Projet de réforme : les frais de justice au service des modes amiables

Publié le 13/03/2023

Modérer les frais de justice en cas de recours aux modes amiables ? C’est l’une des mesures figurant dans l’un des avant-projets de loi de programmation et d’orientation de la justice. Une orientation qualifiée de « remarquable » par Fabrice Vert, premier vice-président au tribunal judiciaire de Paris, vice-président de Gemme France, membre d’Unité Magistrats. Explications. 

Projet de réforme : les frais de justice au service des modes amiables
Photo : ©AdobeStock/Zerbor

Les avant-projets de loi simple et organique de programmation et d’orientation de la justice faisant suite aux états généraux de la justice sont en cours d’élaboration.

En ce qui concerne le volet modes amiables de résolution des différends, il est à noter une orientation remarquable, dans l’un des avant-projets de loi, visant à modérer les frais de justice en cas de recours aux modes amiables.

Incitations financières

Depuis de nombreuses années les promoteurs des modes amiables suggèrent, comme cela existe dans de nombreux pays européens de développer des incitations financières pour favoriser le recours aux modes amiables (avantages fiscaux, réduction des frais etc.), les simples incantations et discours les encourageant ayant trouvé leurs limites.

Le 13 janvier 2023, le ministre de la justice a lancé une politique nationale de l’amiable en annonçant la création de la césure et de l’ARA (audience de règlement amiable), et en insistant sur la nécessité d’assurer une formation solide des acteurs judiciaires dans ce domaine.

Il semble désormais que cette politique nationale de l’amiable comprendra un aspect incitations financières comme cela ressort de certaines dispositions de cet avant-projet.

En effet, l’article 7 de l’avant-projet de loi ordinaire prévoit, devant les futurs tribunaux des affaires économiques, qu’une contribution pour la justice économique est due par la partie demanderesse lors de l’introduction de l’instance, dans la limite de 5 % du montant du litige et pour un montant maximal de 100 000 euros, ce barème tenant compte du montant de la demande, de la nature du litige, de la capacité contributive de la partie demanderesse

Cet article ajoute que cette contribution n’est pas due notamment en cas de recours à un mode amiable de règlement du différend emportant extinction de l’instance et de l’action ou de désistement, et qu’il est procédé au remboursement de la contribution. En cas de comportement dilatoire ou abusif, une amende civile peut être prononcée dans les conditions de l’article 32-1 du Code de procédure civile.

Il est ainsi annoncé une expérimentation originale devant les futurs tribunaux des affaires économiques dont l’accès au demandeur sera subordonné au versement de frais qui seront remboursés si le litige se termine par un accord, le juge pouvant mettre tout ou partie de la contribution à la charge de la partie succombante. Cet aspect d’incitations financières est essentiel pour consacrer une politique nationale effective de l’amiable.

Sanctionner le refus ?

Il serait également judicieux en cas de refus injustifié par une partie de déférer à l’injonction de rencontrer un médiateur délivré par un juge en application des dispositions de l’article 127-1 du Code de procédure civile, de modifier cet article en prévoyant expressément la possibilité pour le juge de sanctionner ce refus. En effet le respect de l’obligation de s’informer sur la médiation n’est pas nécessairement garanti, comme le révèle le rapport de la mission GIP Justice du 5 janvier 2021

(L’évaluation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire TMFPO). Quand médier n’est pas remédier, v. Boussard, IDHE.S-CNRS, Université Paris Nanterre)

Il est temps que la France se dote des instruments indispensables à la construction d’une voie amiable efficace au service des justiciables, les incitations financières en font partie.

La politique nationale de l’amiable pour être efficiente devra répondre aux impératifs suivants : la formation des professionnels du droit sur les processus amiables, la garantie de la compétence et de la déontologie des médiateurs, des incitations financières encourageant les parties à recourir aux modes amiables, une institutionnalisation des processus amiables de résolution des différends dans les juridictions, la création d’un outil statistique informatisé national permettant d’évaluer les modes amiables, la création d’indicateurs de performance en matière d’amiable, la mise en œuvre du principe de loyauté procédurale.

Espérons que ce volontarisme parviendra à surmonter les nombreux freins, notamment culturels, au développement de la voie amiable qui existent toujours dans notre pays.

Plan
X