Convention France / Luxembourg : marche arrière en faveur des frontaliers

Publié le 03/12/2019

La nouvelle convention fiscale passée entre la France et le Luxembourg, qui sera applicable le 1er janvier 2020, vient d’être amendée pour tenir compte de la situation des frontaliers. La nouvelle méthode d’élimination de la double imposition leur faisait paradoxalement courir un risque de double imposition.

Quelques semaines avant son entrée en vigueur le 1er janvier, la nouvelle convention fiscale signée entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune vient d’être amendée par les autorités des deux pays.

Entériné par la loi n° 2019-130 du 25 février 2019 (JORF n° 0048, 26 févr. 2019), ce traité, âprement négocié, qui est venu remplacer celui du 1er avril 1958, a intégré les standards de lutte contre la fraude fiscale les plus élevés. Il est vrai que suite au scandale Luxleaks en 2014, le Luxembourg a été contraint à prendre le virage de la transparence et de la coopération fiscale.

Parmi les mesures phares de la nouvelle convention : la méthode d’élimination de la double imposition. Cette réforme a fait craindre un risque de double imposition pour les frontaliers. Ils sont 106 000 Français, à traverser quotidiennement l’invisible frontière pour aller travailler au Luxembourg, bénéficiant d’un marché de l’emploi dynamique – le taux de chômage s’élevant à 5,7 % au Luxembourg, en août 2019, contre 8,5 % en France.

L’exemption remplacée par l’imputation

Dans l’ancienne convention, la double imposition était évitée par la méthode de l’exemption. La France et le Luxembourg s’étaient réparti le droit d’imposer les revenus de la façon traditionnelle suivante : les revenus d’emploi du salarié frontalier sont imposés dans l’État où l’activité est exercée, c’est-à-dire au Luxembourg et sont exemptés d’impôt dans l’État de résidence du salarié frontalier, en France.

La France tient toutefois compte du montant des revenus exemptés pour calculer un taux effectif d’imposition qu’elle applique aux autres revenus imposables en France tels que les revenus d’activité exercée en France, les loyers issus d’immeubles situés en France.

L’article 22 de la nouvelle convention remplace cette méthode d’élimination de la double imposition par celle de « l’imputation ». Cette méthode conduit à imposer les salaires des frontaliers résidents de France au Luxembourg mais aussi en France. L’impôt français est alors calculé sous déduction d’un crédit d’impôt égal selon les cas particuliers des frontaliers au montant de l’impôt payé au Luxembourg ou au montant de l’impôt payé en France, sans toutefois que ce crédit d’impôt puisse dépasser le montant de l’impôt français correspondant à ce revenu.

Convention France / Luxembourg : marche arrière en faveur des frontaliers
Jérôme Rommé / AdobeStock

Il est apparu que cette méthode pouvait entraîner une hausse de pression fiscale. Par exemple, si la France pratique une taxation plus lourde que le Luxembourg, c’est la France qui définira la charge fiscale finale. Si, dans le cas contraire, l’imposition luxembourgeoise est plus lourde, le frontalier français ne profitera pas du résultat français favorable puisque l’excédent de crédit d’impôt ne sera pas restitué. En appliquant un barème plus lourd, mécaniquement, un différentiel non remboursable est dégagé. De son côté, la France applique un taux calculé sur les revenus mondiaux de son résident, ce faisant elle encaisse un impôt calculé sur la base du taux effectif, ce qui n’est pas systématique au Luxembourg.

Au Luxembourg, une question parlementaire avait été posée par le député luxembourgeois Alex Bodry. Côté français, les élus locaux ne semblaient pas tous avoir mesuré les changements. Niant l’effet mécanique induit par les nouvelles règles, la députée de la Moselle, Isabelle Rauc, évoquait de « fausses informations » circulant sur internet et les réseaux sociaux.

Retour à l’exemption

Les légitimes inquiétudes des frontaliers ont été entendues au plus haut niveau. Le 10 octobre dernier, en marge d’un conseil Ecofin à Luxembourg, les ministres des Finances français et luxembourgeois – Bruno Le Maire et Pierre Gramegna – ont signé un avenant amendant la nouvelle convention. Avec cet avenant, la France revient à la situation antérieure en réintroduisant la méthode de l’exemption pour éliminer la double imposition des revenus d’occupation salariée notamment.

Selon le communiqué du ministre luxembourgeois : « cette modification aura donc pour effet que la double imposition des frontaliers résidents de la France, et touchant un revenu d’occupation salariée au Luxembourg, ne sera pas éliminée par la méthode de l’imputation, comme cela était prévu par le texte initial de la nouvelle convention, mais par la méthode de l’exemption avec réserve de progressivité. Il s’ensuit que le salarié frontalier ne sera pas redevable d’impôts en France sur son salaire de source luxembourgeoise ».

Le gouvernement luxembourgeois indique que les dispositions de la nouvelle convention et de l’avenant s’appliqueront aux périodes d’imposition commençant le 1er janvier 2020.

Selon Pierre Gramegna, « cet avenant tient compte des observations émises par le Luxembourg et met fin au débat concernant les modalités d’imposition des frontaliers français travaillant au Luxembourg sous la nouvelle convention fiscale. Grâce à l’avenant, les frontaliers résidents de la France touchant un revenu d’occupation salariée au Luxembourg restent dans une situation de continuité par rapport à leur situation actuelle. Il illustre non seulement les bonnes relations qui existent entre la France et le Grand-Duché, mais assure également un niveau plus élevé de sécurité juridique aux salariés concernés ».

X