémentarité des deux instruments afin de permettre au passager d’obtenir réparation de la totalité des préjudices subis en raison du manquement du transporteur aérien à ses obligations contractuelles. C’est ce que vient opportunément rappeler l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 janvier 201851.
L’affaire concerne un retard de plus de 7 heures à l’arrivée d’un vol Marrakech-Beauvais. Les passagers victimes ont assigné la compagnie aérienne, notamment afin d’obtenir le remboursement des frais d’hébergement52 occasionnés par le retard à l’arrivée à destination.
Saisi de l’affaire, le tribunal de proximité de Beauvais rejette l’ensemble des demandes53. Pour ce faire, il retient notamment que l’article 6, § 1, sous i) et ii), du règlement (CE) n° 261/2004 limite le remboursement de frais d’hébergement au seul vol retardé jusqu’au lendemain54. Ne sont donc pas concernés les frais d’hébergement exposés en raison du retard de vol à l’arrivée à destination. Le jugement est fort logiquement censuré par la première chambre civile de la Cour de cassation. En effet, la demande de remboursement n’est pas fondée sur les dispositions du règlement (CE) n° 261/2004, mais sur celles de la convention de Montréal55. Partant, la victime peut demander réparation du préjudice subi en raison des frais d’hébergement exposés à son arrivée tardive à destination dans les conditions prévues par ce texte. Où l’on voit toute l’utilité de la complémentarité de la convention de Montréal et du règlement (CE) n° 261/2004.
Valérie DURAND
B – Aménagement des espaces à vocation touristique
L’absence de démontage des installations d’une plage et le délit de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme
Cass. crim., 16 janv. 2018, n° 17-80740. L’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 16 janvier 2018 offre une illustration intéressante de la caractérisation du délit de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme à propos de l’absence de démontage, par des sociétés et leurs gérants bénéficiaires de sous-traités d’exploitation et de permis de construire en vue d’installer des établissements de bains et restaurants de plage, des installations dressées sur une plage à l’expiration de la saison balnéaire. Pour rappel, l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme punit de différentes peines d’amende, d’une part, le fait d’exécuter des travaux en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du livre IV dudit code, ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable, d’autre part, l’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux d’aménagement ou de démolition imposés par les autorisations d’urbanisme, ou l’inobservation, par les bénéficiaires d’autorisations accordées pour une durée limitée ou à titre précaire, des délais impartis pour le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ou la réaffectation du sol à son ancien usage.
Pour la chambre criminelle, le fait, pour le bénéficiaire d’un sous-traité d’exploitation d’une plage et de permis de construire lui permettant l’installation d’établissements de bains et de restaurants de plage, de ne pas avoir démonté l’ensemble de ces ouvrages et éléments à l’issue de la période balnéaire, telle que définie par les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques, est caractéristique de la matérialité du délit de l’article L. 480-4 précité du Code de l’urbanisme. Il convient de rappeler, à ce titre, que l’article R. 2124-16 du Code de la propriété des personnes publiques ne permet sur une plage que les équipements et installations démontables ou transportables ne présentant aucun élément de nature à les ancrer durablement au sol et dont l’importance et le coût sont compatibles avec la vocation du domaine et sa durée d’occupation. De son côté, l’article R. 2124-17 du même code précise que dans les stations classées au sens des articles R. 133-37 à R. 133-41 du Code du tourisme, la période définie dans la concession peut, si la commune d’implantation de la concession s’y est déclarée favorable par une délibération motivée au regard de la fréquentation touristique, être étendue au maximum à 8 mois par an, soit du 15 mars au 15 novembre s’agissant de la commune concernée. De la sorte, le constat du maintien, ou de l’absence de démontage ou de démolition, des ouvrages et éléments installés sur une plage après le 15 novembre est constitutif de l’élément matériel de l’infraction de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme.
Quant à l’élément moral, la chambre criminelle l’a, dans l’arrêt présenté, induit du constat de la matérialité et des différents actes administratifs émanant de la commune et concernant les prévenus, en considérant que le non-respect de l’obligation de démontage annuel de l’installation d’établissements liés aux bains de mer et aux activités annexes, notamment de boissons et de restauration, est à la fois constitutif d’une méconnaissance des prescriptions imposées par le permis de construire et caractérise, en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit prévu à l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme. Elle confirme ainsi la quasi-présomption d’intention d’origine prétorienne relativement à l’infraction incriminée par ce texte56.
Rodolphe MÉSA
Notes de bas de pages
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1.
Par ex : Cass. crim., 13 nov. 2002, n° 01-88643 : Bull. crim., n° 204.
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2.
Cass. crim., 7 sept. 2010, n° 09-86137.
-
3.
Le 17 février 2005.
-
4.
Par la suite, Règl. (CE) n° 261/2004 du PE et du Cons., 11 févr. 2004.
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5.
Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 16-23205 : Bull. civ. I, à paraître ; Énergie - Env. - Infrastr. 2018, n° 4, comm. 26, obs. Charles J.-B. ; Gaz. Pal. 4 sept. 2018, n° 329v5, p. 28, obs. Carayol R. ; Dalloz actualité, 20 mars 2018, obs. Delpech X. ; D. 2018, p. 461 ; RTD com. 2018, p. 453, obs. Bouloc B. ; Tourisme et Droit 2018, n° 208, p. 45, obs. Lachieze X. ; D. 2018, p. 1214, obs. Kenfack H. ; JCP E 2018, 1281, note Dupont P. et Poissonnier G. ; JCP E 2018, p. 1240, note Siguoirt L.
-
6.
600 € par passager.
-
7.
La CJUE a en effet étendu le bénéfice du droit à indemnisation aux voyageurs victimes de retards de vol à l’arrivée de 3 heures ou plus. V. CJUE, 19 nov. 2009, nos C-402/07 et C-432/07, Sturgeon : D. 2010, p. 1461, note Poissonnier G. et Osseland P. ; D. 2011, p. 1445, obs. Kenfack H. ; RTD com. 2010, p. 627, obs. Delebecque P. ; RTD eur. 2010, p. 195, obs. Grard L. ; JCP 2009, p. 543, obs. Picod F. ; Rev. dr. transp. 2010, comm. 18, obs. Correia V. ; Rev. dr. transp. 2010, comm. 74, obs. Delebecque P. ; LPA 13 juill. 2010, p. 4, obs. Durand V. – v. égal., CJUE, 23 oct. 2012, nos C-581/10 et 629/10, Nelson : Europe 2012, comm. 550, obs. Michel V. ; RTD eur. 2013, p. 372, obs. Grard L. ; Rev. dr. transp. 2012, comm. 55, obs. Grard L.
-
8.
Jugement du 26 février 2016, rendu en premier et dernier ressort.
-
9.
Devenu C. civ., art. 1353 : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
-
10.
En cas d’annulation de vol, la solution est différente. V. TI Mulhouse, 31 mai 2018, n° 11-17-003193 : Gaz. Pal. 31 juill. 2018, n° 329w3, p. 20, obs. Dupont P. et Poissonnier G., dans lequel les juges du fond ont retenu que l’achat du billet était suffisant – v. égal. Cass. 1re civ., 14 janv. 2016, n° 15-12730 : RTD com. 2016, p. 326, obs. Bouloc B. ; Resp. civ. et assur. 2016, n° 4, comm. 131, note Leveneur L. ; Gaz. Pal. 8 mars 2016, n° 259s6, p. 37, obs. Carayol R. : la juridiction du fond a été saisie d’une demande en paiement de l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 et de dommages et intérêts, la demande ayant été formulée par le passager victime d’une annulation de vol. Les juges du fond ont rejeté cette demande en retenant qu’il appartient au voyageur de rapporter la preuve de l’annulation ou du retard de vol qu’il invoque. L’arrêt a été censuré au visa de l’article 1315 du Code civil et au motif qu’il « incombait à la société de démontrer qu’elle avait exécuté l’obligation de transport aérien dont M. V. avait prouvé qu’elle était débitrice, le tribunal d’instance a inversé la charge de la preuve ».
-
11.
Dans le même sens, v. Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n° 17-25926 : Énergie - Env. - Infrastr. 2018, n° 12, comm. 63, note Ktorza R. ; Gaz. Pal. 26 févr. 2019, n° 342h1, p. 39, obs. Carayol R.
-
12.
V. sur ce point, obs. Poissonnier G. sous TGI Paris, 7 déc. 2018, n° 11-17-080719 : D. 2019, p. 69.
-
13.
CJUE, 3 déc. 2018, n° C-756/18LC, MD c/ EasyJet Airline Co Ltd.
-
14.
Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-15378 : RTD com. 2018, p. 454, obs. Bouloc B. ; Énergie - Env. - Infrastr. 2018, n° 8-9, comm. 48, obs. Degert-Ribeiro C. ; Resp. civ. et assur. 2018, n° 6, comm. 179.
-
15.
La passagère étant arrivée à destination le 14 janvier 2014.
-
16.
« L’action en responsabilité contre le transporteur est intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de 2 ans à compter de l’arrivée à destination du jour où l’aéronef aurait dû arriver ou de l’arrêt du transport.
-
17.
L’action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions prévues par le présent chapitre ».
-
18.
C. civ., art. 2224.
-
19.
C. transp., art. L. 6422-5.
-
20.
CJUE, 22 nov. 2012, n° C-139/11, Cuadrench Moré : Europe 2013, comm. 49, note Michel V. ; Rev. dr. transp. 2013, comm. 8, note Delebecque P.
-
21.
Conv. Montréal, art. 35.
-
22.
La censure est prononcée en des termes quasiment identiques à ceux utilisés dans l’arrêt rendu le 17 mai 2017. Dans cet arrêt, la Cour de cassation retient notamment que « (…) l’action en paiement de l’indemnité forfaitaire était soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du Code civil ». V. Cass. 1re civ., 17 mai 2017, n° 16-13352 : RTD com. 2017, p. 680, obs. Bouloc B. ; D. 2018, p. 1412 et s., obs. Kenfack H. ; Énergie - Env. - Infrastr. 2017, n° 10, comm. 56, obs. Ktorza R. ; Resp. civ. et assur. 2017, n° 9, comm. 236, note Bloch L. ; Contrats, conc. consom. 2017, n° 8-9, comm. 189, obs. Bernheim-Desvaux S. ; Gaz. Pal. 18 juill. 2017, n° 298x6, p. 24, obs. Dupont P. et Poissonnier G. – v. égal. Cass. 1re civ., 15 juill. 2017, n° 16-19375 : RTD com. 2017, p. 680, obs. Bouloc B., dans lequel la Cour de cassation rappelle que « le règlement (CE) n° 261/2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s’inscrit en amont de la Convention de Montréal, et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci ». Elle approuve les juges du fond d’avoir retenu « que l’article L. 6422-5 du Code des transports, auquel renvoient les articles R. 322-2 et R. 321-1 du Code de l’aviation civile, n’avait pas vocation à s’appliquer à une demande fondée sur ce règlement ».
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23.
Cass. soc., 30 mai 2000, n° 98-41134.
-
24.
Gaz. Pal. 18 juill. 2017, n° 298x6, p. 24, obs. Dupont P. et Poissonnier G.
-
25.
C. transp., art. L. 6412-3.
-
26.
C. transp., art. L. 6412-4.
-
27.
V. en ce sens, Énergie - Env. - Infrastr. 2017, n° 10, comm. 56, obs. Ktorza R. ; Resp. civ. et assur. 2017, n° 9, comm. 236, note Bloch L.
-
28.
In Énergie - Env. - Infrastr. 2018, n° 8-9, comm. 48, obs. Degert-Ribeiro C.
-
29.
In Énergie - Env. - Infrastr. 2018, n° 8-9, comm. 48, obs. Degert-Ribeiro C.
-
30.
CJUE, 7 mars 2018, n° C-274/16 : v. not. RDC 2019, n° 115v5, p. 85 et s., note Haftel B. ; RDC 2019, n° 115v3, p. 90 et s., note Haftel B. ; LEDC mai 2018, n° 111n4, p. 6, obs. Cattalano-Cloarec G. ; Gaz. Pal. 17 avr. 2018, n° 319y8, p. 22 et s., note Augos V. ; JCP E 2018, n° 41, p. 1514 et s., obs. Heymann J. ; Énergie - Env. - Infrastr. 2018, n° 6, comm. 36, note Ktorza R. ; RTD com. 2018, p. 518, obs. Marisse-d’Abbadie d’Arrast A. ; D. 2018, p. 1366, note Dupont P. et Poissonnier G. ; Europe 2018, n° 5, comm. 213, note Idot L. ; Procédures 2018, n° 5, comm. 146, note Nourissat C. ; v. égal. Bloch L., « La CJUE et la responsabilité des transporteurs aériens : une escadrille de décisions », Resp. civ. et assur. 2018, n° 7-8, étude 8.
-
31.
Art. 5, pt 1 : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
-
32.
- (…)
-
33.
- pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».
-
34.
CJUE, 7 mars 2018, n° C-447/16, R. Becker c/ Hainan Airlaines Co. Ltd.
-
35.
Pt 55.
-
36.
Pt 54.
-
37.
Pt 53.
-
38.
CJUE, 7 mars 2018, n° C-448/16, M., A., Z, N., Barkan et S. Asbai c/ Air Nostrum, Linéas Aéreas del Mediterraneo SA.
-
39.
Pt 65.
-
40.
Pt 57.
-
41.
Pt 60.
-
42.
Pt 61.
-
43.
Pt 62.
-
44.
Pt 63.
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45.
Pt 68.
-
46.
Pt 69.
-
47.
Pt 71.
-
48.
Pt 71.
-
49.
Pt 72.
-
50.
V. récemment, CJUE, 4 juill. 2018, n° C-537/17, qui se prononce sur la notion de transporteur aérien effectif dans l’hypothèse de la location d’un appareil avec un équipage par un transporteur aérien à un autre transporteur aérien.
-
51.
Pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international.
-
52.
CJUE, 10 janv. 2006, n° C-344/04, IATA et ELFAA : AJDA 2006, p. 247 et s., obs. Broussy E., Donnat F. et Lambert C. ; Tourisme et Droit 2006, n° 75, p. 8, obs. D. R. ; Europe 2006, n° 3, comm. 72, obs. Mariatte F. ; Clergerie J.-L., « L’amélioration des droits des passagers des transports aériens », D. 2006, p. 362 et s.
-
53.
CJUE, 13 oct. 2011, n° C-83/10.
-
54.
Dalloz actualité, 20 mars 2018, obs. Delpech X. ; RTD com. 2018, p. 453, obs. Bouloc B. ; D. 2018, p. 460 ; D. 2018, p. 1412 et s., obs. Kenfack H. ; Tourisme et Droit 2018, n° 208, p. 45 ; RLDC 2018/160, obs. Argueyrolles G. et Rubinstein J. ; Resp. civ. et assur. 2018, n° 4, comm. 116, note Bloch L. ; Contrats, conc. consom. 2018, n° 5, comm. 100, obs. Bernheim-Desvaux S. ; Gaz. Pal. 4 sept. 2018, n° 329v3, p. 27, obs. Carayol R. ; Gaz. Pal. 13 mars 2018, n° 315t8, p. 40, obs. Berlaud C.
-
55.
Ces frais correspondaient au prix d’une chambre d’hôtel.
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56.
Le jugement est rendu le 6 novembre 2014.
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57.
En l’espèce, la victime était parvenue au terme de son voyage.
-
58.
En l’occurrence, sur l’article 19 de la convention de Montréal.
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59.
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