Le SM attaque les ordonnances Covid-19 de la Chancellerie

Publié le 02/04/2020

Les recours se multiplient contre les mesures d’exception adoptées par le gouvernement pour gérer la crise sanitaire.  Dans un communiqué de presse diffusé ce jeudi en fin de journée, le Syndicat de la magistrature (SM) annonce qu’il a déposé « quatre requêtes en référé devant le Conseil d’Etat visant les dispositions les plus attentatoires aux droits en matière de procédures pénale, civile, administrative et d’application des peines« .

Le syndicat précise qu’en matière de procédure pénale, il vise tout particulièrement l’article 16 de l’ordonnance de procédure pénale qui prévoit que les délais de détention provisoire sont prolongés de plein droit d’une durée de 2 à 6 mois selon les cas.

Le SM attaque les ordonnances Covid-19 de la Chancellerie
Photo : Sophie Cottin-Bouzat/Adobe

Allongement des délais maximums de détention provisoire…

Voici le texte de l’article 16 :

« En matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire ou d’assignation à résidence sous surveillance électronique, prévus par les dispositions du code de procédure pénale, qu’il s’agisse des détentions au cours de l’instruction ou des détentions pour l’audiencement devant les juridictions de jugement des affaires concernant des personnes renvoyées à l’issue de l’instruction, sont prolongés plein droit de deux mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans et de trois mois dans les autres cas, sans préjudice de la possibilité pour la juridiction compétente d’ordonner à tout moment, d’office, sur demande du ministère public ou sur demande de l’intéressé, la mainlevée de la mesure, le cas échéant avec assignation à résidence sous surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire lorsqu’il est mis fin à une détention provisoire.

Ce délai est porté à six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel.
Les prolongations prévues à l’alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans, en matière criminelle ou s’ils encourent une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement.
Les prolongations prévues par le présent article ne s’appliquent qu’une seule fois au cours de chaque procédure ».

…de plein droit et donc sans décision

Est également concernée, la circulaire d’application de la Chancellerie en date du  26 mars 2020 qui précise  :

« Ces prolongations s’appliquent de plein droit, donc sans qu’il soit nécessaire de prendre une décision de prolongation, aux détentions provisoires en cours de la date de publication de l’ordonnance à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ou ayant débuté pendant cette période. Elles continueront par ailleurs de s’appliquer après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».

Ces dispositions ont particulièrement ému les professionnels de justice, tant du côté des avocats que des magistrats. Elles apparaissent en effet contradictoires avec l’annonce faite par la Chancellerie de sa volonté de libérer 5 000 détenus pour réduire la surpopulation carcérale. Par ailleurs, le texte porte atteinte à un certains nombre de principes et de droits fondamentaux.

Le SM attaque les ordonnances Covid-19 de la Chancellerie
Photo : ©UlyssePixel/AdobeStock

Les 20 000 personnes en détention provisoire sont concernées

« Au départ nous avions compris que ces prolongations ne s’appliquaient qu’aux personnes dont les placements en détention provisoire atteignaient leur durée maximale en cours de confinement, explique Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature. Par exemple dans un cas de vol avec violence,  la durée de la détention est de quatre mois renouvelable deux fois, soit un an maximum. On aurait alors prolongé de trois mois. En réalité, cela s’applique à toutes les détentions provisoires. Celui qui est à deux mois de détention, passe donc à sept mois au lieu d’être renouvelé au bout des quatre mois. Nous demandions également que cela n’intervienne que sur décision motivée, c’est le moment ou jamais en effet d’apprécier si la détention se justifie au vu de la situation sanitaire des prisons.  Mais la circulaire précise que c’est automatique. Ce texte pose beaucoup de problèmes dans les juridictions, certains magistrats l’appliquent, d’autres non. Et cela va nécessiter de recalculer tous les délais pour les plus de 20 000 personnes en détention provisoire ! ».

Le syndicat précise qu’une audience se tiendra dès demain vendredi au Conseil d’Etat sur les dispositions en matière d’application des peines et de conditions matérielles de détention durant l’épidémie. Ce recours-là a été déposé conjointement par le SM, le Syndicat des avocats de France (SAF), l’Observatoire international des prisons (OIP) et l’association Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D).  Les trois autres recours sont déposés avec le SAF. Ils font suite à d’autres procédures.  Le Conseil national des barreaux par exemple vient de former deux référés-liberté  contre l’ordonnance procédure judiciaire et procédure pénale (accessible avec ce lien).

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Plusieurs avocats viennent de déposer une QPC contre le délit de violation réitérée de confinement :

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Mise à jour vendredi 3 avril 17h00

L’audience devant le Conseil d’Etat ce vendredi sur l’application des peines a duré une bonne partie de la journée. La clôture est reportée à lundi, la décision sera connue mardi ou mercredi. Les deux référés-liberté du CNB ont été rejetés sans audience. Il en va de même du recours du SM et du SAF contre l’ordonnance de procédure pénale. Restent les recours contre les ordonnances civiles et administratives qui n’ont pas encore donné lieu à décision.

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