Cours criminelles départementales : quelles sont les chances de succès des QPC ?
Hier mercredi 20 septembre, huit questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été plaidées devant la Cour de cassation concernant la constitutionnalité des cours criminelles départementales (CCD). Jeudi, la haute juridiction a annoncé qu’elle acceptait de les transmettre au Conseil constitutionnel.
Actu-Juridique : Rappelez-nous de quelles QPC il s’agit ?
Benjamin Fiorini : Quatre d’entre elles ont été soulevées à Lyon devant une cour criminelle départementale, ce qui posait une intéressante question de recevabilité (lire notre article : Cours criminelles départementales : les premières QPC remontent à la Cour de cassation – Actu-Juridique). Aux assises, on ne peut pas soulever de QPC, en revanche, les textes relatifs aux CCD ne prévoient rien. Leur transmission par la Cour de cassation signifie qu’à défaut de dispositions expresses l’interdisant, on peut donc soulever des QPC devant les CCD. Ce qui se justifie d’ailleurs car l’impossibilité est essentiellement fondée sur le jury, lequel est absent des cours criminelles. Les quatre autres (rédigées dans les mêmes termes) étaient soulevées dans un second dossier, directement devant la Cour de cassation. Si les rapports lus par les deux rapporteurs, devant une salle comble, semblaient encourageants, l’avis des deux avocats généraux était globalement de ne pas transmettre les QPC. A noter toutefois que l’un d’eux était favorable à la transmission de la principale QPC (v. ci-dessous), tandis que l’autre ne l’était pas. Cela a donné lieu à une scène originale, les deux représentants du parquet n’ayant pas la même interprétation.
Actu-Juridique : Que soutient la principale QPC ?
BF. : Elle interroge le conseil constitutionnel sur le point de savoir si l’intervention du jury pour les crimes de droit commun est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Dans sa jurisprudence, le Conseil a fixé trois critères conditionnant la reconnaissance d’un PFRLR. D’abord qu’il concerne les droits et libertés fondamentaux ou l’organisation des pouvoirs publics, c’est le cas ici. Ensuite, que ce principe ait déjà été consacré dans des textes antérieurs à la constitution de 1946. C’est également le cas, on trouve le jury populaire dans les constitutions de 1791, 1793, 1795, 1799 et 1848 sous la deuxième République. Troisième critère, plus complexe à vérifier, il convient que ce principe n’ait connu aucune exception antérieure à 1946 dans une période républicaine. Cela exclut la monarchie, l’empire, le régime de Vichy et même le Consulat selon la plupart des constitutionnalistes. Il reste donc les 1ere, 2e, et 3e républiques ainsi que la période entre la Libération et la constitution de la IV. J’ai vérifié dans les archives durant tout l’été, on ne trouve d’exceptions que pour les crimes militaires ou politiques, jamais pour les crimes de droit commun. Cependant, le conseil constitutionnel reste souverain car seul lui peut trancher cette question. S’il consacrait le jury en tant que PFRLR, ce serait le 12e, douze ans après la consécration du dernier, comme il y a douze hommes en colère…
Actu-Juridique : Qu’en est-il des autres ?
BF. : La deuxième est une QPC de repli qui vise à faire reconnaître le jury en tant que principe à valeur constitutionnelle. Le conseil, lorsqu’il a examiné en 1986 la cour d’assises sans jurés pour les crimes terroristes a précisé en effet qu’il validait ces cours en raison de leur champ de compétence très limité. Or, à l’inverse, les CCD traitent 57% des dossiers criminels. Si l’on raisonne a contrario, le conseil ne pourra pas les valider. Les deux autres enfin visent le principe d’égalité devant la loi. La culpabilité et la peine maximale exigent devant les assises de recueillir 7 voix contre 2, mais seulement 3/5 devant les CCD, il y a donc une garantie de « minorité de faveur » aux assises dont son privées les personnes jugées devant les CCD. Le conseil constitutionnel a trois mois pour se prononcer.
Référence : AJU390799