Procès des attentats de janvier 2015 : Coulibaly et les ferrailleurs

Publié le 05/09/2020

La Cour d’assises spécialement composée a examiné jeudi et vendredi la personnalité des accusés. Des parcours de délinquants ordinaires, plus proches de la clientèle des tribunaux correctionnels que de la catégorie des dangereux djihadistes. Pour l’instant. 

Procès des attentats de janvier 2015 : Coulibaly et les ferrailleurs
Entrée de la salle 2-02 où se déroule le procès (Photo : ©O. Dufour)

Et si le procès des attentats de janvier 2015 n’était vraiment que celui des seconds couteaux  ? A l’exception de trois accusés partis pour la Syrie au moment des attentats et toujours en fuite, les onze autres dont on a examiné la personnalité ces deux derniers jours apparaissent, en l’état, comme des délinquants parfaitement ordinaires. Ils n’appartiennent même pas au grand banditisme. 

Tous relèvent à peu près du même profil : une enfance qu’ils décrivent sans histoire, même si certains ont été confrontés au décès prématuré d’un parent ou à des problèmes d’alcoolisme et de violences domestiques, puis une scolarité classique qui s’interrompt prématurément à l’adolescence. C’est là que ça dérape : première conduite sans permis, premier trafic de cannabis, premier  vol avec violences et première incarcération. A l’arrivée, la plupart des accusés, dont les âges s’échelonnent de 30 à 67 ans, affichent des casiers judiciaires longs comme un jour sans pain. Et c’est bien souvent le problème, que ce soit par choix, pression du milieu, paresse, désintérêt des études, ou accident de la vie, pour tous, la délinquance est une façon comme une autre de subvenir à ses besoins. Certains trafiquent à temps complet, d’autres pour arrondir leurs fins de mois. 

La plupart des accusés habite Grigny ou ses alentours. Leur histoire raconte comment dans certains quartiers gangrenés par la délinquance, on risque toujours d’y basculer. 

La secte de la buanderie

« — J’ai fait des choses qui sont normales pour des jeunes qui grandissent dans les cités et qui ne le seront jamais pour ceux qui grandissent ailleurs  » résume Amar Ramdani, 39 ans, cheveux courts, silhouette musclée, pull noir. Il vient d’exprimer en quelques mots bien sentis la distance culturelle qui sépare le survêtement siglé arboré dans le boxe, de la robe robe rouge bordée d’hermine. Ramdani tranche avec les autres accusés. Ni taiseux, ni hâbleur,  il s’exprime avec aisance, manie un français châtié, et lorsqu’un avocat le remercie d’avoir répondu à une de ses questions lui rétorque naturellement « je vous en prie ».  C’est celui qui sans doute était le mieux parti pour échapper à la délinquance. Ses parents l’ont poussé à aller au bout de son BEP de comptabilité, puis jusqu’au bac. Il s’est même inscrit à la faculté en comptabilité gestion. Mais là confie-t-il, la rupture est trop forte entre le lycée et la fac, il décroche. Qu’importe, il décide avec un ami de lancer une marque de sportswear « antics ». Et ça marche, la marque est diffusée dans les magasins de sport. Jusqu’au moment ou une querelle d’associés  sur la stratégie met fin à la belle aventure. Il emprunte une voiture, l’accidente, doit rembourser. Comme il n’a pas les moyens de payer les réparations, le propriétaire lui propose de « monter sur un coup ». Le coup consiste à braquer une bijouterie, trois hommes dedans, deux à l’extérieur.  Condamné à 7 ans de prison, Ramdani est incarcéré à Villepinte. C’est là qu’il fait la connaissance d’Amedy Coulibaly, l’auteur de l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe et de l’attentat de l’Hypercasher.  Avec Mickaël Pastor Alwatik et Mohamed Belhoucine, ils forment ce qu’on appellera « la secte de la buanderie ». A ceci près que selon les témoignages d’autres détenus, Ramdani, lui, ne présente aucun signe de radicalisation. Il se décrit comme musulman modéré. Sur les 11 hommes présents dans le box, il fat partie des 6 qui gravitent autour de Coulibaly à Grigny. Il est accusé avec Saïd Makhlouf d’avoir cherché des armes.  Ce-dernier, 31 ans, est ambulancier. Grand, les cheveux coiffés en chignon, il explique qu’il  n’aimait pas trop les études alors il a cherché un métier susceptible de lui plaire. Après une tentative ratée d’installation au Canada – l’homme aime les voyages -, il rentre en France et décide de devenir ambulancier : être utile, aider les gens, voilà un travail qui lui convient.  Un profil toutefois pas si lisse qu’il y parait. Quand la cour insiste un peu, il avoue qu’il était bien le chef d’un trafic de drogue dans son immeuble avant son incarcération. Et si l’on insiste encore, il concède avoir aussi versé dans le trafic de voitures.

« — Y’a encore autre chose ?, interroge le président,

— Non quand même », s’esclaffe l’accusé gêné.

Makhlouf se déclare musulman, dit faire le ramadan, mais précise aussi que la religion il « s’en fout un peu ». Il ne connait Coulibaly que vaguement, par l’intermédiaire de Ramdani. A l’inverse Mickaël Alwatik, 35 ans, est un proche. Petit, baraqué, pull noir, crâne rasé, c’est un taiseux. Plutôt que de raconter sa vie, il préfère que le président lui pose des questions. Il évoque alors une enfance sans histoire malgré l’absence d’un père qu’il reverra à l’adolescence peu avant que celui-ci ne meurt d’un cancer. Très marqué par cette disparition, il se réfugie dans le cannabis. Comme les autres, Alwatik sort du lycée sans diplômes et suit le « cursus «  traditionnel : trafic de drogue, incarcération. Lui aussi c’est en prison qu’il rencontre Coulibaly et se radicalise, révélera l’instruction, au sein de la « secte de la buanderie ». Il s’en défend à l’audience, confiant que s’il est musulman pratiquant, il fume aussi, se drogue et a « des copines ». En prison, Alwatik a obtenu un diplôme équivalent au bac et s’est inscrit à l’université. A la barre il confie qu’il a beaucoup souffert, lors de sa détention,  d’être considéré comme un terroriste. «  J’ai été l’animal qu’on vient voir dans la cellule, les surveillants qui défilent, les réveils à 4 h du matin soi-disant pour voir si j’étais vivant. Dès le début on a fait de moi un terroriste ». S’il précise qu’il n’est pas en position de victime puisque c’est lui l’accusé, il tient cependant à exprimer qu’il « n’y a rien de pire  que d’être accusé de ce qu’on n’a pas fait ». Tous témoignent des mêmes difficultés. D’abord parce que les personnes placées en détention pour des faits de terrorisme  sont soumises  à un régime spécial plus contraignant qui les empêche par exemple d’accéder à certaines activités. Ensuite parce ces détenus-là sont confrontés d’un côté à ceux qui les haïssent pour ce qu’ils ont fait et peuvent vouloir en découdre, y compris parmi les surveillants,  de l’autre à ceux qui approuvent, ce qui n’est guère mieux si véritablement ils n’ont pas participé volontairement à la préparation des attentats.

« Je ne suis pas trop quelqu’un qui travaille »

Ramdani et Makhlouf sont accusés d’avoir cherché des armes notamment auprès de Mohamed-Amine Farès dans la région lilloise. « Je ne suis pas trop quelqu’un qui travaille » avoue l’intéressé à l’audience ; 31 ans, pull kaki et blanc, queue de cheval. A 16 ans, l’adolescent dépeint par sa famille comme « calme, obéissant, drôle et timide », commet ses premiers larcins. Par la suite, il abandonne son BEP, quitte le système scolaire sans diplômes et vit du trafic de drogue dure,  héroïne et cocaïne. Sans domicile, il dort chez les uns et les autres.  Musulman, il l’est par période. Comme beaucoup, dehors il oublie, en prison il s’y remet. D’un mariage religieux il a eu une fille qui, selon sa soeur, est « la seule chose importante de sa vie ».

Retour à Grigny. Baraqué, tee shirt gris, crâne rasé, Willy Prevost, 34 ans, est aussi un proche de Coulibaly mais sa situation est un peu particulière. ll commence par exprimer une pensée pour les victimes avant de se lancer dans le récit de sa vie. Comme les autres, il décrit une enfance normale. Toutefois, en réponse à une question du président, il précise qu’à l’âge de 9 ans, alors qu’il est en train de jouer à l’extérieur, il prend une balle perdue qui lui vaut une hospitalisation de plus d’un mois. Un premier emploi en 2004, une première incarcération en 2007, puis l’habituelle alternance de trafics de stupéfiants et d’incarcérations. Né dans une famille catholique, Willy Prévost se revendique athée. Il est poursuivi pour avoir réalisé divers achats de matériel utilisé lors des attentats.  Un jour, Coulibaly l’a tabassé à coups de batte de baseball en forêt. Prevost a du être hospitalisé. Son entourage confirme qu’il était devenu un souffre-douleur. Les achats, il les a effectués avec Christophe Raumel. Ce qui vaut à ce-dernier aussi d’être poursuivi. Mais comme il ne connait que vaguement Coulibaly, il est le seul contre qui on a retenu une simple association de malfaiteurs sans dimension terroriste. Il est aussi le seul qui comparait libre. Né en 90, il est le benjamin de la bande. Il a quand même un petit casier de conduite sans permis, vol et violences en réunion. Lors de son incarcération on lui a découvert un cancer lymphatique, il a été soigné et il est guéri. Musulman mais pas radicalisé, Christophe Raumel vit séparé de sa compagne dont il a eu un enfant.

« Des balances mythomanes ont raconté des conneries »

L’homme clef de l’affaire, celui qui fait le lien entre ceux de Grigny et la filière dite de Charleroi-Charleville-Mézières soupçonnée d’avoir fourni les armes, c’est Ali Riza Polat, 35 ans. Il est le seul accusé présent à être poursuivi pour complicité, tous les autres doivent seulement répondre d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.  C’est aussi le plus haut en couleurs. Dès qu’il prend la parole, c’est pour dénoncer « des balances mythomanes qui ont raconté des conneries ». Il annonce qu’il fera des révélations au cours du procès. Trapu, chemise blanche, crâne rasé, on le surnomme le « gros ». « Depuis tout petit c’est comme ça je grossis, je maigris », explique-t-il.   Né à Istanbul, Ali Riza Polat est arrivé en France à l’âge de trois ans. Son enfance ? Joyeuse, mais l’école c’est pas son fort. En réalité, son père est alcoolique et violent ; il protège sa mère et son père finit pas préférer quitter le domicile conjugal. 

« — J’ai commencé à entrer dans la délinquance, j’ai des faits des magouilles, ma vie c’est que ça, faire du business, je n’ai jamais travaillé, que des petits boulots ».

Célibataire et sans enfants, ii a bien failli se mettre en couple avec une libanaise, mais au moment où il devait aller la chercher dans son pays, il a été incarcéré. Dans le prétoire, il affiche sans complexe sa passion de l’argent.

« — Quand t’as pas d’argent, t’as rien, je n’avais rien et je voulais des belles choses ».

Ses premiers délits, il les commet à 14 ans ; vers 16 ans, il débute le trafic de cannabis. Lors de sa première incarcération en 2009, Ali Riza Polat retrouve des gens de sa cité et constate qu’ils sont millionnaires, sans passer finalement beaucoup de temps en prison. Sa vocation est née.« Je ne veux pas travailler » assène-t-il. En 2012 ou 2014, ce n’est pas très clair, il décide de rompre avec le monde des stupéfiants, trop de balances à son goût, et se lance dans l’escroquerie. Ce serait à la même période qu’ils se serait converti ; lui assure qu’il n’y a aucun rapport entre l’abandon de la drogue et la religion. Des avocats de parties civiles tentent de le mettre face à la contradiction qui consiste à prier cinq fois par jour tout en vivant du banditisme ; « ça m’aide à chercher le pardon à dieu » répond-il. Si l’on insiste, Polat s’énerve, pour lui ce sont deux mondes séparés, et puis chez les juifs et les chrétiens aussi il y a des gens qui commettent des péchés. A l’avocat des parties civiles qui lui fait observer que ni les juifs ni les catholiques ne font sauter des mosquées, Polat cite plusieurs exemples dans le monde de mosquées attaquées. Hâbleur, prolixe, très directif, pour un peu il prendrait les rênes du procès, le président est obligé plusieurs fois d’écourter ses discours. « Non monsieur, je n’ai pas à attendre », s’indigne une avocate des parties civiles quand en réponse à l’une question de ses question, Polat réplique,  péremptoire, qu’il s’exprimera en temps et en heure. Coulibaly ? Il l’a rencontré en 2007.  Deux ans plus tard, celui-ci  lui confie pour 15 000 euros de cannabis.  Mais Polat ne le paie pas. Quand à sa sortie de prison en 2014 Coulibaly réclame son argent, Polat dans l’incapacité de payer ,dit-il,  aurait proposé à la place de rendre des services. C’est ce qui l’aurait conduit dans le box des accusés.

Deux belges, des garages et des armes

Les services en question auraient donc consisté à rechercher des armes pour Coulibaly ? En tout cas, c’est là qu’entre en scène le deuxième groupe d’accusés dit de la filière « Charleroi – Charleville-Mézières ». A Charleroi, Metin Karasular et Michel Catino ont un garage. C’est à eux que Coulibaly a vendu une mini-Cooper qui d’ailleurs ne lui a pas été réglée, ce qui a déclenché un conflit entre Paris et Charleroi. On y a aussi retrouvé une liste manuscrite d’armes que le graphologue attribue à Polat. Metin Karasular est né en 1970 en Turquie ; il est arrivé en Belgique à l’âge de 4 ans. Assez vite il arrête l’école et se lance dans la boulangerie. Le métier lui plait mais il est obligé d’y renoncer car la farine lui cause de l’asthme. Avec Michel Catino, 68 ans, le plus ancien de la bande, ils se connaissent depuis 30 ans. Tous deux partagent la passion du jeu. C’est un peu leur vice autant que leur malédiction. Ils ont eu des cafés où ils organisaient des jeux plus ou moins clandestins, puis un garage. Karasular a un casier bien garni en Belgique : infractions routières, violences et stupéfiants. Il est marié et père de 5 enfants. Catino aussi a un volumineux casier pour infractions routières, vol et association de malfaiteurs. Il est séparé et père de trois enfants dont un qui est décédé dans des circonstances qu’il juge douteuses. L’un de ses fils est venu témoigner à la barre qu’il était un bon père, sa belle-fille dit qu’il est pour elle « un deuxième papa ». C’est le commerce de voiture qui  rapproche les deux belges accrocs aux jeux de leurs « collègues » de Charleville-Mézières, Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez.  Ils auraient été en contact pour des histoires de pneus. En tout cas officiellement.

Abdelaziz Abbad est né en 1984 à Charleville-Mézières. Petit, brun, cheveux gominés, il est issu d’une famille de 9 enfants. A 9 ans, il est victime d’un grave accident avec un produit inflammable. Une partie de son corps est brûlée. On le plonge dans un coma artificiel, plusieurs organes sont atteints. Il ne sortira de l’hôpital qu’à l’âge de 13 ans. Au lycée, il tente un BEP mais le rate.  Les études ne l’intéressent guère, l’enfant trop longtemps hospitalisé a envie de vivre. Abbad commence «à fréquenter les mauvaises personnes » et tombe dans le piège des stupéfiants. Il a une amie, mais ne veut pas d’un bébé parloir.  « Aujourd’hui je me retrouve dans cette histoire, rapport à certaines fréquentations et je ne sais pas quoi dire ». Côté religion, il est musulman,  fait ses 5 prières par jour. Comme les autres, son casier judiciaire est bien rempli.  Son associé Martinez est né en 1982. Son père se suicide quand il a 9 ans, à cause de dettes semble-t-il. C’est alors explique-t-il qu’il se tourne vers la religion musulmane car dans son quartier il y a 80% de musulmans. A l’école, il est bon élève jusqu’à la 5e,  fait du karaté, du basket, s’avoue violent. A 16 ans il est orienté vers un BEP de soudeur, ça ne lui plait pas. Il commence à travailler, dans la couverture et l’ étanchéité, mais  deux hernies discales mettent fin prématurément à sa carrière. Martinez décide alors de se lancer dans le commerce de voitures : il achète en Belgique où les voitures dit-il sont moins chères, pour les revendre en France. Il a été plusieurs fois condamné pour trafic de stupéfiants.  « C’est quoi la délinquance ? Un mode de vie » demande le président.  C’est le seul qui assume complètement son engagement religieux  en expliquant que ça l’apaise.  

« — Je me suis converti dans les années 90, on connaissait les horreurs qui se passaient là-bas en Algérie et donc je suis vacciné contre. J’ai profondément honte de me retrouver aujourd’hui au tribunal pour un motif comme ça, j’ai honte et j’ai un malaise à l’idée de me retrouver devant les victimes ». Il est en couple depuis 2009 et père de deux jeunes enfants. C’est auprès de ce garage que non seulement Coulibaly, mais aussi Saïd Kouachi lui-même seraient venus pour trouver des armes. Et ce sont les belges qui les auraient fournies. 

La religion provisoirement hors sujet

Durant ces deux jours qui ont permis de mieux connaître le profil des accusés, la religion a plané comme une ombre indésirable dans le prétoire. Le président avait décidé en effet que ce point serait abordé plus tard, lors de l’examen de l’affaire au fond. Difficile cependant d’évoquer la personnalité d’hommes accusés de terrorisme islamiste sans parler justement de leur rapport à la religion. Si difficile d’ailleurs  qu’autant  les enquêteurs de personnalité que les intéressés eux-mêmes ont abordé spontanément le sujet. Tout naturellement, les parties civiles ont rebondi sur les déclarations des intéressés et posé des questions. Jusqu’à ce qu’Isabelle Coutant-Peyre, avocate d’Ali Riza Polat, s’insurge que dans une enceinte judiciaire de la République qui prône la laïcité, on ose tenir un débat sur la religion.  Colère sur les bancs de la partie civile.

«— Y a-t-il un autre sujet à aborder ? », tempête Nathalie Senyk, l’une des avocates des parties civiles. « Vous n’avez pas peur de ce genre de propos devant de telles victimes ! ».

« — Je ne sais pas de quel côté est le terrorisme », ose Isabelle Coutant-Peyre en retournant s’asseoir.

Le président ramène l’ordre : s’il ne veut censurer personne, il entend que cette question soit abordée plus tard. Fin de la discussion. 

Tous les accusés ont saisi l’occasion qui leur était offerte de s’exprimer pour réfuter avoir participé aux attentats. Trafiquants de drogues ou de voiture, escrocs, voleurs, ils assument, certains comme Polat le revendiquent même et en font un plan de carrière, mais tuer des gens, jamais ! A les entendre dresser ainsi le récit forcément adouci de leur profil, on ne peut s’empêcher de songer au film de Claude Sautet, Max et les Ferrailleurs. Et si au fond Coulibaly les avait entraînés, à leur insu ou pas, dans une histoire bien trop grande pour eux ?

La question non résolue du masque à l’audience

Le port du masque n’en fini plus de susciter des remous. Le premier jour du procès, il a été imposé à tous et en permanence par le président. Il n’était pas question de l’ôter, fut-ce pour plaider. La règle n’a tenu que quelques minutes. Consciemment ou non, les premiers avocats qui ont eu à s’exprimer l’ont retiré pour parler. Cela est vite apparu indispensable à la bonne compréhension des débats. Le matin du deuxième jour,le président a informé la salle qu’un accord était intervenu dans la nuit entre le premier président de la cour d’appel Jean-Michel Hayat et le bâtonnier de Paris Olivier Cousi pour autoriser les avocats à ôter leur masque lorsqu’ils s’expriment, ainsi que les accusés. Toutes lespersonnes n’ayant pas à s’exprimer restaient soumises à l’obligation de le porter. Quant aux magistrats de la cour et au parquet, le président précisait qu’ils restaient tenus en toute circonstances au port du masque. On aurait pu penser que cet accord satisferait tout le monde. Ce ne fut pas le cas. Dès l’annonce faite, Christian Saint-Palais, l’un des avocats d’Amar Ramdani a signifié son désaccord, en soulignant les risques. Il suffirait en effet qu’une seule personne soit contaminée pour que le procès soit suspendu. Or, plusieurs accusés sont en détention provisoire depuis cinq ans déjà. Par ailleurs, il estime avoir le devoir de protéger les personnes les plus vulnérables, en l’espèce, les accusés. Or, faire le choix de porter le masque quand on se tait et qu’on est donc peu dangereux, pour l’ôter lorsqu’on parle et donc que l’on projette des postillons soulève à ses yeux une vraie question. Ni le bâtonnier ni le président de la Cour n’étant des sommités médicales, il a demandé que la cour prenne l’avis d’un expert. Ce à quoi le président a répondu qu’il attendait précisément l’avis de l’agence nationale de la santé publique. Vendredi celui-ci n’était toujours pas connu.

 

Audiences tardives : les accusés ne tiendront pas 50 jours en ne dormant que 4 heures par nuit, prévient la défense

Vendredi 4 septembre en début d’audience, David Apelbaum, avocat d’Abdelaziz Abbad a alerté le président de la Cour au nom de l’ensemble des avocats de la défense sur le problème des audiences tardives. Mercredi, l’audience s’est terminée à20H, jeudi à 21h15.Pour ceux qui sont détenus à Fleury-Merogis comme Abdelaziz Abbad, il faut compter 4 heures entre la suspension d’audience et l’entrée en cellule. Si une audience se termine à 21h, les intéressés arrivent donc en cellule à 1h du matin. Le lendemain, ils sont réveillés entre 5h et 5H30. Pendant le court laps de temps où ils sont en cellule, ils doivent manger, se laver et dormir. « Habituellement on leur dit de tenir bon 5 jours, mais pas 50 jours » a souligné David Apelbaum, ajoutant, « les faits reprochés seront examinés dans un mois et demi, on dira qu’ils sont flous, qu’ils ne veulent pas répondre, ils seront juste fatigués ». Les avocats de la défense ont jugé nécessaire de prévenir la cour le plus tôt possible. Le président a pris acte et fait en sorte d’accélérer le rythme de l’audience autant que de réduire les temps de pause ce jour-là. En vain. L’audience s’est achevée aux alentours de 21h30.

 

Les prisons françaises en procès

Lors de sa présentation, Metin Karasular a dit tout le mal qu’il pensait des établissements pénitentiaires français. « Je ne pensais pas que les prisons françaises étaient comme ça, j’ai été deux ou trois fois en prison en Belgique c’est pas comme ça, » a-t-il déclaré. Quand vient son tour – les accusés se sont exprimés par ordre alphabétique – Ramdani évoque Bois d’Arcy où il est détenu. « Qu’est-ce qu’il dirait Karasular s’il était ici, il n’y a pas de douche, pas de plaque pour faire la cuisine, pas de fenêtre, pas de peinture sur les murs…l’interphone ne fonctionne pas, rien ne fonctionne ». Un autre confirme le diagnostic et ajoute « quand il pleut, la couchette du haut est mouillée ». C’est aussi l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté qui notait en 2015 dans son rapport de visite : « Les conditions de vie des personnes détenues au sein de cet établissement caractérisé par une population pénale jeune, originaire du département et de la région parisienne, sont indignes. Elles se sont dégradées depuis la précédente visite en raison de l’absence de travaux comme la réhabilitation du réseau électrique et du réseau d’eau ; l’installation de plaques chauffantes est impossible de même que celle de réfrigérateurs ; il n’y a pas de douches en cellule, mais seulement de l’eau froide sur le lavabo ; il n’y a pas d’interphones, y compris au quartier d’isolement ; l’humidité des cellules est constante et achève de les dégrader ».