Chronique de droit du tourisme n° 8 (Janvier 2015 – Mars 2016) (1re partie)

Publié le 03/10/2016

Le tourisme comme emblème d’une civilisation des loisirs (A. Corbin, L’avènement des loisirs, Aubier, 1995), est un secteur particulièrement sensible à l’expansion du terrorisme, en dehors ou au sein des frontières nationales. Au-delà des drames humains, le sentiment d’insécurité recherché par ses instigateurs entraîne des répercussions sur la fréquentation touristique de pays qui en dépendent largement. Où l’on voit combien le développement d’une véritable économie du tourisme dépend de structures complexes, qui mêlent la sécurité publique aux questions plus classiques de transport, d’hébergement, de personnels, etc.

CE, 9 oct. 2015, no 384804, Cne de Lauzet-sur-Ubaye c/ Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement

Cass. soc., 25 mars 2015, no 13-27695

Cass. soc., 24 juin 2015, no 13-25761

Cass. soc., 7 juill. 2015, no 13-17195

Cass. soc., 8 juill. 2015, no 14-16330

CJUE, 1er oct. 2015, no 432/14, O. c/ Bio Philippe Auguste SARL

CE, 24 févr. 2015, nos 374726, 374905, 376267 et 376411, Féd. des employés et cadres CGT-FO et a. ; Féd. CGT personnels du commerce, de la distribution et des services et a.

Cass. crim., 22 sept. 2015, no 13-82284

Cass. 1re civ., 9 avr. 2015, nos 14-15720 et 14-18014

CJUE, 14 janv. 2015, The Queen à la demande d’Eventech

Cons. const., 22 mai 2015, no 2015-468/469/472 QPC

Cons. const., 22 sept. 2015, no 2015-484 QPC

Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, no 14-16731

Cass. crim., 15 déc. 2015, no 13-81581

Cass. 1re civ., 25 mars 2015, no 13-24431

Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, no 14-22223

CE, 9 nov. 2015, no 383791, A. c/ Cne d’Allos et Office national des forêts

Cass. 1re civ., 9 déc. 2015, no 14-20533

Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, nos 14-21323 et 15-50002

CAA Douai, 26 nov. 2015, no 14DA01125, Ministre du Logement et de l’Égalité des territoires c/ Sté Innovent

L. n° 2015-994, 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi, art. 49

L. n° 2015-990, 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, Titre III, Chapitre 1, art. 241 à 257

Ord. n° 2015-333, 26 mars 2015, portant diverses mesures de simplification et d’adaptation dans le secteur touristique, art. 3

L. n° 2015-1785, 29 déc. 2015, loi de finances pour 2016

I – Les acteurs du tourisme

A – Acteurs publics

L’organisation territoriale du tourisme dans la loi NOTRe

Texte de compromis, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation de la république (loi NOTRe)1 « n’a pas révolutionné la répartition des compétences en matière de tourisme »2. Le principe en la matière reste celui d’une compétence partagée entre l’État, les régions, les départements et les communes3. Il en résulte ainsi un enchevêtrement des compétences relativement complexe.

Schématiquement, l’État définit et met en œuvre la politique nationale du tourisme4. La région définit les objectifs à moyen terme du développement touristique régional par l’adoption, notamment, d’un plan régional de développement touristique5. Le département élabore, si besoin, un schéma d’aménagement touristique départemental prenant en compte les orientations définies par le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs6. Les collectivités territoriales, enfin, mettent en œuvre dans le cadre de leur compétence propre et au niveau local les politiques définies aux niveaux supérieurs7.

Dans cette organisation, trois éléments saillants se démarquent. Le premier est relatif à la « montée en puissance des régions »8. Bien que l’idée d’une primauté régionale en matière touristique ait été érodée par la navette parlementaire9, il n’en reste pas moins que c’est « la région qui, par deux schémas (le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, SRDEII, et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, SRADDET), imprime sa marque aux politiques touristiques des territoires et aux groupements en charge de la promotion du tourisme »10.Le second élément saillant de la loi est relatif à la montée en puissance de l’échelon intercommunal. Le tourisme devient en effet la compétence de droit commun des EPCI. Il s’agit là, en réalité, de la principale innovation d’importance introduite par la loi NOTRe. Le nouvel article L. 134-1 du Code du tourisme énonce ainsi que « la communauté de communes, la communauté d’agglomération, la communauté urbaine, la métropole ou la métropole de Lyon exerce de plein droit, en lieu et place de ses communes membres » la compétence tourisme et ce au 1er janvier 2017. Cette compétence vise en particulier la « promotion » touristique à laquelle est rattachée la « création d’offices de tourisme ». Cette nouvelle faculté n’est pas sans poser de difficultés à l’égard de l’exercice des compétences en matière d’accueil et d’information des touristes11.

Le dernier élément saillant est relatif à la mise à l’honneur des spécificités locales12. La loi NOTRe prévoit ainsi, pour les stations classées13, le maintien éventuel d’offices de tourisme distincts des offices intercommunaux. En outre, la loi ouvre la possibilité de créer, sur le territoire d’une même commune ou EPCI, un office de tourisme pour chacun des sites disposant d’une marque territoriale protégée. Cela signifie qu’en cas d’existence, sur une même commune ou un même EPCI, de plusieurs « marques territoriales protégées distinctes par leur situation, leur appellation ou leur mode de gestion »14, l’EPCI et la commune pourront créer un office de tourisme distinct pour chacune des marques. En l’absence de définition légale, la notion de marque territoriale protégée, qui se trouve donc désormais au cœur de la stratégie touristique locale, ne manquera pas de nourrir le contentieux.

Camille CARBONNAUX

Du contentieux relatif à la création d’unité touristique nouvelle : gare aux initiatives publiques sommaires !

CE, 9 oct. 2015, n° 384804, Cne de Lauzet-sur-Ubaye c/ Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement. Les unités touristiques nouvelles désignent, commodément et selon l’ancien article L. 145-9 du Code de l’urbanisme, « toute opération de développement touristique, en zone montagnarde, ayant pour objet (…) de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher »15. Le législateur, conscient de l’exacerbation des appétits locaux devant les enjeux soulevés par de telles opérations, a sagement soumis l’installation de telles structures à une autorisation préfectorale. Au-delà d’éventuelles complications zadistes, ces opérations génèrent immanquablement du contentieux. En effet, ces installations touristiques ne sont pas créées hors sol. Leur emprise se fait dans des zones qui, par nature, sont susceptibles d’attirer le touriste. La France est un pays riche de zones naturelles remarquables, exceptionnelles de beauté16. Autant d’opportunités touristiques et pécuniaires qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main écologiste mais qu’il faut envisager avec circonspection ! Les pressions diverses que l’homme impose à la nature ne doivent pas nuire à l’environnement et une surexploitation touristique conduit à une dégradation des écosystèmes qui mène au désintérêt touristique. La loi prévoit donc, pour ces autorisations préfectorales, des conditions de légalité que le juge administratif entend parfois faire strictement respecter17.

Telle est problématique soulevée par l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 9 octobre 2015. Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a autorisé, par arrêté du 22 juin 2009, la création d’une unité touristique nouvelle (UTN) sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye, en l’occurrence plusieurs dizaines de bungalows, une supérette, un restaurant et une piscine agréablement (!) disposés sur les berges d’un lac. Une association de protection de l’environnement, affiliée à la FNE, monte au créneau pour défendre cette zone. Elle obtient successivement satisfaction devant le tribunal administratif de Marseille en novembre 201118 et devant la cour administrative d’appel de cette même ville en juillet 201419. La commune, malgré un changement de majorité et dans un contexte local assez délicat, entend néanmoins défendre ses intérêts et forme un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. Par l’arrêt commenté, le Palais-Royal valide le raisonnement des juges phocéens. L’arrêté préfectoral a été, à bon droit, censuré. Les éléments contentieux saisis par le juge administratif suprême sont d’ordre technique. Ils peuvent être commodément abordés en deux temps successifs.

I. Un formalisme classique en droit du tourisme appliqué aux unités touristiques nouvelles

Les procédures, nombreuses, existant en droit administratif suivent des finalités différentes : prise de conseil à travers un avis, pour prendre la meilleure décision publique ; assurer l’information du public via une quelconque obligation de publicité ; limitation de l’arbitraire administratif grâce à la motivation du choix administratif par exemple… Quoi qu’il en soit, la procédure, si elle n’emporte plus nécessairement annulation devant le juge administratif en cas de manquement, doit être respectée pour s’assurer que l’ensemble des intérêts en cause – en l’espèce, évidemment écologiques – a bien été pris en compte par la puissance publique lors de la prise de décision.

Deux moyens contentieux très classiques ont été invoqués par la commune pour tenter d’obtenir la cassation de l’arrêt marseillais. En vain. Le premier ne mérite pas beaucoup de commentaires. La collectivité a, tout d’abord, prétendu que la cour administrative d’appel n’avait pas pris en compte ses mémoires et ses conclusions pour formuler sa décision. Tout juge administratif doit effectivement répondre aux sollicitations juridiques des requérants. Il ne peut pas ne pas trancher un moyen invoqué sous peine de déni de justice et, évidemment, d’annulation. Cela ne signifie pas pour autant qu’il lui faille répondre à tous ces moyens. L’économie des moyens évite que le juge ne perde une énergie et un temps précieux à répondre à la totalité des arguments dès lors que l’annulation peut être prononcée sur la base d’un argument décisif. En l’espèce, l’article R. 741-2 du Code de justice administrative avait bel et bien été respecté. Le Palais-Royal repousse donc sèchement le moyen.

De manière moins brutale, le Conseil d’État usera de deux considérants pour affirmer que la décision de créer une UTN n’est pas soumise à l’obligation de notification des recours définie par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme version décret du 5 janvier 2007. La notification du recours permet d’avertir au plus vite l’auteur ou le bénéficiaire de la décision litigieuse et de lui donner plus de temps pour anticiper voire prévenir le procès. La cour marseillaise avait estimé que l’association écologiste n’était pas soumise à cette obligation de notification. La commune requérante y avait vu une erreur de droit susceptible d’entraîner la cassation. Le Conseil d’État ne suivit pas ce raisonnement, estimant que l’article susmentionné établissait une liste fermée de décisions soumises à cette contrainte assez lourde quant aux conséquences – l’absence de notification provoque l’irrecevabilité de la requête – et que la création d’une UTN y échappait.

II. La notion de milieu montagnard naturel, contrainte forte opposée aux unités touristiques nouvelles

Les deux derniers arguments touchaient plus au fond de ce dossier. L’article R. 145-6 du Code de l’urbanisme impose la constitution d’un rapport décrivant notamment l’état du milieu concerné, les caractéristiques essentielles du projet ou encore l’impact dudit projet sur « l’économie agricole », l’environnement20… Que le promoteur et l’administrateur soient bien conscients des exigences de ce texte ! Point de dossier stéréotypé, rédigé à la va-vite ou négligé ! Forma substantialis ! Des exigences que le juge administratif entend faire respecter21… dès lors que le projet ne dépasse pas une certaine importance économique, politique ou sociale ! En l’espèce, le dossier était insuffisamment développé22. Le juge use de mots significatifs de la piètre qualité du dossier de présentation : « indications sommaires », « le plan d’aménagement ne permettait pas d’apprécier l’importance du projet par rapport à son environnement » ou enfin « le dossier ne comportait pas d’analyse des risques naturels »23… Le Conseil souligne d’ailleurs le pouvoir souverain d’appréciation dont disposent les juges du fond, TA et CAA. Inutile de s’ingénier à tenter le pourvoi sur ce motif ! Le Conseil maintient une distanciation propice à son office de juge de cassation, plus intéressé par la cohérence du tissu normatif que par le contenu factuel d’un dossier déjà examiné par deux juridictions…

Enfin, la cour administrative d’appel ayant estimé que le site sur lequel le projet était envisagé relevait « des espaces caractéristiques du patrimoine naturel montagnard » et qu’à ce titre il bénéficiait de la protection légale de l’article L. 145-3 du Code de l’urbanisme24, la commune pensait tenir un moyen efficient ! En effet, le terrain concerné était déjà « orné » d’une construction inachevée ; comment estimer alors que la qualification « patrimoine naturel montagnard » put encore s’appliquer ? Le Conseil eut la sagesse de ne pas déjuger la cour marseillaise. Raisonner par l’absurde suffit pour approuver le point de vue parisien. Faire dépendre la qualification de « patrimoine naturel montagnard » d’une virginité immobilière aurait sonné le glas de cette protection légale : il aurait suffi aux collectivités peu soucieuses de nature de faire réaliser quelque bâtiment ou quelque structure pour dénaturer – au sens littéral – les lieux et échapper aux rigueurs textuelles. La présence de constructions n’est heureusement pas un frein à l’application de la loi.

Développer le tourisme ou protéger l’environnement ? Est-il possible de dépasser le manichéisme de cette opposition ? La réponse se situe probablement dans le développement durable du tourisme, formule-valise dont le juge administratif sera le gardien juridique. Sur lui reposeront espoirs touristiques, énergies écologistes… et critiques doctrinales tant parfois sa jurisprudence déçoit ou conforte tel ou tel camp, au gré des espèces25. L’affaire est également intéressante en ce qu’elle pose la question du temps et de l’efficacité de la justice administrative. Les premiers terrassements de l’opération litigieuse eurent lieu en 2004 et l’arrêt final ( ?) du Conseil survint en octobre 2015. Que d’incertitudes décourageantes ! Que de longueurs inutiles ! Mais quel remède apporter qui ne défavorise ni l’élu entreprenant ni l’écologiste engagé26 ?

Olivier CARTON

B – Acteurs privés

1 – Organisations professionnelles (…)

2 – Réglementation des professions

a – Contrats saisonniers

Absence de conséquence du caractère saisonnier de l’emploi sur un contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité

Cass. soc., 25 mars 2015, n° 13-27695. Depuis un arrêt du 12 octobre 1999, la Cour de cassation reconnaît qu’un emploi a un caractère saisonnier s’il concerne « des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs »27. Mais un emploi répondant à cette définition doit-il nécessairement faire l’objet d’un contrat saisonnier28 ? La Cour de cassation répond par la négative dans un arrêt du 25 mars 2015. Reprenant les constatations de la cour d’appel, la Cour de cassation précise en effet que le motif tiré de l’accroissement temporaire d’activité est exact si l’entreprise a effectivement dû faire face à un surcroît d’activité, peu importe que la production en question soit liée à l’hiver. Si le salarié invoquait la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ayant pour motif un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise29 en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) en invoquant le caractère saisonnier du motif de recours, ce n’est sans doute que pour obtenir la requalification du contrat et l’indemnisation qui l’accompagne. Le régime du contrat saisonnier est moins favorable pour lui. L’indemnité de précarité n’est pas due30 et la succession des CDD est autorisée31 contrairement au régime classique du CDD.

Le juge doit en conséquence seulement apprécier si le motif indiqué dans le CDD est justifié et répond aux exigences posées par la loi et de la jurisprudence. Il n’a pas à rechercher si un autre motif était possible, ce qui était sans doute le cas dans cette affaire.

Portée de la stipulation conventionnelle prévoyant la requalification des contrats saisonniers en contrats intermittents

Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-25761. L’article 14.2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 prévoit que les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives et couvrant toute la période d’ouverture de l’établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail d’une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail. La portée de cette requalification est précisée par la Cour de cassation à l’occasion d’un litige où des salariés demandent la requalification de leurs contrats en se fondant sur cette stipulation conventionnelle.

La Cour de cassation estime que « cette disposition, qui ne saurait créer un contrat de travail intermittent ne répondant pas aux conditions légales, n’ouvre qu’une simple faculté dépourvue de force obligatoire ». Cette position s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence selon laquelle « la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n’est assortie d’aucune limite au-delà de laquelle s’instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée »32.

Même si la requalification avait été admise, la Cour de cassation prend soin de préciser que le contrat aurait dû remplir les conditions de fond et de forme du contrat intermittent. La possibilité de conclure un contrat intermittent doit en effet être prévue par un accord collectif33 précisant les emplois concernés34.

Non-paiement de l’indemnité de précarité en cas de poursuite du CDD en CDI

Cass. soc., 7 juill. 2015, n° 13-17195. L’article L. 1243-8 du Code du travail prévoit que « lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ».

La Cour de cassation considérait que si la relation contractuelle s’est poursuivie au-delà du terme du CDD et qu’aucun contrat de travail n’a été proposé par l’employeur au salarié, la demande de requalification en CDI doit être accueillie et l’indemnité de précarité qui lui était due allouée35. Dans le même sens, une circulaire du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle de 199236 précise que, pour éviter toute contestation, la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée doit être proposée par écrit au salarié avant la survenance du terme du contrat à durée déterminée ou immédiatement après37. La conséquence était donc que l’employeur qui ne faisait pas signer de contrat écrit devait payer l’indemnité de précarité, même si la relation de travail se poursuivait en CDI à l’issue du CDD. Cette position était discutable dans la mesure où le CDI peut être verbal et le salarié n’a pas été en situation de précarité après le CDD, que le contrat soit verbal ou écrit.

La Cour de cassation revient sur cette jurisprudence dans un arrêt du 7 juillet 2015 en jugeant que « l’indemnité de précarité (…) n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en CDI, notamment en cas de requalification d’un contrat de travail à durée indéterminée ». Elle retire ainsi l’exigence de l’écrit. En revanche, le versement de l’indemnité de précarité ne devrait pas être remis en cause lorsque la requalification du CDD en CDI est « ultérieure »38.

Portée d’une clause conventionnelle de reconduction des contrats saisonniers

Cass. soc., 8 juill. 2015, n° 14-16330. L’article L. 1244-2 du Code du travail prévoit qu’« une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante ».

La Cour de cassation juge de manière constante qu’« une telle clause, qui a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi en faveur du salarié, ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée »39.

Cette position est rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juillet 2015. Elle appelle à être extrêmement vigilant dans la rédaction de la clause. Si la clause institue, comme dans cette affaire, une priorité d’embauche pour la saison suivante en obligeant l’employeur à proposer la conclusion d’un nouveau contrat saisonnier40, alors il ne peut en être déduit que l’engagement du salarié s’inscrit dans une relation indéterminée.

En revanche, si la clause prévoit le renouvellement de plein droit du contrat d’une année sur l’autre, sauf refus fondé sur un motif précis, la relation qui se crée est indéterminée. La Cour de cassation admet ainsi que « les contrats successifs constituaient un ensemble à durée indéterminée » lorsque le renouvellement est intervenu pendant plusieurs années de suite sur le fondement de l’article 23 de la Convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial, lequel prévoit que « le personnel saisonnier ayant travaillé dans le même établissement pendant deux saisons consécutives bénéficie, sauf motif dûment fondé, du renouvellement de son contrat dans sa qualification pour une même période d’activité, sans garantie de durée identique »41.

Modification du statut des salariés saisonniers protégés

L. n° 2015-994, 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi, art. 49. L’obligation de saisir l’inspecteur du travail au terme du CDD saisonnier d’un représentant du personnel est supprimée lorsque la convention ou l’accord collectif étendu ou le contrat de travail prévoit un mécanisme de reconduction42. Une exception est donc créée pour le CDD saisonnier par rapport aux autres CDD43. Lorsque le renouvellement résulte d’un accord non étendu, un accord d’entreprise ou un accord de groupe, le constat de l’inspecteur du travail qu’aucune discrimination n’est à l’origine de la fin de la relation contractuelle reste toutefois nécessaire44.

Catherine MINET-LETALLE

Confirmation du non-paiement de l’indemnité de précarité pour le contrat de travail à durée déterminée conclu avec un jeune durant ses vacances scolaires ou universitaires

CJUE, 1er oct. 2015, n° 432/14, O. c/ Bio Philippe Auguste SARL. Un étudiant en droit saisit le Conseil de prud’hommes de Paris d’une demande indemnitaire de 23,21 euros au titre du non-versement de la prime de fin de contrat dans le cadre d’un CDD de quelques jours qu’il avait conclu pendant les vacances de Noël, de la requalification de son CDD en CDI et de la somme de 4 500 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’enjeu ne paraît pas être les sommes demandées45, mais de faire changer le caractère dérogatoire du régime des CDD conclus avec un jeune durant ses vacances scolaires ou universitaires qui ne donnent pas lieu au paiement de l’indemnité de précarité contrairement aux autres CDD46. Pour obtenir ce changement, l’étudiant en droit invoque successivement la Constitution et le droit de l’Union européenne.

L’étudiant en droit présente en effet d’abord une question prioritaire de constitutionnalité qui est renvoyée devant le Conseil constitutionnel47. Ce dernier juge la disposition litigieuse conforme au principe constitutionnel d’égalité devant la loi au motif que le jeune concerné a vocation, à l’issue de ses vacances, à reprendre sa scolarité ou ses études, de sorte que la différence de traitement instituée par le législateur est bien fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi48.

Le Conseil de prud’hommes sursoit ensuite à statuer et pose à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle consistant à savoir si l’exclusion du paiement de l’indemnité de précarité pour ce type de contrat constitue une violation du principe de non-discrimination fondé sur l’âge consacré à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux et concrétisé par la directive n° 2000/78 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

La CJUE rappelle « la marge d’appréciation » reconnue aux États membres dès lors qu’il s’agit de « politique sociale et d’emploi »49. Elle exerce son contrôle de la comparativité objective des situations en se mettant à la place du législateur français. Elle estime que cette catégorie de travailleurs50 n’est pas concernée par l’attribution de cette indemnité de fin de contrats dès lors que l’activité est temporaire et accessoire, le jeune n’étant pas en situation de précarité puisqu’il est supposé reprendre ses études au terme des vacances51. Pour le juge européen, le législateur français n’a pas outrepassé les marges d’appréciation dont il dispose en matière de politique sociale en distinguant l’élève ou l’étudiant des autres catégories de travailleurs à durée déterminée, ce qui est confirmé par « la circonstance que d’autres catégories de salariés, se trouvant dans des situations comparables en termes de précarité (…) à celle de [l’élève ou l’étudiant] ont également été exclues (…) du bénéfice de l’indemnité »52.

Ce rapprochement fait par la CJUE entre les salariés exclus du bénéfice de l’indemnité de précarité paraît discutable53. La Cour cite les salariés embauchés pour le remplacement d’autres salariés alors qu’ils bénéficient de l’indemnité. Les salariés embauchés sous CDD d’usage et saisonniers sont en revanche visés par l’exclusion mais l’affirmation par la Cour qu’ils se trouvent « dans des situations comparables en termes de précarité » à celles des jeunes paraît inappropriée. À l’issue de leur contrat, ces salariés restent sur le marché du travail à la recherche d’un emploi54.

La Cour de justice juge ainsi que la différence de traitement entre un travailleur étudiant et un salarié bénéficiant de l’indemnité de précarité introduite par le législateur français ne contrevient pas au principe de non-discrimination en raison de la différence objective de situation entre ces deux catégories de travailleurs55.

Une condamnation aurait sans doute été lourde de conséquences dans la mesure où elle aurait pu remettre en cause d’autres dispositions dérogatoires telles que celles relatives à la durée des contrats ou leur renouvellement.

Pourtant, le Conseil constitutionnel comme la CJUE fondent leur solution sur l’absence de précarité, argument qui est contestable56. Savoir dès le départ que son contrat ne durera que pour la saison ou les vacances ne retire pas son caractère précaire à la situation. D’ailleurs, tous les emplois pourvus par des CDD sont « par nature temporaires »57. Par exemple, le recours au CDD pour accroissement temporaire d’activité doit être « temporaire », mais il donne droit à une indemnité de précarité.

Catherine MINET-LETALLE

b – Travail dominical et en soirée

II – Activités du tourisme

A – Exercice des activités touristiques

1 – Financement des activités

2 – Intermédiaires de voyages

3 – Transports

4 – Hébergements touristiques

5 – Responsabilités et assurances

6 – Tourisme médical et tourisme procréatif

B – Aménagement des espaces à vocation touristique

1 – Tourisme durable (…)

2 – Tourisme et patrimoine

(À suivre)

Notes de bas de pages

  • 1.
    JO 8 août 2015, n° 182, p. 13705.
  • 2.
    Guillou M., « Loi NOTRe – compétence tourisme, qui fait quoi ? – Autopsie d’une compétence partagée », AJ collectivités territoriales 2015, p. 586.
  • 3.
    C. tourisme, art. L. 111-1 et CGCT, art. L. 1111-6.
  • 4.
    Sur la compétence de l’État, C. tourisme, art. L. 121-1.
  • 5.
    Sur la compétence de la région, C. tourisme, art. L. 131-6 et s.
  • 6.
    Sur la compétence du département, C. tourisme, art. L. 132-1 et s.
  • 7.
    Sur la compétence des communes/intercommunalités, C. tourisme, art. L. 133-1 et s.
  • 8.
    Devès C., « Loi NOTRe et tourisme : quel compromis ? », JT 2016, n° 183, p. 3.
  • 9.
    Dyens S. et Maurel T., « Les vicissitudes de la compétence “tourisme” dans la loi NOTRe », JT 2015, n° 179, p. 20.
  • 10.
    Devès C., op. cit.
  • 11.
    Sur cette question, v. Sevino A., « Loi NOTRe et organisation territoriale du tourisme », JCP A 21 sept. 2015, 2277, spéc. nos 38-39.
  • 12.
    Sur cette question, v. Sevino A., « La “marque territoriale protégée” au cœur de la stratégie touristique locale », JCP A 18 janv. 2016, 2008, spéc. n° 2.
  • 13.
    Sur la notion de station classée de tourisme, v. C. tourisme, art. L. 133-13 et s.
  • 14.
    C. tourisme, art. L. 133-1.
  • 15.
    Actuel article L. 122-16 du Code de l’urbanisme, du fait des changements opérés par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015.
  • 16.
    Le lecteur pardonnera la dimension subjective de cette remarque.
  • 17.
    CE, 5 nov. 2014, n° 365121, Cne de Saint-Martin-de-Belleville.
  • 18.
    TA Marseille, 7 nov. 2011, n° 0909228, Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement c/ Préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
  • 19.
    CAA Marseille, 25 juill. 2014, n° 12MA00010, Cne de Lauzet-sur-Ubaye.
  • 20.
    Actuel C. urb., art. R. 122-11.
  • 21.
    CAA Marseille, 9 févr. 2015, n° 12MA03856, Fédération française des clubs alpins c/ Préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (15e cons.).
  • 22.
    Pour un exemple de dossier suffisamment étayé, v. CAA Lyon, 18 juin 2015, n° 13LY02045, Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie c/ Préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • 23.
    7e cons.
  • 24.
    C. urb., art. L. 122-9.
  • 25.
    Pour une annulation du fait de la présence d’un marais et d’une tourbière « sensibles du point de vue écologique », v. CAA Lyon, 15 oct. 2013, n° 13LY00894, Cne d’Allevard et a. c/ FRAPNA ; v. également CE, sect., 14 oct. 2011, n° 320371, Cne de Valmeinier et a.
  • 26.
    Pour un usage du référé en matière d’UTN, v. CAA Lyon, 29 sept. 2015, n° 15LY01130, Cne de Manigod c/ Préfet de Haute-Savoie.
  • 27.
    Cass. soc., 12 oct. 1999, n° 97-40915 : Dr. soc. 1999, p. 1097, obs. Roy-Loustaunau C.
  • 28.
    C. trav., art. L. 1242-2, al. 3.
  • 29.
    C. trav., art. L. 1242-2, al. 2.
  • 30.
    C. trav., art. L. 1243-10, al. 1.
  • 31.
    C. trav., art. L. 1244-4, al. 3.
  • 32.
    Cass. soc., 26 oct. 2011, n° 09-43205.
  • 33.
    C. trav., art. L. 3123-31.
  • 34.
    Cass. soc., 27 juin 2007, n° 06-41818.
  • 35.
    Cass. soc., 3 oct. 2007, n° 05-44958.
  • 36.
    Question 54, Circulaire DRT n° 92-14 du 29 août 1992 application du régime juridique du contrat de travail à durée déterminée et du travail temporaire (BO/TR 92/21).
  • 37.
    Avant cette précision, la circulaire énonce que lorsqu’un salarié à l’issue d’un contrat à durée déterminée refuse la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper un emploi identique ou similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente, il est privé du bénéfice de l’indemnité de fin de contrat lorsqu’elle est due.
  • 38.
    Cass. soc., 9 mai 2001, n° 98-46205.
  • 39.
    Cass. soc., 30 mai 2000, n° 98-41134.
  • 40.
    Il s’agit de l’article 10 de la convention d’établissement du centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre de la Réunion qui prévoit que « avant chaque campagne, et donc en priorité avant tout recrutement auprès de l’ANPE ou par voie de presse, le saisonnier employé l’année précédente est consulté individuellement sur son souhait de reprendre son poste et qu’il est informé du non-renouvellement de son contrat pour la campagne suivante s’il n’a pas donné satisfaction quant au respect du protocole du CTICS, à l’assiduité, la discipline, la conscience professionnelle, ou au respect des consignes d’hygiène et de sécurité ».
  • 41.
    Cass. soc., 18 nov. 2003, n° 01-43549.
  • 42.
    C. trav., art. L. 2421-8-1.
  • 43.
    C. trav., art. L. 2421-8.
  • 44.
    L’article L. 1244-2 autorise en effet la stipulation des clauses de reconduction dans « une convention ou un accord collectif de travail ».
  • 45.
    D’ailleurs, la CJUE suspecte un « litige construit », c’est-à-dire que la saisine du juge ait pour seul objet la remise en cause de la disposition légale sans le renfort d’un désaccord entre les parties. Le lien de parenté qui unit les parties au litige amène la CJUE à examiner la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. La Cour relève cependant que le contrat de travail conclu a été effectivement exécuté par les parties et qu’il n’est pas exclu que la juridiction de renvoi ait un besoin objectif d’interprétation pour trancher le contentieux devant elle (cons. 15 à 20).
  • 46.
    C. trav., art. L. 1243-10, 2.
  • 47.
    Cass. soc., 9 avr. 2014, n° 14-40001.
  • 48.
    Cons. const., 13 juin 2014, n° 2014-401 QPC et Cons. const., 13 juin 2014, n° 2014-402 QPC : JO 15 juin 2014 ; Minet-Letalle C., « Chronique de droit du tourisme n° 7 », LPA 12 août 2015, p. 8.
  • 49.
    Cons. 30. Elle précise que la marge d’appréciation porte dans le choix de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et d’emploi et aussi dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser.
  • 50.
    Répondant à une question soulevée par la Commission, la Cour de justice réaffirme que « la notion [de travailleur] revêt une portée autonome et ne doit pas être interprétée de manière restrictive » (cons. 22). Elle invite la juridiction de renvoi à vérifier si l’étudiant est bien un travailleur en lui fournissant la méthodologie d’appréciation du contrôle du caractère réel et effectif de l’activité exercée. Il n’y a pas de doute, au vu de la jurisprudence antérieure de la Cour de justice, que l’étudiant, même embauché sur la base d’un contrat de 4 jours, répond aux exigences posées par la Cour.
  • 51.
    Cons. 36.
  • 52.
    Cons. 38.
  • 53.
    En ce sens, Gardin A., « Indemnité de précarité et discrimination en raison de l’âge, la Cour de justice dans les traces du Conseil constitutionnel », RJS 1/16, p. 15.
  • 54.
    Le Conseil constitutionnel a également eu à se prononcer sur la constitutionnalité de l’exclusion du versement de l’indemnité de précarité pour les salariés sous contrats saisonniers ou d’usage à l’occasion d’une autre QPC déposée en même temps par un autre salarié. Il a aussi admis cette exclusion. Voir Cons. const., 13 juin 2014, n° 2014-402 QPC : Minet-Letalle C., obs. préc.
  • 55.
    Cons. 39.
  • 56.
    Voir commentaire des décisions du Conseil constitutionnel : Cah. soc. sept. 2014, n° 266, p. 505, obs. Icard J. ; Dr. soc. 2015, p. 206, Tournaux S.
  • 57.
    Tournaux S., op. cit.
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