Une nouvelle salle d’audience high-tech pour le tribunal de commerce de Paris
Le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti a inauguré ce vendredi matin la nouvelle chambre internationale du tribunal de commerce de Paris, aux côtés des chefs de cours et de juridiction de la capitale.
Dès l’entrée, on se croirait dans une série télévisée américaine. La salle entièrement en bois, l’équipement high-tech (ordinateurs, cabines de traduction, système performant de visioconférence), l’impression générale de confort… . « Rien à voir, confie en off un habitué, les prétoires américains sont infiniment plus grands et luxueux ».
Dont acte. Disons que pour la justice française, la nouvelle chambre internationale du tribunal de commerce de Paris a des allures de palace. Ce qui est nouveau ici, c’est le local, parce que la chambre internationale, elle, existe depuis 1995. Personne ne s’y intéressait vraiment dans les hautes sphères du pouvoir jusqu’au Brexit.
Un rapport du très technique Haut comité juridique de la place de Paris identifie en 2017, sur l’inspiration de Guy Canivet, une opportunité à saisir pour la France. Lorsque la Grande-Bretagne sera sortie de l’Union, ses décisions de justice ne bénéficieront plus du passeport européen et seront de nouveau soumises à l’exequatur en Europe. Ce qui prend du temps. Or, pour la finance internationale, le temps c’est de l’argent. Plusieurs capitales européennes dont Paris décident alors d’attirer sur leur territoire les quelque 10 000 affaires financières internationales jugées chaque année à Londres.
À cet effet, la France crée une chambre internationale à la cour d’appel de Paris (qui bénéficie d’une page dédiée sur le site de la Cour), mais aussi organise des protocoles entre les juridictions de première instance et d’appel, d’une part, et le barreau d’autre part, pour mettre la future procédure au goût international : possibilité de s’exprimer et de produire des pièces en langue étrangère ainsi que de faire appel à des témoins.
Au tribunal de commerce de Paris, il manquait cependant l’équipement adapté. Rappelons que la justice consulaire est bénévole et son budget de fonctionnement annuel alloué par les cours d’appel fort modeste (de l’ordre de 30 000 euros par an à Paris par exemple). Lors de sa prise de fonction en janvier 2020, l’actuel président Paul-Louis Netter avait réclamé un équipement à la hauteur des enjeux. La Chancellerie a entendu le message et fait construire, au rez-de-chaussée, à la place du bureau d’aide juridictionnel transféré au tribunal judiciaire Porte de Clichy, la fameuse salle d’audience inaugurée ce vendredi.
Elle fait déjà des jaloux. Le premier président et le procureur général de Paris ont profité de l’occasion pour dire au ministre qu’ils souhaitaient eux aussi un équipement de ce niveau.
Rien n’interdit de rêver, ce d’autant plus que le ministre a reconnu lui-même lors de son allocution le poids représenté par le juridique : « le droit est un secteur économique à part entière, une étude récente relève que les professions du droit représentent 1,25 % de la population active, 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 1,8 % du PIB français, le potentiel de développement existe si notre système sait être attractif ». L’objectif, on l’aura compris, consiste à faire de Paris la première place de droit sur la scène internationale. Le ministre a souhaité à la nouvelle chambre de « beaux procès, des avocats éminents, des décisions qui feront jurisprudence bien au-delà de nos frontières ».
Pour l’heure, cette chambre traite 200 dossiers par an dont, au 30 juin 2022, 65 % venant de plaideurs européens, 13% du continent africain, 12 % du continent américain, et 11% d’Asie.
Gageons que toute l’institution judiciaire rêverait de travailler dans ces conditions. Dommage que seuls les procès ultra-médiatiques et les contentieux de très grand luxe bénéficient pour l’instant de ces largesses…
La vision de l’agence Laps Architecture
La création de la salle a été réalisée par Salvator-John Liotta et Fabienne Louyot, associés de l’agence Laps Architecture. Le projet s’étend au RDC et au R+1 du bâtiment existant sur environ 300 m² et inclut une salle d’audience équipée, un accueil, une salle d’attente, deux cabinets de délibérés, une salle de réunion, un espace de reprographie et une salle de repos. Les architectes expliquent ainsi leur travail : « L’espace d’accueil se dessine à la fois sobre et majestueux avec les éléments boisés et cintrés reproduisant l’idée une balance à grande échelle. La salle revêtue de bois de merisier s’inscrit dans la continuité des salles présentes dans le même bâtiment mais avec des lignes contemporaines et un équipement technologique de pointe. Tout a été dessiné sur mesure, avec une attention aux détails et à l’usage de matériaux biosourcés. Les panneaux inclinés au mur et au plafond permettent d’obtenir une salle avec d’excellentes qualités acoustiques ».
Référence : AJU327861