Les maisons d’arrêt dans le Val-d’Oise : de Pontoise à Bernes-sur-Oise en passant par Osny
Plusieurs prisons ont été construites dans le département du Val-d’Oise, mais toutes ne sont pas encore là pour en témoigner. L’une détruite après l’autre, chaque nouvel établissement avait pour but d’accueillir de plus en plus de prisonniers. La prochaine s’implantera bientôt à Bernes-sur-Oise.
Maison d’arrêt du Val-d’Oise.
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Pour reconstituer l’histoire des prisons du Val-d’Oise, trois fonds d’archives conservés par la Direction des archives départementales du Val-d’Oise aident à y voir plus clair. Parmi ces fonds, on retrouve des dossiers administratifs, des mémoires, des correspondances ou encore des plans. Ces derniers permettent d’avoir des éléments sur l’architecture et l’organisation spatiale des différents établissements qui se sont succédé, en fonction des conceptions de l’enfermement des périodes concernées.
Les premières prisons à Pontoise
1446, la première prison située à Pontoise date de 1446 ! Incroyable. Celle-ci était alors composée de cellules collectives. Les prévenus étaient séparés des condamnés, tout comme les hommes des femmes. Elle était située au nord-ouest de la place du Petit Martroy, près de la cathédrale Saint-Maclou et de l’ancien tribunal civil de Pontoise. Une seule trace de ce passé pénitentiaire existe encore aujourd’hui : un nom de rue, l’« impasse de la prison » par laquelle on accédait à l’établissement.
« Au XIXe siècle, la population avoisine les 60 détenus en moyenne », note Aurélie Chalvet sur le site des archives départementales du Val-d’Oise. Les bâtiments, très anciens, ne sont plus adaptés à la détention. Ils sont détruits et une école a été construite à la place.
Ainsi vers 1880, une autre prison est construite selon les plans de l’architecte départemental de Seine-et-Oise, Albert Petit (1843-1922). Né à Versailles, il y a été architecte de la Ville, des Hospices et des lycées en 1871. Il fut également architecte départemental de Seine-et-Oise en 1877 et est notamment à l’origine du palais de justice de Mantes-la-Jolie, construit en 1906.
Pour celle-ci, Albert Petit conçoit 76 cellules pour les hommes et 15 pour les femmes. L’isolement des détenus se fait alors en cellule individuelle, selon les modèles qui s’imposent à cette époque. La surveillance, elle, doit être facilitée grâce à une tour centrale. Entre les anciennes rue Saint Louis et Petite rue Saint Louis, cette deuxième prison était en plein cœur du centre-ville.
Les détenus y sont séparés en trois zones – prévenus, condamnés et femmes – et les premiers prisonniers arrivent en 1882. « Les détenus peuvent travailler dans un atelier ou dans leur cellule en échange d’un salaire. La prison, qui comprend 76 cellules pour les hommes et 15 pour les femmes est très rapidement saturée ; les cellules individuelles accueillent à la fin des années 1980 jusqu’à 6 détenus », poursuit Aurélie Chalvet.
La maison d’arrêt du Val-d’Oise
Le programme national « 13 000 » permet la construction d’une nouvelle maison d’arrêt : la maison d’arrêt du Val-d’Oise (M.A.V.O.) à Osny. L’ancienne prison de Pontoise, jugée vétuste, est finalement démolie. À la place fut érigé l’actuel tribunal judiciaire. La maison d’arrêt du Val-d’Oise quitte la ville pour trouver sa place le long de la départementale 927.
Les détenus sont transférés dès son ouverture, en 1990. Un quartier est réservé aux femmes de 1990 à 1997, puis est dédié aux mineurs jusqu’en 2008. Après cette date, l’établissement n’accueille plus que des hommes majeurs.
« La gestion administrative de l’établissement est alors mixte. Ainsi le greffe, les ressources humaines, la surveillance, l’économat et les services d’insertion et de probation sont publics, mais c’est une entreprise privée qui s’occupe du travail des détenus, de la restauration, des cantines des détenus, de la maintenance et du nettoyage », précise Aurélie Kouakou-Ekra du service des archives contemporaines sur le site des Archives départementales du Val-d’Oise.
Pouvant accueillir 580 détenus, elle dépasse les 800 en 2015. Selon l’Observatoire international des prisons, le nombre de personnes hébergées au 1er janvier 2022 était de 772, soit une densité carcérale de 133,3 %.
Prochain arrêt : Bernes-sur-Oise ?
Après Pontoise et Osny, c’est au tour de la commune de Bernes-sur-Oise d’accueillir le projet d’une nouvelle maison d’arrêt de 700 places, dont 600 places réservées à des détenus en détention provisoire ou condamnés à de courtes peines, pour un coût de 120 millions d’euros. À l’origine prévue pour être à Belloy-en-France, les habitants se sont fortement opposés à cette annonce. « Cette annonce surprise avait provoqué une levée de boucliers parmi les 2 200 habitants de cette commune du parc naturel régional Oise-Pays de France, qui estiment leur environnement rural complètement inapproprié à l’implantation d’un centre pénitentiaire », rapporte la rédaction de France 3 Paris Île-de-France.
« Nous implanterons à Bernes-sur-Oise une maison d’arrêt, ce qui permettra de créer 750 emplois et d’accueillir de nouvelles familles », avait alors déclaré le Premier ministre, Jean Castex, lors d’un discours de présentation de son « plan Val-d’Oise », à Gonesse, en mai 2021. Cette nouvelle prison s’inscrit dans le plan « 15 000 » visant à créer 15 000 places supplémentaires en prison d’ici 2027.
Là encore, ce revirement n’a pas plu aux locaux. La Gazette du Val d’Oise rapportait ainsi que le maire (SE) Olivier Anty n’était « pas franchement ravi » et estimait « n’avoir aucun recours juridique contre ce projet » ! « La commune ne serait pas en mesure de s’opposer à la construction, le préfet disposant de l’autorité nécessaire pour le valider. Le terrain appartenant déjà à l’État aucune expropriation n’est à effectuer et très peu de terres agricoles seraient impactées sur les 17 hectares de la parcelle, donc écologiquement viable. Le projet est situé à 2,5 kilomètres du centre de Bernes-sur-Oise. Je déplore l’absence de concertation préalable entre les décideurs et les élus communaux et intercommunaux, sur ce projet construit de façon unilatérale et en avançant masqué jusqu’au bout », avait-il écrit dans un communiqué distribué aux Bernois.
En novembre de la même année, une réunion d’explication était organisée par l’administration pénitentiaire. Le journaliste Romain Dameron, de la Gazette du Val d’Oise, évoque alors un moment d’« incompréhension » dans son article :« Projet de prison à Bernes-sur-Oise : une première réunion sous tension ».
Dans la salle, 80 habitants de Bernes et des communes oisiennes alentour (Morangles, Mesnil-en-Thelle) attendaient de pied ferme les neuf représentants de l’administration pénitentiaire et de l’État, juchés sur leur estrade. Au milieu d’une ambiance un brin tendue, quelques élus locaux ont tenté de faire le tampon et de lever les malentendus… sans grand succès.
« Nous avons besoin de places de prison en Île-de-France où la surpopulation carcérale est importante », a expliqué Pierre Azzopardi, chef de service de l’administration pénitentiaire aux 80 habitants de Bernes-sur-Oise et des communes voisines. Anne Voltzel-Lévêque, directrice opérationnelle de l’APIJ (Agence publique pour l’immobilier de la justice) a, quant à elle, avancé des arguments environnementaux et économiques : « Ce projet bénéficiera d’une insertion paysagère. 535 emplois seront créés dont 395 directement dans l’établissement. Pour le territoire, il y aura l’arrivée des familles du personnel pénitentiaire et la population pénale est prise en compte dans le calcul de la Dgf (la dotation globale de fonctionnement) de la commune ».
Dans la salle, détaille Romain Dameron, les réactions sont vives : « L’État nous a trahis. Il n’y a eu aucune concertation. Vous nous imposez un projet dont on ne veut pas », s’était emporté un Bernois.
Pour cette nouvelle maison d’arrêt, le ministère de la Justice avait comme objectif de trouver un lieu situé à moins de trente minutes de route du tribunal de Pontoise. La phase de concertation doit se poursuivre cette année 2022. L’établissement devrait voir le jour en 2026 ou 2027.
Référence : AJU004f0
