Flash : le jugement sans audience n’est pas contraire à la Constitution
Dans sa décision de ce jeudi 19 novembre, le Conseil constitutionnel refuse de déclarer contraire à la Constitution le jugement sans audience et sans le consentement des parties en matière de référé dans le cadre de l’état d’urgence.
Il y a des marqueurs de l’état de droit. Des lignes de front sur lesquelles les avocats et les magistrats se positionnent en vigie pour empêcher qu’on les déplace. L’audience en fait partie. La réforme de la justice portée par Nicole Belloubet a déjà déplacé la ligne en prévoyant la possibilité du jugement sans audience avec l’accord des parties. `
La crise sanitaire a constitué pour l’Etat un motif permettant d’élargir cette possibilité dans l’objectif de limiter les déplacements. C’est ainsi que l’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur l’adaptation des règles de l’organisation judiciaire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire prévoit :
« Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience. Elle en informe les parties par tout moyen.
A l’exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d’un délai de quinze jours pour s’opposer à la procédure sans audience. A défaut d’opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge ».
Saisi d’une QPC sur la conformité à la Constitution des dispositions relatives aux référés, le Conseil constitutionnel a estimé les dispositions conformes. Voici les principaux considérants :
« 15. En premier lieu, les dispositions contestées visent à favoriser le maintien de l’activité des juridictions civiles, sociales et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Ces dispositions poursuivent ainsi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et contribuent à la mise en œuvre du principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice.
16. En deuxième lieu, la procédure sans audience ne s’applique qu’aux affaires pour lesquelles la mise en délibéré a été annoncée durant l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 ou pendant le mois suivant sa cessation.
17. En troisième lieu, les dispositions contestées visent à éviter que l’opposition d’une partie à l’absence de tenue d’une audience conduise au report du jugement de l’affaire à une date éloignée, dans l’attente de meilleures conditions sanitaires. Ces dispositions permettent donc aux juridictions de statuer dans des délais compatibles avec la célérité qu’exigent les procédures d’urgence en cause.
18. En dernier lieu, d’une part, les dispositions contestées ne sont applicables que lorsque les parties doivent être représentées par un avocat ou lorsqu’elles ont choisi d’être représentées ou assistées par un avocat. Cette condition garantit ainsi aux justiciables la possibilité de défendre utilement leur cause dans le cadre d’une procédure écrite. D’autre part, l’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020, qui prévoit que la communication entre les parties « est faite par notification entre avocats » et qu’il « en est justifié dans les délais impartis par le juge », impose de respecter une procédure écrite contradictoire. Enfin, les dispositions contestées se bornent à offrir une faculté au juge, à qui il appartient, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, de s’assurer qu’une audience n’est pas nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure et les droits de la défense.
19. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du contexte sanitaire particulier résultant de l’épidémie de covid-19 durant la période d’application des dispositions contestées, celles-ci ne privent pas de garanties légales les exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces droits doivent donc être écartés ».
Référence : AJU85322