Journal d’un pénaliste au temps de la Covid-19

Publié le 23/09/2020

Maison squattée, ensauvagement, cyclonudisme et GPA, tels sont quelques-uns des thèmes  inscrits au menu du journal de Loeiz Lemoine cette semaine. Comme à l’habitude, il pulvérise les idées reçues, chahute les idoles médiatiques et déboulonne les certitudes…

Lundi 7 septembre – Un procès pénal est un combat de boxe

Attentats de janvier 2015 : premières escarmouches entre la défense et les parties civiles. Tout procès est un affrontement, je dirais même un combat de boxe, surtout au pénal : on prend des coups, on en donne. Avec cette particularité qu’on est soit du bon côté (les victimes), soit du côté obscur de la Force, celui des accusés.

L’affrontement est codé, il y a des règles, des principes, des façons de les transgresser, par nécessité, par rupture ou pour se faire voir. Une des avocates de la défense semble avoir choisi la défense de rupture, ce qui parait totalement cohérent avec l’avocate qu’elle est. C’est ainsi qu’elle présente, en début d’audience, une demande de complément d’information qui peut laisser perplexe (naturellement je ne connais du dossier que ce qui en sort dans la presse) après cinq années d’instruction. Elle a tort ou raison, mais elle est dans son droit, et la cour a le dernier mot (en l’occurrence, ce sera « non »).

Une avocate des parties civiles déclare à l’audience que cette demande relève de « l’indécence ». Christian Saint-Palais, défenseur dans ce procès, et par ailleurs président de notre Association des avocats pénalistes, l’ADAP, critique  l’emploi de ce terme. On peut être en désaccord, considérer que cette demande, et d’autres (« on n’est pas dans le bon palais de justice », ce qui confirme que le droit est le domaine de l’imagination et que personnellement, j’en manque cruellement, en même temps que d’audace), sont infondées et dilatoires. On y répond sur le fond, mais sans contester à la défense, sur le terrain de la morale, les prérogatives qui sont les siennes. A l’évidence, la critique n’était pas destinée à la cour, mais bien aux médias. Il est vrai qu’il est difficile de faire son trou et de se faire remarquer dans un procès tentaculaire, surtout quand tout le monde est masqué.

La punchline tient donc ici toute sa place.

Maison de vacances squattée dans les Alpes Maritimes, la résidence libérée. Reste désormais à savoir quand le couple de retraités pourra récupérer sa maison secondaire : « La procédure est engagée, explique Georges Botella, maire de Théoule-sur-Mer. Il faut que les propriétaires prouvent que c’est leur résidence, et qu’ils engagent une demande d’expulsion. C’est une procédure civile, parfois longue. » Quelle blague. Et d’abord procédure contre qui ? Je peux vous jurer qu’en pareil cas, je ne prendrais pas la peine de faire une procédure contre des fantômes, je ferais de nouveau changer les serrures et je réintégrerais les lieux. Et si j’étais le conseil de ces gens, c’est ce que je leur dirais de faire, en attendant que les autres, s’ils l’osent, leur fasse un procès : celui qui est dans les lieux est toujours en position de force. J’avais déjà évoqué cette question, point aveugle de notre système juridique, qui donne force à celui qui viole la loi au détriment de celui qui en demande la protection.

Un projet de loi a été déposé, qui vise à permettre de déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes, prévue par la loi de 2016, afin de sauver la filière sucre française (on parle si j’ai bien compris des betteraves qui font du sucre blanc, et non de la canne).

Glyphosate, néonicotinoïdes, même combat : c’est toute la question de l’écologie, la vraie, qui est posée. Des mesures « fortes » comme disent les politiques, ou symboliques ou les deux (fermeture de Fessenheim), illustrent la difficulté à gouverner, le fait d’être pris entre l’arbre et l’écorce et donc de prendre toujours des décisions mauvaises, trop brutales et trop tardives. Dans un monde bien fait, dès qu’on a découvert que les néonicotinoïdes faisaient disparaitre les abeilles, clef de voute de la production de tout ce qui a besoin d’être pollinisé, sans compter l’indispensable miel, on aurait envisagé des mesures, mais comme disait Lino : « on va aviser dans le calme, à tête reposée, se méfier de nos nerfs ». On aurait essayé d’obtenir un compromis (je ne dis pas un consensus), sur les mesures à prendre, et surtout sur celles qui devaient les accompagner pour ne pas entrainer de conséquences drastiques : personne n’a envie qu’un secteur agricole aussi important s’effondre. Tenant ainsi les deux bouts de la chaine, entre les écolos idéologiques et les lobbys chimiques et de l’agriculture intensive, on aurait permis que chacun y trouve son compte.

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Lino Ventura dans « Ne nous fâchons pas » de Georges Lautner – 1966 (capture d’écran)

Mais comme on a attendu des années avant de faire quoi que ce soit, les autres ont rongé leur frein et ensuite le balancier est parti à fond dans l’autre sens : résultat, et sans aucun souci des conséquences, interdiction pure et simple de ces produits, sans préparation ni alternative. Et maintenant, projet de loi qui fait manger à la ministre un chapeau qu’elle n’aurait pas dû porter, dans la même précipitation. Au total : que des mécontents, que des mauvais résultats ! A la lecture du projet de loi, on a envie de dire, poursuivant le personnage de Beretto : « j’critique pas le côté farce, mais pour le fairplay y’aurait quand même à redire ».

Mercredi 9 septembre 2020 – Victime ou not victime ?

Au procès Charlie, les témoignages bouleversants s’enchainent. Il est vrai que la seule évocation des faits, leur description, et celle de la vie des rescapés ou des proches des victimes depuis 5 ans, suffirait, sans en rajouter, à tirer des larmes à n’importe qui.

La défense souligne, outre les conditions de détention dont j’entends dire depuis 35 ans qu’elles sont lamentables, sans amélioration vraiment sensible, que les détenus réintègrent leur cellule très tard et se lèvent très tôt, expliquant que si on peut prendre sur soi pendant 5 ou 8 jours, sur 10 semaines ce sera intenable : point indiscutable. Isabelle Coutant-Peyre, évoquée plus haut, considère que puisque « les faits sont établis et que les auteurs sont morts (…) les témoignages pourraient être plus synthétiques ».

Alors là oui, il est possible qu’il y ait un peu d’indécence.

Le même jour à la 17ème, Tariq Ramadan avec ses cinq avocats. Poursuivi pour avoir cité (abondamment) le nom d’une des plaignantes, en violation de l’article 39 quinquies de la loi de 1881, qui interdit « de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, des renseignements concernant l’identité d’une victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelle ou l’image de cette victime lorsqu’elle est identifiable ». La défense dépose une QPC sur le terme « victime » et comment s’en étonner ? Notre Garde des Sceaux lui-même, en cour d’assises, reprenait systématiquement les présidents qui disaient qu’ils allaient « entendre la victime », du moins quand les faits sont contestés : en effet, c’est alors un plaignant ou une plaignante. L’article 39 quinquies violerait-il la présomption d’innocence ? Franchement je n’en serais pas surpris et le texte est, à cet égard, mal formulé du moins si on poursuit la personne avant jugement de l’affaire au fond. Savoir si la question n’a pas déjà été tranchée… je n’ai pas eu le temps de vérifier ! Le tribunal joint la QPC au fond et statuera en un seul jugement, pour respecter le délai de l’article 57 de la loi de 1881.

Jeudi 10 septembre – Des droits de l’homme aux droits de l’individu

La semaine dernière (j’avais raté ça) s’est tenu à Paris le salon « Désir d’enfant ». Constatons, sans passion ni jugement, le changement anthropologique qui nous arrive : le légitime désir d’enfant est bel et bien devenu un droit à l’enfant. Kundera évoquait ce glissement en ironisant sur le « désir de faire du bruit à 3h du matin » tendant au « droit de faire du bruit à 3h du matin », soit une transformation des droits de l’homme en droits de l’individu.

La conception « naturelle » (peut-on encore employer ce terme ? D’après le philosophe Pierre Manent, oui) n’est plus qu’une façon parmi d’autres d’avoir des enfants. Un couple de femmes ou une femme, incapables de concevoir seules, ont désormais accès à la PMA, qui était en principe réservée aux personnes rencontrant des problèmes de fertilité, des problèmes médicaux. Reconnaissons, encore une fois sans jugement, qu’il y a là un changement significatif. Ce droit, qui est donc plus un droit de l’individu qu’un droit de l’homme, a été obtenu au nom de l’égalité, ce qui est intellectuellement assez étrange : physiquement (ne m’entrainez pas dans un débat sur le genre ou ça va dégénérer), il faut encore un homme et une femme, ou du moins leurs gamètes, pour créer un enfant, et une femme pour le porter et lui donner le jour, comme on disait dans le temps.

Donc une femme, seule ou en couple avec une autre femme, peut avoir un enfant avec la PMA. Ce n’est évidemment pas le cas des hommes, seuls ou en couple : que devient alors l’égalité ? La différence essentielle et millénaire (au bas mot) entre homme et femme, même si de nos jours certains tendent à contester la réalité observable par la force de la pensée, serait donc une inégalité inacceptable. Vraiment ? Non, car la GPA est là pour un  le coup. La PMA ne pose pas de problème, puisqu’à part les réacs-cathos-de droite-racistes-haineux de la so called Manif pour tous, personne ou presque ne conteste ce procédé, ou son remboursement par la sécurité sociale.

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Photo : ©AdobeStock/Kostia

Mais la question de la GPA est plus compliquée et divise les « progressistes » : certaines personnalités comme Sylviane Agacinski, dont personne ne peut dire qu’elle est réac et qui est une féministe aussi incontestable que, par exemple, Elisabeth Badinter, y sont farouchement opposées, pour des raisons bien évidentes. La marchandisation du corps (il parait qu’il pourrait y avoir des mères porteuses bénévoles… admettons mais ce modèle altruiste n’est pas extensible aux dimensions du marché), et même le seul fait d’occupation, si on ose ce mot, du corps de la femme, ne sont pas de gauche. Les droits des individus, et ceux des couples homosexuels, le sont, au contraire. On en arrive donc à une contradiction insoluble, et qui recoupe trait pour trait le clivage du voile (défense de l’émancipation de la femme vs défense d’une minorité opprimée et victime du racisme). Qu’on ne s’étonne pas que la gauche soit en mille morceaux.

Pour en revenir au salon, on y trouvait, totalement décomplexés, des prestataires proposant des mères porteuses au Canada ou en Ukraine, avec des propositions d’enfants « génétiquement sains », qui sentent furieusement l’eugénisme et le choix sur catalogue de la couleur des yeux, des cheveux, et de la peau. Observer la promotion de façon aussi ouverte d’une pratique interdite a quelque chose de fascinant, mais il parait que notre gouvernement n’aurait rien contre la GPA, philosophiquement, à condition que ça ne se fasse pas en France. Si on l’autorisait en effet, il faudrait tôt ou tard finir par la faire rembourser par la sécu, or cette pratique coûte beaucoup plus cher que la PMA…

Dans la série « les clients ne sont pas tous des boulets ingrats et oublieux » :

« Vous êtes mon seul espoir Maitre, bonne fin de vacances »

« Mille mercis pour ce parfait résultat. Dans cette affaire, j’ai donc au moins réussi quelque chose : choisir le bon conseil ! (…) En vous remerciant pour votre excellente action. »

Vanitas ? Du tout, simplement ne pas passer son temps à râler sur tout et tous comme si les comportements des confrères, des magistrats et des clients étaient uniformes.

« Du séparatisme à l’ensauvagement. Comment un tel mot animalier a-t-il pu se trouver soudain employé en politique? ». Naïvement j’ai cru que ce serait intéressant intellectuellement, mais comme presque tout ce qu’on lit sur « l’ensauvagement », c’est en fait une contre-attaque idéologique.

Suite du procès Charlie, je pourrais en écrire des pages chaque jour. Mais les paroles des personnes qui déposent sont saisissantes, et produisent, brutes, un effet qui dépasse tout ce qu’on pourrait écrire. La violence de ce qu’elles ont subi, et avec quoi elles vivent depuis 5 ans, leur suggère des formules d’une force incroyable. J’essaye de me concentrer sur ce qui peut se raccorder à un fil, ou un sillon, cette idée que je poursuis (et dont je ne revendique évidemment pas la paternité) selon laquelle la faiblesse de notre défense face à l’islamisme, qui ne se résume d’ailleurs pas au terrorisme, est plus préoccupante que les attaques. Deux jours avant d’être assassiné, Stéphane Charbonnier alias Charb, dont ses proches ont parlé aujourd’hui à la barre, mettait la dernière main à sa « Lettre ouverte aux escrocs de l’islamophobie ».

Cet après-midi, c’est la DRH de Charlie qui est entendue. Elle s’en prend à la manifestation de 2019 contre l’islamophobie, qu’elle nomme « marche de la honte »  et à l’un de ses participants, Jean-Luc Mélenchon. « Comment a-t-on pu dire que les membres de cette équipe étaient racistes, comment a-t-on même pu l’imaginer ? ». Idem pour le président de l’université de Lille et d’autres personnalités qui ont déprogrammé la pièce de théâtre adaptée du livre de Charb justement : « Ces compromissions, ces lâchetés qui recommencent, comme entre 2006 et 2015, on tue Charb une deuxième fois ».

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Photo : ©AdobeStock

J’ai beaucoup à faire (c’est toujours pareil avec les rentrées) mais l’actualité pénale a décidé de ne me laisser aucun répit : « « Si DSK avait été pauvre, il serait aujourd’hui en prison », dit Nafissatou Diallo à « Paris Match », ajoutant « J’ai dit la vérité et j’ai été privée de justice ». Elle a vraiment la mémoire courte, car DSK a bel et bien été en prison, dans des conditions et avec un affichage en mondovision (la fameuse « perp walk »  qui est un magnifique doigt d’honneur à la présomption d’innocence), que seule sa célébrité peut expliquer. Encore une fois, le fait d’avoir été plutôt puissant que misérable s’est carrément retourné contre lui. Puis, ce qui s’est passé ensuite n’a rien à voir avec lui (et encore moins avec sa puissance, qui s’est évaporée en l’espace de quelques heures), mais tout avec elle.

Wikipédia propose une chronologie beaucoup plus complète que je ne saurais faire, et abondamment sourcée (plus avec le New York Times qu’avec Paris-Match, curieusement) et de laquelle il ressort que ce sont les procureurs qui ont abandonné les poursuites, en raison des mensonges de Madame Diallo, qui la rendaient non crédible en tant que principal témoin, et d’une conversation téléphonique avec son fiancé en prison, à qui elle déclarait en peul : « Ne t’inquiète pas, ce type a beaucoup d’argent, je sais ce que je fais. » Je ne dis pas que DSK soit innocent (je m’en fous complètement), mais l’argument de la pauvre femme « sans éducation (…), sans même parler la langue, et qui [a] vécu des situations horribles » est vraiment un arrangement avec la vérité. Dès qu’elle a porté plainte, et comme il fallait s’y attendre, tout ce qu’il y a de puissant dans le barreau local lui a apporté un soutien immédiat et massif pour terrasser Strauss-Kahn et probablement l’essorer à siccité. De ce qu’on peut lire, Paris-Match ne lui apporte aucune contradiction et fait avec cette couverture sensationnaliste un coup superbe. Je ne sais pas si ça se fait et je suis plus familier de la déontologie des avocats que de celle de la presse, mais j’aimerais bien savoir si les médias rémunèrent parfois les personnes qu’elles interrogent et si oui, ont-ils alors l’obligation de la préciser ?

Vendredi 11 septembre – Sainte Christiane sur France Inter

The twin towers. Comme on dit, chacun se souvient ce qu’il faisait et où il était lorsque les avions les ont percutées : en ce qui me concerne, attente du JLD pour un débat contradictoire, c’est la proc de permanence qui nous l’a appris.

Sainte Christiane sur France Inter ! Interview enamourée comme il se doit. Il est frappant de noter comme Nicolas Demorand peut n’apporter aucune contradiction à certains, et contrer violemment ou avec ironie ceux qui ne suivent pas la doxa ambiante (ambiante à Inter). Elle nous cite René Char pour préciser sa pensée sur l’ensauvagement, ou plus précisément sur Darmanin qui a utilisé ce terme : « Ce mot-là en dit davantage sur le ministre de l’Intérieur qui l’utilise que sur les gens qu’il prétend viser. » J’aime cette formule car il m’est souvent arrivé de l’employer, et en l’espèce elle est partiellement exacte.

Elle enchaine en nous disant que « ces gens-là sont terriblement travaillés par l’imaginaire colonial » ( ???), précisant « les gens, je pourrais en parler, mais c’est sans intérêt de parler des choses qui parlent du ministre de l’intérieur » : et hop, passez muscade ! Un magistral coup de bonneteau qui fait disparaitre la question, uniquement en raison du terme employé. L’infirmière frappée par des jeunes gens, le chauffeur de bus battu à mort, la passante trainée par une voiture, exit tout ça. On voit le pouvoir de la parole, surtout quand elle n’est pas contredite, et toujours ce sentiment que Madame Taubira parle beaucoup et bien, mais au fond ne dit rien. Et à la fin elle ajoute, de ce ton de Maman aimante qui n’appartient qu’à elle : « et je salue » (elle était à deux doigts de dire « j’embrasse ») Léa Salamé avec votre permission ». On sent bien qu’à France Inter, elle est ici chez elle.

En fait, je comprends très bien ce que les gens lui trouvent, c’est tout à fait affectif et c’est sa personne (je ne conteste évidemment pas ses qualités) qui les touchent, pas son programme ou son bilan. Et justement, ce qui les met tous en transe, loin de me laisser indifférent, m’exaspère au contraire.

Si on regarde un peu honnêtement son bilan politique, il n’y a pas de quoi grimper aux rideaux. Oublions qu’elle avait été colistière de Bernard Tapie, qu’elle a eu sa petite part de responsabilité dans l’échec de Jospin, donc dans l’arrivée de Le Pen père au 2ème tour en 2002, et qu’elle avait soutenu Montebourg à la primaire du PS (quand même, Montebourg…).

Mais en tant que Garde des Sceaux (notamment tous ceux qui critiquent l’actuel), regardons un peu ce qu’elle a fait pendant presque 4 ans Place Vendôme : entre nous, presque rien qui restera dans l’histoire. La contrainte pénale et quelques autres textes ont été abrogés ou censurés par le Conseil constitutionnel (à côté d’Elisabeth Guigou, qui est tout sauf une « maman », mais à qui on doit la loi présomption d’innocence). Ah si, une chose : la loi créant le mariage gay. C’est-à-dire 1°) une loi qui ne coûte rien (alors que si on veut sortir de la surpopulation carcérale ou accélérer les procédures, là il ne faut pas les attacher avec des saucisses ) et 2°) un texte qui a été un magnifique dérivatif et l’a transformée en icône, presque comme Simone Veil pour la légalisation de l’avortement ou Badinter pour l’abolition de la peine de mort. Aussitôt en effet, elle a été la cible de toute la partie réactionnaire de l’assemblée et de la population (autant dire presque rien, des losers). Une fillette, lors d’un rassemblement de la Manif soi-disant pour tous, a agité une banane en criant qu’elle était pour « la guenon », ce qui a immédiatement connoté comme raciste ce mouvement déjà pas trop ragoutant, et fait descendre sur la tête de Madame Taubira une auréole et un diplôme à vie de martyre.

J’ai critiqué sa réaction sur Darmanin et l’ensauvagement, mais il y avait un précédent (au moins un), c’est sa réaction dans Libération lorsqu’elle a regretté, face aux critiques dont elle était l’objet, de n’avoir « pas les compétences pour guérir les gens du Figaro ». Celle-là n’était pas mal non plus et surtout elle était extraordinairement révélatrice du refus d’engager certaines discussions : celui qui n’est pas d’accord avec moi est un malade qui relève de la psychiatrie. Dans les deux cas, on évite la ou les questions de fond, on répond ad hominem, ça va plus vite. C’est un vrai travers de la gauche.

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Photo : ©AdobeStock/Rawpixel.com

Les écolos ont fait des gros scores aux municipales, et gagné des villes importantes. A ces mot le Jadot ne s’est plus senti de joie, il a ouvert un large bec, se voyant déjà président de la République. Malheureusement pour lui, je prédis que cette élection sera une victoire à la Pyrrhus, qui consacrera l’échec des écolos français, que je qualifiai naguère de plus cons du monde (ils détiennent toujours le titre).

Après les déclarations de l’inénarrable Alice Coffin, chantre du « génie lesbien » (« Ne pas avoir un mari, ça m’expose à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée »), celle du maire de Colombes assimilant les policiers contemporains à ceux qui raflèrent des juifs et les parquèrent au Vél d’hiv, deux autres maires, et non des moindres (je parle de la taille des villes), s’illustrent sur des sujets vraiment vitaux : celui de Lyon, qui qualifie le Tour de France de « machiste et polluant » (on aurait pu croire que les écolos aimaient la bicyclette : rayez cette idée de vos tablettes) et celui de Bordeaux, que je déclare champion du monde, va supprimer le sapin de Noël qui est « un arbre mort », et créer une « charte des droits de l’arbre ».

D’autres, écolos eux aussi, s’inquiètent que ces élus aient « une idée à la con par jour » : on ne saurait dire mieux. Illustrant à leur façon leur incapacité à se placer, même une fois élus, dans une logique de responsabilité et restant sur leur éthique de conviction, ils vont discréditer tout seul comme des grands leur mouvement. Au moment de la présidentielle, Jadot ouvrira un large bec et laissera échapper sa proie.

Samedi 12 septembre – Nous sommes chez nous dans les palais de justice

Le drame de ma vie c’est d’être à contretemps, j’ai toujours eu un timing complètement naze. Ainsi, alors qu’il fait un temps parfait, je viens de recevoir simultanément ma licence de golfeur, et deux paquets de copies, sans mentir, gros comme ça ! Un peu plus de 50 au total, avec autant en double correction dans quelques jours… Je n’ai même pas eu le temps d’arroser mon potager.

Brève de l’AFP : « Al-Qaïda a de nouveau menacé Charlie Hebdo, qui a réédité des caricatures de Mahomet, alors que se tient le procès de l’attentat de janvier 2015 contre le journal, selon le groupe américain Site, spécialisé dans la surveillance des organisations jihadistes ».

Erreur de l’architecte : après la marche qui met le parquet au niveau du tribunal, donc au-dessus des avocats, les micros qui obligent la défense à se courber ou à rester assise… . Pourquoi n’y a-t-il pas, dans les commissions ou autres organes participants à l’action de construire un palais de justice, des conseillers représentant le barreau, comme pour les séries sérieuses ? J’ai toujours dit, et souvent écrit, que nous étions chez nous dans les palais de justice, notre maison commune.

Dimanche 13 septembre 2020 – La loi profiterait-elle aux gens de mauvaise foi ?

Des copies, des copies, des copies.

Maison squattée : cette affaire fait beaucoup de bruit parce qu’elle a été médiatisée : un couple de retraités, qui a acheté une belle maison bien située pour sa retraite, est réduit à regarder les intrus l’occuper sans vergogne, après en avoir forcé la porte, sans payer quoi que ce soit, et en étant fermement décidé à n’en partir que par la force des baïonnettes. Pas de chance, les baïonnettes sont occupées ailleurs. Cette situation, que j’évoquai naguère à propos d’une expulsion refusée par la force publique, mais obtenue en deux heures par les « jeunes » du quartier, illustre le fait que la loi profite aux gens de mauvaise foi, et que la force privée est plus efficace : beaucoup plus rapide et beaucoup moins chère (et question formalisme, n’en parlons même pas). Evidemment il y a une contrainte : ce n’est pas transposable partout, ça ne marche que dans certains quartiers. Est-ce qu’un jour ça risque de mal se passer ? Evidemment. Celui qui aura récupéré sa maison de vive force face à des squatters, je vous dis tout de suite que je le défends quand il veut.

Suis-je le seul à me faire cette réflexion, quand je vois des reportages, des documentaires, des émissions : mais… pourquoi ces gens-là s’embrassent-ils ? Ils sont sans masque dans des espaces confinés, ils se serrent la main et se bisouillent, c’est quoi ce laisser aller ? Ah non c’est vrai, c’était la vie d’avant.

Madame Schiappa, qui n’en rate pas une (enfin je pense qu’elle n’en a pas raté beaucoup depuis ses débuts comme ministre), invite les jeunes filles à venir au bahut en décolleté et le nombril à l’air. Sans aller jusqu’à l’exigence d’un uniforme, ou d’une blouse comme de mon temps, est-ce qu’elle ne pourrait pas rappeler que dans un établissement, une tenue correcte (pas stricte, juste correcte) est souhaitable et peut légitimement être exigée ? Et puis le soir ou le week-end, ces jeunes filles s’habilleront à leur goût ou à leur convenance. Ah, au temps pour moi, c’est « en tant que mère » qu’elle les soutient. Désolé pour cette confusion, mais comme c’était sur son compte Twitter « Mère de 2 filles – Ministre déléguée à la citoyenneté @Interieur_Gouv – #Laïcité #République #Femmes #NeRienLaisserPasser – Romancière | Corse | Maman travaille » avec un drapeau tricolore, du coup j’ai cru.

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Photo : ©AdobeStock/MartinBergsma

Sans transition (encore que) : rassemblements « cyclonudistes » ce dimanche dans diverses grandes villes de France. Je ne suis pas un adepte du naturisme et, comme Brassens, je ne fais voir mes organes procréateurs à personne excepté mes femmes et mes docteurs. Je comprends qu’on veuille se dénuder à la plage, se baigner nu pour les sensations que cela procure, bien que je n’aie jamais trouvé inconfortable un short, un T-shirt ou un maillot de bain, bien au contraire. En revanche, faire du vélo tout nu… Passons sur le fait qu’une personne nue en basket est passablement ridicule. Mais entre nous, est-ce qu’on peut vraiment faire du vélo sans rien sur les fesses et trouver ça agréable ? Nan, moi je dis qu’il y a autre chose, une idéologie qui dépasse la seule question de la liberté ou du confort, habituellement mises en avant. Et par ailleurs on voit que, loin de se contenter de vivre à poil (grand bien leur fasse. Enfin, 3 ou 4 mois par an), il faut qu’ils se montrent tout nus. Le plus ridicule que j’ai vu ce sont ces gens qui mettent un petit haut parce qu’il fait frais mais rien en bas, pour bien montrer ce que tout le monde cache. La question du confort et de la liberté n’a donc rien à voir là-dedans. Pourquoi je me mêle de ça ? On se le demande.

Un hashtag « tendance » en haut à droite sur Twitter : #Jegardemespoils. Intrigué (rien de ce qui est humain ne m’est étranger), je clique et tombe aussitôt sur ceci : « Prcq la libération des poils est faite pour les femmes blanches qui ne cumulent pas d’autres oppressions et ont peu de poils. C le moment pour les femmes racisées aux différents types de poils de BRILLER, ainsi que celles qui ont les poils bruns foncés et nbreux ». Autrement dit les autres, les blondes, les pâlichonnes, les rousses à la pilosité indigente, qui ne subissez donc aucune oppression, dégagez, allez hop !

Crop-top, cyclonudisme, #Jegardemespoils, drôle de journée, quand même.

Mardi 15 septembre – Edwy Robespierre Plenel

Matinale de France culture : Catherine Dulac récompensée pour avoir découvert les neurones de l’instinct parental . Bravo, Madame !

Premièrement, c’est beau de voir l’intelligence en marche et la science, en ce qu’elle aide à voir les choses qui sont derrière les choses, fascine. Deuxièmement, les résultats enregistrés font ressortir la différence de comportement entre les femelles qui, même sans avoir porté de petits, s’occupent de ceux qu’on leur propose. Les mâles au contraire les attaquent. Tout ceci basé sur l’évolution et des neurones spécifiques. Qu’en disent les défenseurs du genre, et les antispécistes ? Troisièmement, voir et revoir Mon oncle d’Amérique, d’Alain Resnais, l’un des films qui aide le mieux à comprendre le monde, avec des vraies expériences sur des rats de laboratoire.

Juste après, c’est Georges Kiejmann qui est l’invité de la Matinale. Passionnant également, même si (mal réveillé sans doute) une de ses réponses est un peu faible. Guillaume Erner, j’espère que c’est par provocation et feinte naïveté, pose une question sur le parallèle entre Islam et Shoah : ben comme ça se fait qu’on a le droit de se moquer de l’un et pas de l’autre ? La différence, Monsieur Erner, ainsi que vous n’en ignorez pas, est que l’un est une foi, autrement dit une idée, non prouvée et dont la véracité nous sera révélée après notre mort, sans possibilité d’en informer les vivants, alors que l’autre n’est pas une opinion mais un fait. Le parallèle entre les deux, en mode « deux poids deux mesures » est donc intellectuellement erroné.

EDM répond à Mediapart qui s’émouvait de ses vacances (un petit week-end en fait) avec son ami Thierry Herzog. « Donnez moi une photo dans Paris-Match de n’importe qui et je me charge de le faire pendre » est officiellement la nouvelle devise de Médiapart, Fabrice Arfi est le Fouquier-Tinville d’Edwy « Robespierre » Plenel.

 

*Si vous avez manqué les épisodes précédents, c’est par ici 

 

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