Tribunal de Meaux : Après cinq renvois de son procès, le cambrioleur de policier enfin jugé

Publié le 17/10/2024 à 9h00

Marcos, un Chilien de 25 ans, a reconnu le vol par effraction au domicile d’un policier à Mauregard (Seine-et-Marne) le 4 décembre 2021. Avec un complice, il lui a notamment volé son arme de service, des chargeurs et munitions. Depuis son identification en juin 2022, il n’a cessé de vouloir être jugé. Mais la malchance a obligé le tribunal de Meaux à reporter le dossier à cinq reprises !    

Tribunal de Meaux : Après cinq renvois de son procès, le cambrioleur de policier enfin jugé
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

 Cela pourrait relever d’un gag s’il ne s’agissait d’une affaire grave et qu’un homme incarcéré n’attendait pas de connaître le sort que lui réservent les magistrats de la chambre correctionnelle de Meaux. Ce mardi 8 octobre à 13 h 30, l’escorte pénitentiaire de Marcos a enfin accepté de le transférer du centre pénitentiaire d’Orléans-Saran (Loiret) au tribunal seine-et-marnais où il a souhaité comparaître « en présentiel ». Il refusait la visioconférence qui, à ses yeux, dénature les échanges.

Originaire d’Amérique latine, Marcos n’a qu’un rêve : « Retourner au Chili retrouver sa petite fille, qui ne va pas bien », a indiqué son avocat, le vice-bâtonnier Jean-Christophe Ramadier qui, une fois n’est pas coutume, avait pour contradicteur son bâtonnier Me Florence Fredj-Catel, représentant le fonctionnaire, partie civile.

Ce 8 octobre, donc, Marcos arrive menotté dans le box. Après cinq renvois, il imagine les obstacles levés. Pourtant, une surprise l’attend : à l’ouverture de l’audience, l’interprète sollicitée justifie d’un empêchement de dernière minute. De mêmes défaillances avaient déjà annulé les débats (voir notre article du 21 juin ici).

Une dizaine de traducteurs indisponibles !

 Avant d’en venir aux faits reprochés – vol par effraction aggravé –, il faut s’attarder sur les « couacs » qui ont provoqué les reports. Deux premières comparutions ont été annulées en raison d’indisponibilité des personnels en charge des extractions. Lors de la troisième, le 21 mars 2024, l’interprète est absent. Or, s’il comprend un peu le français, le prévenu ne s’exprime qu’en espagnol. La quatrième date est fixée au 18 juin. Marcos, tenue de sport et visiblement fatigué, apparaît sur l’écran de la 3e chambre. L’escorte d’Orléans-Saran a refusé de le conduire jusqu’à la juridiction meldoise en réaction à l’évasion sanglante, mardi 14 mai à Incarville (Eure), du criminel Mohamed Amra ; ses complices ont tué les surveillants Fabrice Moello et Arnaud Garcia (Amra est toujours recherché). Des procès se tiennent dès lors à distance, voire sont annulés. En sus, Me Ramadier doit lui annoncer que le traducteur est introuvable. Gros soupir du Chilien. Le président Stéphane Léger le fait attendre 30 minutes. Il a échoué dans sa recherche d’un auxiliaire de justice qui maîtrise l’espagnol.

De toute façon, Marcos n’en démord pas, il veut venir à Meaux ! Le procès est renvoyé au 8 octobre.

Ce mardi-là, comme précisé supra, l’interprète est empêchée. Cette fois, le procureur Alexandre Boulin se met en quête d’un expert : une dizaine de coups de fil plus tard, il réapparaît désemparé. Va-t-il falloir renvoyer le cambrioleur à Orléans où, par ailleurs, il purge quatre ans ferme pour des vols aggravés ?

La professeure d’un lycée voisin se porte volontaire

 Le ministère de la Justice, réputé depuis des années pour régler ses experts avec retard, est sans conteste responsable des défections (nos articles des 1er décembre 2021 et 7 janvier 2022). Ce problème récurrent a encore été soulevé à l’Assemblée nationale, le 8 octobre 2024, par le député Aurélien Saintoul (LFI) : « Les paiements arrivent avec plusieurs mois de retard, les montants dus atteignant des dizaines de milliers d’euros. » Les interprètes doivent contracter un emprunt pour payer leurs charges.

Heureusement, dans la salle d’audience, une classe de lycéens assiste au procès. Leur professeur appelle une collègue qui enseigne l’espagnol ; elle accepte la mission et prête serment.

Ainsi qu’il l’a toujours reconnu depuis que les gendarmes de Meaux l’ont confondu, grâce à un signalement de la police néerlandaise, Marcos admet sans barguigner le délit. Oui, il s’est introduit avec un complice (reparti au Chili) le 4 décembre 2021, vers 19 h 45, chez le policier en déplacement dans la Somme. Oui, ils se sont emparés du coffre-fort familial pesant 60 kilos, contenant l’arme de service, un SIG-Sauer SP 2022, des chargeurs graillés de 30 cartouches, un brassard, la carte de police, des bijoux, des téléphones et 1 312 euros. Et, oui, ils ont oublié leur sac à dos qui a permis le relevé d’empreintes et d’ADN.

Le pistolet semi-automatique jeté dans une poubelle d’hôtel

 Le 14 juin 2022, le parquet délivre un mandat d’arrêt contre Marcos qui est « logé » en détention à Fleury-Mérogis. La professeur assermentée traduit. Oui, il reconnaît le cambriolage au pied de biche (abandonné aux abords du pavillon), regrette ses « mauvais choix de vie [qu’il] paie maintenant », ne peut pas dire où est le SIG-Sauer de fonction car, après l’avoir jeté dans un poubelle à l’hôtel où ils logeaient, une femme de ménage a mis le tout à la benne.

L’homme, dont le casier judiciaire était vierge avant sa condamnation par le tribunal correctionnel de Créteil (Val-de-Marne) pour plusieurs larcins en région parisienne, s’était désisté de son appel.

Me Fredj-Catel, qui a fait part du traumatisme de son client, en particulier à cause du vol de son arme, a sollicité 5 000 euros pour son préjudice.

Le procureur Boulin a requis six mois de prison avec sursis, compte tenu de la sanction précédemment infligée. Satisfait de la peine sollicitée, Jean-Christophe Ramadier a plaidé « le retour au pays souhaité » par son client « une fois qu’il aura soldé ses comptes avec la justice ».

Le tribunal a suivi les réquisitions, ajoutant toutefois une interdiction du territoire français pendant dix ans.

Marcos s’en est allé avec l’escorte et ce jeudi 17 octobre, il demandera un aménagement de sa libération conditionnelle. S’il lui est accordé, il pourra envisager son envol prochain vers Santiago.

Tribunal de Meaux : Après cinq renvois de son procès, le cambrioleur de policier enfin jugé
Me Jean-Christophe Ramadier au tribunal judiciaire de Meaux le 27 août 2021 (Photo : ©I. Horlans)
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