Secret professionnel : les avocats maintiennent la pression sur les parlementaires
Alors que l’Assemblée nationale a adopté hier un amendement qui satisfait en partie leurs demandes, les avocats ont décidé de maintenir la pression en manifestant devant le Sénat qui doit se prononcer à son tour sur le projet de loi Confiance dans la justice.
Mercredi 17 novembre, 13h30 : les avocats commencent à affluer vers le haut de la rue de Tournon où ils se sont donnés rendez-vous pour manifester alors que c’est au tour du Sénat d’examiner le projet de loi confiance dans la justice.
La veille en soirée, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du garde des Sceaux qui a répondu en partie à leurs craintes et attentes.
#secretprofessionnel : l'@AssembleeNat vote un amendement de modification
L'Assemblée nationale a voté ce soir en séance un amendement déposé par le Gouvernement qui modifie l'article 3 du projet de loi « Confiance dans l'institution judiciaire » sur le secret professionnel. pic.twitter.com/mDhr8HiOW9
— Conseil national des barreaux – les avocats (@CNBarreaux) November 16, 2021
Pour écouter Eric Dupond-Moretti défendre l’amendement, c’est ici
« Oui le bâtonnier sera toujours présent lors des perquisitions, il suffisait de lire le texte pour s’en rendre compte », affirme le ministre. Il est cependant précisé en ce sens, dans le 1° de l’article 56-1-2.
La deuxième clarification concerne le 2°de l’article 56-1-2 qui prévoyait que le secret n’est pas opposable lorsque « l’avocat a fait l’objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d’une infraction ». L’amendement surnommé de « l’avocat idiot ». Susceptible d’être considéré comme « trop vaste » ou « trop imprécis »a convenu le ministre, il est supprimé.
En revanche, les avocats voulaient limiter l’inopposabilité du secret pour les infractions constituant les exceptions au cas dans lequel « les consultations, correspondances ou pièces, détenues ou transmises par l’avocat ou son client établissent de manière intrinsèque la preuve de leur utilisation par l’avocat aux fins de commettre ou de faciliter sciemment la commission desdites infractions ». Sur ce point, ils n’ont pas obtenu gain de cause. A la place, le texte pose cette réserve : « que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client, établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ».
Au moment de la manifestation, les avocats n’ont pas encore fini d’examiner les implications du nouveau texte et notamment la partie de phrase contenant la réserve. Il est important en effet de bien comprendre ce qu’elle autorise ou pas.
S’il est clair que la suppression du 2° est une avancée, de même que l’affirmation de la présence du bâtonnier lors des perquisitions dans les cabinets, il n’en demeure pas moins qu’après avoir sacralisé le secret dans l’article préliminaire, le texte déchire le secret en deux en organisant un secret de la défense absolu et un secret du conseil marqué par des exceptions. Certes, c’est la jurisprudence actuelle de la chambre criminelle, mais alors que la loi aurait pu la corriger, elle l’entérine.
Par ailleurs, les trois exceptions et leur blanchiment couvrent une très grande partie de la délinquance économique, de sorte que le périmètre concerné est plus vaste qu’il n’y parait.
Enfin, beaucoup d’avocats redoutent que les 3 exceptions deviennent 4, puis 5 et ainsi de suite au gré des futures évolutions législatives.
De fait, ce mercredi, l’ambiance n’est guère plus détendue que la veille. Surtout que quelques articles de presse moquant le combat des avocats ont eu le don d’irriter les responsables de la profession. Visiblement dans la société de la transparence, il est devenu quasiment impossible de faire comprendre la nécessité de protéger des espaces de confidentialité et de confiance, c’est toute la difficulté de la bataille engagée par la profession.
On retrouvait à peu près les mêmes participants que la veille. Outre le barreau de Paris, le barreau des Hauts-de-Seine était également présent.
A noter, un nouveau venu inattendu : le barreau de Grasse. Interrogé, son bâtonnier a expliqué qu’après avoir manifesté mardi dans sa ville, il avait décidé de venir avec ses confrères à Paris devant le Sénat aujourd’hui.
Théoriquement, le Sénat ne devrait pas modifier le texte adopté hier par l’Assemblée, mais il ne faut pas oublier que les exceptions en matière conseil sont venues de lui, d’où la volonté de la profession de maintenir la pression.
Quelques tensions ont marqué la manifestation lorsque les forces de l’ordre, présentes de façon nettement plus significative que la veille à l’Assemblée, ont décidé de cantonner les avocats sur une seule voie de la rue de Tournon, sans déplacer le car de police qui masquait les banderolles et diverses pancartes.
Les manifestants se sont finalement dispersés dans le calme au bout d’une heure.
Mise à jour 18 novembre 15h26 : Le Sénat a adopté ce jeudi l’article 3 dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale.
Référence : AJU255812