État de droit : bilan mitigé pour la France selon la Commission européenne

Publié le 24/08/2023
État de droit : bilan mitigé pour la France selon la Commission européenne
Grecaud Paul/AdobeStock

Garante de la bonne application du traité sur l’Union européenne, la Commission européenne publie, depuis quatre ans, un rapport annuel sur l’État de droit. Si le bilan continental 2023 s’avère plutôt positif, il n’épargne pas certains pays comme la Hongrie et la Pologne. La France, quant à elle, est sermonnée pour certains manquements à l’égard de la liberté de la presse ou de lutte contre la corruption. Ce rapport s’inscrit dans un contexte européen (guerre en Ukraine) et national (réforme des retraites) pour le moins tendu.

C’est un exercice périlleux auquel s’adonne chaque année, au début de l’été, la Commission européenne. Évaluer la situation de l’État de droit dans l’Union européenne et plus précisément dans chacun des 27 pays membres. Un défi en forme de bulletin scolaire accompagné de son lot de félicitations et d’avertissements. Et sans réelle surprise, si la France se classe parmi les bons élèves de la classe, des reproches importants lui sont toujours adressés.

Parmi ceux-ci, la situation concernant la liberté et le pluralisme des médias préoccupe particulièrement, à certains égards, la Commission. Ainsi, si « le cadre juridique relatif au pluralisme et à la liberté des médias protège la liberté d’expression ainsi que le pluralisme et l’indépendance des médias », l’institution rappelle cependant qu’« aucune nouvelle mesure n’a été prise pour renforcer la transparence de la propriété des médias, en particulier en ce qui concerne les structures d’actionnariat complexes, en s’appuyant sur les garanties juridiques existantes ». Aussi, elle note de manière inquiétante que « les journalistes continuent d’être exposés à des menaces et à des attaques, malgré les mesures conçues pour renforcer leur sécurité lors du déroulement de protestations et de manifestations ». Des critiques relatives au système médiatique qui s’ajoutent à celles adressées aux mesures déployées pour lutter contre la corruption. « Davantage de progrès sont possibles en ce qui concerne les contrôles de sécurité liés à l’intégrité au sein de la police et le pouvoir disciplinaire exercé à l’égard des juges », estime la Commission, avant d’évoquer les efforts entrepris pour la protection des lanceurs d’alerte, menacés toutefois, juge-t-elle, par « le manque de ressources ».

Un sentiment de corruption ancré

De manière générale, selon les résultats d’un sondage effectué par les services de la Commission en appui du rapport, 69 % des Français considèrent que « le problème de corruption est répandu » dans leur pays. Un chiffre égal à la moyenne de l’UE (70 %) mais en hausse de cinq points par rapport à l’an passé et qui s’inscrit dans un contexte particulièrement hostile ces derniers mois en France entre débats autour de la réforme des retraites et soupçons de violences policières. Sans mentionner l’article 49-3, la Commission rappelle par ailleurs, dans un style monotone caractéristique, que « le gouvernement a largement recouru aux mécanismes autorisés par la Constitution pour accélérer les procédures législatives, et raccourcir ou limiter ainsi le débat parlementaire sur les propositions législatives ».

Tout à fait à l’opposé de ces blâmes déguisés en simples observations, le rapport énumère aussi de nombreux points « positifs » pour la protection de l’état de droit en France. « Des mesures importantes ont été prises pour garantir au système de justice des ressources humaines suffisantes, et les projets en cours visant la numérisation complète des procédures judiciaires civiles et pénales ont continué à progresser », indique par exemple la Commission. De la même manière, celle-ci considère que « la durée totale des procédures judiciaires a diminué et l’augmentation des ressources devrait améliorer encore l’efficience du système de justice », ou encore qu’« un certain nombre de mesures pour améliorer la qualité et l’efficience du système de justice, notamment pour donner suite aux conclusions du Comité des États généraux de la justice ».

Modèle nordique

Ailleurs en Europe, si deux tiers des recommandations soulevées par le passé ont bien été prises en compte, totalement ou partiellement, par les États membres, des problèmes perdurent « notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice. Pour ce qui est de la nomination des juges et des conseils de la justice, ainsi que des ressources et des rémunérations, les États membres doivent prendre des mesures supplémentaires », considère Didier Reynders, le commissaire européen chargé de la justice. Hongrie et Pologne se trouvent une nouvelle fois coiffées du bonnet d’âne de l’UE pour leurs atteintes répétées à l’État de droit. La Pologne, notamment, est particulièrement tancée pour n’avoir enregistré aucuns « progrès », ou presque, depuis l’an passé et ce alors que la Commission a engagé, en juin dernier, une nouvelle procédure d’infraction contre le pays pour « violation du droit de l’Union » après la création d’un comité spécial sur l’examen de l’influence russe dans le pays. Une actualité qui entraîne son lot de tensions entre Bruxelles et Varsovie, alors même que le pouvoir polonais ne cesse d’être salué pour son soutien apporté à l’Ukraine depuis le début du conflit il y a un an et demi.

Plus au Nord, à des milliers de kilomètres, les meilleurs élèves n’ont pas, eux non plus, changé. Les pays scandinaves restent des exemples – non sans failles – pour la protection de l’État de droit à l’intérieur même de leurs frontières. Ainsi, c’est respectivement en Suède (36 %), au Danemark (21 %) et en Finlande (13 %) que le sentiment de corruption est le plus faible chez les citoyens. A contrario, c’est au Portugal (93 %), en Croatie (96 %) et en Grèce (97 %) qu’ils estiment le plus que la corruption est répandue dans leurs pays.

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