Covid-19 : Gare à la bulle médiatico-judiciaire !
Ah, ça ira, ça ira, ça ira ! reprend-on en choeur depuis des semaines sur les réseaux sociaux. Tremblez membres du gouvernement, maires et autres responsables à un titre ou à un autre. Le temps de la justice est proche. La preuve, le compteur des plaintes s’affole. Il y en aurait déjà 60 contre les membres du gouvernement. Au point que l’Express et Le Point y consacrent leur une cette semaine.
La justice, remède miracle ?
Jamais sans doute la justice n’avait eu autant la cote. En finance, on parlerait d’une bulle spéculative. Face au traumatismes occasionnés par la crise sanitaire – angoisse, colère, deuil – tout le monde investit sur la justice soudain changée en remède-miracle. Elle va trouver les coupables, les châtier et tout sera réparé.
Las ! Combien de fois dans l’histoire récente a-t-on observé sur un sujet ou un autre l’immense battage médiatique précédent un procès accoucher d’une souris judiciaire, déclenchant au passage la colère et l’incompréhension ? En réalité, ce qu’illustre cet emballement, c’est que la justice est aujourd’hui sommée de soigner tous les maux de la société, de désigner des coupables même quand il n’y en a pas, de réparer l’irréparable. A croire qu’elle est devenue l’unique mécanisme de régulation sociale, ou le seul dont on pense à tort ou à raison qu’il fonctionne encore…
Comme l’a parfaitement expliqué dans nos colonnes le pénaliste Loeiz Lemoine, à l’exception du problème des masques, les autres infractions invoquées contre les membres du gouvernement apparaissent bien fragiles. Qu’importe, on nous répond que la justice permettra d’accéder à la vérité, qu’elle apportera des réponses, que les citoyens ont besoin de savoir. Ainsi décide-t-on d’utiliser les puissantes capacités d’investigation de la justice pour accéder à la vérité. Ce n’est pas tout à fait nouveau mais cela interroge sur la légitimité d’une démarche consistant à transformer l’institution en une sorte de super-enquêteur. Est-ce réellement sa mission ?
Quand la bulle éclatera…
Tout ceci a pour conséquence d’attiser un besoin de « justice » parfaitement artificiel dans le public. Pire, cela fait naître l’illusion hautement toxique que dans les mois à venir on assistera à de spectaculaires procès lors desquels des ministres lourdement condamnés partiront en prison tête basse et menottes aux poignets sous les flashs des photographes, tandis que les victimes enfin soulagées de leurs souffrances retrouveront la paix. Qui peut croire un instant de raison que cela arrivera ? Ce qui va se produire en revanche de façon quasi-certaine, c’est que les mis en cause vont vont voir leur réputation et leur carrière se consumer sur le bûcher médiatique bien avant la tenue d’éventuels procès. Et au fond, n’est-ce pas le véritable objectif poursuivi ? Toujours est-il que lorsque toutes les procédures annoncées aujourd’hui à grand tapage monteront qu’elles ne débouchent que sur des non-lieux, des relaxes, ou des peines aussi tardives que dérisoires au regard des attentes, les citoyens chauffés à blanc par les médias hurleront leur colère face à la pseudo impunité des puissants.
Comment ? Une épidémie a fait des dizaines de milliers de morts et on ne condamne personne ? Quel scandale !
Quand une bulle financière éclate, les premières victimes sont celles qui ont contribué à la fabriquer, mais il arrive souvent qu’elle entraine dans sa débâcle l’ensemble du système. Cela pourrait bien prendre en l’espèce la forme d’un nouveau choc de défiance à l’égard des institutions. Malheureusement, on ne voit pas ce qui pourrait, en l’état, freiner cette folle entreprise….
Référence : AJU66960