Le Conseil d’Etat rejette la demande de suspension du passe vaccinal dans les transports

Publié le 10/02/2022

L’exigence du passe vaccinal dans les transports longue distance porte-t-elle une atteinte disproportionnée à plusieurs libertés ainsi qu’au droit à un procès équitable ? Non, vient de répondre le Conseil d’Etat qui estime que la possibilité d’obtenir une dispense en invoquant l’urgence suffit à rendre cette exigence acceptable. 

Le Conseil d'Etat rejette la demande de suspension du passe vaccinal dans les transports
Photo : AdobeStock/JeaLuc

Deux avocats auront rêvé pendant près d’une semaine d’avoir leur nom dans le recueil Lebon qui rassemble les décisions du Conseil d’Etat. Las ! La haute juridiction administrative vient de mettre fin à la belle histoire en rejetant leur recours. Les deux robes noires, l’une parisienne l’autre d’Aix-en-Provence,  soutenaient à l’audience du 3 février dernier (Notre compte-rendu est consultable ici) qu’en exigeant le passe vaccinal dans les transports longue distance, on portait atteinte au droit à un procès équitable. Que faire en effet si on n’est pas vacciné et qu’on doit prendre le TGV parce que le conseil que l’on a choisi exerce dans une autre ville ? Faut-il changer d’avocat si celui-ci ne peut  se rendre à une audience faut de disposer d’un passe sanitaire  ?

Les requérants demandaient donc la suspension de cette obligation, estimant qu’elle faisait obstacle à l’exercice de leur mission en limitant leurs déplacements, mais aussi qu’elle empêchait les justiciables non vaccinés de se rendre à une convocation judiciaire ou administrative lointaine.

La solution de l’urgence

Leur demande a été rejetée. Dans son ordonnance rendue ce jeudi 10 février en fin de journée, le juge des référés Thomas Andrieu a considéré en effet que le système mis en place par le gouvernement ne portait pas une atteinte disproportionnée aux droits et libertés invoqués. Sachant en effet qu’il faut compter 3 ou 4 semaines pour obtenir un schéma vaccinal complet et donc un passe vaccinal :

*soit le rendez-vous ou la convocation s’inscrivent dans un délai inférieur à 3 semaines et il est possible d’obtenir une dispense pour urgence,

*soit ils s’inscrivent dans un délai supérieur et  il est alors possible d’obtenir le précieux sésame, ou de s’organiser autrement pour se déplacer.

Voici le principal considérant de la décision :

« S’il est constant que les motifs invoqués par les requérants ne sont pas au nombre des motifs impérieux d’ordre familial ou de santé, l’exception d’urgence est invocable par le citoyen comme par son avocat pour les convocations administratives et judiciaires ainsi que pour les déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ou différés. Toutefois, il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que l’urgence ne peut être reconnue comme « faisant obstacle à l’obtention d’un justificatif de statut vaccinal » que lorsque la convocation ou le rendez-vous en cause a été fixé à un délai inférieur à celui nécessaire pour l’obtention d’un schéma vaccinal complet. Il résulte des éléments produits postérieurement à l’audience que la Haute autorité de santé estime ce délai à 3 ou 4 semaines pour les vaccins à ARN messager. La personne qui dispose d’un délai supérieur pour se rendre à la convocation ou au rendez-vous en cause ne peut ainsi se prévaloir de cette exception d’urgence, dès lors qu’elle dispose du temps nécessaire, soit pour réaliser un schéma vaccinal complet, soit pour organiser son déplacement selon d’autres modalités. Il résulte en outre de l’instruction que l’épidémie reste à un niveau particulièrement actif et que le passe vaccinal est de nature à assurer la protection des individus dans les transports interrégionaux, qui favorisent les brassages sur l’ensemble du territoire national et où les personnes restent à proximité les unes des autres pendant de longues durées en milieux clos ». 

La QPC est rejetée

Les requérants avaient également soulevé une question prioritaire de constitutionnalité. Sans surprise, elle a été rejetée. Le juge des référés avait rappelé lors de l’audience que si un article de loi est déclaré conforme à la Constitution, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’il ne peut plus être remis en cause même par la présentation de moyens nouveaux. Le juge des référés n’a pas considéré non plus qu’il y avait des circonstances nouvelles dans le développement de l’épidémie depuis l’adoption de la loi et la décision du Conseil.

Une autre décision relative au passe sanitaire est attendue avec impatience. Elle doit tomber en principe avant la fin de cette semaine. Plaidé lundi 7 février (voir notre compte-rendu d’audience ici), ce référé-liberté porte cette fois sur l’obligation de la 3e dose et la possibilité d’en être dispensé si l’on a été victime d’effets secondaires sérieux ou graves  lors des précédentes injections. L’enjeu est d’autant plus important qu’à compter du 15 février prochain, la dose de rappel devra être réalisée au plus tard 4 mois après l’obtention du dernier schéma vaccinal au lieu de 7. Entre 4 et 5 millions de personnes pourraient alors perdre leur passe.

Ordonnance CE du 10 février 2022