TJ de Créteil : « Je ne comprends pas ce que fait Monsieur K. dans ce box » !

Publié le 22/01/2024
TJ de Créteil : « Je ne comprends pas ce que fait Monsieur K. dans ce box » !
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Mme A. assure que Monsieur K. l’a fait tomber par terre et l’a étranglée en pleine rue. Lui nie de telles violences et son avocate plaide la relaxe. Mais avec 15 mentions au casier dont deux pour des faits de violences conjugales, le parquet requiert une sanction lourde de huit mois de prison avec incarcération immédiate.

Après quelques minutes d’absence, l’escorte de police revient bredouille : « Je ne le trouve pas ! », dit-il en parlant du prochain prévenu à comparaître devant la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil. L’avocate de la défense explique qu’il faut demander un autre nom, tandis que le juge commente : « Il devrait être connu pourtant. » Monsieur K. arrive enfin dans le box, tandis qu’une partie du public se déplace pour s’installer au premier rang.

Monsieur K. est présenté en comparution immédiate pour violence sur conjointe en récidive, ce qu’il conteste. Pour commencer, le juge pose quelques questions au prévenu : « Vous êtes en couple avec cette jeune femme ? Vous avez déjà été condamné pour des faits de violences contre elle ? Vous avez l’interdiction d’entrer en contact avec elle ? » À chaque fois, il hoche la tête en signe d’approbation.

Lors de sa garde-à-vue, le prévenu a expliqué aux agents que Mme A., sa compagne, l’avait appelé, parce qu’elle avait besoin d’une pince à épiler. Lui, sa sœur et Mme A. sont allés ensemble au centre commercial en voiture. Sur le trajet, cette dernière lui aurait « pris la tête pour des futilités ». Il aurait arrêté le véhicule pour prendre l’air et se calmer. Mme A. est à son tour sortie de la voiture. Selon sa version à lui, il aurait demandé à Mme A. de remonter à bord et de prendre le volant pour ne pas gêner la circulation, en lui prenant le bras mais sans violence. Elle affirme, quant à elle, qu’il l’aurait fait tomber et l’aurait étranglée.

« — Pourquoi prenez-vous le risque de l’aider, alors que vous avez une interdiction d’entrer en contact avec elle ?, demande le juge.

— Elle était en bas de chez nous ! lance depuis le public une jeune femme vêtue d’un pantalon en pilou-pilou à l’effigie de Winnie l’Ourson.

— Vous vous taisez ou je vous exclus de la salle, rétorque le juge à la sœur du prévenu. Il repose sa question à Monsieur K.

— Par pitié. »

Le président du tribunal passe à la lecture du certificat de l’unité médico-judiciaire qui a délivré deux jours d’ITT (interruption totale de travail) à Mme A. mais ne relève que des douleurs à la palpation au niveau du cou, pas de lésions. « Elle n’est pas tombée ? demande le juge sans attendre de réponse. On ne trouve pas de traces. »

À l’occasion d’une question posée par une juge assesseure, la procureure se lève pour démentir une fausse information pourtant répétée depuis le début de l’audience : « Monsieur n’a pas d’interdiction de contact avec Madame, mais avec le fils de Madame. » On comprend même que Mme A. a déjà été condamnée pour des menaces envers le prévenu et que c’est en fait elle qui n’a pas le droit d’entrer en contact avec lui. Le matin des faits, elle a pourtant contacté Monsieur K. trente fois en l’espace de deux minutes…

L’évocation de la personnalité du prévenu se fait brièvement, Monsieur K. et sa famille étant bien connue du tribunal : sa mère est en prison et purge une peine criminelle, tandis que son père fait des allers-retours entre le monde libre et la détention depuis des années. Le prévenu a 15 mentions au casier, dont deux pour des faits de violences sur cette même Mme A., et il était déjà en garde-à-vue quelques jours avant l’audience.

— « Qui assure le rôle à la maison ? demande le juge.

— Moi.

— C’est pour ça que toute la famille est là », déduit le président de séance en regardant le public.

La ronde des monologues commence par l’avocate de Mme A. qui justifie l’absence de sa cliente : purgeant actuellement une peine, elle doit être de retour au centre de semi-liberté à 19 heures. La conseille parle d’une relation « houleuse, toxique, peu importe comment on l’appelle, il faut qu’elle cesse » et demande au nom de sa cliente 600 euros au titre du préjudice moral.

Au tour de la procureure, qui insiste sur la récidive et une prise de conscience « assez limitée de Monsieur lors de l’audience », requérant une « sanction lourde » de huit mois de prison ferme avec mandat de dépôt et une interdiction de contact ou de se présenter au domicile de Mme A. pour une durée de trois ans.

« Je ne comprends pas ce que fait Monsieur K. dans ce box ! », dénonce son avocate qui plaide la relaxe et parle d’un « dossier qui repose sur du vide ». « Il serait dommage de sanctionner Monsieur pour avoir simplement tiré Madame par le bras, alors qu’il doit assurer pour sa fratrie », termine Me Lydia Tansaout.

Le tribunal reconnaît Monsieur K. coupable mais le condamne bien en-deçà des réquisitions : il écope d’une interdiction de contact avec Mme A. et d’un stage de sensibilisation aux violences conjugales à effectuer sous six mois. La constitution de parties civiles est reçue et Monsieur K. devra verser 50 euros à la victime. « On essaie de ne plus se revoir », lance le juge en guise d’au revoir.

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