Explosion rue de Trévise : La Ville de Paris pourrait valider l’accord-cadre le 11 janvier

Publié le 06/01/2022

Selon nos informations, l’accord-cadre autorisant les indemnisations de victimes de l’explosion rue de Trévise (IXe arrondissement) sera finalisé lundi 10 janvier. La maire pourrait le signer le lendemain. Et elle veut que l’argent soit versé sous deux mois. En revanche, elle maintient ses recours dans le volet pénal de la procédure.

Explosion rue de Trévise : La Ville de Paris pourrait valider l’accord-cadre le 11 janvier
Photo : ©AdobeStock/GinaSanders

Passant outre l’obligation de confidentialité que le médiateur a imposée à l’ensemble des signataires de l’accord-cadre, la municipalité parisienne a transmis hier soir à l’AFP la copie du courriel adressé aux représentantes des associations de victimes. Elles l’ont reçu au moment même où se tenait la réunion à huis clos entre toutes les parties, ce mercredi 5 janvier. Ce qui a « stupéfié » les participants, confirme l’un d’eux sans en dire plus.

Cette médiation, ordonnée par la justice, devait être l’ultime après l’échec des négociations du 22 décembre entre les « payeurs » – la Ville, GRDF, le syndic du 6, rue de Trévise (lieu de la déflagration), l’entreprise de BTP Fayolle, les assureurs – et les avocats des quatre familles endeuillées, des 66 blessés et des quelque 400 sinistrés (notre article du 23 décembre ici).

Cependant, le document n’a pas été signé. Il sera complété le 10, soit deux jours avant la 3ecommémoration du sinistre survenu le 12 janvier 2019. La mairie, mise en examen depuis 16 mois*, juge les assureurs responsables du énième report. Ils se seraient opposés, hier, au principe de « préjudices spécifiques » que fixe la nomenclature Dintilhac. Ils prévoient de valoriser un large ensemble de traumatismes (notre article du 14 décembre ici).

L’accord-cadre va « individualiser » les indemnisations

Dans le mail envoyé aux représentantes des associations VRET (Victimes et rescapés de l’explosion de la rue de Trévise), Trévise Ensemble, et à la directrice de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs), le premier adjoint Emmanuel Grégoire confirme la position de l’édile Anne Hidalgo, par ailleurs candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle : « Elle est totalement engagée pour permettre la signature le plus rapidement possible de l’accord-cadre ». Son avocate, Me Sabrina Goldman, a d’ailleurs reçu mandat en ce sens. « La conclusion que la Ville de Paris appelle de ses vœux ne dépend toutefois pas de sa volonté unilatérale », précise M. Grégoire. « Fin décembre, Anne Hidalgo accusait les associations de blocage, ce qu’elles ont démenti, et maintenant ce sont les assureurs ? » s’inquiètent des victimes, ne sachant plus qui croire.

Finalement, les préjudices spécifiques demandés ont été acceptés et seront intégrés dans le document, valable cinq ans et renouvelable. Les barèmes de la nomenclature Dintilhac sont écartés au profit de l’individualisation. La Ville a insisté pour que soit « pris en compte le caractère exceptionnel » de l’explosion, écrit M. Grégoire. Cela induira une majoration des postes de préjudice. Chaque victime recevra « l’indemnisation de l’intégralité des préjudices personnellement subis », ajoute-t-il.

Il est apparemment certain qu’elle interviendra sous deux mois, comme le promet l’adjoint. Soit en mars. La maire aborderait ainsi plus sereinement la dernière ligne droite de la campagne avant le premier tour du scrutin le 10 avril.

Le Premier ministre contrôlera la répartition des montants alloués

Reste qu’il y a « un mais ». Indemnisation, oui, mais pas intégrale, ni pour tous en même temps. Et quid des priorités ? S’il est sûr que des provisions seront versées aux blessés « non consolidés », notamment à Inès et Angela qui enchaînent les opérations de chirurgie réparatrice depuis trois ans, et aux personnes qui n’auront pas accepté le montant proposé, où se situent les sinistrés privés d’appartement ? Il serait inconcevable qu’un dommage matériel soit compensé avant les lourds préjudices corporels. Ce point doit être éclairci.

Les victimes concernées par les transactions définitives attendront jusqu’à une prochaine délibération du Conseil de Paris. Il a voté, le 18 novembre 2021, en faveur de l’abondement, par la municipalité, du fonds à hauteur de 20 millions d’euros. A priori, les trois-quarts de la somme seront réglés à l’échéance que garantit la Ville. Au regard des préjudices, évalués à 200 millions en l’état, le montant apparaît modeste. Mais le distributeur de gaz GRDF, qui n’est pas mis en examen par les juges, a accepté de participer. Les assureurs, l’entreprise Fayolle et le syndic le complèteront en partie.

La mairie sera sans doute obligée d’augmenter sa contribution, si elle y est autorisée par le ministère de l’Économie et des Finances. Du reste, dans le mail communiqué à la presse, M. Grégoire explique que c’est la Direction régionale des finances publiques (DRFP) qui règlera les indemnisations : « Les demandes de paiement sont envoyées et [la DRFP] doit les valider », la collectivité étant « soumise à un certain nombre de contrôles extérieurs pour s’assurer que l’argent des contribuables est correctement dépensé », écrit-il. Et c’est le Premier ministre qui vérifiera la liste des destinataires et les montants octroyés, que lui transmettra un intermédiaire désigné.

Les prochains recours de la Ville examinés le 26 janvier

L’apparente bonne volonté de la mairie, en matière civile, ne se traduit pas aussi clairement dans le volet pénal de la procédure – ce qui est son droit de présumée innocente. Elle a formé appel après que deux demandes de contre-expertise ont été rejetées par les magistrats. A l’audience prévue le 26 janvier, le parquet général près la cour d’appel de Paris entend requérir la confirmation de l’ordonnance de refus, l’estimant « étayée et motivée ». Le ministère public considère que le collège d’experts et les trois sapiteurs ont répondu à chaque question posée.

Au contraire, ainsi que nous le révélions le 5 janvier, la Ville sollicite neuf vérifications supplémentaires : causes de l’infiltration d’eau dans le sol, volume d’eau déversé en sous-sol après la fuite du collecteur au 6, rue de Trévise, distance entre le collecteur et l’affaissement du trottoir, résistance de la canalisation de gaz, examen de son état, présence ou non de courants vagabonds, possibilité de fuite de gaz dans l’immeuble, surcharges sur la chaussée et nouveaux sondages géotechniques.

Si la chambre de l’instruction fait droit à la requête, le procès dans un délai raisonnable, peut-être en 2023, sera inévitablement repoussé. Si l’appel est rejeté et que la Ville forme un pourvoi en Cassation, le calendrier n’en sera que plus chamboulé. D’où l’importance de l’accord-cadre qui libèrera les victimes des contingences matérielles et qui permettra aux blessés graves de se soigner et s’équiper correctement, avant que soient déterminées à titre définitif les responsabilités pénales.

En attendant, Anne Hidalgo recevra, à 17 heures demain, Linda Zaourar et Dominique Paris, respectivement présidentes des associations VRET et Trévise Ensemble. Elle ne les a pas vues depuis un an.

 

*Pour « homicides et blessures involontaires », « destruction, dégradation ou détérioration par l’effet d’une explosion ou d’un incendie »

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