Le sort de l’indemnité forfaitaire en cas d’acceptation d’un voyage de substitution
Dans les arrêts du 14 novembre 2019 (Cass. 1re civ., 14 nov. 2019, n° 18-21203 ; Cass. 1re civ., 14 nov. 2019, n° 18-21204), la Cour de cassation a été amenée à se prononcer pour la première fois sur le sort de l’indemnité forfaitaire en cas d’acceptation d’un voyage de substitution. Lorsque l’acheteur accepte, à la suite de l’annulation du voyage initialement prévu, un voyage de substitution, il renonce à l’indemnité forfaitaire.
Cass. 1re civ., 14 nov. 2019, no 18-21203
En 1841, Thomas Cook organisa le premier voyage collectif en train, de Loughborough à Leicester. Il fut le premier à associer un mode de transport à d’autres prestations, comme l’hébergement. La combinaison de ces prestations marquait l’apparition du forfait de voyage1. Les deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 novembre 2019 sont relatifs à la substitution d’un séjour à un autre dans le cadre d’un forfait de voyage. Ils amènent, plus précisément, à s’interroger sur l’indemnisation complémentaire du voyageur en cas d’acceptation d’un voyage de substitution.
Dans chacune des affaires, une personne physique a réservé un séjour dans un village-vacances au Maroc pour quatre personnes. La veille du départ, le vendeur annule le voyage. Il propose un contrat de substitution en vue d’un séjour dans un village-vacances en Égypte, ayant la même date de départ que celui qui était initialement prévu. Le prix du voyage de substitution est fixé après la prise en compte d’une réduction et d’un avoir, portant le montant global de l’indemnisation des acheteurs à 8 155 €. Les acheteurs acceptent le contrat de substitution. À l’issue de leur voyage, ils assignent en indemnisation le vendeur sur le fondement des articles L. 211-14 et R. 211-10 du Code du tourisme.
Par deux arrêts confirmatifs en date du 12 juin 2018, la cour d’appel d’Angers déboute les acheteurs de leur demande en indemnisation. Elle retient qu’à la suite de la résiliation par le vendeur du séjour initialement projeté, la veille du départ prévu, celui-ci a proposé un séjour de substitution. Elle considère que les acheteurs ne sont pas fondés à réclamer le versement de l’indemnité prévue au premier alinéa de l’article R. 211-10 du Code du tourisme dans la mesure où ils ont accepté le séjour de substitution proposé par le vendeur et où ils ont obtenu une indemnisation globale de 8 155 €. Elle précise que le voyage de substitution proposé par le vendeur avait lieu à la même date de départ et dans un club offrant des prestations supérieures, moyennant une ristourne et un avoir, ce qui portait l’indemnisation globale à la somme de 8 155 €. Elle écarte le moyen tiré de la violation des conditions générales du contrat de vente. Ces dernières prévoyaient un délai de réflexion de 7 jours pour accepter le voyage de substitution. Les acheteurs auraient dû refuser de signer le contrat de substitution proposé s’ils ne pouvaient pas bénéficier du délai de réflexion prévu. Dès lors qu’un contrat de substitution est valablement conclu, il fait obstacle à la demande tendant au paiement d’une indemnité de résiliation.
Dans les deux affaires, les acheteurs se pourvoient en cassation à l’aide d’un moyen unique composé de quatre branches.
Ils considèrent que la cour d’appel a violé l’article R. 211-10 du Code du tourisme car l’indemnité de résiliation prévue par le premier alinéa de cet article reste due à l’acheteur même s’il accepte le séjour de substitution proposé par le vendeur.
Ils ajoutent que la conclusion d’un accord amiable portant sur le séjour de substitution ne prive l’acheteur du droit de percevoir cette indemnité de résiliation que lorsque l’indemnisation qui lui a été accordée dans le cadre de cet accord est au moins égale au montant de l’indemnité de résiliation qu’il aurait perçue en l’absence d’accord amiable. La cour d’appel, qui n’a pas opéré cette constatation, a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 211-10 du Code du tourisme.
En outre, il aurait fallu que les acheteurs manifestent clairement leur intention de renoncer au versement de l’indemnité légale de résiliation pour que l’accord amiable les prive du droit de percevoir cette indemnité. En l’espèce, les acheteurs soutiennent avoir été contraints d’accepter le voyage de substitution puisque l’annulation du séjour initialement réservé a eu lieu la veille du départ. Ils estiment que la cour d’appel a statué sur des motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque des acheteurs de renoncer au droit de percevoir l’indemnité de résiliation. La cour d’appel aurait ainsi violé l’article R. 211-10 du Code du tourisme et les articles 1134 et 1273 du Code civil2.
Enfin, les acheteurs précisent que l’acceptation d’un séjour de substitution exonère le vendeur de son obligation de verser l’indemnité légale de résiliation ou l’indemnité de résiliation contractuellement prévue uniquement lorsque les modalités contractuelles de conclusion d’un accord amiable sont respectées. En l’espèce, les conditions générales du contrat de vente prévoient que l’annulation d’un forfait et la proposition d’un nouveau forfait en remplacement doivent être notifiées par le vendeur « dans les délais les plus brefs à la suite de la survenance des causes ayant justifié l’annulation du forfait concerné ». Elles stipulent que si l’acheteur porte à la connaissance du vendeur « son choix de refuser le forfait de substitution […] dans les 7 jours suivant la date de réception de la notification », il « obtiendra […] le remboursement immédiat […] de l’intégralité des sommes versées et recevra, à titre d’indemnité, une somme égale à l’indemnité de résiliation qu’il aurait supportée si la résiliation était intervenue de son fait à cette date ». Les acheteurs considèrent que le séjour de substitution a été conclu en violation de ces stipulations contractuelles. Ils font valoir que le contrat initialement prévu a été résilié brusquement par le vendeur, la veille du départ. Ils n’ont pas pu bénéficier de l’information sur la résiliation, ni du délai de réflexion de 7 jours entre la formulation de l’offre et son acceptation. La cour d’appel se serait prononcée par un motif erroné pour retenir la validité du contrat de substitution, violant l’article 1134 du Code civil3 et l’article R. 211-10 du Code du tourisme.
La Cour de cassation est amenée à s’interroger à propos de l’indemnité forfaitaire due à l’acheteur lorsque celui-ci a accepté un voyage de substitution à la suite de l’annulation du voyage initialement prévu.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu deux arrêts de rejet. Elle commence par rappeler les dispositions prévues par les articles L. 211-14 et R. 211-10 du Code du tourisme avant d’opérer un contrôle lourd. Après avoir constaté que l’acheteur avait accepté le voyage de substitution, c’est à bon droit que les juges du fond ont retenu que celui-ci ne pouvait réclamer l’indemnité prévue par le premier alinéa de l’article R. 211-10 du Code du tourisme. La cour d’appel n’avait pas à caractériser la volonté de l’acheteur de renoncer à cette indemnisation. Elle a justement déduit que l’acheteur avait renoncé à se prévaloir du délai contractuel de réflexion dans la mesure où il avait accepté le voyage de substitution avec un départ à la même date que le voyage initialement prévu.
La Cour de cassation affirme ainsi que l’indemnité forfaitaire n’est pas accordée à l’acheteur lorsque celui-ci accepte un voyage de substitution (I). Cette solution, qui consacre l’idée d’une véritable renonciation à l’indemnité complémentaire, est conforme au droit européen (II).
I – L’exclusion de l’indemnisation forfaitaire en cas d’acceptation d’un voyage de substitution
La novation du contrat, qui résulte de l’acceptation d’un voyage de substitution (A), justifie que la Cour de cassation refuse d’accorder l’indemnité forfaitaire (B).
A – La novation du contrat par l’acceptation du voyage de substitution
La Cour de cassation se prononce pour la première fois à propos de l’application de l’article R. 211-10 du Code du tourisme. Dans sa version applicable au litige4, cet article précise les conséquences de la mise en œuvre de l’article L. 211-14 du même code5. Il renvoie à l’hypothèse d’une annulation du voyage par le vendeur en l’absence de faute de l’acheteur ainsi qu’à la possibilité de conclure un accord amiable portant sur un séjour de substitution. Dans les deux espèces soumises à la Cour de cassation, le vendeur résilie le contrat de voyage la veille du départ. Cette circonstance amène à prendre en compte le critère temporel pour apprécier la rupture. Les demandeurs au pourvoi arguent du caractère brutal de cette rupture de dernière minute. Ils considèrent qu’ils ont été contraints d’accepter le voyage de substitution et que la brutalité de la rupture ne leur a pas permis de bénéficier du délai de réflexion de 7 jours prévu par les conditions générales de vente.
La Cour de cassation reprend le raisonnement de la cour d’appel pour écarter le caractère brutal de la rupture. Peu importe que la rupture ait lieu la veille du départ ou non dès lors que le voyage de substitution a été accepté par l’acheteur. La haute juridiction rappelle que « l’acheteur avait accepté le voyage de substitution avec un départ à la même date que le voyage initialement prévu » et que la cour d’appel « en a justement déduit » que l’acheteur « avait renoncé à se prévaloir du délai contractuel de réflexion ». En effet, les juges du fond s’étaient livrés à une appréciation in concreto des circonstances de l’espèce. Ces derniers avaient écarté l’idée d’une acceptation contrainte du voyage de substitution. Ils avaient précisé que les acheteurs avaient parfaitement la possibilité de refuser le voyage de substitution s’ils estimaient que cette proposition n’était pas satisfaisante dans la mesure où elle ne permettait pas de respecter le délai de réflexion de sept jours prévu par le contrat.
Cette proposition présentait toutefois l’avantage d’offrir aux acheteurs un voyage à la même date de départ que celui initialement prévu et dans un village-vacances offrant des prestations supérieures. Dans la mesure où l’acceptation du voyage de substitution est libre, elle emporte directement renonciation au délai contractuel de réflexion. Au-delà, l’acceptation du voyage de substitution offert par le vendeur entraîne une modification de l’obligation du contrat qui unit l’acheteur et le vendeur. L’obligation d’exécuter le voyage initialement prévu est éteinte. Les parties lui ont substitué une obligation nouvelle, celle d’exécuter le voyage de substitution. Il y a ainsi une véritable novation du contrat. Cette novation justifie le refus de la Cour de cassation d’accorder l’indemnisation forfaitaire.
B – Le refus d’accorder l’indemnité forfaitaire
Les dispositions de l’article R. 211-10 du Code du tourisme soulèvent des difficultés d’interprétation relatives à l’indemnisation du voyageur lorsque celui-ci accepte un voyage de substitution. L’alinéa premier de cet article énonce qu’en cas d’annulation du voyage, « l’acheteur, sans préjuger des recours en réparation des dommages éventuellement subis, obtient auprès du vendeur le remboursement immédiat et sans pénalité des sommes versées ; l’acheteur reçoit, dans ce cas, une indemnité au moins égale à la pénalité qu’il aurait supportée si l’annulation était intervenue de son fait à cette date ». En son alinéa second, cet article précise ensuite que ces dispositions « ne font en aucun cas obstacle à la conclusion d’un accord amiable ayant pour objet l’acceptation, par l’acheteur, d’un voyage ou séjour de substitution proposé par le vendeur »6.
La Cour de cassation devait déterminer si les différents éléments d’indemnisation prévus par l’alinéa premier de cet article pouvaient se cumuler ou non avec les dispositions prévues par le second alinéa de cet article, à savoir l’accord amiable portant sur un voyage de substitution. En d’autres termes, la Cour de cassation était amenée à se demander si l’indemnisation des préjudices subis, le remboursement des sommes versées et l’indemnité forfaitaire étaient dus par le vendeur en cas d’acceptation d’un voyage de substitution.
D’une part, il était possible de considérer que ces dispositions étaient cumulatives. Dans cette hypothèse, le remboursement des sommes versées aurait lieu lorsque, après déduction du montant du voyage de substitution, un reliquat positif apparaîtrait. L’acheteur aurait également droit à l’indemnité forfaitaire ainsi qu’à des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
D’autre part, il était possible d’admettre que l’accord amiable portant sur le voyage de substitution excluait la possibilité d’obtenir l’indemnité forfaitaire. Le remboursement des sommes versées se ferait alors après déduction du montant du voyage de substitution mais l’acheteur ne pourrait pas bénéficier d’une indemnité de résiliation. Ce dernier pourrait simplement se voir allouer des dommages et intérêts en raison des préjudices subis. La Cour de cassation a opté pour cette seconde grille de lecture. En l’espèce, les acheteurs ont obtenu une indemnisation globale de 8 155 € grâce à une ristourne et un avoir, mais ils ne peuvent pas se voir attribuer l’indemnité forfaitaire. La haute juridiction considère ainsi qu’après avoir « retenu que l’acheteur avait accepté le voyage de substitution proposé par le vendeur » l’arrêt de la cour d’appel « énonce, à bon droit, qu’il ne peut réclamer à ce dernier l’indemnité prévue au premier alinéa de l’article R. 211-10 du Code du tourisme ».
À travers la lecture qu’elle opère de l’article R. 211-10 du Code du tourisme, la Cour de cassation vient consacrer la renonciation à une indemnité complémentaire en cas d’acceptation du voyage de substitution. Cette analyse est conforme aux dispositions du droit de l’Union européenne.
II – La consécration de la renonciation à l’indemnité complémentaire conforme au droit européen
La solution de la Cour de cassation, qui reconnaît la renonciation implicite à se prévaloir de l’indemnité complémentaire (A), peut être éclairée par les dispositions du droit de l’Union européenne (B).
A – La renonciation implicite à se prévaloir de l’indemnité complémentaire
La haute juridiction énonce que la cour d’appel « n’avait pas à caractériser la volonté de l’acheteur » de renoncer à l’indemnité forfaitaire prévue par l’article R. 211-10 du Code du tourisme. Elle écarte l’argumentation selon laquelle les juges du fond auraient dû caractériser la volonté non équivoque des acheteurs de renoncer au droit de percevoir l’indemnité de résiliation. La renonciation à l’indemnité forfaitaire ne doit pas être expresse. Elle est implicite car elle résulte de l’acceptation du voyage de substitution.
La renonciation implicite se comprend au regard de la nature même de l’indemnité forfaitaire. La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt en date du 4 novembre 19927, que cette indemnité est destinée à assurer le respect de l’obligation souscrite. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’une clause pénale, elle n’exclut pas le versement des dommages et intérêts. Le caractère comminatoire de l’indemnité forfaitaire justifie que l’acceptation d’un voyage de substitution entraîne renonciation implicite à cette indemnité. En effet, en cas d’acceptation d’un voyage de substitution, le vendeur exécute une obligation. S’il ne s’agit pas de l’obligation souscrite au départ, la novation a été acceptée par l’acheteur. L’exécution de l’obligation nouvellement souscrite emporte renonciation à l’indemnité forfaitaire attachée à l’obligation initialement prévue, qui est éteinte.
Ce régime se rapproche de celui prévu par les articles L. 211-13 et R. 211-9 du Code du tourisme, relatif à la modification d’un élément essentiel du contrat. Dans sa rédaction applicable au litige, ce dernier article8 prévoit l’hypothèse dans laquelle le vendeur « se trouve contraint d’apporter une modification à l’un des éléments essentiels du contrat ». L’acheteur se voit alors offrir deux possibilités. La première lui permet de résilier le contrat et d’obtenir le remboursement des sommes versées sans pénalité. La seconde consiste à accepter la modification ou le voyage de substitution. Dans les deux cas, l’acheteur peut se voir octroyer des dommages et intérêts mais il ne bénéficie pas d’une indemnité de résiliation9. L’analyse réalisée par la Cour de cassation semble rapprocher les régimes attachés à la modification d’un élément essentiel du contrat en raison d’un élément extérieur au vendeur10 et à la résiliation du contrat en l’absence d’élément extérieur11 en cas d’acceptation d’un voyage de substitution. Une distinction entre les deux régimes intervient toutefois si l’acheteur refuse le voyage de substitution. Dans ce cas, l’indemnité de résiliation ne sera pas due par le vendeur qui a proposé la modification d’un élément essentiel du contrat en raison d’un élément extérieur, mais elle devra être versée par le vendeur qui résilie le contrat en l’absence d’élément extérieur. Dès lors que le vendeur annule le voyage initialement prévu en application de l’article L. 211-14 du Code du tourisme, il sera tenu de verser l’indemnité forfaitaire s’il ne propose pas un voyage de substitution ou si ce voyage est refusé par l’acheteur. À l’inverse, lorsque ce voyage est accepté par l’acheteur, celui-ci renonce à l’indemnité forfaitaire. Cette solution peut être éclairée par les dispositions du droit de l’Union européenne.
B – L’analyse de la renonciation à la lumière du droit de l’Union européenne
La question de l’indemnisation du voyageur en cas d’acceptation d’un voyage de substitution a évolué en droit de l’Union européenne. La directive du 13 juin 199012, qui était applicable au moment des faits, prévoyait que lorsque l’organisateur du voyage était contraint « de modifier, de façon significative, le contrat sur un des éléments essentiels »13, le consommateur pouvait résilier le contrat sans pénalité ou accepter un avenant au contrat qui précisait les modifications apportées et leur incidence sur le prix14. Dans l’hypothèse où le consommateur décidait de résilier le contrat ou quand l’organisateur annulait le forfait en l’absence de faute de l’acheteur, ce dernier avait droit à un autre forfait15 ou au remboursement des sommes versées en vertu du contrat16. Le consommateur avait droit, en sus, à un dédommagement pour inexécution du contrat17, sauf lorsque l’annulation résultait du fait que le nombre de personnes inscrites pour le forfait était inférieur au nombre minimum exigé ou lorsque l’annulation était imputable à un cas de force majeure18.
Au sens de cette directive, un voyage de substitution pouvait être mis en place à la suite de l’acceptation par le voyageur de la modification d’un élément essentiel du contrat ou de la résiliation du contrat par le client ou l’organisateur. Alors que l’indemnisation forfaitaire était exclue dans la première hypothèse, le voyageur pouvait l’obtenir dans la seconde hypothèse.
Cette directive permettait donc de cumuler le voyage de substitution et l’indemnité forfaitaire en cas de résiliation du contrat par le vendeur. En l’espèce, la Cour de cassation aurait pu se fonder sur l’application de cette directive pour accorder à l’acheteur l’indemnisation complémentaire. Tel ne fut pas le choix opéré par la haute juridiction. Nul doute que les juges du quai de l’Horloge ont été inspirés par la modification postérieure du droit de l’Union européenne.
La directive du 25 novembre 201519 est venue abroger et remplacer la directive du 13 juin 1990. Elle offre moins de souplesse aux États membres quant à l’interprétation de ses dispositions. Dans un souci d’harmonisation, cette directive pose le principe suivant : « les États membres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire, dans leur droit national, des dispositions s’écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs »20. Concernant les services de voyage, elle dispose que lorsque l’organisateur est contraint de modifier l’une des caractéristiques principales, comme la destination ou les périodes de séjour, le voyageur peut soit accepter la modification proposée, soit résilier le contrat sans payer de frais de résiliation21. En cas de résiliation, un autre forfait peut être proposé au voyageur22. Lorsque la modification du contrat ou le forfait de substitution entraîne une baisse de qualité du forfait ou de son coût, le voyageur a droit à une réduction de prix23. L’acceptation du voyage de substitution ne donne pas lieu à une indemnité forfaitaire. Cette indemnité n’est accordée que lorsque le voyageur n’accepte pas le forfait proposé24. Au sens de la directive de 2015, il est possible de considérer que l’acceptation du voyage de substitution vaut renonciation à l’indemnité forfaitaire. Les dispositions de cette directive semblent rejoindre la solution retenue par la Cour de cassation dans les arrêts du 14 novembre 2019.
Une nuance doit toutefois être apportée en ce que la Cour de cassation s’est prononcée à propos de l’annulation du voyage en l’absence de faute par l’acheteur. Or la directive européenne ne prévoit pas directement l’hypothèse d’une résiliation du contrat par l’organisateur. Elle vise spécifiquement le cas dans lequel l’organisateur est contraint de modifier l’une des caractéristiques principales du contrat. La notion de « contrainte » soulève des difficultés d’interprétation, notamment sur le point de savoir si elle recouvre uniquement la cause étrangère ou l’une de ses applications, la force majeure25. En droit interne, l’article L. 211-13 du Code du tourisme précise que cette contrainte doit être extérieure à l’organisateur26. Cette précision ne figure pas au sein du droit de l’Union européenne. En l’espèce, la modification de la destination par l’organisateur pourrait, au sens de la directive européenne de 2015, être perçue comme une contrainte. Dès lors que la contrainte est caractérisée, le droit de l’Union européenne ouvre la voie de la modification ou de la résiliation du contrat avec la possibilité pour l’acheteur d’accepter un voyage de substitution.
Notes de bas de pages
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1.
JCl Concurrence – Consommation, fasc. n° 996 : Contrat de voyages – Contrats et responsabilité, note Lachièze C., 9 juill. 2015, n° 1.
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2.
Devenus les articles 1103 et 1130 du Code civil.
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3.
Devenu l’article 1103 du Code civil.
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4.
V. C. tourisme, art. R. 211-10, dans sa version issue du décret n° 2009-1650 du 23 décembre 2009, portant application de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, de développement et de modernisation des services touristiques, article 1 : JORF n° 0300, 27 déc. 2009, p. 22424, texte n° 16. Cet article a ensuite été modifié par le décret n° 2017-1871 du 29 décembre 2017 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, article 2 : JORF n° 0305 du 31 déc. 2017, texte n° 100.
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5.
L’article R. 211-10 du Code du tourisme renvoie à l’article L. 211-14 du même code (v. C. tourisme, art. L. 211-14, dans sa version issue du de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, de développement et de modernisation des services touristiques, article 1 : JORF n° 0169, 24 juill. 2009, p. 12352, texte n° 1. La lettre de cet article a été modifiée par l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, article 2 : JORF n° 0297, 21 déc. 2017, texte n° 34).
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6.
JCl Concurrence – Consommation, fasc. n° 996 : Contrat de voyages – Contrats et responsabilité, note Lachièze C., 9 juill. 2015, n° 78.
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7.
Cass. 1re civ., 4 nov. 1992, n° 90-21285 : Bull. civ. I, n° 278 ; D. 1993, p. 138, note Dagorne Labbe Y.
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8.
V. l’article R. 211-9 du Code du tourisme, dans sa version issue du décret n° 2009-1650 du 23 décembre 2009, portant application de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, de développement et de modernisation des services touristiques, article 1 : JORF n° 0300, 27 déc. 2009, p. 22424, texte n° 16. Cet article a ensuite été modifié par le décret n° 2017-1871 du 29 décembre 2017 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, article 2 JORF n° 0305 du 31 déc. 2017, texte n° 100.
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9.
JCl. Transport, fasc. n° 980 : Agences de voyages – Conclusion du contrat et responsabilité, note Batteur A., 30 sept. 2012, n° 52 et s. ; JCl. Concurrence – Consommation, fasc. n° 996 : Contrat de voyages – Contrats et responsabilité, note Lachièze C., 9 juill. 2015, n° 61 et s.
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10.
V. l’article L. 211-13 du Code du tourisme, dans sa version issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, de développement et de modernisation des services touristiques, article 1 : JORF n° 0300, 27 déc. 2009, p. 22424, texte n° 16.
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11.
V. l’article L. 211-14 du Code du tourisme, dans sa version issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, de développement et de modernisation des services touristiques, article 1 : JORF n° 0300, 27 déc. 2009, p. 22424, texte n° 16.
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12.
Directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64.
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13.
Directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, article 4.5 : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64.
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14.
Directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, article 4.5 : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64.
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15.
Il s’agissait, plus précisément, d’un forfait de qualité équivalente ou supérieure. Si le forfait offert en substitution était de qualité inférieure, la différence de prix devait être remboursée par l’organisateur au consommateur (directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, article 4.6, a : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64).
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16.
Directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, article 4.6, b : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64.
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17.
La directive prévoyait que ce dédommagement lui était versé soit par l’organisateur, soit par le détaillant, selon ce qui était prescrit par la législation de l’État membre concerné (directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, article 4.6 al. 2 : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64).
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18.
La directive précisait qu’il devait s’agir de « circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées » (directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, article 4.6, b, ii : JOUE L 158 du 26 juin 1990, pp. 59-64).
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19.
Directive n° 2015/2302/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement n° 2006/2004/ CE et la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 90/314/CEE du Conseil : JOUE L 326, 11 déc. 2015, p. 1-33.
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20.
Directive n° 2015/2302/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement n° 2006/2004/ CE et la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 90/314/CEE du Conseil, article 4 : JOUE L 326, 11 déc. 2015, p. 1-33.
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21.
Directive n° 2015/2302/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement n° 2006/2004/ CE et la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 90/314/CEE du Conseil, articles 11.2 et 5.1, a : JOUE L 326, 11 déc. 2015, p. 1-33.
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22.
Ce forfait doit, si possible, être de qualité égale ou supérieure (directive n° 2015/2302/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement n° 2006/2004/ CE et la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 90/314/CEE du Conseil, article 11.2 al. 2 : JOUE L 326, 11 déc. 2015, p. 1-33).
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23.
Directive n° 2015/2302/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement n° 2006/2004/ CE et la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 90/314/CEE du Conseil, article 11.4 : JOUE L 326, 11 déc. 2015, p. 1-33.
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24.
Directive n° 2015/2302/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement n° 2006/2004/ CE et la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 90/314/CEE du Conseil, articles 11.5 et 14 : JOUE L 326, 11 déc. 2015, p. 1-33.
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25.
Rép. com. Dalloz, v° Agence de voyages, note Dagorne Labbe Y., sept. 2019, n° 45.
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26.
Cette précision est restée au sein de cet article lorsqu’il a été modifié par l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) n° 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, article 2 : JORF n° 0297, 21 déc. 2017, texte n° 34.