Les délais de procédure à l’épreuve de l’épidémie de Covid-19

Publié le 30/04/2020

La survenance de l’épidémie de Covid-19, le confinement et le fonctionnement altéré des juridictions qui s’en sont suivis, ont créé d’importantes difficultés quant au respect des délais, et en particulier des délais de procédure. Il était donc indispensable d’éviter que des contentieux naissent autour de la question de la force majeure et des conséquences de celle-ci. Des mesures législatives temporaires ont donc été mises en place à titre exceptionnel dérogeant aux règles existantes en raison des circonstances. Il a ainsi été mis en place une prorogation générale des délais, ou la suspension de ceux-ci dans certains cas.

Quatre textes ont été mis en place :

1. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Elle autorise le gouvernement à prendre toute mesure :

  • « adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions » (art. 11, 2° b) ;

  • « adaptant (…), parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances … les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions » (art. 11, 2° c).

La loi fixe, également, la période d’application de ces mesures : « Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de Covid-19 ».

2. L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

La circulaire du 26 mars 2020, rectifiée le 30 mars 2020, est venue préciser l’interprétation à donner aux dispositions de l’ordonnance.

Cette ordonnance porte uniquement sur les délais et mesures en matière civile.

Les délais et mesures concernés sont ceux expirant dans une période comprise entre le 12 mars 2020, et 1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclarée conformément à la loi du 23 mars 2020. Cette période est dénommée « période juridiquement protégée » dans la circulaire interprétant l’ordonnance (art. 1).

Ces règles s’appliquent ainsi, sauf dispositions contraires, en première instance, en appel et en cassation. Toutes les juridictions de première instance de l’ordre judiciaire sont concernées. Seule la matière pénale étant exclue, l’ordonnance s’applique à toute la matière civile, commerciale, sociale, fiscale, mais aussi en matière disciplinaire.

3. L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

La circulaire du 26 mars 2020 est venue préciser l’interprétation à donner à cette ordonnance.

Cette ordonnance porte :

  • sur le fonctionnement et l’organisation des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

  • sur les prorogations de délai en matière de mesures de protection et de mesures d’assistance éducatives (art. 12 et 13) ;

  • sur la suspension des délais en matière de saisie immobilière (CPC exéc., art. L. 311-1 à CPC exéc., art. L. 322-14) hors distribution du prix.

4. L’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 venant modifier ou interpréter l’ordonnance n° 2020-306 du 25 avril 2020.

Elle exclut expressément les délais de réflexion et de rétractation ou de renonciation de l’ordonnance n° 2020-306.

Elle modifie le calcul des délais portant sur les astreintes et clauses pénales, résolutoires et de déchéance.

I – La période juridiquement protégée

Les délais et mesures concernés sont ceux expirant dans une période comprise entre le 12 mars 2020 et 1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (état d’urgence sanitaire fixé à ce jour au 24 mai 2020) (article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020).

L’ensemble de cette période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois est dénommée « période juridiquement protégée ».

La date de début de cette période juridiquement protégée est le 12 mars 2020. Cette date est fixe.

La date de fin de la période juridiquement protégée est le 24 juin 2020 (24 mai : cessation de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois) telle que fixée à ce jour. Elle pourra être modifiée en cas de modification de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

II – La prorogation des délais

A – La prorogation des délais pour les actes et formalités incombant aux parties

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 dispose que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ». Le même article ajoute qu’« il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ».

L’ensemble des matières non exclues sont couvertes par ces dispositions, ce qui inclut notamment les délais prévus en matière commerciale, qui n’auraient pas été spécifiquement adaptés par d’autres textes pris en application de la loi du 23 mars 2020.

1 – Cette « prorogation » ne s’applique qu’aux actes et formalités prescrites par la loi ou le règlement et aux délais légalement impartis pour agir

Il s’agit principalement :

  • des délais d’action : la prorogation concerne indistinctement le délai de prescription et de forclusion ;

  • des délais de procédure : la prorogation concerne les délais pour signifier le jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire susceptible d’appel, les délais pour exercer une voie de recours, les délais de forclusion, de péremption, les délais d’enrôlement de l’assignation devant le tribunal judiciaire, les délais de comparution, les délais de procédure devant la cour d’appel avec représentation obligatoire impartis à peine de caducité de la déclaration d’appel ou d’irrecevabilité des conclusions, les délais devant la Cour de cassation impartis à peine de déchéance ou d’irrecevabilité ;

  • des délais de procédures civiles d’exécution : la prorogation concerne l’ensemble des délais à l’exception de la procédure de saisie immobilière (v. III, B, infra).

Ne sont pas concernés :

  • les délais et les paiements prévus contractuellement. Par exemple, le délai pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente à peine de caducité de celle-ci, et qui expire durant la période juridiquement protégée n’est pas prorogé, pas plus que le délai pour la réitération d’une promesse synallagmatique ;

  • le paiement des obligations contractuelles n’est pas suspendu pendant la période juridiquement protégée. Les échéances contractuelles doivent toujours être respectées ; seul le jeu de certaines clauses telles que l’astreinte, les clauses pénales, résolutoires et de déchéance se trouve paralysé par l’article 4 de l’ordonnance (v. III, A, infra) ;

  • les conventions de procédure participatives. Néanmoins, pour ces obligations, les dispositions de droit commun restent applicables, telles que la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir (C. civ., art. 2234), la force majeure en matière contractuelle (C. civ., art. 1218), l’imprévision (C. civ., art. 1195). Il appartiendra aux parties de résoudre entre elles la difficulté en prorogeant elles-mêmes ces délais ;

  • les délais de réflexion et de rétractation ou de renonciation, pourtant prévus par la loi, expressément exclus de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 par l’ordonnance du 15 avril 2020. L’ordonnance du 15 avril est interprétative sur ces points en raison des difficultés d’interprétation suscitées par l’ordonnance du 25 mars 2020. Les dispositions portant sur ces délais sont donc rétroactives.

2 – La prorogation des délais s’applique uniquement aux délais arrivés à échéance ou aux actes qui devaient être accomplis pendant la période juridiquement protégée

En conséquence, ne font l’objet d’aucun report :

  • les actes qui devaient être accomplis avant le 12 mars 2020 ;

  • les actes dont le terme est fixé au-delà du mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire au-delà de la période juridiquement protégée.

3 – Le nouveau délai court à la fin de la période juridiquement protégée, dans la limite de deux mois

L’acte qui aurait dû être accompli pendant la période juridiquement protégée « sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

Il ne s’agit pas, selon la circulaire du 26 mars 2020 d’une suspension ou d’une interruption du délai mais d’un « nouveau délai » au cours duquel il sera interdit de regarder l’acte accompli comme tardif.

Son point de départ correspond à la fin de la période juridiquement protégée (cessation de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois), soit, en l’état, le 24 juin 2020 à minuit.

Sa durée est, quant à elle, celle initialement prévue pour accomplir l’acte, et repartira de zéro, sans toutefois pouvoir excéder 2 mois.

Le point de départ du nouveau délai maximum de 2 mois pour accomplir l’acte est cependant susceptible d’interprétation :

  • ou bien on considère que ce nouveau délai commence à courir après la fin de la période juridiquement protégée, soit le 25 juin 2020 ;

  • ou bien, on considère que ce nouveau délai commence à courir le 24 juin 2020.

La circulaire ne donne aucune précision sur cette question. Il convient, en conséquence, et uniquement par précaution, de considérer que le point de départ du délai prorogé est la date de fin de la période juridiquement protégée soit, en l’état, le 24 juin 2020 et que la date butoir est le 24 août 2020 (date d’expiration du délai maximum de 2 mois).

Exemples :

a – Délai initial inférieur à deux mois

Appel d’une ordonnance de référé du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce :

Une ordonnance de référé a été signifiée le 3 mars 2020. Le délai d’appel, de quinze jours court jusqu’au 18 mars. La date d’expiration du délai étant dans la période juridiquement protégée, le délai d’appel est prorogé jusqu’à la fin de celle-ci soit, le 24 juin 2020. À la date du 24, un nouveau délai d’appel de quinze jours commence à courir, soit jusqu’au 9 juillet 2020, en application du premier alinéa de l’article 641 du Code de procédure civile.

Appel d’un jugement sur le fond rendu par le tribunal judiciaire ou le tribunal de commerce :

Un jugement a été signifié le 2 mars 2020. Le délai d’appel, d’un mois, court jusqu’au 2 avril. La date d’expiration du délai étant dans la période protégée, le délai d’appel est prorogé jusqu’à la fin de celle-ci soit le 24 juin 2020. À la date du 24 juin, un nouveau délai d’appel d’un mois commence à courir, soit jusqu’au 24 juillet.

b – Délai initial supérieur à deux mois

Délai d’une action en justice :

Une action en justice devant être diligentée dans un délai de 5 ans se trouve prescrite le 20 avril 2020. Le délai se trouve prorogé jusqu’au 24 juin. À cette date, un nouveau délai de 5 ans commence à courir soit jusqu’au 24 juin 2025. Cette date étant postérieure au 24 août 2020 (date butoir des 2 mois à compter de la fin de la période protégée), la date limite de l’action en justice est donc le 24 août 2020.

Délai de notification des conclusions d’appelant :

Une déclaration d’appel a été effectuée le 15 janvier 2020. Le délai de notification des conclusions d’appelant est de 3 mois à peine de caducité, soit jusqu’au 15 avril 2020. La date d’expiration du délai étant dans la période juridiquement protégée, le délai de notification des conclusions d’appelant est prorogé jusqu’à la fin de celle-ci, soit le 24 juin 2020. À la date du 24 juin, un nouveau délai de 3 mois commence à courir, soit jusqu’au 24 septembre 2020. Cette date étant postérieure au 24 août (qui est la date butoir du délai de 2 mois à compter de la fin de la période protégée), la date limite de dépôt des conclusions d’appelant est donc le 24 août 2020.

Délai de péremption (2 ans – article 386 du Code de procédure civile) :

Une instance se trouve périmée le 10 mai 2020. Le délai se trouve prorogé jusqu’au 24 juin. À cette date, un nouveau délai de 2 ans court jusqu’au 10 mai 2022. Cette date étant postérieure au 24 août 2020, la date limite de péremption est donc le 24 août 2020.

Remarque : l’instance n’est pas interrompue pendant la période juridiquement protégée. Le délai de péremption qui n’a pas expiré par la période protégée continue, en conséquence, de courir même pendant cette période.

Il convient d’insister sur le fait que la prorogation instaurée par l’ordonnance ne porte que sur les délais légalement impartis aux parties pour accomplir un acte. Tel n’est donc pas le cas des délais fixés par le juge lui-même aux parties, comme les délais fixés pour la consignation d’une provision en matière de médiation, ou les délais fixés dans le cadre de la mise en état de l’affaire (délais impartis par le juge aux parties pour conclure, clôture de l’instruction).

Si l’échéance tombe pendant la période juridiquement protégée, il appartiendra, au besoin, aux parties de solliciter du juge l’adaptation de sa mesure.

Il demeure qu’en l’état des textes, les parties devront rester particulièrement vigilantes sur ce point et faire diligence aux échéances imparties.

4 – Le cas particulier des contrats renouvelables par tacite reconduction et contrats dont la résiliation est encadrée dans une période déterminée

La partie qui n’aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement dans le délai imparti, en raison de l’épidémie de Covid-19, bénéficie d’un délai supplémentaire pour le faire.

Le délai est ainsi prolongé de 2 mois après la fin de la période juridiquement protégée, pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l’opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans une période ou un délai qui expire durant la période juridiquement protégée.

Exemple :

Un contrat a été conclu le 25 avril 2019 pour une durée d’un an. Il contient une clause prévoyant que le contrat sera automatiquement renouvelé sauf si l’une des parties adresse une notification à son cocontractant au plus tard 1 mois avant son terme. Chaque partie avait donc jusqu’au 25 mars pour s’opposer au renouvellement. Ce délai ayant expiré durant la période juridiquement protégée, le contractant pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les 2 mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée.

B – La prorogation des délais pour les autorités et juridictions

L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit une prorogation de délai pour les mesures suivantes :

  • les mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;

  • les mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;

  • les autorisations, permis et agréments ;

  • les mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

  • les mesures d’aide à la gestion du budget familial.

L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prévoit la même prorogation pour les mesures de protection juridique des majeurs et des victimes de violences, et d’assistance éducative et d’aide à la gestion du budget familial.

Cette prorogation de plein droit ne prive pas le juge ou l’autorité compétente qui a prononcé la mesure avant le 12 mars 2020 de la possibilité de la modifier de sa propre initiative ou d’y mettre fin.

La prorogation ne concerne que les mesures dont le terme vient à échéance au cours de la période juridiquement protégée.

Les mesures dont le terme vient à échéance postérieurement à la période juridiquement protégée ne sont donc pas affectées.

Les délais arrivant à échéance pendant la période protégée sont prorogés de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de :

  • 2 mois suivant la fin de la période juridiquement protégée pour les mesures listées à l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 et pour les mesures de protection juridique des majeurs et des victimes de violence (soit le 24 août) ;

  • 1 mois pour les mesures d’assistance éducative et d’aide à la gestion du budget familial (soit le 24 juillet).

Ce mécanisme fixe une date de prorogation unique pour toutes les mesures concernées, quel que soit leur délai initial.

Il existe un doute sur le fait de savoir si la prorogation commence à courir à partir du 24 juin ou bien du 25. Dans le doute, et dans le silence de la circulaire, il convient, par précaution, de prendre comme point de départ de la prorogation du délai le 24 juin.

III – Le gel et la suspension des délais

A – Les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 distingue deux hypothèses :

Les astreintes et clauses ayant déjà pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendues pendant la période juridiquement protégée tandis que celles devant prendre effet pendant cette période sont paralysées et reportées.

L’ordonnance du 15 avril 2020 est venue modifier le calcul des délais de suspension ou de report. Elle a ajouté le cas des mesures prenant effet postérieurement à la période protégée.

1 – La suspension des astreintes, clauses pénales, pour inexécution d’une obligation ayant pris effet avant le début de la période juridiquement protégée, c’est-à-dire avant le 12 mars 2020

Il ressort de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 tel qu’interprété par la circulaire du 26 mars 2020 que le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 est suspendu pendant la période juridiquement protégée, soit jusqu’au 24 juin 2020 tel que fixée à ce jour.

L’ordonnance du 15 avril 2020 n’a pas modifié cette règle.

Le cours du délai est, en conséquence, en application de l’article 2230 du Code civil portant sur les règles de suspension, interrompu sans que soit effacé le délai déjà couru.

Elles reprennent leurs effets dès la fin de cette période.

Exemple 1 :

Un contrat devait être exécuté le 1er mars ; une clause pénale prévoit une sanction de 100 € par jour de retard. Le débiteur n’ayant pas achevé l’exécution à la date prévue, la clause pénale a commencé à produire ses effets le 2 mars. Son cours est suspendu à compter du 12 mars et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence (période juridiquement protégée). Elle recommencera à produire son effet le lendemain si le débiteur ne s’est toujours pas exécuté.

Exemple 2 :

Une juridiction a, par jugement du 1er février 2020, condamné une société à effectuer des travaux de réparation sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement. La décision a été signifiée le 1er mars 2020, et les travaux n’étaient pas intervenus au 12 mars 2020. Le cours de l’astreinte est suspendu à compter du 12 mars et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence (période juridiquement protégée). Elle recommencera à produire son effet le lendemain si l’entreprise n’a pas réalisé les travaux auxquels elle a été condamnée.

2 – Le report des astreintes, clauses pénales, résolutoires et de déchéance prenant effet au cours de la période juridiquement protégée

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, dans sa version initiale, prévoyait que les astreintes, et les clauses visant à sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, qui devaient prendre effet après le 12 mars 2020 et pendant la période juridiquement protégée, étaient réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée.

Ces astreintes reprenaient cours et ces clauses produisaient leurs effets « à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme », soit le 24 juillet.

L’ordonnance du 15 avril 2020 a modifié le calcul du cours de l’astreinte ou de la prise d’effet de ces clauses. La prise d’effet « est reportée d’une durée, calculée après la fin de la période juridiquement protégée, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. »

Exemples :

Effet d’une clause pénale :

Un contrat conclu le 1er février 2020 est assorti d’une clause pénale devant produire effet le 20 mars, soit 8 jours après le 12 mars (début de la période juridiquement protégée). Cette clause produira effet 8 jours après la fin de cette période juridiquement protégée, soit le 2 juillet si le débiteur ne s’est toujours pas exécuté à cette date.

Effet d’une astreinte :

Une astreinte judiciaire a été prononcée et commence à courir le 12 avril, soit 1 mois après le début de la période juridiquement protégée. Elle produira finalement effet 1 mois après la fin de la période juridiquement protégée, soit le 24 juillet.

Effet d’une clause résolutoire :

Un contrat conclu le 20 mars 2020 doit être exécuté le 15 mai et sanctionné par une clause résolutoire de plein droit à défaut d’exécution à cette date. La date de naissance de l’obligation du 15 mai étant postérieure au 12 mars, c’est elle qui sera prise en compte pour calculer la durée du report. Cette dernière court donc du 20 mars au 15 mai, soit 1 mois et 25 jours.

La clause pénale produira son effet 1 mois et 25 jours après le 24 juin (fin de la période juridiquement protégée).

3 – Le report des astreintes et clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation autre que le paiement d’une somme d’argent et devant produire leurs effets après la fin de la période juridiquement protégée

Ce report est traité, pour la première fois, par le nouvel alinéa 3 de l’article 4, issu de l’ordonnance du 15 avril 2020 modifiant l’ordonnance du 25 mars 2020.

La date à laquelle ces astreintes prennent cours et à laquelle ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période juridiquement protégée, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.

Exemples :

  • un contrat a été conclu le 1er mars 2020 et assorti d’une clause pénale prenant effet en cas d’inexécution le 1er août 2020. Le report des effets de cette clause est d’une durée égale au temps écoulé entre le 12 mars et le 24 juin (fin de la période juridiquement protégée), soit 3 mois et 12 jours plus tard, c’est-à-dire le 13 novembre 2020 ;

  • un contrat a été conclu le 1er mai 2020 et assorti d’une clause résolutoire prenant effet en cas d’inexécution le 1er août 2020. Le report est d’une durée égale au temps écoulé entre le 1er mai (date de naissance de l’obligation) et le 24 juin (fin de la période juridiquement protégée), soit 1 mois et 23 jours. La clause résolutoire produira donc son effet le 24 septembre.

Ces nouveaux délais permettront ainsi aux entreprises à l’arrêt pendant la période de crise sanitaire de rattraper le retard accumulé sans encourir de sanction.

Les clauses sanctionnant le paiement d’une somme d’argent ne sont pas prévues par l’ordonnance du 15 avril 2020. Pour ces clauses, le rapport au président de la République explique qu’à la suite de la période juridiquement protégée, les difficultés financières des débiteurs ont vocation à être prises en compte par les règles de droit commun (délais de grâce, procédure collective, surendettement).

B – La saisie immobilière

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prévoit que « les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du Code des procédures civiles d’exécution sont suspendus pendant la période mentionnée à l’article 1er ».

Il s’agit des délais applicables en matière de saisie immobilière.

La suspension dure pendant la même « période juridiquement protégée » que celle de l’ordonnance n° 2020- 306, c’est-à-dire du 12 mars 2020 + 1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (période juridiquement protégée), soit le 24 juin 2020.

Le cours du délai est donc temporairement arrêté, sans que le délai déjà couru soit effacé.

Le délai reprendra, donc, son cours à l’issue de la période de suspension, c’est-à-dire à compter du 25 juin 2020 pour le temps qu’il leur restait à courir à partir du 12 mars 2020.

Les procédures de distribution du prix ne sont pas concernées par ces dispositions spéciales. Elles restent soumises, à défaut d’indication, au régime de prorogation des délais de l’ordonnance n° 2020-306. Il en est de même de la saisie immobilière dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui suivent un régime à part (CPC exéc., art. L. 341-1).

Conclusion

L’ensemble des dispositions prises créent une modification importante des règles jusque-là applicables.

Certains y verront une opportunité pour ne pas respecter, en toute légalité, les délais qui leur était impartis initialement. D’autres considéreront que ces nouvelles règles apportent une sécurité juridique et permettront d’éviter bon nombre de contentieux portant sur la question de la force majeure ou de l’imprévision.