TJ d’Évry : « Quand il ne consomme pas, c’est un très bon mari et un très bon papa » !

Publié le 10/10/2023
TJ d’Évry : « Quand il ne consomme pas, c’est un très bon mari et un très bon papa » !
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Pour violences, menaces de mort et consommation de stupéfiants, un père de famille est présenté au tribunal d’Évry-Courcouronnes en comparution immédiate. Son épouse a exprimé avec force à la barre sa volonté de protéger ses enfants.

Tandis que Nadir* est conduit dans le box des accusés de la 10e chambre correctionnelle du tribunal d’Évry, le juge invite Nora* à s’asseoir sur le banc à proximité de son conseil. Assise dans la salle, une adolescente la soutient du regard. Les faits sont tout récents : ils datent de la veille. Le 4 septembre, aux alentours de minuit, des policiers sont appelés au domicile de Nadir et de son épouse à Athis-Mons pour un différend. Elle est à la fenêtre, lui a essayé d’entrer dans la chambre. À l’intérieur, il y a des débris, des traces de lutte. Nadir est très alcoolisé et on retrouve sur lui un gramme de cocaïne.

Selon les enfants du couple qui ont été entendus par les policiers, leur père veut rentrer dans la maison pour les voir mais leur mère l’en empêche. Une dispute éclate, il hurle « Ouvre la porte ou je te tue ». Il finit par casser la porte et crie aux enfants « Descendez ou je brûle la maison. »

« C’est des mots qu’on dit, c’est tout. C’est sorti avec les nerfs »

Le prévenu affirme qu’il était enfermé dehors mais reconnaît les menaces de mort et la consommation de stupéfiants. « Je ne pensais pas que ça arriverait jusqu’ici », fait-il penaud. Il semble dépassé, abasourdi que les événements aient pris une telle tournure au point de ne pas bien comprendre ce qu’il fait là. « C’était une dispute normale, y’avait pas de vraies menaces. » Les mots sont sortis « comme ça ».

– « Vous comprenez bien que quand on vous entend dire « je te tue »… », avance le juge.

– « Je pensais pas que j’allais la tuer. »

– « Vous dites qu’elle vous menace aussi ? »

– « C’est des mots qu’on dit, c’est tout. C’est sorti avec les nerfs. »

– « Mais ces mots-là sont-ils adaptés ? Vous trouvez ça bien de dire ce genre de choses ? »

Nadir tente de se justifier : le stress, le retour de vacances, ses problèmes d’argent, tous ces paramètres ont engendré sa réaction extrême. Il tempère ses actes, certes il a donné un coup de pied dans la porte cassant un carreau, mais il a fini par passer par la porte de derrière. A-t-il poussé son épouse ? Il ne se souvient pas vraiment.

Nadir est marié depuis 2008, ce qu’il confirme d’un regard à sa femme qui se trouve en face de lui. Ils ont quatre enfants. Il travaille dans le bâtiment. Il dit vouloir arranger les choses, maintient qu’il n’est pas un homme violent. L’échange se poursuit sur sa consommation d’alcool.

– « Vos enfants disent que vous descendez à la cave pour boire. »

– « Ça arrive pas souvent », tempère Nadir, « quand y’a des problèmes. »

– « Et en ce qui concerne votre consommation de cocaïne ? »

– « C’est rare, tous les deux, trois mois. »

– « Et pourquoi c’est arrivé ce soir-là ? »

– « Y’avait quelqu’un qui en vendait. »

Dans son casier judiciaire, Nadir a déjà une mention pour usage de produits stupéfiants en 2019. « J’ai diminué, j’ai presque arrêté. » Pas assez convaincant pour le juge : « Il va falloir penser à autre chose que consommer des produits stupéfiants. »

« Nous sommes face à un dossier de violences conjugales assez classique »

Appelée à la barre, Nora refuse de se porter partie civile. Elle tient à ne dire qu’une chose : « Quand il ne consomme pas, c’est un très bon mari et un très bon papa. Il a ses torts, il a été loin mais il n’est pas comme ça. J’ai eu peur, il n’avait jamais rien fait, c’est la première fois. C’était une autre personne. Je veux être honnête, j’ai voulu protéger les enfants, mes enfants passeront toujours avant tout le monde. Je veux qu’il se soigne. »

Sait-elle depuis quand il consomme, s’enquit la procureure. Nora n’en a aucune idée, elle sait juste que cela arrive avec ses frères, ses copains. Le constat de la procureure est direct : « Nous sommes face à un dossier de violences conjugales assez classique. On a le récit très précis d’une victime qui a eu peur, le traumatisme des enfants. Ce sont les faits d’une nuit, mais avec un contexte qui transpire la violence. » Elle rappelle que l’une des enfants du couple a rapporté certaines paroles prononcées par son père : « Je vais te faire pleurer du sang », « Je vais t’égorger ». La procureure estime qu’il n’y a pas que de la violence dans ce couple, mais qu’il faut y mettre un coup d’arrêt. « Il parle d’une dispute normale, il minimise sa consommation et la gravité de son comportement. Il n’est pas capable d’élaborer des raisons à celui-ci. » Elle demande un an d’emprisonnement avec un sursis probatoire de deux ans et une obligation de soins avec interdiction de contact avec son épouse et ses enfants, ainsi que de paraître au domicile.

« En 17 ans de mariage, il n’y a pas eu de problèmes de violences », tient à rappeler l’avocate de la défense. « On ne peut pas réduire leur relation à ces quelques heures. Monsieur ne conteste pas. C’est pas un mauvais papa, quand il ne consomme pas, c’est un papa comme les autres. » Elle blâme la perte de revenus, la pression du travail. « Ça ne justifie pas les menaces de mort, mais c’est sa première fois devant un tribunal. Il a pris conscience de la gravité des faits, il saura saisir sa chance. »

Le juge déclare Nadir coupable et le condamne à une peine de six mois d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire de deux ans. Il aura une obligation de soins en addiction et sur le plan psychologique, ainsi que l’interdiction de paraître et de résider au domicile. « Et pour voir mes enfants ? », s’inquiète-t-il. « Vous avez droit de rentrer en contact avec Madame, vous n’avez juste pas le droit de résider au domicile », lui répond le juge.

* Les prénoms ont été changés.

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