Dans le prétoire : « L’audience est suspendue, le tribunal se retire pour délibérer ! ».
Parmi les expressions que l’on entend souvent dans un palais de justice figure la légendaire formule prononcée par le président ou la présidente : « l’audience est suspendue ». Mais suspendue à quoi et pour quoi faire ? Explications.
Valse à mille temps ?
Tous se lèvent comme un seul : juges, avocats, parties, représentant du parquet, public.
Gare à l’impoli ou à l’ignorant qui méconnaîtrait le ballet de l’audience, ses pointes de tensions, ses pirouettes procédurales, ses déliés d’attention, ses grands sauts, ses rythmes parfois heurtés et surtout, ses levé/assis !
Il sera rabroué.
Suspendue ?
L’audience est donc suspendue.
Mais à quoi ?
Au plafond, à une corde, au bon vouloir ?
Rien de tout cela.
La suspension c’est juste le moment où le président, qui « police » l’audience pénale décide… qu’il est temps de décider.
Décider ?
Le délibéré est le lieu, le moment et la modalité de la prise de décision.
C’est un lieu
À l’abri des regards et des oreilles des indiscrets, se tient la « salle des délibérés ».
La pièce, souvent ovale, jouxte la salle d’audience, séparée d’elle par une porte monumentale.
Les juges y accèdent, souvent en gravissant ou en descendant quelques marches.
Changement de scène.
Meublée d’une grande table entourée de chaises sur lesquelles prendra position la « composition », son austérité se doit d’inspirer.
Le président se place souvent en bout de table, présider encore.
C’est un échange
La salle de délibéré suscite fantasmes, présupposés, suppositions voire suspicions.
On aimerait parfois qu’elle puisse se confier, confier…
Que dirait -elle ?
Elle dirait les suggestions, les oppositions, les hésitations et les vérifications.
Elle dirait les rapides, les vétilleux, les réfractaires, les dominants, les résistants et les autres. Caractères.
Elle dirait les consensus mais aussi les dissensus, signes de bonne santé de la collégialité ?
C’est un moment un défi, parfois une épreuve
Moment judiciaire, protégé par le secret ontologique et déontologique auquel tout juge est tenu.
Défi pour le juge unique, anachorète budgétaire tiraillé entre préjugement et schizophrénie : comment délibérer avec soi-même ?
Épreuve de cour d’assises où tout est signifiant : durée de la suspension, visages, regards, postures, mouvement des mains et expressions des jurés ?
Les avocats savent les silences et le langage des corps.
Symboles ?
La suspension, moment suspendu, faille de l’espace-temps audience, rupture provisoire de l’unité théâtrale classique ?
Trop court ? Trop long ? Tensions ?
Nécessaire déséquilibre avec l’équilibre retrouvé de la décision pénale censée réparer ?
Contraire préservé de l’irrésistible ascension de l’impulsivité façon réseaux sociaux ?
Référence : AJU432197