Incidences pratiques du Covid-19 sur les contrôles fiscaux
Afin de tenir compte du caractère exceptionnel de la crise sanitaire que nous traversons actuellement, une série de mesures ponctuelles et ciblées a été adoptée par le gouvernement pour aménager les règles applicables en matière de contrôle fiscal.
L’objectif étant de préserver les entreprises qui sont d’ores et déjà durement touchées, tout en tirant les conséquences du confinement imposé.
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a instauré, à compter du 24 mars 2020, un état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour une durée de deux mois.
Sous réserve d’une éventuelle prorogation, l’état d’urgence sanitaire aurait donc vocation à prendre fin le 24 mai prochain.
Cette loi a, par ailleurs, habilité le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, toute mesure nécessaire pour répondre à l’épidémie de Covid-19, et notamment aux conséquences résultant du confinement imposé.
Dans ce cadre, une série d’ordonnances a été adoptée en vue d’aménager les règles régissant le contrôle et le contentieux fiscal ainsi que le recouvrement de l’impôt.
La phase du contrôle fiscal est particulièrement impactée par les dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant la même période.
L’article 10 prévoit, en effet, la suspension des délais non échus au 12 mars 2020 ou commençant à courir au cours de la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 juin 2020 (sous réserve d’une prorogation de la période d’état d’urgence sanitaire).
Sont ainsi suspendus :
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Les délais de prescription lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 (art. 10 I-1°).
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Les autres délais prévus par les différentes procédures de contrôle fiscal (art. 10-I-2°).
Dans ce contexte, il importe d’identifier les principales incidences pratiques des modifications apportées sur les règles qui gouvernent habituellement les relations entre le contribuable et l’administration dans le cadre du contrôle fiscal.
À cet égard, les récents commentaires publiés par l’administration sont les bienvenus et ce, même s’ils pourraient faire l’objet de certains ajustements à l’issue de la consultation publique dont ils font l’objet (BOI-DJC-COVID19-20, 3 avril 2020 – consultation publique jusqu’au 13 avril 2020).
Suspension du délai de reprise de l’administration
L’article 10 I-1° de l’ordonnance n° 2020-306 suspend la prescription des délais de reprise de l’administration qui arrivent à terme le 31 décembre 2020.
Ainsi, le délai de reprise dont dispose l’administration est suspendu pour la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (i.e. jusqu’au 24 juin prochain en l’état actuel des choses).
Cette suspension conduit à étendre le délai de reprise, quelle que soit sa durée, lorsque la prescription devait être acquise au 31 décembre 2020.
Par dérogation aux règles habituelles, l’administration pourra en pratique, dans les premiers mois de l’année 2021, contrôler et notifier des rehaussements notamment au titre des revenus de l’année 2017 en matière d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ou encore des résultats de l’exercice clos le 31 décembre 2017 en matière d’impôt sur les sociétés.
Étant toutefois précisé que les délais expirant postérieurement au 31 décembre 2020 ne sont pas concernés par la suspension et ce, même si le contrôle en cours porterait sur plusieurs années dont l’une d’elles viendrait à être prescrite au 31 décembre 2020 (BOI-DJC-COVID19-20, n° 20).
La suspension des délais de réponse des contribuables aux propositions de rectification
En principe, le contribuable dispose d’un délai de 30 jours pour répondre à la proposition de rectification qui lui a été notifiée, ce délai étant prorogé de 30 jours si ce dernier en fait la demande dans le délai initial (LPF, art. L. 57).
En application de l’article 10 I-2° de l’ordonnance n°2020-306, les délais de réponse aux propositions de rectification sont suspendus à compter du 12 mars 2020.
À cet égard, il importe de préciser que la suspension du délai en arrête temporairement le cours, sans effacer le délai déjà couru à cette date. Il recommencera à courir après un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
En pratique, plusieurs hypothèses peuvent dès lors être identifiées :
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Lorsque le contribuable s’est vu notifier une proposition de rectification moins de 30 jours avant le 12 mars 2020, le délai dans lequel il est tenu de présenter ses observations (ou de demander une prorogation de celui-ci) est suspendu et recommencera à courir à l’issue du mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit à compter du 25 juin prochain, en l’état actuel des choses).
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Lorsque le contribuable s’est vu notifier une proposition de rectification moins de 60 jours avant le 12 mars 2020 et a sollicité la prorogation du délai de 30 jours, le délai de 60 jours dont il dispose pour répondre est également suspendu et ne recommencera à courir qu’au terme du mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
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Lorsque le contribuable s’est vu notifier une proposition de rectification pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, le délai de réponse ne commencera à courir qu’au terme de cette période.
Il conviendra, en conséquence, d’être particulièrement attentif au décompte des délais de réponse, étant rappelé que l’absence de réponse de la part du contribuable dans le délai imparti vaut acceptation tacite des rectifications notifiées.
Le délai de réponse de l’administration aux observations présentées par les petites entreprises
Dans le cadre des procédures de rectification visant les petites entreprises, l’administration est tenue de répondre aux observations du contribuable dans un délai de 60 jours, le défaut de réponse équivalant à une acceptation tacite de sa part (LPF, art. L. 57 A).
Ce délai est également suspendu pour la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Deux situations peuvent donc être envisagées :
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Lorsque le contribuable a présenté ses observations moins de 60 jours avant le 12 mars 2020, le délai de réponse dont dispose l’administration est suspendu à compter de cette date et reprendra à l’issue du mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
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Lorsque le contribuable a présenté ses observations pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’administration disposera d’un délai de 60 jours qui débutera à compter de la fin de la période considérée.
Limitation de la durée des vérifications de comptabilité sur place en cours
La durée des vérifications de comptabilité sur place est, en principe, limitée à 3 mois lorsqu’elles visent des entreprises dont le montant du chiffre d’affaires ou des recettes brutes n’excède pas les limites d’admission au régime simplifié d’imposition (LPF, art. L. 52).
En cas d’opérations de vérification de comptabilité en cours au 12 mars 2020, le délai de 3 mois, lorsqu’il est applicable, est suspendu à compter de cette date et reprendra à l’issue d’une période d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Une attention particulière devra être portée au décompte de ce délai qui se calcule de quantième en quantième, dans la mesure où le non-respect de celui-ci est sanctionné par la nullité des impositions supplémentaires résultant des opérations de contrôle.
Engagements de nouvelles vérifications de comptabilité
L’ordonnance susvisée ne comporte aucune disposition limitant le pouvoir de vérification de l’administration. Cette dernière serait donc en droit d’engager de nouvelles procédures de vérification de comptabilité pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit jusqu’au 24 juin prochain en l’état actuel des choses).
Cela étant, le ministre de l’Action et des Comptes publics a enjoint aux services vérificateurs de la DGFiP de ne lancer aucun contrôle fiscal pendant cette période, en particulier dans les secteurs d’activité les plus touchés.
Cette consigne apparaît cohérente puisqu’il serait pour le moins délicat de mettre en œuvre des opérations de vérification de comptabilité sur place en respectant les garanties du contribuable telles que la tenue d’un débat oral et contradictoire ou l’assistance du conseil de son choix.
En conclusion, les différentes mesures récemment adoptées par le gouvernement ont un impact pratique non négligeable en matière de contrôle fiscal. Les contribuables auront tout intérêt à les maîtriser pour préserver leurs recours en temps utile et, le cas échéant, soulever certains moyens de défense dans le cadre des procédures en cours.