Tribunal de Meaux : Suspecté de pédophilie, il avoue sa « honte d’avoir craqué »
Le tout jeune homme, qui tortille ses mains jusqu’à les rougir, est rongé par les remords. Au tribunal de Meaux (Seine-et-Marne), il sollicite un délai pour préparer sa défense, tant les faits sont graves. Il admet avoir téléchargé, détenu et diffusé des vidéos de petites filles violées.
Kevin, 24 ans, n’a jamais été confronté à la justice. Il est figé dans son box. Il assume et demande déjà pardon, même si les délits reprochés ne seront examinés que le 6 novembre par la chambre des comparutions immédiates que préside la juge Isabelle Verissimo. Ce 11 octobre, puisqu’il a souhaité disposer de temps avec son avocat Me Jean-Christophe Ramadier, le vice-bâtonnier de Meaux, il faut juste statuer sur son sort d’ici à son procès au fond : soit l’incarcération pour éviter la réitération ; soit la remise en liberté sous contrôle strict. « Je voudrais une surveillance judiciaire dit-il, mais ne surtout pas aller en prison, les détenus me casseront la gueule, ils vont me tuer. » Il a déjà été malmené. À ses coprévenus, le naïf Kevin a raconté les motifs de son arrestation…
Car, sans lui faire offense, il est si immature et perturbé que l’on croit avoir affaire à un enfant. Son passé familial l’a brisé, il semble avoir retardé sa puberté au point de découvrir, adulte, sa maturité sexuelle, par là même ses déviances. Un psychiatre doit éclairer les magistrats sur ses troubles, que l’on devine.
« J’ai eu si peur quand ma grand-mère a été convoquée par la police »
Kévin est poursuivi pour « la détention et la diffusion d’images à caractère pédopornographique, la captation de photos de mineures suivies dans la rue » et la publication de montages douteux prêtant des propos et postures à deux chanteuses alors âgées de moins de 18 ans. Les chefs de prévention courent du 1er janvier 2020 au 8 octobre 2023, date de saisie de ses appareils électroniques chez sa grand-mère. Dans le deux-pièces partagé avec son aïeule et sa mère gravement malade, le prévenu vit « depuis cinq ans dans un petit coin du salon, dévoile-t-il. Mais il y a pire », sous-entendu comme situation. Il a un vocabulaire choisi, l’air d’un communiant dans son polo marine, le visage poupin, un comportement respectueux.
La présidente : « – Les images téléchargées sont insoutenables ! Ces petites filles sont réellement violées et vous avez du plaisir à les regarder… Vous saviez que c’était illégal ?
– Oui… J’ai craqué… J’ai honte.
– Vous suiviez, photographiez des enfants sur la voie publique. Comment nous assurer que vous ne recommencerez pas ?
– Je veux arrêter ce genre de contenus (sic). Je veux de l’aide. J’ai eu si peur quand ma grand-mère a été convoquée par la police… »
La malheureuse vieille dame étant titulaire de l’abonnement internet, c’est elle que les cybergendarmes ont repérée et signalée au parquet de Meaux. Elle est tombée de l’armoire : bien que vivant et dormant avec ce petit-fils aimé dans l’exigu salon, elle n’avait rien remarqué.
« Des carences d’une infinie tristesse »
Le primo-délinquant convient qu’il a « une attirance pédophile ». Sa garde à vue lui « a fait prendre conscience » que cela ne tourne pas rond dans sa tête. En début d’audience, Me Ramadier a exprimé le souhait qu’on aille y faire le ménage : « Au vu de la première expertise indigente rendue, il est souhaitable de désigner un psychiatre qui dira si son parcours chaotique peut aider à comprendre. » Surtout qu’il encourt sept ans de prison.
Le procureur Éric de Valroger est d’accord : « L’expertise est indispensable en raison de son passé. » Un père ultra-violent, une mère alcoolique, placé de l’âge de 3 à 9 ans en foyer, puis de nouveau entre ses 16 et 18 ans, sauvé par sa mamie. « La seule problématique est le risque de récidive, poursuit M. de Valroger. Mais ses regrets semblent sincères. Aussi, je requiers son placement sous contrôle judiciaire, un pointage au commissariat deux fois par semaine, des soins, une interdiction de contact et d’activités avec des mineurs, l’obligation de travailler ou de suivre une formation », d’ici au 6 novembre pour démontrer qu’il s’est ressaisi. Car Kevin reconnaît « [qu’il s’est] un peu reposé sur [sa] chaise » : jamais d’emploi, juste une existence virtuelle.
Son défenseur apprécie la main tendue par le parquet : « Il faut poser des mots sur ses déviances, essayer de le connaître un peu mieux, d’expliquer ses carences d’une infinie tristesse, sa personnalité complexe. Les faits sont reconnus, c’est un début d’amendement. La prison n’est pas l’endroit où il pourra réfléchir, ce sera le lieu des insultes, des violences. » Me Ramadier sait le sort réservé aux « pointeurs », et Kevin leur sera assimilé même s’il n’est pas un violeur.
Le prévenu a la parole en dernier : « Les chanteuses sont là ? Non ? Parce que je voulais m’excuser auprès d’elles… »
Le tribunal suit les réquisitions. La présidente Verissimo le prévient : « Pas question de traîner devant des écoles, c’est compris ? » Kevin opine. Il est toutefois inquiet de ne pas trouver de boulot en trois semaines. « À 24 ans, il faut vous prendre en charge, au moins justifier de vos recherches ! »
« D’accord », répond celui à qui la justice accorde un salut provisoire.
Référence : AJU394938