Tribunal de Pontoise : « Il se prend pour un pompier, mais le psychiatre dit qu’on peut le juger »

Publié le 18/10/2022

Moussa, 27 ans, comparait devant le tribunal de Pontoise pour recel, usurpation du nom d’un tiers, détention et usage de faux document administratif. Très agité, il perturbe les débats au point que la présidente le fait évacuer. Une nouvelle illustration de la difficulté de juger les personnes atteintes de troubles psychiatriques.

Tribunal de Pontoise : « Il se prend pour un pompier, mais le psychiatre dit qu’on peut le juger »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

L’audience de comparution immédiate de Pontoise aurait dû débuter à 13h30 ce lundi 11 octobre, mais il est 14h et seul un léger brouhaha dû à la présence d’une classe de lycéens anime la salle d’audience. Les robes noires devisent mollement sur leur banc, la présidente fait des allers-retours entre son bureau et la salle, avant de se décider, enfin, à sonner l’entrée du tribunal. Au même moment, un homme surgit précipitamment dans le box et manque de se cogner contre la vitre.

L’homme dans le box s’appelle Moussa C., il a 27 ans, et il est agité. Son regard erre du sol au plafond tandis que la présidente procède au résumé des faits. A l’évidence, cela ne l’intéresse pas.

S’il comparait aujourd’hui, c’est qu’il a été contrôlé au volant d’une voiture garée dans un parking, avec des cartes grises douteuses et la clef d’un autre véhicule. Quant au permis qu’il présente, il est établi au nom de Mustapha S. Les policiers décident de l’embarquer.

En garde à vue, il explique que les cartes grises lui ont été données par des footballeurs, qu’il ne peut expliquer comment il est entré en possession de la clef de la BMW qu’on a trouvée sur lui, et que ce permis est bien le sien. « Un permis sénégalais », dit-il et répète-t-il à l’audience, « c’est un vrai ! » La présidente est d’accord, mais ce n’est pas le sien. Mustapha S. est un Sénégalais né à Dakar en 1989, tandis que Moussa C. est un Français né à Sarcelles en 1995.

« Je vais vous attaquer aux prud’hommes ! »

Le prévenu explique alors qu’il s’appelle également Mustapha S., jouant sur la proximité phonique des deux noms. Mais ni sa sœur, ni ses autres proches interrogés n’ont connaissance de ce nom. En revanche, ils ont pu confirmer que Moussa est suivi à Gonesse, pour des problèmes psychiatriques qui n’ont pas échappé au tribunal.

La présidente précise que la garde à vue de Moussa s’est mal déroulée. Il seraut devenu insultant en fin d’audition. Par ailleurs, lors de la visite de rigueur à l’hôpital, il s’est montré « particulièrement désagréable avec le personnel féminin », poussant des grognements et produisant avec sa bouche des sons obscènes.

Moussa, qui n’écoute pas vraiment, lance depuis le box : « J’ai plus de médicaments !

— Vous êtes peut-être en rupture de traitement, et c’est bien ça le problème », fait remarquer la présidente.

 Tandis qu’elle parle, Moussa s’affaisse sur son banc, jusqu’à être pratiquement allongé, tout en parlant fort de sujets sans rapport avec le procès. A la demande de la présidente, il se lève mais se lance dans une diatribe  sur ses conditions de détention et d’autres sujets non identifiables. Alors que la présidente du tribunal rend compte de ses antécédents judiciaires, nombreux, il hausse le ton. Elle lui demande une fois, deux fois d’arrêter de l’interrompre, mais Moussa n’entend plus. Malgré le vacarme, elle  parvient à rapporter ce qu’elle a lu dans les notes d’audiences du dernier tribunal ayant jugé (et condamné) Moussa : ce dernier souffre d’une schizophrénie paranoïde, mais son discernement n’étant pas altéré, il est possible de le juger. Moussa est devenu immaitrisable,  la présidente le fait expulser. Il menace : « Je vais vous attaquer aux prud’hommes ! »

« Il se prend pour un pompier de Paris, mais le psychiatre dit qu’on peut le juger. »

Dans le silence enfin revenu, la présidente conclut : « Il se prend pour un pompier de Paris, mais le psychiatre dit qu’on peut le juger. »

Le procureur le pense également. Il aurait bien aimé des poursuites pour vol, mais il se contentera du recel. Il réclame cependant sa relaxe pour l’usage de faux (le permis), qui empièterait sur l’infraction de prise du nom d’un tiers, plus sévèrement réprimée, puisqu’il s’agit d’une infraction faisant l’objet d’une peine distincte. Le juge d’application des peines est favorable à la révocation d’un sursis de 8 mois. « Vous avez affaire à un multirécidiviste, et concernant sa personnalité, moi, je retiens qu’il est connu de nombreuses juridictions. » Il demande 6 mois de prison, deux mois pour la prise du nom d’un tiers et la révocation des 8 mois de sursis.

L’avocat en défense rappelle que son client est diagnostiqué schizophrène et insiste sur l’importance qu’une obligation de soins lui soit imposée, pour s’assurer que son client schizophrène prenne un traitement, soit stable et donc, peut-être, ne commette plus de délits. Il plaide sans conviction un aménagement de peine, précisant que son client « aimerait bien un bracelet électronique. »

C’est hors la présence du prévenu mais sous le regard attentif des lycéens que le tribunal relaxe Moussa pour l’usage de faux, mais le condamne pour le reste à la peine requise, soit un total de 16 mois d’emprisonnement.