Transition énergétique : des outils au service du développement de l’énergie éolienne

Publié le 18/06/2018

Le 114e Congrès des notaires de France s’est mobilisé pour le développement de la filière éolienne et lever les freins à l’installation des parcs éoliens. Outre les outils juridiques à mettre en place, la fiscalité est un des leviers permettant de faciliter l’acceptabilité des champs éoliens.

 

La France devrait porter à 32 % sa part d’énergies renouvelables à l’aube de 2030, un objectif inscrit dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée le 18 août 2015. La production d’énergies renouvelables française s’insère dans un mix énergétique encore largement dominé par l’énergie nucléaire. Ainsi en 2016, sur 531 TWh produits, 384 TWh sont d’origine nucléaire, 64 TWh d’origine hydraulique, 21TWh d’origine éolienne et 8 TWh de solaire. L’électricité d’origine éolienne constitue avec l’hydroélectricité et le solaire photovoltaïque une des composantes majeures du mix électrique décarboné et renouvelable dont la France a choisi de se doter à l’horizon 2030. L’électricité d’origine éolienne occupe la deuxième place des énergies renouvelables. C’est aussi l’énergie qui a le plus progressé ces 10 dernières années. À cet égard, l’année 2016 a constitué une année record en termes de raccordement, avec un total de 1 345 MW.

Toutefois, cette dynamique reste en deçà du rythme nécessaire à l’atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui vise l’installation de 15 GW, nécessitant un raccordement de 1 665 MW en 2017 et autant en 2018. En matière d’éoliennes, la puissance installée représente environ 5 % de notre consommation d’électricité. Avec 12,33 GW raccordés au 30 juin 2017 et un objectif fixé par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) entre 21,8 et 26 GW en 2023, le développement éolien est appelé à s’accélérer fortement dans les années à venir. Incitations fiscales, leviers et subventions… les outils sont en place. Mais un certain nombre de freins subsistent.

Le 114e Congrès des notaires de France, qui s’est tenu à Cannes des 27 au 30 mai derniers, était consacré à l’avenir des territoires. Il a accordé une large place au sujet des énergies renouvelables dans le cadre de la deuxième commission qui a pour thème l’avenir de l’énergie. En comparaison avec ses voisins européens, la France accuse un retard certain dans la transition énergétiques soulignaient les notaires de France. L’éolien représente désormais 25 % de la puissance électrique renouvelable installée en France. Sa croissance s’est faite très rapidement soulignait le rapport « Demain le territoire », rédigé dans le cadre du 114e Congrès. La puissance éolienne raccordée cumulée a été multipliée par cinq entre 2005 et 2010, et encore par deux entre 2010 et 2017. En moyenne, abstraction faite des intermittences, l’éolien couvre 4,2 % des besoins électriques nationaux. Le territoire est disparate, 59 % de la production provient des régions Hauts-de-France, Grand-est et Occitanie.

Le parc éolien est le quatrième d’Europe derrière l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni. Sur le plan de la puissance éolienne installée, il est loin derrière l’Allemagne qui tient la première place avec un parc éolien installé de 50 019 MW. Il ne se situe qu’au 16e rang européen en tenant compte de la puissance par habitant, derrière des États comme la Lituanie ou Chypre. La France possède également le deuxième gisement d’Europe après le Royaume Uni s’agissant de l’éolien en mer. Avec 3 500 km de côtes, la France métropolitaine bénéficie de conditions géographiques particulièrement favorables au développement de l’éolien en mer. Si 6 parcs éoliens off-shore ont été projetés le long du littoral français, le littoral n’est pas encore réellement exploité, la première éolienne flottante ayant été inaugurée en 2017 seulement ! La filière éolienne emploie environ 15 000 personnes directement ou indirectement, souligne le rapport « Demain le territoire », rédigé dans le cadre du 114e Congrès.

Lever les freins aux projets éoliens

10 ans, c’est le délais observé entre la décision d’installer un site de production d’énergie renouvelable et son entrée en production. Que faut-il modifier dans les textes pour faire évoluer les pratiques et les mentalités ?, interrogeait le 114e Congrès des notaires de France. Les projets éoliens doivent faire face à une série d’obstacles spécifiques qui président à leur implantation. L’implantation d’éoliennes entraîne des nuisances sonores et visuelles, des dommages aux populations d’oiseaux, des risques pour la sécurité des personnes en cas de rupture de la pale ou du mât, voire des conséquences financières du fait de la perte de valeur potentielle du patrimoine immobilier situé sur les communes destinées à les accueillir. L’acceptation d’un tel projet n’est pas toujours aisé. Alors qu’un projet éolien en Allemagne met en moyenne 4 à 5 ans à aboutir, cette durée double pour un projet en France. Organisées et efficaces, les associations anti-éoliennes ralentissent les projet d’implantation, en multipliant les recours judiciaires. Près de 70 % des autorisations délivrées font l’objet de recours devant les tribunaux administratifs. Si les pouvoirs publics ont limité leur champ d’action, en généralisant l’autorisation unique, qui permet de regrouper pour un projet l’ensemble des autorisations administratives et, donc, de diminuer d’autant le nombre de recours, cette stratégie de recours systématique entrave la naissance d’une véritable filière industrielle de l’éolienne. Il est donc essentiel d’améliorer l’acceptabilité des projets éoliens. L’an passé, le ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, a réuni un groupe de travail afin de proposer des mesures pour accélérer le développement de l’éolien terrestre, et ce, tout en garantissant la protection de l’environnement des éoliennes : paysages, biodiversité mais aussi, et avant tout, son acceptabilité auprès des populations riveraines. Ce groupe de travail a ainsi réuni entre le 20 octobre 2017 et le 18 janvier 2018 un très large panel d’acteurs liés à la filière : parlementaires, administrations, représentants d’élus, associations environnementales, professionnels, etc. Parmi ses recommandations : accélérer le contentieux relatif aux parcs éoliens terrestres et à leurs ouvrage connexe en ayant un contentieux en premier et dernier ressort devant la cour administrative d’appel. Autre proposition : simplifier ces contentieux en figeant automatiquement les moyens de légalité interne et externe au bout de deux mois.

De son côté, le 114e Congrès des notaires de France innovait avec une proposition très pragmatique : la mise en place d’un fonds de garantie destiné à financer le démantèlement des éoliennes afin de pallier la défaillance éventuelle des exploitants. Ce fonds de garantie serait financé par les exploitants eux-mêmes. En effet, si le développement des énergies renouvelables est une nécessité pour la transition énergétique, le démantèlement et la remise en état du site constitue un enjeu très important. S’il est prévu qu’ils relèvent de la responsabilité de l’exploitant, la défaillance de celui-ci laisse le propriétaire du terrain dans une situation difficile. Ce fonds permettrait donc de lever des incertitudes et d’atténuer les réticences face au projet éolien.

Les enjeux fiscaux

En leur qualité d’établissements industriels et d’entreprises de réseaux, les parcs éoliens sont soumis à plusieurs taxes et impôts. Ces taxes sont majoritairement attribués aux communes et communautés de commune d’implantation. Les revenus fiscaux sont de l’ordre de 10 000 à 15 000 euros par MW installé et par an. La fiscalité éolienne constitue un véritable enjeu pour le développement de l’éolien car elle constitue un attrait majeur pour les communes susceptibles d’héberger de l’éolien. La fiscalité a constitué l’un des principaux sujets de discussions du groupe de travail national éolien. L’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) auxquelles les parcs éoliens sont soumis, conformément aux dispositions de l’article 1519 D du Code général des impôts (CGI), constitue 70 % de cette facture fiscale. Les départements en perçoivent 30 %, les communautés de communes et communes d’implantation 70 %. Le tarif d’imposition de l’IFER augmente chaque année. L’IFER a concentré les débats. Les conclusions du groupe ont été annoncées le 18 janvier 2018 et une des mesures retenue consiste donc à modifier la répartition de l’IFER et à attribuer à la commune d’implantation une part minimale de 20 % de cet impôt. Cette mesure sera proposée dans la prochaine loi de finances afin de permettre aux communes faisant le choix d’accueillir une installation éolienne de se voir garantir légitimement une part minimale des revenus fiscaux générés. Le produit de la taxe foncière est attribué aux départements, aux communauté de communes, ainsi qu’aux communes d’implantation du parc éolien, en fonction du taux de répartition voté au sein de ces collectivités. Fondations, plates-formes, poste de livraison et chemins entrent dans l’assiette de la taxe foncière. Structure métallique entièrement démontable et transportable, le mât ne constitue pas un élément de l’ouvrage taxable. Cette taxe est due à partir du 1er janvier suivant l’année d’achèvement des bâtiments. Les constructions nouvelles sont exonérées, au titre de l’année de leur achèvement et des deux années civiles suivantes, de la taxe foncière sur les propriétés bâties. L’exonération porte sur les seules parts départementale et régionale. L’ensemble des cotisations payées par l’entreprise est plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée, plafond qui ne s’applique pas à la cotisation foncière minimum. La cotisation foncière des entreprises (CFE) fait partie de la cotisation territoriale des entreprises (CTE) est affectée aux communes et à la communauté de communes. La répartition des recettes au sein du bloc communal dépend de la volonté des communes et communautés de communes. Les éoliennes étant des établissements industriels, elles bénéficient à ce titre d’un allégement de 30 % pour le calcul de leur valeur locative. De plus, un abattement de 50 % est appliqué pour les équipements de production d’énergie renouvelable. La CFE est due à compter du raccordement au réseau. L’article 1465 A du Code général des impôts prévoit également une exonération de 5 ans pour les entreprises qui procèdent notamment à des créations ou extensions d’activités industrielles dans les zones de revitalisation rurale (ZRR).

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE ) fait partie de la CTE et est répartie selon un taux fixe annuel. En 2017, les recettes de la CVAE ont été affectées à 50 % à la région, 23,5 % au département et 26,5 % à la communauté de communes et commune d’implantation. Elle concerne toutes les entreprises passibles de la CFE dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 €. Son montant est calculé en fonction de la valeur ajoutée produite. Son taux progressif, est compris entre 0 % et 1,5 % pour les entreprises ayant un CA supérieur à 50 M €. L’article 1465 A du Code général des impôts prévoit une exonération de 5 ans pour les entreprises qui procèdent notamment à des créations ou extensions d’activités industrielles dans les zones de revitalisation rurale (ZRR).