Chez les Surligneurs : Bruno Retailleau peut-il interdire le voile lors des sorties scolaires ?
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a indiqué son souhait d’interdire le voile aux accompagnatrices lors des sorties scolaires. Est-ce possible ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi la vignette Crit’Air et le vote de confiance.
Est-il possible d’interdire le voile aux accompagnatrices de sorties scolaires, comme le souhaite Bruno Retailleau ?
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a proposé le 6 janvier dernier d’étendre la neutralité à de nouveaux espaces publics, incluant les compétitions sportives, l’université, et les sorties scolaires, en interdisant notamment aux accompagnatrices de porter le voile.
L’obligation de neutralité pesant sur les agents publics, dont dispose l’article L121-2 du Code général de la fonction publique, peut-elle être étendue aux parents accompagnateurs de sorties scolaires ?
Considérés comme des usagers du service public, les parents accompagnateurs conservent leur liberté de manifester leurs convictions religieuses, sous réserve de ne pas perturber le service ou l’ordre public. Toutefois, certaines juridictions les qualifient de collaborateurs occasionnels du service public, ce qui pourrait les soumettre au principe de neutralité.
La loi de 2004 interdisant tout signe manifestant ostensiblement une religion n’est applicable qu’aux élèves du système scolaire public, les parents d’élèves ne sont alors pas concernés.
Le Conseil d’État dans une étude de 2013 a estimé que les parents accompagnateurs sont des usagers, ils ne sont donc pas soumis à la neutralité. Le tribunal administratif de Nice, en juin 2015, avait également retenu cette position.
Laquelle est néanmoins fragile, un usager étant le bénéficiaire d’une prestation, le parent accompagnateur en donne plus qu’il n’en reçoit (encadrement des enfants, surveillance). De plus, le statut d’usager protège mal le parent en cas d’accident durant la sortie scolaire. Ainsi, certaines juridictions ont retenu un autre statut, celui de collaborateur occasionnel du service public. C’est-à-dire une personne n’appartenant pas au service public, mais s’y joignant sur demande, ponctuellement.
Ce statut permet de bénéficier du régime favorable de responsabilité sans faute de l’administration en cas d’accident. Le Conseil d’État avait reconnu une responsabilité sans faute de l’État engagée à l’égard d’une accompagnatrice bénévole lors d’une sortie scolaire.
Cependant, en tant que participants au service public, ils ont aussi des obligations. Le tribunal administratif de Montreuil avait jugé qu’un règlement intérieur d’école élémentaire publique imposant aux parents volontaires le port de tenues respectant les principes de laïcité et de neutralité ne portait pas atteinte à la liberté de pensée, de conscience ou de religion. Une circulaire en date du 27 mars 2012 va d’ailleurs dans le sens de ce jugement.
Toute interdiction ciblant uniquement le voile serait discriminatoire. Une telle mesure devrait être justifiée par des motifs clairs, comme la protection de la conscience des enfants, et reposer sur une base légale solide pour éviter une censure constitutionnelle.
À l’université, les étudiants ne sont pas soumis à la neutralité, la loi de 2004 ne les concernant pas. Le Conseil d’État reconnaît leur liberté d’expression religieuse, à condition qu’elle ne trouble pas l’ordre public ni les activités pédagogiques.
Pour concrétiser sa proposition, Bruno Retailleau devra surmonter ces obstacles juridiques et trouver un équilibre entre les principes de laïcité, d’égalité et de liberté religieuse garantis par le droit français et européen.
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Gouvernement Bayrou : Le vote de confiance des députés est-il obligatoire ?
François Bayrou, nommé Premier ministre le 13 décembre dernier, a prononcé mardi 14 janvier son discours de politique générale. Il ne s’est pas soumis au vote de confiance des députés, mais est-ce une obligation constitutionnelle ?
L’article 49, alinéa 1, de la Constitution prévoit que “le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement”, sur son programme à l’issue d’une déclaration de politique générale. Cette déclaration est alors suivie d’un vote dit “de confiance”.
Bien que ce texte soit rédigé au présent, temps de l’impératif en droit, les premiers ministres ont estimé qu’ils n’étaient pas obligés d’engager leur responsabilité.
Depuis Georges Pompidou en 1966 qui avait affirmé que le gouvernement est “entièrement libre de demander ou non le vote de confiance”, plusieurs chefs de gouvernement, notamment en situation de majorité relative (Michel Rocard, Edith Cresson), ont choisi de ne pas solliciter ce vote.
La majorité des constitutionnalistes admet que cette obligation est en réalité souple, d’autant que l’article 49 alinéa 1 de la constitution ne mentionne aucune période précise durant laquelle il devrait le faire. Une minorité de constitutionnalistes retient cependant une interprétation stricte du texte, estimant qu’il ne faut pas confondre le texte et la pratique politique. Ce serait comme si on considérait qu’une limite de vitesse ne s’applique pas, parce que tout le monde l’enfreint.
En cas de non-respect, l’article 49 alinéa 1 ne prévoit aucune sanction. Cependant, les députés peuvent réagir politiquement en déposant une motion de censure selon l’article 49 alinéa 2. La sanction sera alors politique.
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La vignette Crit’Air est-elle illégale ?
Un internaute prétend que la vignette Crit’Air, utilisée pour réguler la circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE), serait illégale car ne reposant sur aucune loi. Or, il existe bien un texte qui prévoit ces restrictions.
La loi « Climat et résilience » de 2021 impose la création de ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. La vignette Crit’Air, quant à elle, a été instaurée par un arrêté de 2016, pris en application de l’article L318-1 du Code de la route, et réglementée par l’article R318-2 du même code. Elle s’appuie également sur l’article L221-1 du Code de l’environnement, qui encadre les objectifs de lutte contre la pollution de l’air.
En pratique, selon la qualité de l’air, les règles relatives aux ZFE et à la vignette Crit’Air vont s’assouplir ou se durcir, suivant un système de classification des véhicules.
Les ZFE et la vignette Crit’Air découlent bien de textes législatifs et doivent être respectées, le non-respect expose à des amendes allant de 68 euros pour les véhicules légers à 135 euros pour les poids lourds.
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Référence : AJU495852
