Crédit d’impôt recherche : Bercy met à jour sa doctrine

Publié le 25/01/2022
Crédit d'impôt recherche : Bercy met à jour sa doctrine
Jérôme/AdobeStock

Le crédit d’impôt recherche (CIR) constitue une dépense fiscale majeure pour les pouvoirs publics mais dont l’efficacité est reconnue même si elle reste modérée. Ce dispositif a été réformé à de multiples reprises. L’administration fiscale vient d’en commenter les dernières modifications.

L’administration fiscale vient de commenter au Bulletin officiel des finances publiques les aménagements du crédit d’impôt recherche (CIR), initiés depuis la loi de finances pour 2020 (mise à jour de la base BOFIP-Impôt du 13 juillet 2021). Depuis sa mise en place en 1983, le CIR a connu de nombreuses évolutions qui ont concerné l’assiette des dépenses prises en compte et son mode de calcul. Le CIR est une mesure générique de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises, sans restriction de secteur ou de taille. Les entreprises qui engagent des dépenses de recherche fondamentale et de développement expérimental peuvent bénéficier du CIR en les déduisant de leur impôt sous certaines conditions. Le taux du CIR varie selon le montant des investissements. Les dépenses de recherche à prendre en compte sont les dépenses affectées à la réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique et elles sont limitativement énumérées par la loi. Depuis la réforme de 2008, le CIR correspond à une aide proportionnelle au volume des dépenses éligibles.

Un dispositif très généreux

Avec un coût budgétaire de plus de 6 milliards d’euros par an, le CIR représente à lui seul les trois cinquièmes de l’ensemble des soutiens publics à l’innovation en France. Après la fin des paiements aux entreprises des dernières créances CICE, le CIR sera la première dépense fiscale en France. Massivement utilisé par les entreprises, s’il est loin d’être le seul outil utilisable pour financer leurs projets de recherche et de développement, le CIR reste le principal outil incitatif de financement public de la R&D. Avec le CIR, la France est considérée comme offrant le dispositif le plus généreux d’aide fiscale au sein de l’OCDE. En effet, c’est l’État dans lequel le poids relatif de l’ensemble des aides à la recherche privée par rapport au PIB est le plus élevé, devant la Fédération de Russie et le Royaume-Uni. Pour les seules aides fiscales, la France (avec un ratio de 0,29 % du PIB) se situe également au tout premier rang, devant le Royaume-Uni (0,25 %), l’Autriche, l’Italie et la Belgique (environ 0,18 % dans les trois cas), le Portugal (0,17 %), l’Australie et les Pays-Bas (0,14 % dans les deux cas), ainsi que la Corée (0,13 %).

Un dispositif aux effets positifs…

Cependant, l’étude de l’efficacité du CIR au regard de son objectif principal, à savoir l’augmentation de la dépense intérieure en R&D des entreprises, reste difficile à établir. La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi) a rendu en juin dernier son avis sur l’impact du CIR, (avis de la Cnepi juin 2021, Évaluation du crédit d’impôt recherche). Avec cet avis, la Cnepi finalise un cycle d’études de cinq ans consacrées à l’évaluation du CIR. Les données définitives sur les créances du CIR d’une année ne sont disponibles que trois ans plus tard, durée pendant laquelle les entreprises ont la possibilité d’imputer effectivement la créance sur leur impôt sur les bénéfices. En conséquence, les travaux de la Cnepi ont été menés en deux phases. La Cnepi a achevé une première étape d’évaluation du dispositif en 2019 et mis en évidence l’effet positif de la réforme du dispositif en 2008 qui a conduit les entreprises à un niveau de dépenses de recherches supérieur à ce qu’il aurait été sans cette réforme, et d’un montant à peu près équivalent à la dépense fiscale additionnelle résultant de la réforme. S’il était possible de conclure que la réforme du CIR avait atteint son objectif d’accroissement des dépenses de R&D, de nombreuses questions restaient cependant en suspens.

… mais à relativiser

En effet, cette première analyse ne permettait pas d’observer si ce surcroît de dépenses conduisait à améliorer la performance économique en France pour les entreprises concernées (valeur ajoutée, création d’emploi, exportations, etc.), ni s’il en allait de même pour les entreprises n’ayant bénéficié du CIR qu’après la réforme de 2008, ni enfin si ce crédit d’impôt avait amélioré l’attractivité de la France pour les implantations de centres de recherche et développement des entreprises étrangères et françaises. La Cnepi a donc lancé une seconde étape d’évaluation. D’après ses principales conclusions, la réforme de 2008 a eu des effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de recherche et le chiffre d’affaires mais pas sur la valeur ajoutée et l’investissement, à l’exception de l’investissement incorporel (acquisition de logiciels, de brevets, etc.). Pour les entreprises déjà bénéficiaires du CIR avant 2008, les effets identifiés sont positifs sur les PME, mais non significatifs sur les grandes entreprises. Pour les entreprises entrées dans le dispositif après 2008, il n’est pas possible de chiffrer l’impact du CIR sur leur dynamique de croissance. Enfin, conclut la CNEPI, le dispositif n’a pas démontré son efficacité pour pallier la baisse de l’attractivité du site France pour la localisation de la R&D des entreprises multinationales.

Encadrement des dépenses de personnel

L’article 130 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (L. n° 2019-1479 du 28 déc. 2019) a abaissé de 50 % à 43 % le taux applicable aux dépenses de personnel pour le calcul du forfait des dépenses de fonctionnement retenu dans l’assiette du CIR prévu à l’article 244 quater B du Code général des impôts (CGI, art. 244 quater B). Il a également rétabli à 100 millions d’euros de dépenses de recherche le seuil de l’obligation déclarative complémentaire et instauré une obligation déclarative complémentaire portant sur la part des jeunes docteurs lorsque les dépenses de recherche sont comprises entre 10 millions et 100 millions d’euros. Les entreprises concernées doivent produire en sus de leur déclaration de CIR un état récapitulant la part des titulaires d’un doctorat financés par cette dépense ou recrutés sur leur base. Cet état doit préciser le nombre d’équivalent temps plein correspondant et leur rémunération moyenne.

Sous-traitance : des règles durcies

En matière de sous-traitance, les règles ont été durcies. L’article 132 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 a aménagé les modalités de prise en compte des dépenses de recherche externalisées pour mettre fin aux montages dits de « sous-traitance en cascade », afin d’éviter qu’une même dépense puisse être prise plusieurs fois en compte. Les dépenses générées par des opérations réalisées par des sous-traitants publics ou privés ne peuvent être prises en compte par le donneur d’ordre qu’à la condition que ces opérations aient été réalisées directement par les organismes auxquelles elles ont été confiées. En cas de sous-traitance à un organisme public, la prise en compte de ces dépenses pour le double de leur montant est limitée à la seule part des opérations effectivement réalisées par cet organisme et subordonnée à la condition qu’il n’existe pas de lien entre l’entreprise bénéficiaire du CIR et l’organisme sous-traitant. Par ailleurs, l’administration fiscale apporte des précisions sur le champ des dépenses externalisées éligibles au CIR ainsi que sur les modalités de calcul du CIR des organismes prestataires à la suite de deux décisions du Conseil d’État de 2020 (CE, 9e-10e ch. réun., 22 juill. 2020, n° 428127, FNAMS, et CE, 8e-3e ch. réun., 9 sept. 2020, n° 440523, Takima). Les commentaires de Bercy relatifs à la définition des activités de recherche et développement sont également mis à jour pour intégrer les notions du Manuel de Frascati de 2015, un outil essentiel pour définir les opérations de R&D éligibles au CIR. Enfin, il est procédé au retrait de publication du BOI-RES-BIC-00034 à la suite des arrêts rendu par la cour administrative d’appel de Nancy le 3 décembre 2020 (CAA Nancy, 3 déc. 2020, n° 19NC02371, n° 19NC02372, n°19NC02373), qui apportent des précisions quant aux éléments d’appréciation de la qualité de petite et moyenne entreprise au sens du droit de l’Union européenne dans le cadre d’une demande de remboursement immédiat du crédit d’impôt.

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