Aux comparutions immédiates de Créteil, on ne badine pas avec les violences faites aux femmes

Publié le 16/06/2020

Le 8 juin à  Créteil, on jugeait un homme accusé de violences à l’encontre de sa compagne Lise (7 jours d’ITT) et d’une amie de celle-ci, Diane (9 jours d’ITT). Récit. 

Aux comparutions immédiates de Créteil, on ne badine pas avec les violences faites aux femmes
Tribunal judiciaire de Créteil (Photo : ©P. Anquetin)

Jessy, un costaud de 28 ans, prend place dans le box des prévenus des comparutions immédiates du Tribunal de Créteil ce lundi 8 juin. Il est jugé pour violences sur sa conjointe et sur l’amie de sa conjointe : sept jours d’ITT pour l’une, neuf pour l’autre. Il a reconnu les faits, enfin presque…

La scène se passe à Villiers-sur-Marne, au lendemain du déconfinement.

Jessy vit en couple avec Lise. Mais il a fait des avances à Diane, qui est une amie de Lise.

Diane a rapidement cédé : « Tu n’as qu’à passer chez moi… ».

Le 4 juin, Jessy ne se doute de rien quand il sonne discrètement à sa porte. Diane le fait entrer, mais une fois dans l’appartement, stupeur : face à lui se tient… Lise, sa propre compagne ! Il est grillé. Il vient de tomber dans un traquenard. Diane a confondu le séducteur. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était son impulsivité.

L’homme frappe aveuglément, de toutes ses forces

En une seconde, il passe de la sidération à la fureur. Et c’est d’abord à Lise qu’il s’en prend : il lui hurle de quitter les lieux, il se jette sur elle, lui saisit les cheveux. Diane s’interpose immédiatement. Mais l’homme frappe, aveuglément, de toute ses forces… Il faut qu’Alan, le copain de Diane, lui aussi présent, intervienne pour le contenir. Alors Jessy fracasse la table, le lit, la porte…

Le médecin légiste constate sur Lise un traumatisme facial et crânien, des cheveux arrachés, des hématomes, des contusions au ventre, à la cuisse… Elle est percluse de douleurs. Et pour Diane des contusions au menton, sur les côtes, des douleurs multiples, un choc psychologique…

 » — Ce n’est pas la première fois, rappelle la Présidente. Des violences ont déjà eu lieu en décembre 2019, quand Lise vous a annoncé qu’elle quittait l’appartement. Vous l’avez plaquée contre le mur. Vous avez maintenu votre main autour de son cou… Qu’avez-vous à dire Monsieur ?

— Si j’ai donné des coups à Diane, ce n’était pas intentionnellement, c’est parce qu’elle protégeait Lise.

— Votre intention était de toucher Lise.

— Malheureusement !

— Vous auriez pu la tuer si Diane ne s’était pas interposée. Comme les 38 femmes qui sont mortes sous les coups de leur conjoint depuis le début de cette année.

— 41 !

— 41 ? En plus vous êtes au courant.

— Je regrette énormément. Ça s’est passé en cinq minutes. Quand j’ai vu Lise, j’ai compris que j’allais tout perdre.

— Et en 2019 ?

— Ce n’est pas la même histoire, il y avait d’autres raisons. Je ne veux surtout pas minimiser.

— Le Tribunal ne peut pas entendre qu’il y a des raisons ! »

« Je suis tuteur de ma mère. Elle héberge mon petit frère »

Jessy espère dédramatiser en répondant sur un ton badin qui visiblement manque son objectif.  Son avocate lui fait signe de ne pas en rajouter.

La Présidente résume son casier judiciaire :  21 condamnations pour violence, extorsion, vol aggravé, escroquerie… Pourtant Jessy gagne bien sa vie : 18 000 € par mois en 2019. Il travaille dans l’immobilier. Il est aussi tuteur de sa mère.

C’est du pain béni pour la procureure  : «  voilà un homme extrêmement intelligent, qui a suivi une formation de juriste, qui a un travail très rémunérateur… et pourtant ce casier judiciaire fourni, et cet acharnement contre Diane et contre sa compagne. Il a été vexé, et il a explosé. Il était transformé. Cette transformation, il faut qu’il en parle, qu’il la soigne. Car quid de la prochaine compagne ? »

La magistrate requiert 15 mois de prison dont 6 avec sursis probatoire.

Pour l’avocate de Jessy, la partie est  ardue…« On lui reproche beaucoup de choses. Il a fait des avances à Diane. Il faut savoir qu’Alan, le compagnon de Diane, avait aussi une aventure par ailleurs et qu’elle n’était pas au courant. C’est un peu les feux de l’amour, cette histoire. Jessy, s’est senti piégé, il n’avait pas l’intention d’aller plus loin… Aujourd’hui, il sait qu’il doit être suivi. Il a écrit une lettre au Tribunal en ce sens. Lise et Diane sont victimes toutes les deux, et il faut faire droit à leur demande. Mais quelle est l’intention de décerner un mandat de dépôt ? L’incarcération doit rester l’exception. »

Le dernier mot revient à Jessy : « Je suis tuteur de ma mère. Elle héberge mon petit frère… »

Lèvres serrées…

Il écope de huit mois ferme et quatre avec sursis, assortis d’une période probatoire de deux ans, avec interdiction de paraître au domicile des victimes ou d’entrer en contact avec elles, obligation de les indemniser – 1 000 € chacune -, de suivre un stage de sensibilisation à la violence, de se soigner, de travailler.

La Présidente prononce son maintien en détention. « Mais dans cinq jours, votre peine sera aménagée en semi-liberté, pour vous permettre de répondre à vos obligations familiales. Vous retournerez dormir en détention le soir au quartier des peines aménagées ».

Paumes tendues, lèvres serrées, regard au plafond : tout le corps de Jessy réagit dans un geste de dépit et de colère. Contre qui, on ne sait pas.

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