Explosion rue de Trévise : l’instruction judiciaire relancée après l’audition d’égoutiers

Publié le 28/02/2023

La nouvelle juge chargée de l’information judiciaire sur l’explosion survenue le 12 janvier 2019 rue de Trévise à Paris a entendu, pour la première fois, deux égoutiers de la Ville de Paris en présence de l’un des experts désignés en juin 2022. Leur rapport, qui devait être rendu aujourd’hui, ainsi que les récentes auditions, relancent l’instruction.

Explosion rue de Trévise : l’instruction judiciaire relancée après l’audition d’égoutiers
Photo de groupe de plusieurs victimes de l’explosion, lors de la commémoration du drame le 12 janvier dernier (Photo : ©P. Cabaret)

La magistrate qui dirige, depuis l’an dernier, l’enquête sur le drame de la rue de Trévise (IXearrondissement parisien), a revu tous les éléments du dossier. Rappelons que l’explosion, samedi 12 février 2019, a causé la mort de deux pompiers, d’une touriste espagnole, d’une infirmière, et qu’elle a blessé 53 hommes et femmes, dont certains grièvement. Par ailleurs, la tragédie a entraîné de lourds traumatismes psychologiques, directs et indirects, et dévasté des logements ou locaux professionnels.

De la récente décision de la juge, prise à la mi-février, l’on peut déduire que des points restaient à éclaircir. Ses trois prédécesseurs, qui avaient annoncé le 13 décembre 2021 clore les investigations (nos articles des 15 juin 2022 et 13 janvier 2023), s’étaient heurtés, notamment, à la mairie de Paris et au syndic CIPA, gérant l’immeuble 6, rue de Trévise, épicentre de la catastrophe. Mises en examen*, ces personnes morales demandaient que soit réalisée une contre-expertise technique. En mars 2022 (article du 30 mars ici), la cour d’appel accédait à leur requête.

« Des fissures très importantes où il pouvait insérer son bras »

 Les nouveaux experts, Didier Bonijoly, docteur en géologie, spécialiste de géophysique, et Axel Bellivier, docteur en mécanique des fluides et en ingénierie du feu, des incendies et explosions, ont repris l’intégralité de la procédure. Leur rapport, attendu ce mardi 28 février, a été partiellement rendu à la juge en début d’année et les premières conclusions ont soulevé des questions. Elle a ainsi décidé d’entendre des égoutiers de la Ville, il y a quelques jours. Étonnamment, ils n’avaient jamais été sollicités.

Descendu dans les canalisations le 13 janvier 2019, soit le lendemain de la tragédie, l’un d’eux a exposé ses constatations. Il a d’abord révélé que la plaque qui séparait la galerie souterraine (réservée aux services techniques de la voirie) de la partie privée sous l’immeuble au numéro 6 avait disparu – elle a pu être soufflée par l’explosion. Il dit avoir été « surpris par l’étendue des dégâts et par la découverte de fissures très importantes où il pouvait insérer son bras ».

Ce technicien en assainissement a indiqué que, lors des interventions dans le sous-sol, liées le plus souvent à des engorgements, il convient de savoir qui en est responsable : la Ville de Paris ou un particulier. Il a confirmé que, le 25 novembre 2015 – 38 mois avant l’explosion de la canalisation de gaz –, l’un de ses collègues avait estimé que les défauts de ladite canalisation relevaient du domaine privé, que par conséquent le service des égouts de la capitale ne pouvait pas intervenir.

« Un classement rapide » du problème « par sa hiérarchie »

Selon ce témoin auditionné, le rapport de l’intervention fin 2015 « a fait l’objet d’un classement rapide par sa hiérarchie », laquelle a jugé que son département ne pouvait pas remédier à un problème d’ordre privé – qu’il appartenait alors au syndic CIPA de le résoudre. La juge a donc entendu des responsables du Service technique de l’eau et de l’assainissement, qui dépendent de la Direction de la propreté et de l’eau de la mairie de Paris. Lesquels ont souligné, en substance, avoir appris des erreurs du passé. Les « process ont évolué depuis le 12 janvier 2019 », assurent-ils.

Désormais, « en cas d’effondrement », le service de la circonscription doit « intervenir le premier », puis « informer les collègues de la voirie » afin qu’ils « sécurisent les lieux au plus vite, en surface et dans les égouts ». Ils estiment que, rue de Trévise, la présence d’eau dans les radiers provenait sans doute de fuites. S’agissant des travaux de reconstruction consécutifs au sinistre, l’un des directeurs précise qu’a été mis en place un dispositif d’étaiement visant à sécuriser le site et empêcher un éboulement.

Le rapport de la contre-expertise de Messieurs Bonijoly et Bellivier devrait être bientôt remis à toutes les parties – mis en cause et victimes. Et la juge, elle, poursuit son instruction. Sa clôture n’est plus évoquée.

* Elles ont été mises en examen les 8 et 11 septembre 2020 pour homicides et blessures involontaires, destruction, dégradation ou détérioration par l’effet d’explosion ou d’incendie.

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