Le principe de « cashback » appliqué aux investissements en SCPI : les zones d’ombres juridiques et réglementaires

Publié le 07/09/2022
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Le monde évolue à une vitesse exponentielle et le monde de la finance n’échappe pas à la règle. La rencontre de la « new-tech » et de la finance a permis de voir éclore de nombreuses fintechs qui, aujourd’hui, pénètrent quasiment tous les marchés. Le domaine des investissements en SCPI a le vent en poupe et conserve une attractivité pour tous les investisseurs, du simple profane au plus chevronné. Des nouveaux acteurs 2.0 ont récemment vu le jour en proposant notamment un système de cashback à l’origine de nombreuses interrogations.

Dans un tel contexte, le marché de l’investissement dans les SCPI n’est pas en reste et donne lieu depuis plusieurs mois à de nombreuses interrogations au regard des dispositions relatives aux « inducements » que certains nouveaux acteurs semblent méconnaitre. Par ailleurs, ces mêmes acteurs semblent également opter pour un positionnement commercial et marketing susceptible d’entrer dans le périmètre des pratiques commerciales trompeuses tout en mettant de surcroit les investisseurs en danger. Enfin, le volet fiscal lié aux offres de cashback (inducement) reste très confus.

I – Les dispositions réglementaires relatives aux « inducements »

Les « inducements » doivent s’entendre des commissions et rétrocessions que tout conseiller en investissement financier (CIF) peut ou non percevoir dans le cadre de son activité en matière de placements financiers en société civile de placement immobilier (SCPI).

C’est notamment ce détail qui permet de déterminer si le CIF est indépendant ou non indépendant.

L’article 24, paragraphe 7, a) et b), de la directive MIF 21 dispose que l’indépendance du CIF au regard des commissions et rémunérations doit s’apprécier en fonction de deux critères :

• si et seulement si le CIF ne limite pas son évaluation à des instruments émis par lui-même ou par une entité avec laquelle il entretient des relations étroites, ces dernières pouvant prendre la forme de tous liens capitalistiques, économiques ou contractuels suffisamment importants pour remettre en cause l’indépendance du conseil fourni2 ;

• si et seulement si le CIF ne conserve aucun avantage (monétaire ou non monétaire) provenant d’un tiers. S’il en perçoit, il doit les reverser en intégralité à son client et se faire rémunérer uniquement par des honoraires facturés au client.

Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 533-12-4, alinéa 1, du Code monétaire et financier indiquent : « Les prestataires de services d’investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ne doivent pas verser ou recevoir une rémunération ou une commission ou fournir ou recevoir un avantage non monétaire en liaison avec la fourniture d’un service d’investissement ou d’un service connexe à toute personne, à l’exclusion du client ou de la personne agissant pour le compte du client, à moins que le paiement ou l’avantage ait pour objet d’améliorer la qualité du service concerné au client et ne nuise pas au respect de l’obligation du prestataire d’agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle au mieux des intérêts du client ».

Donc, au regard du critère des rétrocessions/commissions perçues, le CIF peut être indépendant à la condition de reverser l’intégralité de ce qu’il perçoit au client. Si ce n’est pas le cas, il ne peut pas être considéré comme indépendant.

Dans ce dernier cas de figure, le CIF est donc non indépendant. Il peut alors percevoir des rétrocessions/commissions à la condition de respecter les règles sur les avantages et rémunérations imposant l’information du client, l’obligation d’amélioration du service et le respect de l’obligation d’agir au mieux des intérêts du client.

Le régime des avantages et rémunérations tel que prévu par la directive déléguée de MIF 2 et applicable aux prestataires de service d’investissement (PSI) a été repris dans le cadre du régime analogue des CIF.

En effet, l’article 325‐16, II, du règlement général de l’AMF, applicable aux CIF, opère un renvoi vers les dispositions des articles 314‐13 à 314‐20 du règlement général de l’AMF, applicables aux PSI, qui détaillent ce régime.

Ces dispositions3 prévoient notamment que :

• une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé, reçu ou perçu doit avoir pour objet d’améliorer la qualité du service concerné ;

• une telle incitation ou rémunération est présumée améliorer la qualité du service concerné si les conditions suivantes sont remplies :

° elle est justifiée par la fourniture au client d’un service supplémentaire ou d’un service de niveau plus élevé, proportionnel à l’incitation reçue ;

° elle ne bénéficie pas au CIF, à l’un ou plusieurs de ses actionnaires ou à tout membre de son personnel, et ce sans que le client n’en retire de bénéfice tangible ;

° elle est justifiée par la fourniture au client d’un service fourni dans la durée, en rapport avec l’incitation reçue dans la durée.

Ces rémunérations ne sont donc autorisées que dans le seul but d’améliorer la qualité du service aux clients, et à la condition qu’elles ne nuisent en rien au respect des chartes et obligations du prestataire.

Ce dernier doit notamment agir d’une manière honnête, équitable et professionnelle au mieux des intérêts des clients. C’est, pour l’Autorité des marchés financiers (AMF), la condition incontournable de la justification des commissionnements. Par ailleurs, le client doit toujours être clairement informé de leur existence, de leur nature, de leur montant et de leur mode de calcul, et ce toujours en amont de la fourniture du service.

Les nouveaux acteurs du marché proposent très généralement une offre commerciale d’acquisition de parts en SCPI mais aussi un service de conseil en investissement, et rentrent de facto dans le cadre des dispositions relatives aux « inducements », dispositions applicables aux CIF.

La première zone d’ombre réside dans le fait que bon nombre de ces acteurs ne semblent se positionner ni comme conseil indépendant, ni comme conseil non indépendant, ce qui, au regard de la réglementation, n’est pas permis.

Aux termes des dispositions de l’article 24, paragraphe 7, a), de la directive MIF 2, la notion d’indépendance du CIF doit notamment s’apprécier au regard de la diversité des instruments financiers émis et/ou proposés. En d’autres termes, le CIF ne doit pas simplement proposer ses propres instruments ou les instruments d’un seul partenaire.

L’offre commerciale de ces nouveaux acteurs permet d’avoir accès à une large gamme de SCPI proposées par des sociétés de gestion diverses avec lesquelles ces derniers ne semblent pas avoir de liens de dépendances directs.

Dès lors, la première condition posée par l’article 24, paragraphe 7, a), de la directive MIF 2 semble remplie.

Il faut toutefois analyser la deuxième condition fixée par l’article 24, paragraphe 7, b), de la directive MIF 2, qui dispose notamment que le CIF ne peut conserver aucun avantage (monétaire ou non monétaire) provenant d’un tiers. S’il en perçoit, il doit les reverser en intégralité à son client et se faire rémunérer uniquement par des honoraires facturés au client4.

L’étude de l’offre commerciale de certains acteurs permet d’identifier un point certain, à savoir la rétrocession aux investisseurs d’une partie de la somme investie sous forme d’un pourcentage. Néanmoins, la communication sur ce point ne semble pas très précise et permet de supposer deux cas de figure :

• Premier cas de figure envisageable : l’acteur ne perçoit aucune rémunération des sociétés de gestion, et celles-ci sont d’accord avec le fait de voir leurs frais « amputés » d’un pourcentage déterminé, ce qui semble peu probable puisqu’il s’agit de frais fixes ;

• Deuxième cas de figure envisageable : l’acteur perçoit une rémunération des sociétés de gestion (compatible avec l’indépendance à condition de tout reverser au client) et décide de n’en rétrocéder qu’une seule partie à ses clients, ce qui est néanmoins contraire aux dispositions applicables.

Il faut toutefois noter que, dans les deux cas, elle doit facturer des honoraires à ses clients investisseurs5. Les acteurs n’expliquent pas toujours aux clients investisseurs à quoi correspond le cashback proposé. Il n’est par ailleurs pas non plus indiqué si des honoraires seront facturés.

Ce dernier point est d’ailleurs problématique en termes d’information préalable due aux investisseurs par le CIF6.

Toutefois, quand la question leur est directement posée, certains acteurs répondent ne facturer aucun honoraire et que le cashback proposé correspond à la rétrocession d’un pourcentage de la somme investie par le client investisseur et non à des commissions perçues.

Dès lors, nous pourrions déduire qu’il s’agit ici d’une technique détournée, permettant à ces sociétés de rétrocéder une partie seulement des commissions reçues des sociétés de gestion avec lesquelles elles travaillent.

En tout état de cause, si la diversité des produits proposés permet le plus souvent de remplir le premier critère de l’indépendance, la nature du cashback proposé n’étant pas clairement identifiable, il semble complexe de déterminer si le deuxième critère de l’indépendance est rempli ou non.

Néanmoins, les CIF ne fournissant pas de conseil en investissement de manière indépendante peuvent toujours recevoir des rétrocessions, sous réserve du respect des règles sur les avantages et rémunérations imposant l’information du client, l’obligation d’amélioration du service et le respect de l’obligation d’agir au mieux des intérêts du client.

Le régime des avantages et rémunérations tel que prévu par la directive déléguée de MIF 2 et applicable aux PSI a été repris dans le cadre du régime analogue des CIF.

Ainsi, si nous considérons que ces nouveaux acteurs ne sont pas indépendants, ils peuvent percevoir directement des avantages des sociétés de gestion et donc décider d’en reverser une partie à leurs clients investisseurs.

Toutefois :

• aucune information7 n’est donnée aux clients en ce sens par les acteurs concernés ;

• il est impossible de voir comment la réception de ces commissions respecte la condition sine qua non « d’améliorer la qualité du service concerné au client et ne nuise pas au respect de l’obligation du prestataire d’agir d’une manière honnête loyale et professionnelle au mieux des intérêts du client » ;

• les acteurs revendiquent eux-mêmes agir en toute indépendance.

Dès lors, cette deuxième hypothèse ne peut clairement être affirmée.

Ce premier point relatif aux dispositions applicables en matières « d’inducements » pose réellement problème car il est aujourd’hui difficile d’identifier clairement le statut de ces nouveaux acteurs, ce qui est pourtant requis par la réglementation ; l’obligation de transparence8 pour l’investisseur ne semble par ailleurs pas respectée.

Si l’AMF a finalement publié de manière récente un rescrit9 sur le sujet des inducements, cette prise de position timorée ne peut nous satisfaire tant elle semble intrinsèquement liée à un cas d’espèce précis.

De plus, elle nous précise que, « dans ces conditions, la décision décrite supra de recourir à la pratique de restitution aux clients d’une partie des rétrocessions de frais de souscription de parts de SCPI – tous les clients bénéficiant, au cas d’espèce, du même pourcentage – appartient au CIF et n’est pas contraire aux dispositions des articles 325-16 et 314-13 à 314-202 du règlement général de l’AMF, dès lors que le CIF informe les clients sur ce transfert, conformément au deuxième alinéa du I de l’article 325-16 susmentionné ».

Or, en pratique, l’une des problématiques relevées réside justement dans le fait que les acteurs concernés n’informent pas les clients conformément aux dispositions de l’article 325-16 du règlement général de l’AMF. De surcroit, le CIF peut certes reverser une partie seulement des frais de souscription comme nous le dit l’AMF, mais seulement si ce dernier exerce en non indépendant, ce qui n’est pas précisé par de nombreux acteurs, comme nous l’avons vu supra. À l’inverse, la question de l’indépendance suppose le reversement intégral des frais et non d’un simple pourcentage.

Dès lors, si l’AMF semble enfin prendre part au débat, il n’en demeure pas moins que ce rescrit est à considérer avec beaucoup de précautions tant il ne semble pas abouti et tant sa portée ne semble en aucun cas général.

II – Les dispositions légales relatives aux pratiques commerciales trompeuses

Au terme des dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, les pratiques commerciales trompeuses sont interdites. Une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.

Une pratique commerciale doit être caractérisée comme étant trompeuse lorsqu’elle repose notamment sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs éléments dont :

• le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

• l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel10.

Par ailleurs, le règlement général de l’AMF précise que « toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur »11.

En ce sens, il est donc établi qu’une pratique commerciale est déloyale et donc trompeuse lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service12.

Il est enfin important de préciser que l’ensemble des dispositions issues du Code de la consommation et de la directive n° 2005-29 doivent trouver à s’appliquer à tout investisseur qui est considéré par la jurisprudence européenne13 comme un consommateur à part entière, un « consommateur de produits financiers » notamment au sens du règlement Bruxelles I bis14.

En pratique, lorsqu’un client se rend sur le site internet ou l’application d’un de ces nouveaux acteurs, il peut se rendre compte que l’acteur n’est qu’une place de marché. Comme toute place de marché, son rôle est de rassembler dans un même endroit (plateforme internet) un ou plusieurs fournisseurs qui proposent des biens ou des services à des acheteurs.

L’acteur n’est donc vraisemblablement pas un CIF, et n’est d’ailleurs pas immatriculé en ce sens à l’organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS). Le plus souvent, l’acteur considéré n’est qu’une entité d’un groupe et semble n’être que le support d’une autre société du même groupe, en charge du conseil.

En pratique, ceci est ambigu dans la mesure où, au regard de la réglementation, toute personne qui propose des services d’investissement ou des conseils, communique dessus et réalise des offres doit avoir le statut de CIF.

Par ailleurs, cela peut poser un problème au regard des dispositions de l’article L. 121-2 du Code de la consommation, qui prévoit notamment qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsque « l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel » sont de nature à induire en erreur.

Le client investisseur pense se connecter à une plateforme internet se vantant de prodiguer des conseils en investissement et agissant sur le marché des SCPI. Or certains nouveaux acteurs n’indiquent jamais clairement et ostensiblement qu’ils ne fournissent pas eux-mêmes le conseil en investissement.

De plus, la stratégie marketing consistant à dire que le « cashback » est un cadeau est une stratégie potentiellement trompeuse au sens de l’article L. 121-2 du Code de la consommation, dans la mesure où une pratique commerciale est trompeuse lorsque « le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service » sont faux ou de nature à induire en erreur.

Toutefois, le client investisseur peut tout à fait penser que la rétrocession sous forme d’un pourcentage qui peut s’apparenter à une offre promotionnelle n’est pas conditionnée. Ce qui constitue un cadeau en l’espèce est soumis à condition. D’ailleurs, par définition, un cadeau n’est pas en théorie soumis à une contrepartie. Or, en l’espèce, le cadeau (cashback) bénéficie au client investisseur uniquement si ce dernier investit une somme minimum.

Enfin, il convient de noter que lorsqu’un client investisseur s’inscrit sur le site ou l’application de ces nouveaux acteurs, il semble avoir la capacité de souscrire des parts de SCPI seul, sans jamais être conseillé.

Or l’activité d’un CIF consiste avant tout à délivrer des conseils et des informations15.

Dès lors, il est possible d’avoir des doutes sur le fait de savoir si un conseil est réellement délivré et si, de ce point de vue, le client investisseur ne serait pas trompé non plus.

III – La mise en danger des investisseurs

Dans le domaine financier, l’un des rôles de l’AMF est de protéger les investisseurs16. Il convient notamment de se référer au guide publié par l’AMF17 en matière de supports commerciaux utilisés dans le cadre de la commercialisation des produits financiers, dont les parts de SCPI. Ce dernier précise notamment que les supports considérés doivent :

• donner des indications sur les performances passées (en précisant clairement que cela ne présage rien sur les performances futures) ;

• donner des informations exactes claires et non trompeuses ;

• indiquer qu’il est effectivement possible pour l’investisseur d’acquérir des parts de SCPI à crédit, sans pour autant que l’accroche commerciale soit de nature à inciter le client à s’endetter.

La protection de l’investisseur est donc multifacette et doit notamment s’entendre de la protection requise contre les communications à caractère publicitaire, destinées aux investisseurs et étant susceptibles de représenter un danger.

Le support publicitaire constitue très souvent le premier et parfois le seul document dont l’investisseur aura pris connaissance avant de s’engager dans une démarche de souscription auprès d’un distributeur en face-à-face, ou sur internet18.

Ainsi, le Comité consultatif du secteur financier pointe du doigt l’utilisation de mots tirés du langage courant, susceptibles d’induire en erreur l’investisseur (par exemple les mots « dynamique » ou « équilibré », généralement utilisés dans les documents publicitaires).

Il est également considéré comme essentiel le fait que l’information publicitaire, lorsqu’elle présente les avantages potentiels d’un produit financier, indique également, de manière apparente, les risques éventuels correspondants et que la publicité soit rédigée de manière exacte, lisible et compréhensible et qu’elle ne soit ni trompeuse, ni de nature à induire en erreur.

Dès lors, le comité se prononce en faveur d’un rapprochement du niveau de protection des consommateurs en matière de publicité des produits financiers. Il note que la publicité est régie par de très nombreux textes, pris en application de directives communautaires, dont les dispositions de transposition figurent dans le Code de la consommation (s’agissant de la publicité de manière générale), dans le Code monétaire et financier et dans le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (pour ce qui concerne les instruments financiers).

D’ailleurs, en ce sens, comme nous l’avons précisé précédemment, tout investisseur tend à être considéré par la jurisprudence européenne19 comme un consommateur à part entière, un « consommateur de produits financiers ».

Enfin, il semble que les dispositions générales du Code de la consommation relatives aux ventes à distances devraient également trouver à s’appliquer dans l’hypothèse de produits financiers vendus de manière totalement dématérialisée20 et donc à distance.

En pratique, les nouveaux acteurs semblent parfois utiliser des techniques publicitaires qui pourraient être considérées comme dangereuses ou, a minima, potentiellement dangereuses.

En effet, l’utilisation de termes incitatifs, dédramatisant l’opération d’investissement et la présentant avec des codes marketing empruntés des réseaux sociaux, tend à cibler une population jeune et donc des investisseurs profanes pour qui la protection prend encore plus de sens. En effet, bien souvent, les publicités de ces acteurs ne mettent pas l’accent sur les risques, banalisent l’investissement et amènent le consommateur/investisseur à prendre une décision « risquée » « à la légère », sans les bonnes explications et informations requises.

Dès lors, il semble que les nécessités de ne pas induire le client investisseur en erreur, d’agir dans son intérêt21, de ne pas lui faire prendre de risques, de ne pas l’inciter à l’endettement et de communiquer de manière compréhensible et non trompeuse ne soient que trop superficiellement prises en considération par ceux-ci.

IV – Une zone d’ombre d’un point de vue fiscal

Aucun de ces nouveaux acteurs ne précise si cette rétrocession sous forme d’un pourcentage du capital investi sera ou non soumise à imposition. Pourtant, il semble ici que cela soit d’une importance cruciale.

En effet, si d’un point de vue fiscal cette rétrocession est analysée comme un remboursement de frais de souscription, alors l’investisseur ne pourra pas réduire sa plus-value du montant intégral des frais de souscription acquittés lors de son investissement. Il devra les limiter au montant effectivement supporté (après prise en compte du remboursement).

Si cette rétrocession est analysée comme un remboursement de frais de gestion, alors, dans la mesure où l’investisseur déduit les frais de gestion de ses revenus fonciers, un tel remboursement de frais doit être ajouté aux loyers perçus afin qu’il subisse l’impôt sur le revenu (au barème progressif) et les prélèvements sociaux (au taux de 17,2 %).

Les acteurs concernés indiquent le plus souvent que le cashback reversé à l’investisseur correspond à une quote-part de la rémunération du courtier, laquelle est comprise dans les frais de souscription. Comme évoqué ci-avant, les frais de souscription n’étant pas immédiatement déduits, ce remboursement partiel ne donne pas lieu à une imposition immédiate. En revanche, lors de la cession des parts de SCPI, l’investisseur ne pourra pas déduire l’ensemble des frais de souscription acquittés lors de l’investissement. Il devra les limiter au montant effectivement supporté, c’est-à-dire à la diminution faite du remboursement perçu. Il est souligné que le modèle d’investissement en SCPI « classique » n’induit pas en principe de plus-value lors de leur revente mais plutôt une moins-value, du fait de la prise en compte des frais de souscription.

Ce cashback pourrait donc modifier cette situation et donner lieu à une fiscalisation de la vente pour l’investisseur. Plus encore, certaines SCPI ont un modèle économique différent puisqu’elles distribuent peu leur résultat de manière annuelle mais tendent à la réalisation d’une plus-value à terme (SCPI de valorisation ou de capitalisation). Dès lors, la prise en compte « réduite » des frais de souscription viendra accroître le gain taxable de l’investisseur et ainsi augmenter sa pression fiscale.

Il apparaît que la situation actuelle dans laquelle se trouve le marché de l’investissement en SCPI nécessite une mise au point et un éclaircissement objectif, complet et général de la part de l’autorité de régulation, mais aussi de la part de l’administration fiscale.

Notes de bas de pages

  • 1.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2014/65/UE, 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, texte présentant de l’intérêt pour l’EEE.
  • 2.
    Également prévu par le règlement délégué (UE) n° 2017/565 de la Commission du 25 avril 2016 complétant la directive n° 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive.
  • 3.
    AMF, règl. gén., art. 314-14.
  • 4.
    Même si dans son rapport final du 31 mars 2020, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) constate que les investisseurs ne sont pas prêts et disposés à payer pour des conseils en investissement indépendants.
  • 5.
    Dir. MIF 2, art. 24, § 7.
  • 6.
    Information ex ante prévue par l’article 325-14 du règlement général de l’AMF.
  • 7.
    AMF, règl. gén., art. 314-21 et 314-42.
  • 8.
    AMF, règl. gén., art. 325-14.
  • 9.
    AMF, rescrit, DOC 2022-04, La restitution de rémunérations par un conseiller en investissements financiers à des clients.
  • 10.
    C. consom., art. L. 121-2.
  • 11.
    AMF, règl. gén., art. 325-5.
  • 12.
    PE et Cons. CE, dir. n° 2005-29, 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales.
  • 13.
    CJUE, 3 oct. 2019, n° C-208/18, Jana Petruchova c/ FIBO Group Holdings Limited.
  • 14.
    PE et Cons. UE, règl. n° 1215/2012, 12 déc. 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
  • 15.
    AMF, règl. gén., art. 325-3.
  • 16.
    AMF, rapp. annuel, 2020.
  • 17.
    Guide pour la rédaction des documents commerciaux et la commercialisation des placements collectifs, 23 déc. 2011, mod. 16 mars 2021.
  • 18.
    Recommandations du Comité consultatif du secteur financier, relatif à la publicité des produits financiers, 2008.
  • 19.
    CJUE, 3 oct. 2019, n° C-208/18, Jana Petruchova c/ FIBO Group Holdings Limited.
  • 20.
    C. consom., art. L. 222-1 à L. 222-4.
  • 21.
    Principe mis en exergue dans le code de bonne conduite de l’ANACOFI.
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