FLASH : le tribunal de Paris relaxe Me Cohen-Sabban et Me Nogueras sur la complicité de tentative d’escroquerie au jugement

Publié le 18/04/2023

La décision du tribunal judiciaire de Paris était attendue avec anxiété par la profession d’avocat. Dans son jugement du 18 avril, il retient la violation du secret professionnel, mais relaxe Me Joseph Cohen-Sabban et Me Xavier Nogueras sur la complicité de tentative d’escroquerie au jugement. 

FLASH :  le tribunal de Paris relaxe Me Cohen-Sabban et Me Nogueras sur la complicité de tentative d'escroquerie au jugement
La balance de la justice dessinée par Renzo Piano pour le tribunal judiciaire de Paris (Photo : ©P. Cabaret)

Poursuivis pour violation du secret professionnel et complicité de tentative escroquerie au jugement dans une importante affaire de stupéfiants, les deux pénalistes ont comparu début février devant le tribunal correctionnel de Paris. Il leur était reproché d’avoir produit un faux jugement espagnol que leur avait remis leur client peu de temps avant l’audience. Dans leur ordonnance, les juges d’instruction reconnaissaient pourtant  qu’aucun élément ne permettait d’affirmer que c’était un faux, mais ils estimaient que les avocats auraient dû être plus vigilants. Un devoir inscrit nulle part, comme est venu le rappeler à la barre le vice-bâtonnier de Paris Vincent Nioré, la seule obligation de l’avocat consistant à ne pas produire un document qu’il sait faux.

Dans leurs réquisitions particulièrement violentes, les deux magistrats du parquet avaient réclamé respectivement trois ans de prison dont un avec sursis contre Me Cohen-Sabban et deux ans dont un avec sursis contre Me Nogueras, assortis pour les deux d’une interdiction d’exercer de cinq ans.

En mémoire d’Hervé Temime

À l’ouverture de l’audience, le tribunal a donné la parole à la défense.

« Chacun à sa mesure souffre de son absence. Les bancs de la défense souffrent de l’absence d’Hervé Temime, commence Me Matthieu Chirez, son intelligence, son humanité, sa lucidité, sa bienveillance et son esprit de transmission qui inspirent et continueront d’inspirer beaucoup d’avocats de la défense. C’est dur mais c’est beau car Hervé Temime a ici même, dans ce que je crois être sa dernière plaidoirie, pris la défense d’un avocat et a plaidé pour défendre notre métier, de cela je lui dis merci ». 

Le tribunal a prononcé à son tour quelques mots d’hommage à Hervé Temime et demandé une minute de silence. Toute la salle alors s’est levée en mémoire de  l’immense pénaliste et la famille judiciaire, malgré les déchirements qui peuvent l’affecter, s’est retrouvée durant quelques instants unie.

La violation du secret professionnel est constituée

Dans son jugement prononcé ce mardi, le tribunal :

*sur le faux : M. Dawes (condamné aux assises pour trafic de stupéfiants), a bien eu l’intention de faire un faux dans l’intention d’instiguer un doute suffisamment solide pour que la cour prononce un acquittement. MM. Dawes et Hugues (son mandataire) sont jugés coupables.

*sur la violation du secret professionnel : Me Nogueras a remis à M. Hugues les 114 DVD de la procédure. M. Hugues a pris connaissance de pièces pourtant couvertes par le secret professionnel. La thèse d’une défense hispano-française relève de la pure fiction, estime le tribunal. S’agissant du fait justificatif tiré du caractère indispensable à la défense de cette transmission, le tribunal juge que cette preuve n’est pas rapportée au cas présent. Il évoque le « dilettantisme » des deux avocats. Pour lui, ils étaient conscients de la violation du secret professionnel. Les deux avocats sont déclarés coupables. (M. Dawes, complicité, M. Hugues, recel).

*sur la tentative d’escroquerie au jugement : le délit de tentative d’escroquerie au jugement doit être regardé comme préjudiciant à l’État et à la victime, analyse le tribunal qui souligne que les échanges entre M. Dawes et M. Hugues versés au dossier constituent un bréviaire de l’escroquerie au jugement. Les deux intéressés ont organisé et rendu possible la production par l’intermédiaire de leurs avocats de faux documents devant la cour d’assises pour tenter de tromper la justice, l’échec étant indépendant de la volonté des auteurs. Ils sont déclarés coupables de tentative d’escroquerie.

*sur la complicité de tentative d’escroquerie au jugement : pour que la complicité soit punissable, il faut que l’auteur ait participé sciemment, rappelle le tribunal. La complicité par abstention exige que le prévenu ait eu le pouvoir de s’interposer, ne l’ait pas fait alors que l’auteur allait agir. Le tribunal juge qu’en aucun cas une condamnation pour complicité ne peut être prononcée sans vérification de l’élément intentionnel. Par ailleurs, le règlement intérieur national de la profession d’avocat dispose que :« À aucune moment, l’avocat ne doit sciemment donner au juge une information fausse ou de nature à l’induire en erreur ». Nulle obligation d’authentification ne pèse sur l’avocat, en déduit le tribunal. Le seul doute exprimé quant à l’authenticité du document ne saurait constituer l’élément intentionnel de l’infraction. Pas plus que le scepticisme sur la légalité du comportement de leur client. En revanche, le tribunal constate un manque criant de professionnalisme à l’encontre des avocats, ce qui relève de la compétence disciplinaire du bâtonnier ou du procureur général. Me Joseph Cohen-Sabban et Me Xavier Nogueras sont relaxés. 

Peines :

M. Dawes : 5 ans de prison.

M. Hugues : 4 ans de prison avec mandat d’arrêt.

Me Joseph Cohen-Sabban : amende de 15 000 euros. Interdiction d’exercer de 3 ans avec sursis.

Me Xavier Nogueras : amende de 15 000 euros. Interdiction d’exercer de 3 ans avec sursis.

 

À lire sur le même sujet, le décryptage de la décision ici. 

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