Tribunal de Pontoise : « On est d’accord que vous avez été pris la main dans le sac ? »

Publié le 28/06/2022

Dernière affaire de la journée devant les comparutions immédiates de Pontoise : deux amis ont été pris en flagrant délit de vol sur une voiture. Ils prétendent avoir voulu voler une roue, alors que tout indique qu’ils s’apprêtaient à voler le pot catalytique d’une Prius. Ce n’est pas le même prix.

Voitures de police garées dans la rue.
Albachiaraa/ AdobeStock

 Le président guilleret s’exclame : « C’est le gros dossier du jour ! » Deux frêles jeunes hommes ont été placés dans le box, brindilles au milieu des costauds en uniforme qui les encadrent. Quentin a 20 ans, une grande tignasse couleur caramel, un casier vierge et vit chez sa grand-mère. Son ami Sophiane en a 24, la boule à zéro, deux condamnations à son actif et vit chez sa grand-mère lui aussi. Le président demande : « On est d’accord que vous avez été pris la main dans le sac ? » Quentin fait une moue désolée : « Ah ben ça, j’étais en train de mettre le cric. »

À Domont (Val d’Oise), dans la soirée du 16 février 2022, une patrouille de Police tombe sur les deux compères, assis dans leur Clio garée devant une Toyota Prius. Ce dernier modèle est la cible de nombreux vols pour son pot catalytique. C’est une hécatombe : rien que dans le quartier, 15 pots ont été sciés ces dernières semaines. C’est pourquoi les policiers, qui gardent un œil sur les Prius, ont trouvé la présence des deux hommes suspecte.

Contrôle de police, fouille de la voiture : sur la banquette arrière de la Clio se trouve tout le matériel nécessaire pour voler un pot. Ils remarquent également un cric, que Quentin, donc, s’apprêtait selon ses dires à placer sous la voiture pour la soulever. Cela paraît incongru pour voler un pot.

« — Vous étiez en train de voler le pot, ou vous souhaitez raconter autre chose ? interroge le président.

— On le dit depuis le début, répond Sophiane, on était là pour voler la roue. »

C’est en effet la version qu’ils ont soutenue en garde à vue, et la raison pour laquelle ils ont mis en avant la présence du cric.

« Il ne faut pas venir voler sur le ressort de la cour d’appel de Versailles »

Le président n’est pas d’accord. « On vole les roues des BMW, mais les roues des Prius, ça ne vaut rien.

— C’était une commande, répond Sophiane.
— C’est ce que vous avez dit : une commande d’un ami dont la mère a besoin d’une roue. Mais vous habitez à Saint-Denis, pourquoi aller jusqu’à Domont ? Je vous repose la question : qu’est-ce que vous faisiez ?
— On voulait prendre une roue, mais ce n’était pas la bonne dimension.
— Donc vous maintenez : c’est par hasard qu’on vous a interpellés devant une Prius, modèle qui fait l’objet de vols fréquents pour son pot catalytique, alors même que vous avez sur vous tout le matériel pour dérober un pot ? »

Quentin opine du chef. Sophiane confirme : « Je maintiens. »

« — De toute façon, poursuit le président, ça ne change pas grand-chose, roue ou pot. C’est sur votre téléphone qu’on a trouvé une vidéo d’un type qui explique comment découper un pot ? » Demande-t-il à Sophiane.

— Oui, mais ça n’a rien à voir », bredouille le prévenu.

— Donc vous dites quoi ? Vous êtes d’accord pour être condamnés ? Vous avez commis un délit ? Vous savez Messieurs, il ne faut pas venir voler sur le ressort de la cour d’appel de Versailles. Ce n’est pas une bonne idée, vraiment, c’est un conseil que je vous donne. »

Un amateurisme d’un niveau stupéfiant

La procureure requiert en confiance : « La tentative est caractérisée car ils n’ont été empêchés que par l’intervention des gendarmes. Ce qui me chagrine un peu c’est la version donnée qui n’est pas crédible. » Elle demande un an de prison avec sursis contre Quentin. Contre Sophiane, déjà condamné 11 fois et sous le coup de deux révocations de sursis probatoire, les réquisitions sont forcément différentes : un an de prison ferme avec mandat de dépôt.

L’avocat de Quentin rappelle que les faits de tentative de vol sont reconnus, et que c’est tout ce qui compte. Il aimerait que la peine ne soit pas inscrite au bulletin n° 2 du casier de son client, et qu’elle soit revue à la baisse. L’avocat de Sophiane se plaint de ne pas avoir eu accès au dossier avant une heure avancée de la journée et dénonce une atteinte aux droits de la défense. Sur le fond, il souligne que les deux hommes étaient particulièrement mal préparés, qu’ils ont fait preuve « d’un amateurisme d’un niveau stupéfiant ». C’est pourquoi il demande de ne pas décerner de mandat de dépôt à l’encontre de Sophiane.

Il ne sera pas entendu : Sophiane part en prison pour 8 mois. Quentin aussi écope de 8 mois, mais avec sursis. Les deux font aussi l’objet d’une interdiction de séjour de 3 ans dans le Val d’Oise. Il n’y a plus de prévenu dans le box, l’audience est levée.