Pensions alimentaires : comment sont imposés les arriérés ?

Publié le 14/10/2022
Argent
Olesia_g/AdobeStock

Les pensions alimentaires versées entre ex-conjoints pour les besoins d’entretien des enfants sont souvent réglées avec retard. Le versement de sommes ainsi différés peut produire des conséquences fiscales fâcheuses pour l’ex-conjoint qui les reçoit, le rendant imposable lorsqu’il ne l’était pas ou le faisant franchir une tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Pour atténuer la progressivité de l’impôt sur le revenu, Bercy rappelle que ces contribuables peuvent demander à bénéficier du mécanisme du quotient applicable aux revenus différés.

Les pensions alimentaires versées pour les besoins des enfants sont un facteur de crispation entre ex-conjoints. Qu’il s’agisse de leur montant, de leur versement, le sujet peut poser des difficultés notamment fiscales.

Les pensions sont déductibles par le parent qui les paie

Les pensions alimentaires sont déductibles chez le débiteur et imposable chez celui qui les reçoit. Pour les pensions versées pour l’entretien des enfants mineurs, la déduction est plafonnée. En 2022, le plafond s’élève à 6 042 euros par enfant.

Les pensions sont imposables chez le parent qui les reçoit

Corrélativement, les pensions sont imposables chez le parent qui les reçoit (excepté en cas de versement direct à un établissement de dépendance, pour un enfant infirme ou un ascendant ayant de très faibles ressources). Si les enfants mineurs dont la charge est partagée entre les deux parents dans le cadre d’une résidence alternée, les parents peuvent bénéficier d’une majoration du nombre de parts. Dans ce cas, le débiteur de la pension éventuellement versée ne peut être déduite. En effet, en vertu de l’article 156, II, 2° al. 2 du CGI, les pensions alimentaires versées pour un enfant en résidence alternée dont la charge est partagée entre les parents en cas de séparation, de divorce, d’instance de séparation ou de divorce ne sont pas déductibles. Cette règle de non-cumul a été contestée devant les tribunaux car elle s’appliquait au cas où la pension alimentaire était issue d’une décision de justice.

Le Conseil constitutionnel a jugé la règle conforme à la Constitution au motif que notamment que les avantages fiscaux ayant le même objet ne peuvent être cumulés (Cons. const., 14 mai 2021, n° 2021-907 QPC).

L’imposition des arriérés de pensions

Une députée a posé une question au ministre de l’Action et des Comptes publics concernant l’imposition des pensions alimentaires versées avec retard.

Dans le cas qui lui a été soumis, la pension alimentaire n’a pas été payée pendant une longue période et le créancier perçoit des arriérés, après décision de justice ou intervention d’huissier, les sommes perçues sont conséquentes et font l’objet d’un versement unique. Certains remboursements peuvent être effectués par échéancier de 24 ou 36 mois.

Sur le plan fiscal, ces sommes sont considérées comme des revenus différés perçus au titre d’une année unique, la période au titre de laquelle elles opèrent un remboursement n’est pas prise en compte. Le problème est que ces sommes peuvent entraîner un changement de statut fiscal avec des conséquences financières majeures pour le citoyen. En effet, elles peuvent faire passer le contribuable créancier de la situation de non imposable à imposable, ou encore le faire franchir une tranche du barème progressif. Elles peuvent également faire perdre le bénéfice de certaines allocations. Pourtant, ces sommes s’apparentent à des remboursements de dettes.

Paradoxalement, le paiement des arriérés peut entraîner pour le débiteur une baisse des revenus pris en compte pour la détermination de l’imposition. Dans ce contexte, la députée demande au ministre de l’Action et des Comptes publics les mesures qui pourraient être prises pour garantir une juste prise en compte du versement des arriérés de pension dans la détermination des revenus du créancier et du débiteur afin d’éviter les effets de bord mentionnés précédemment.

Un dispositif pour atténuer la progressivité de l’impôt

L’article 12 du Code général des impôts prévoit que l’impôt est dû, au titre de chaque année, à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. L’impôt est ainsi établi chaque année en fonction des capacités contributives réelles du contribuable. « Dans ces conditions, les revenus perçus, tels que les pensions reçues avec retard, constituent un élément de la capacité contributive du contribuable qui doit être appréhendé pour l’impôt sur le revenu, au titre de l’année de leur perception », a indiqué le ministre dans sa réponse du 3 mai (Réponse ministérielle Motin, JOAN du 3 mai 2022, n° 25956).

Toutefois, le ministre a exposé le mécanisme qui est susceptible de prendre en compte cette situation. « Le contribuable qui, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu la disposition au cours d’une année d’un revenu dont la date normale d’échéance se rapporte à une ou plusieurs années antérieures, peut bénéficier, sur sa demande, du système du quotient applicable aux revenus différés prévu à l’article 163-0 A du CGI ». Ce dispositif permet d’atténuer les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il consiste, après avoir calculé l’impôt d’après le barème progressif sur le revenu net global « ordinaire » imposable du contribuable, à calculer l’impôt par l’application du même barème au total formé par le revenu net global « ordinaire » imposable et une fraction du revenu exceptionnel ou différé.

L’article 163-0 A du CGI prévoit que l’imposition du revenu différé est calculée de la façon suivante :

– en divisant son montant par un coefficient égal au nombre d’années civiles correspondant aux échéances normales de versement augmenté de un ;

– en ajoutant au revenu net global imposable le quotient ainsi déterminé ;

– puis en multipliant par ce même coefficient la cotisation supplémentaire ainsi obtenue.

En outre, « seule la fraction du revenu retenue pour le système du quotient est prise en compte pour la détermination du revenu fiscal de référence qui conditionne l’attribution de certains avantages fiscaux ou sociaux accordés aux contribuables de condition modeste », poursuit le ministre.

Faire une demande expresse

L’imposition des revenus différés selon la règle du quotient est une faculté offerte au contribuable qui doit donc expressément en faire la demande. Cette demande expresse du contribuable est formulée en remplissant les rubriques concernées de la déclaration d’ensemble des revenus n° 2042 (CERFA n° 10330 disponible en ligne sur le site www.impots.gouv.fr)

La Caf peut recouvrer les arriérés de pensions

Il n’est pas rare que les pensions alimentaires soient versées avec retard, mettant en difficulté le parent créancier qui doit faire face aux dépenses d’aliment et entretien de l’enfant. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics ont mis en place une mesure d’aide au recouvrement des pensions alimentaires, par la Caisse d’allocations familiales (CAF), avec la loi de financement de sécurité sociale pour 2022. L’aide au recouvrement des pensions alimentaires s’adresse aux personnes ayant un jugement ou un autre titre exécutoire fixant une pension alimentaire mais ne pouvant pas bénéficier de l’allocation de soutien familial. Depuis le 1er mars 2022, la CAF peut récupérer les pensions jusqu’à 24 mois. Par ailleurs, la CAF peut aussi jouer le rôle d’intermédiaire. La CAF/MSA peut la collecter tous les mois auprès du débiteur et la verser automatiquement au créancier. Cette solution permet de sécuriser le versement de la pension alimentaire et de prévenir et éviter des tensions ou conflits avec l’ex-conjoint.